Les Envahisseurs de la Planète Rouge

Les Envahisseurs de la Planète Rouge
L'affiche du film
Titre original :
Invaders from Mars
Production :
20th Century Fox
Date de sortie USA :
Le 22 avril 1953
Genre :
Science-fiction
Réalisation :
William Cameron Menzies
Musique :
Raoul Kraushaar
Durée :
85 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

David MacLean, un jeune garçon passionné d'astronomie est le témoin, un soir, d'un phénomène étrange : un OVNI vient en effet d'atterrir derrière sa maison. Et depuis, tous les adultes agissent bizarrement...

La critique

Publiée le 26 octobre 2020

Les Envahisseurs de la Planète Rouge est un film de science-fiction sorti en 1953 et réalisé par William Cameron Menzies. À la simple évocation de son titre, chaque spectateur sait en réalité à quoi s’attendre. Si celui des années 50 imaginait frissonner devant un nouveau film de genre, à une époque où la science-fiction n’en était qu’à ses balbutiements, le contemporain peut, lui, s’attendre à retrouver un spectacle certes kitsch à souhait mais aisément qualifiable de « classique ».

Le réalisateur William Cameron Menzies n’est pas nouveau dans le métier. Né à New Haven dans le Connecticut en 1896, il sert dans l’armée américaine durant la Première Guerre mondiale avant d’intégrer l’école des beaux-arts de New York. C’est là qu’il va commencer sa carrière dès 1918 et se spécialiser dans la direction artistique et plus spécifiquement dans le métier de décorateur. Élément primordial d’une époque où le décor devait servir le récit autant que le jeu d’acteur. Dans un monde où les effets spéciaux n’existent tout simplement pas encore, il participe ainsi rapidement à de grandes productions. Il va par exemple œuvrer en 1922 dans le Robin des Bois d’Allan Dwan avec Douglas Fairbanks. Il devient ensuite un maître en la matière au point de remporter une statuette lors de la toute première cérémonie des Oscars, en 1929. Cette récompense salue d’ailleurs son travail pour deux films, Colombe et Tempête tous deux sortis la même année. Son talent sera enfin reconnu pour son travail dans le mythique Autant en Emporte le Vent pour lequel il recevra un Oscar d’honneur. C’est également dans les années 30 qu’il en vient à la science-fiction. Les Mondes Futurs sort en effet en 1936 sur un scénario de H.G. Wells lui-même (La Machine à Explorer le Temps, La Guerre des Mondes, etc.), adapté de son propre roman et contemporain du réalisateur. Ici, William Cameron Menzies peut enfin laisser libre court à son imagination portée par les descriptions futuristes de l’auteur. S’il va s’essayer aux polars, westerns et films fantastiques, il revient à la science-fiction pour Les Envahisseurs de la Planète Rouge en 1953.

Sorti deux ans après Le Jour Où la Terre S’arrêta, l'opus est produit au cours d’une vague de longs-métrages de science-fiction. La Chose d'un Autre Monde (1951), Le Choc des Mondes (1951) L'Homme de la Planète X (1951), La Guerre des Mondes (1953) et la liste se rallonge jusqu’aux années 60. Tous ces films ont ainsi plusieurs points communs : ils surfent sur une mode, celle de la science-fiction, de plus en plus popularisée à l’écrit comme au cinéma. Il faut en effet bien comprendre que les thèmes abordés, souvent de véritables miroirs de la société, trouvent un écho tout particulier pour les spectateurs des années 50. Guerres, culpabilité, danger atomique et peur de l’étranger se placent ainsi au cœur des préoccupations des citoyens, surtout américains.

Le scénario est tiré d’une histoire de John Tucker Battle qui raconte que cette idée lui est venue quand un soir, sa femme l’a elle-même réveillé en lui relatant son cauchemar où elle assistait à une invasion de Martiens. Notant scrupuleusement tous les détails du récit de son épouse, il a ensuite développé le reste de l’histoire en partant de cette base onirique. Le spectateur suit donc les aventures de David, un jeune américain d’une dizaine d’années passionné d’astronomie et vivant dans une famille américaine modèle. Son père, un éminent scientifique, lui transmet sa passion. Son épouse et lui-même s’amusent d’ailleurs de l’ardeur que le jeune David met dans son hobby. Un soir, alors qu’il se réveille en pleine nuit pour observer les étoiles, il devient le témoin d’un phénomène pour le moins étrange, l’atterrissage d’une soucoupe volante. Verte et luisante, elle semble se poser dans une clairière derrière la maison familiale. Il réveille donc ses parents qui lui rétorquent aussitôt qu’il a dû rêver. Toutefois, son père connaissant la rigueur scientifique de son fils, décide quand même d’aller observer le lieu de l'atterrissage au petit matin. En revenant à la maison dans la matinée, l’homme d’habitude si aimant semble différent, froid et colérique, allant même jusqu’à haranguer sa femme et gifler son fils, lequel remarque alors une étrange marque sur la nuque de son paternel. Débute alors la quête de David pour découvrir ce qu’il s’est passé pour que son père change à ce point.

Dans cette quête de vérité, David va rencontrer pas mal d’obstacles, tel un Fox Mulder de dix ans et surtout des années 50. Il va ainsi arpenter la ville à la recherche de quelqu’un qui pourrait le croire, confronté tantôt à l’incrédulité des adultes, tantôt à d’autres personnes agissant froidement comme son père, toutes marquées par une étrange cicatrice à la nuque, qui se révèlera être un dispositif de contrôle martien. Heureusement, il fait vite la rencontre du docteur Blake, une psychologue qui va croire et comprendre la terreur de l’enfant et surtout l’aider à échapper à une police corrompue par les envahisseurs pour le mener directement chez un spécialiste, le docteur Stuart Kelston, qui se trouve aussi être le narrateur de ce film. Ce dernier leur explique alors que cette histoire ne lui semble pas surréaliste et qu’elle paraît même fort probable au regard des récents récits d’ovnis qui parsèment les États-Unis. L’armée est alors avertie et les humains peuvent ainsi passer à l’offensive.

Si l’histoire peut sembler classique, c’est encore une fois en la plaçant dans son contexte qu’il est possible d’en juger la qualité. Dans les années 50, la science-fiction n’est pas encore le genre établi qu’il est aujourd’hui et encore moins un genre respecté. Les romans pulp, les comics d’horreur et de science-fiction commencent à se répandre et deviennent d’ailleurs plus populaire que les comics de super-héros qui perdent en popularité dans l’après-guerre. Et c’est essentiellement le climat politique qui veut cela. L’ennemi n’est plus aussi visible et les Américains sont préoccupés par les débuts de la guerre froide et la menace qui pèse sur leur modèle économique. Les auteurs, toujours en faisant des parallèles avec la réalité, imaginent alors des menaces invisibles qui planent sur le citoyen moyen et peuvent mettre en danger une Amérique prospère, victorieuse, alors en passe d’occuper une bonne fois pour toute son rang de leader économique mondial. Le tout évidemment avec l’essor de la société de consommation qui apporte confort et stabilité à une nouvelle classe moyenne... blanche, capitaliste et chrétienne.

Il n’est donc pas étonnant lorsqu’il s'agit d’effrayer les foules et d’insuffler un peu de terreur dans un quotidien paisible, que la littérature comme le cinéma utilisent le ressort de l’ennemi de l'intérieur. Quoi de plus dérangeant qu’un agent infiltré, que la population ne pourrait pas détecter et qui aurait pour but de la détruire, ou ici, de l'envahir. C’est en cela que Les Envahisseurs de la Planète Rouge est un pur produit de son temps. Plus encore, pour jouer sur plusieurs tableaux, l'opus utilise l’avancée technologique croissante de l’époque pour donner un ton scientifique au récit. La conquête de l’espace en est, en effet, encore à ses balbutiements mais la recherche fait déjà grand bruit et devient parralèllement un combat de coq avec l’URSS, la principale menace qui pèse sur l’Amérique.

Le casting comporte peu de noms très connus aujourd’hui. Principalement dû à l’âge du film, mais aussi par le fait que peu d'entre eux ont percé après Les Envahisseurs de la Planète Rouge. Jimmy Hunt, né en 1939, campe donc un ici un David MacLean très convaincant pour son jeune âge. Il faut dire qu’il a déjà plus de 30 films à son actif entre 1947 et 1954 même si sa carrière s’arrêtera tout juste un an après la sortie des (Les) Envahisseurs de la Planète Rouge. Il apparaîtra cependant comme un clin d’œil en 1986 dans L'invasion Vient de Mars. Les parents de David, quant à eux, sont interprétés par Hillary Brooke et Leif Erickson, tous deux disposant d'une carrière prolifique dans les années 50 et 60 mais restant peu connus du grand public. Helena Carter, qui joue le docteur Pat Blake, la psychologue, connait elle aussi une carrière courte comme Jimmy Hunt, préférant consacrer sa vie à sa famille à partir de 1953. Arthur Franz endosse pour sa part le rôle du docteur Stuart Kelston, l'astronome : acteur très prolifique lui aussi, il est surtout connu pour jouer à la télévision. Les Américains l’ont ainsi beaucoup vu dans les séries cultes comme The Lone Ranger (plus tard adaptée par les Studios Disney), Perry Mason ou Rawhide, tout en étant aussi un habitué de la science-fiction puisqu’il joue dans Destination Mars en 1951.

Le principal problème des (Les) Envahisseurs de la Planète Rouge n’est donc pas son scénario ni son casting, ancrés dans leur temps et somme toute cohérents. Non, c’est surtout son traitement qui peut rebuter. Il faut en effet savoir que les scientifiques, avant les premières sondes spatiales dans les années 60, connaissent en réalité bien peu de choses sur Mars et certaines suppositions datent au mieux des années 1920 et au pire du XIXe siècle. Il est dès lors difficile de tenir rigueur au film de ses approximations. Néanmoins, les personnages et spécialement le Dr Kelston font des raccourcis scientifiques tellement faciles que l’œuvre tout entière penche plus vers la fiction que vers la science. Le tout est bien sûr accentué par le jeune David qui paraît pourtant avoir une connaissance astronomique très pointue pour son âge.

Autre reproche à faire, sur une durée de 1h20 de film, les envahisseurs n’apparaissent réellement que dans les 20 dernières minutes ! La quête de vérité de David est certes un parti pris compréhensible mais l’enchaînement de quiproquos et déconvenues auquel fait face l’enfant dessert considérablement le rythme. Et quand enfin l’humanité décide de prendre à bras le corps le problème, cela en devient presque ridicule. L’armée est caricaturale au possible, encore auréolée des honneurs de la guerre : l’expédition que mène le bataillon pour sauver les protagonistes et détruire la base extraterrestres est ainsi expédiée rapidement et parsemée de courses-poursuites à la Scooby-Doo dans les méandres d’un sous-terrain. Il ne manque plus que la musique iconique de Benny Hill et l'hilarité est au bout du chemin.

Autre point discutable, les costumes. Même pour l’époque, les envahisseurs en pyjama sont vraiment ridicules. Il est ainsi très facile de distinguer la fermeture éclair sur les grands bonshommes verts et pour ne rien arranger à l’immersion, leurs carrures sont par trop humaines. Clairement en dessous des costumes se cachent des hommes plus ou moins grand ou plus ou moins gros, en somme des traits caractéristiques de l’espèce humaine sans aucune recherche d'originalité. Tandis qu'habituellement, pour montrer des extraterrestres, les réalisateurs choisissent des créatures déshumanisées, ici rien n'est entrepris pour susciter quelconque dépaysement ou immersion. Mention spéciale doit toutefois être donnée à l’Intelligence suprême qui semble gouverner ou contrôler les envahisseurs. Elle est en effet représentée sous la forme d'une tête, sorte de Gorgone, dans un bocal. Elle est alors campée par l’actrice atteinte de nanisme Luce Potter, grimée pour l’occasion et parfaite dans son rôle d’Intelligence au regard inhumain. Le choix d’une actrice atteinte d’une maladie génétique serait aujourd’hui plus que discutable pour ce genre de rôle, surtout que grimer une actrice lambda aurait fait l’affaire, mais la question de la représentation des handicapés ne se posait malheureusement pas à l’époque.

Enfin, il faut reconnaitre le souci du détail apporté aux décors ainsi qu’à la réalisation. Sur ce point, qui est la spécialité du réalisateur, il est évident qu’un soin particulier a été apporté pour retranscrire dans chaque plan, soit la peur de l’enfant perdu dans un monde d’adultes qui ne lui fait plus confiance, soit la torpeur venue d'un souterrain et d'un vaisseau spatial pour le moins inhumain. Que ce soit par le décor ou les effets spéciaux qui font souvent mouche, chaque plan de caméra tout en perspective magnifie le travail cinématographique. La musique elle aussi contribue énormément, peut-être trop parfois, à l’effet de peur. Il s'agit encore une fois d'une volonté puisque le film se base sur la crainte de l’envahisseur même si certaines trompettes sont par trop assourdissantes quand le choix d’un thème au thérémine, une habitude dans la science-fiction des années 50, aurait sans doute eu plus d’impact. C’est Raoul Kraushaar qui se charge ici de la partie musicale. Compositeur américain né à Paris, il est spécialisé dans les films à petits budgets et a notamment participé à Attila, Fléau de Dieu en 1954 avec Anthony Quinn et Sophia Loren, en tant que co-compositeur.

Avec un regard du XXIe siècle, est-il possible d’apprécier Les Envahisseurs de la Planète Rouge ? La réponse est oui, mais comme pour toute œuvre datée, il faut la placer dans son contexte pour la comprendre et ne pas crier au ridicule, sans pour autant nier ses défauts, notamment comparés aux standards des années 50. Avec un budget de seulement 290 000 dollars, l'opus ne pouvait décemment pas se permettre beaucoup plus. Une version différente a d'ailleurs été proposée au Royaume-Uni car la fin, qui suppose que tout n’était qu’un rêve prémonitoire, donc un peu trop pessimiste, ne plaisait pas aux distributeurs britanniques qui de plus, trouvaient le film bien trop court. La version anglaise est donc édulcorée de certaines scènes où l’acteur principal a grandi et complétée par d'autres, ce qui occasionne quelques faux raccords avec une fin plus positive et moins ambiguë. La version actuellement disponible en vidéo est d’ailleurs un mélange des deux, les scènes rajoutées étant conservées tandis que la fin disponible est toujours celle voulue par la production américaine. Tout cela n'empêche pas les critiques d'être majoritairement positives à son endroit, accordant aux (Les) Envahisseurs de la Planète Rouge le rang de « classique » car il a inspiré de nombreuses œuvres par la suite, dont un remake en 1986 réalisé par Tobe Hoper.

Les Envahisseurs de la Planète Rouge reste un divertissement convenable, surtout à destination des petits Américains d’après-guerre : il se doit d'être vu aujourd'hui par tout fan de science-fiction qui se respecte mais sans en attendre plus qu'il ne pourra donner.

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