Grace Bailey
Date de naissance :
Le 01 janvier 1904
Lieu de Naissance :
Willoughby, dans l’Ohio, aux États-Unis
Date de Décès :
Le 23 août 1983
Lieu de Décès :
Ocklawaha, en Floride, aux États-Unis
Nationalité :
Américaine
Profession :
Encreuse
Peintre

La biographie

rédigée par Karl Derisson
Publié le 05 mai 2022

Après l’utilisation du son synchronisé introduit pour la première fois en 1928 avec le court-métrage Willie, le Bateau à Vapeur, Walt Disney décide de frapper un grand coup et de révolutionner une nouvelle fois le cinéma d’animation. En pleine production du cartoon Des Arbres et des Fleurs, il fait ainsi le choix de passer du noir et blanc à la couleur, une tâche complexe qui incombe alors à ses équipes d’encreuses et de peintres au nombre desquelles figure notamment l’artiste Grace Bailey.

Elizabeth Grace Randall naît le 1er janvier 1904 à Willoughby, sur le bord du lac Érié, dans le nord-est de l’Ohio. Élève de la Cleveland School of Art où elle débute son cursus en 1922, elle s’installe bientôt à New York où elle décroche un emploi au sein des tout jeunes Studios Fleischer fondés par les frères du même nom en 1921. Là, elle collabore avec Dave et Max Fleischer, deux pionniers de l’animation dont la série Out of the Inkwell et le personnage de Koko le Clown font à l’époque partie de ce qui se fait de mieux dans ce domaine. Le succès est alors au rendez-vous. Beaucoup de cartoons de la collection reçoivent l’approbation de la critique et les applaudissements nourris du public. Cette belle réussite se poursuit avec la série des Talkartoons qui surfent dès 1929 sur la vague du cinéma parlant. De nouveaux héros crèvent l’écran, au premier rang desquels Betty Boop et Popeye.


Koko le Clown, héros de la série Out of the Inkwell

En 1930, Grace Bailey fait sa valise pour la côte Ouest. Elle abandonne alors un temps le monde de l’animation et change complètement de métier en devenant conceptrice d’abat-jour dans une boutique de Beverly Hills. Dans ces années suivant la crise économique de 1929, la conjoncture est malheureusement difficile. Bailey revient finalement à son premier métier dès 1932 en postulant aux studios Disney. Ces derniers viennent de chambouler une fois encore le monde de l’animation avec Des Arbres et des Fleurs, le vingt-neuvième épisode des Silly Symphonies réputé pour être le premier cartoon en couleur de l’Histoire. Le département encrage et peinture, dirigé par Hazel Sewell, la sœur de Lillian Disney, est à l’époque en pleine ébullition. Le nombre de recrues augmente de manière exponentielle.


Des Arbres et des Fleurs

Aux côtés des centaines d’autres petites mains, des femmes pour la plupart, Grace Bailey passe ainsi des journées entières à repasser à l’encre les dessins des animateurs. Lorsque ce travail des plus laborieux est terminé, il s’agit dès lors de reprendre chaque feuille de celluloïd pour y ajouter, tantôt les couleurs, tantôt des gammes de noir, de blanc et de gris pour les productions encore réalisées selon l’ancienne méthode. C’est une mission de longue haleine. Le noir et blanc laisse bientôt totalement sa place à la couleur. Les productions Disney gagnent en qualité et distancent nettement une concurrence qui, durant des années, aura beaucoup de mal à les imiter et à les égaler.

Le succès des productions Disney en couleur est tel que Walt Disney demande bientôt à ce que son département encrage et peinture soit davantage structuré. Grace Bailey est alors promue et chargée de référencer chaque teinte. À l’origine d’un véritable inventaire contenant des centaines de références, elle participe en outre à la création de nouvelles couleurs obtenues grâce à de savants mélanges dont les studios gardent ardemment le secret. Grâce à ce catalogue extraordinaire, les encreuses et les peintres ont à leur disposition toute une palette grâce à laquelle la série des Silly Symphonies gagne forcément en beauté. La couleur devient rapidement partie intégrante des autres collections de cartoons avec Mickey, Donald, Dingo et Pluto. Les délais étant parfois très courts et le planning de distribution de chaque film souvent très serré, il n’est pas rare que Walt et son frère Roy viennent eux-mêmes prêter main forte à Bailey et à ses collègues.

Lorsque l’idée de réaliser un long-métrage d'animation germe dans l’esprit de Walt Disney, la couleur est évidemment au rendez-vous. Mais la tâche est encore plus complexe qu’à l’accoutumée. Disney veut en effet un film absolument réaliste. Les couleurs criardes souvent de mises dans les cartoons n’ont cette fois pas leur place dans Blanche Neige et les Sept Nains. Le papa de Mickey veut un résultat aussi beau que crédible. Grace Bailey et les autres artistes du département œuvrent sans relâche pour lui donner satisfaction, travaillant même le soir et certains week-ends pour tenir les délais. L'une des difficultés est notamment de peindre le visage de Blanche Neige, une mission des plus ardues tant certaines couleurs ont tendance à lui donner l’apparence d’un clown. Avec Helen Oger, l’une des directrices du département encrage et peinture, les employées commencent à imaginer de nouvelles techniques. Elles tentent de déposer du vrai maquillage sur les feuilles de plastique. Un système d’aérographe permet en outre de donner un joli teint rose à la princesse. Le résultat est alors extraordinaire. La même exigence sera de mise pour les productions suivantes.

Plus qu’une artiste, Grace Bailey devient une véritable experte en couleurs. Usant de béchers, de fioles et d’un matériel qui n’est pas sans rappeler celui d’un laboratoire scientifique, elle continue d’expérimenter. Elle donne ainsi naissance à des couleurs jusqu’alors inconnues dans le domaine de l’animation, en particulier un bleu-ciel magnifique inspiré par l’une des robes de sa collègue Betty Kimball. Avec les autres employées du département, elle met aussi au point une peinture transparente qui donnera notamment toute sa magie à la superbe robe de Cendrillon.

Les années passant, Grace Bailey parvient à gravir un par un chacun des échelons. Elle devient responsable peinture puis superviseuse de l’encrage. En 1954, elle atteint la dernière marche en devenant la directrice du département encrage et peinture. Parmi les artistes les plus expérimentées des studios, elle forme alors les nouvelles recrues. Là encore, c’est un travail de longue haleine. Cela peut prendre un an pour habituer une encreuse à la technique de l’encrage. Il faut six mois environ pour maîtriser le métier de peintre. Prenant son travail de superviseuse tout à fait au sérieux, Grace Bailey veille au grain en s’assurant que chacune des employées est parfaitement disposée à travailler efficacement et soigneusement. La cigarette ou le café ne sont pas les bienvenus dans son département. Les rendez-vous avec les garçons durant les pauses méridiennes sont tout autant proscrits.

Surnommée la “Mère supérieure” par les artistes qui ont parfois l’impression d’être sermonnées comme dans un couvent, Grace Bailey est exigeante, c’est peu dire. Mais elle est dans le même temps très loyale et dévouée avec ses équipes. Elle demande ainsi régulièrement des hausses de salaire pour ses collègues, souvent moins bien payées que les animateurs. C’est selon elle le meilleur moyen d’obtenir le meilleur de chacune d’elles. Elle structure également la journée de chaque artiste et oblige certaines à prendre des pauses. Bailey est en effet consciente que passer des heures entières devant sa table de travail est une véritable gageure. C’est surtout catastrophique pour les yeux. Encrer et peindre est si minutieux que cela nécessite de gros efforts. Travailler à la lumière d’une ampoule ou des néons abîme la vue. Souvent, les employées sont invitées à arrêter ce qu’elles sont en train de faire pour profiter de la lumière du jour et prendre un peu l’air.

Passée en un peu plus de vingt ans d’un poste de petite-main à celui de cadre des studios, Grace Bailey continue d’œuvrer sur diverses productions, notamment les longs-métrages. Ce travail est souvent synonyme de bonheur et de joie. Les couleurs magnifiques de La Belle et le Clochard ou bien le style de La Belle au Bois Dormant sont une source de satisfaction énorme. Quelques déceptions sont parfois à noter. C’est ainsi la mort dans l’âme que Grace Bailey assiste à la révolution du Xerox durant la production des (Les) 101 Dalmatiens. Si le film est formidable, la technique d’encrage est désormais mécanisée. Seule la mise en couleur est toujours réalisée à la main. Chargée d’embaucher de nouveaux artistes, Grace Bailey est cette fois obligée de licencier une bonne partie de ses employées. Les autres déménagent quant à elles dans des bureaux plus petits.

Admirée pour son professionnalisme et sa capacité à s’adapter aux nouvelles technologies, et parfois crainte pour son tempérament exigeant, Grace Bailey demeure à son poste de directrice durant dix-huit ans. Épaulée par son assistante, Edle Bakke, elle prend finalement sa retraite en 1972 après quarante ans au sein des studios Disney. Passant le relais à la nouvelle génération, elle se retire dans sa maison de Floride où elle décède onze ans plus tard, le 23 août 1983. En 2000, un Disney Legends Award couronne sa longue et prolifique carrière.

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