Les Ailes Pourpres
Le Mystère des Flamants

Titre original :
The Crimson Wing : Mystery of the Flamingos
Production :
Disneynature
Date de sortie France :
Le 17 décembre 2008
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Matthew Aeberhard
Leander Ward
Musique :
The Cinematic Orchestra
Durée :
75 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Au nord de la Tanzanie, le lac Natron est aujourd'hui encore le berceau, préservé de la folie des hommes, d'un million de flamants.
Leur extraordinaire aventure, de la naissance à l'âge adulte, se révèle ainsi parsemée d'embuches en tout genre, entre climat hostile et féroces prédateurs.

Dame Nature a décidément tout compris dans l'art de narrer l'histoire de la vie...

La critique

rédigée par

En 2008, la compagnie de Walt Disney renoue avec le genre du documentaire animalier que le papa de Mickey lui-même avait décidé de populariser quelques soixante ans auparavant. Passionné de flore et de faune, Walt Disney peut, en effet, être considéré comme le pionnier du documentaire animalier grand public. Dès 1948, il met, ainsi, en chantier la collection des True-Life Adventures dont les courts et longs-métrages seront multi-oscarisés. Cette série, inaugurée avec le mini documentaire, L'Ile aux Phoques, constitue d'ailleurs la première véritable incursion de la compagnie au château enchanté dans la production de films "live". Elle comporte un total de sept courts-métrages dont La Vallée des Castors (1950), La Terre, Cette Inconnue (1951), Le Seigneur de la Forêt (1952), Les Oiseaux Aquatiques (1952), Au Pays des Ours (1953), Everglades, Monde Mystérieux (1953), avant de s'ouvrir, en 1953, avec Le Désert Vivant, au format des longs-métrages. Ce dernier devient, à partir de cette date, la norme de production des True-Life Adventures et concerne, au final, six œuvres dont La  Grande Prairie (1954), Lions d'Afrique (1955), Les Secrets de la Vie (1956), Le Grand Désert Blanc (1958), Le Jaguar, Seigneur de l'Amazone (1960). Courts et longs métrages confondus, la série animalière de Walt Disney remporte pas moins de huit Oscars.

Cocorico ! La renaissance de la production de documentaires axés sur la nature et les animaux sauvages au sein du catalogue Disney est due à l'initiative du français Jean-François Camilleri. Alors manager de la filiale hexagonale de Walt Disney Studios Motion Pictures, il a, en effet, en 2005, la brillante idée d'accorder sa confiance à un jeune réalisateur tricolore, Luc Jacquet, en acceptant de produire son premier film, La Marche de l'Empereur. Le pari est osé. Proposer sur grand écran, à destination du grand public, un long-métrage, documentaire animalier, sur la vie des manchots empereurs vivant en Antarctique apparait, il est vrai, à l'époque comme un rêve doux-dingue, caprice d'un producteur, en mal de respectabilité auprès de l'intelligentsia hexagonale, sacrifiant, pour une fois, la recherche du seul profit commercial sur l'autel de l'expérimentation cinématographique. L'avenir prouvera le parfait contraire. Seul contre tous, Jean-François Camilleri démontre l'incroyable potentiel du genre, confirmant son rang dans le milieu du cinéma français de producteur hexagonal à part entière, véritable découvreur de talents. La réussite commerciale de La Marche de l'Empereur est, en effet, loin d'être un succès d'estime. En France, le film taquine allègrement les deux millions d'entrées ! Le résultat est tel que l'intérêt de proposer le documentaire à l'export apparait vite évident. Comble de l'ironie, le marché américain lui ouvre rapidement ses portes, mais sans Disney. La maison mère de la filiale française menée par Jean-François Camilleri fait, en effet, la fine bouche et refuse cette histoire de manchots incongrue. Warner, elle, sent le joli coup venir et accepte de distribuer le film sur le sol américain. Il devient vite le plus gros succès pour un long-métrage français en Amérique du Nord. Il remporte même l'Oscar du Meilleur Documentaire, véritable pied de nez à la France qui lui a refusé le moindre César. Devant l'ironie de l'histoire, Jean-François Camilleri ne prend pas ombrage et pardonne à sa tutelle, son erreur d'appréciation. Il la comprend même tant son pari était osé... Il entend d'ailleurs l'aider à la réparer et à l'amener à occuper enfin le terrain du documentaire grand public, à destination des salles obscures. Il crée pour cela, une société de production spécifique, Disney Nature Productions, qui présente ainsi un premier long-métrage en 2007, Le Premier Cri, film ethnologique sur la naissance à travers le monde, beaucoup moins abordable qu'un simple documentaire animalier. Il continue ensuite de faire confiance à Luc Jacquet et distribue son deuxième long-métrage, Le Renard et l'Enfant, un docu-fiction axé sur l'amitié d'une petite fille et d'une renarde. L'œuvre très personnelle séduit à nouveau le public français.

Patiemment, le remuant patron de la filiale française convainc sa maison-mère d'investir le marché. Elle accepte finalement de créer un nouveau label de films à l'instar de Walt Disney Pictures, Touchstone Pictures ou Hollywood Pictures. Disneynature est ainsi présenté mondialement en avril 2008. Basé en France, il est logiquement dirigé par Jean-François Camilleri et poursuit deux objectifs : distribuer des productions "maison" à l'international et productions étrangères aux Etats-Unis. Les premiers chantiers sont déjà sur les rails. Le programme est alléchant. Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants sort ainsi en décembre 2008, Pollen le 16 mars 2011 en France tandis que les USA accueillent Félins à sa place le 22 avril 2011 (les français devant attendre le 1er février 2012 pour le découvrir). Chimpanzés, est, quant à lui, proposé le 20 avril 2012 (le 20 février 2013 pour la France). Enfin, Grizzly est attendu pour 2014. Un Jour sur Terre s'intercale dans ce calendrier déjà dense et débarque sur les écrans aux États-Unis, sous label Disneynature, à partir du 22 avril 2009, soit un an et demi après le reste du monde et notamment l'hexagone, où il est sorti en premier, le 10 octobre 2007. Dans la même veine, et toujours en attendant la réalisation de productions "maison", Disneynature se charge de labéliser aux USA un autre long-métrage français - distribué dans son pays d'origine par Pathé. Le public tricolore découvre ainsi Océans dès le 27 janvier 2010 tandis que les spectateurs outre-Atlantique patientent eux jusqu'au 22 avril 2010...

Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants est donc le premier film à sortir sur le label "écolo" de Disney. C'est une belle entrée en matière avec un sujet fort, des images époustouflantes et une musique envoutante.

Le thème, bien que centré sur les oiseaux en titre, présente l'avantage évident de pouvoir s'attarder sur la région qui les accueille, pas ou peu connue du grand public. Totalement inhospitalier, le lac Natron, situé en Tanzanie, à la limite de la frontière du Kenya, à deux cents kilomètres de la plus proche agglomération est en effet préservé de l'action des hommes, limitant leurs incursions à quelques huttes d'autochtones Masaï. Saturées de sel de sodium présentant une alcalinité pouvant atteindre un pH de 9 à 10,5, ses eaux sont ainsi presque aussi alcalines que l'ammoniaque, offrant un environnement idéal aux microorganismes appréciant cette forte salinité et donnant périodiquement au lac tout entier une couleur caractéristique rouge-orange. Le lac Natron prend alors logiquement le doux surnom de lac Pourpre. La température de son eau atteint par endroit les 60°C sans que la profondeur n'excède jamais les deux mètres. En dehors de la saison des pluies, l'évaporation est rapide permettant au sel de s'agglomérer pour former au centre du lac une ile de plusieurs kilomètres carrés. La Nature ayant horreur du vide, l'endroit particulièrement inhospitalier pour les hommes n'est pas perdu pour tout le monde...

A chaque saison des pluies, des millions de flamants nains migrent, en effet, pour s'accoupler et nidifier. Ils se nourrissent alors des microorganismes présents dans les eaux du lac qui vont, comme pour lui, leur donner une couleur pourpre appuyée ; occasionnellement, arme de séduction indispensable à leur accouplement ! Le temps de la préparation du nid arrive aussitôt. Fait de boue et de sel, le petit monticule de 30 cm s'élevant du sol de l'île salée est ainsi l'endroit douillé, idéal pour accueillir la progéniture tant attendue. A tour de rôle, bien plus paritaires dans leurs comportements que les dits civilisés hommes, le mâle et la femelle couvent l'œuf jusqu'à l'éclosion. Ils s'occuperont ensuite du petit durant de nombreuses semaines. Le moment arrive bientôt où, par millions, les jeunes flamants quittent leurs nids pour rejoindre à pied les rives du lac escortés par certains adultes. Le périple est douloureux, la mort omniprésente. L'hécatombe est la règle. Les plus résistants parviennent au bord du lac pour finir leur croissance et atteindre le jour où ils pourront enfin prendre leur envol.

La leçon de vie restituée dans Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants est magistralement filmée. Les images obtenues coupent littéralement le souffle des spectateurs abasourdis devant tant de beautés et d'émotions. La désolation inhospitalière de l'endroit est purement et simplement sublimée. Les rituels suivis par les flamants patiemment observés bénéficient, quant à eux, d'un exceptionnel rendu. Et c'est tout l'inconscient collectif de générations entières d'hommes et de femmes qui se trouve remis en cause. Le flamant brocardé depuis toujours dans ses représentations populaires (Disney peut d'ailleurs plaider coupable à ce sujet avec les séquences d'Alice au pays des merveilles et de Fantasia 2000...), passant constamment pour un animal gauche et maladroit, se révèle, en réalité, un être d'une rigueur et prévenance absolues. L'effet incroyable produit par les images est en plus accentué par le choix de la musique qui les soutient. Elle souligne, en effet, parfaitement l'action, appuyant comme rarement l'émotion qui se dégage de l'ensemble. La narratrice n'est d'ailleurs pas en reste : tout en sobriété, à l'intonation suave et mystérieuse, elle distille des informations choisies pour permettre aux spectateurs de se situer dans le temps et l'espace, sans jamais ni les déranger, ni les ennuyer.

Les réalisateurs ont d'ailleurs pris visiblement l'option contestable d'une trop grande sobriété dans les commentaires. Craignant peut-être d'assommer l'auditoire, ils préfèrent ainsi passer sous silence bien des éléments, quitte à créer une certaine frustration. Pourquoi taire le fait que chaque couple de flamants ne donne naissance qu'à un petit, rendant la perte de ce dernier incroyablement triste ? Pourquoi oublier de préciser que certains prédateurs, les marabouts en tête, s'acharnent sur les oisillons flamants sans besoin, ni faim, en simple jeu cruel que la Nature aime à utiliser pour réguler les naissances ? Quelle est cette curieuse mixture faite de sang et de boue que donnent les parents à leurs petits : s'infligeraient-ils des blessures pour nourrir les leurs ? Les questions restent finalement nombreuses, le film ne levant qu'un coin du mystère...

Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants est un magnifique documentaire à l'histoire incroyable, aux images splendides et à la musique envoutante.
Sans répondre à toutes les questions qu'il pose, il fait vivre à ses spectateurs une aventure passionnante dont ils ressortent avec la furieuse envie d'en savoir encore et toujours plus sur ces exceptionnels oiseaux. La force du film est là : susciter le désir de s'ouvrir à l'autre, Nature en tête.

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