Maurice Chevalier

Maurice Chevalier
Date de naissance :
Le 12 septembre 1888
Lieu de Naissance :
Paris, en France
Date de Décès :
Le 01 janvier 1972
Lieu de Décès :
Paris, en France
Nationalité :
Française
Profession :
Acteur
Chanteur

La biographie

rédigée par Karl Derisson
Publié le 27 février 2021

Lorsqu’il s’agit de parler de la France aux États-Unis, les clichés s’accumulent forcément dans l’esprit des Américains qui, pour nombre d’entre eux, adorent l’Hexagone et sa culture. « Je t’aime ! » ; « Bonjour » ; « Voulez-vous coucher avec moi ce soir ! ». Les tentatives de prononcer quelques mots dans la langue de Molière sont alors incontournables tout comme les clichés que représentent Paris, la Tour Eiffel, la baguette de pain, la 2CV ainsi que les nombreuses personnalités ayant fait carrière en Amérique à l’image du truculent Maurice Chevalier, véritable institution des deux côtés de l’Atlantique.

Maurice Chevalier est né le 12 septembre 1888 à Ménilmontant, dans le 20e arrondissement de Paris. Son père, Victor, est peintre en bâtiment. Sa mère, Joséphine, est passementière. Vivant chichement auprès de ses parents et de ses frères Charles et Paul dans un petit appartement sombre donnant sur une simple cour, le benjamin de la famille est inscrit au sein de l’institution des Frères des écoles chrétiennes. C’est alors en rentrant un jour de l’école que le petit Maurice apprend que son père, alcoolique, a quitté le domicile familial après une énième dispute avec sa femme. Choqué, le garçon prétendra alors durant presque toute sa vie que son père est mort. Charles, l’aîné, devient dès lors responsable de la famille. Les fins de mois sont difficiles. Joséphine est obligée de coupler son travail avec des ménages à gauche et à droite, ce qui impacte fortement sa santé. Charles devient rapidement autoritaire et violent. Battu, Maurice en gardera une rancœur tenace jusqu’à la fin de sa vie. En 1898, lorsque sa mère est hospitalisée, il est placé un certain temps à l’hospice des Enfants Assistés situé rue Denfert-Rochereau. Maurice Chevalier a huit ans. Il devient alors le numéro 135249…

Scolarisé à l’école communale de la rue Julien-Lacroix d’où il sortira avec son certificat d’études en poche, Maurice Chevalier se découvre une passion pour l’univers du spectacle à force de se rendre avec ses proches au Cirque d’Hiver ou bien au Cirque Medrano. Souhaitant devenir acrobate, il s’entraîne avec les moyens du bord et devient rapidement la vedette de son quartier. Avec Paul, il fonde le duo des « Chevalier Brothers ». Grâce à son frère, Maurice Chevalier est dans le même temps engagé comme apprenti graveur sur métaux. L’expérience ne dure toutefois pas bien longtemps. Peu attentif, il est renvoyé au bout de quelques semaines. Maurice intègre bientôt un trio d’acrobates mais une blessure au visage douche finalement ses espoirs de faire ce métier. Le jeune homme tente alors sa chance dans la chanson.

Enchaînant les petits boulots plus ou moins éphémères – menuisier, électricien, peintre, imprimeur, marchand, fabriquant de punaises – Maurice Chevalier, douze ans, se procure grâce à son salaire les partitions de deux titres du chanteur Carlos, V’là les Croquants et Youp Youp Larifla, qu’il répète inlassablement. Blessé sur son lieu de travail et arrêté le temps que son doigt, écrasé, cicatrise, il se produit sur la scène du Café des Trois Lions, à Ménilmontant, où son cachet se limite à un simple café au lait ! Déguisé en paysan, Chevalier provoque l’hilarité générale dans la salle qui moque le décalage de son chant par rapport au ton choisi par le pianiste qui l’accompagne. Il est alors conseillé par les chanteurs Georgel, Léon Delpierre et Boucot qui l’aident à placer sa voix correctement. Retrouvant durant la semaine son poste à l’usine de punaises, il se produit ensuite au Concert du Commerce tout en continuant de chanter au Café des Trois Lions. Surnommé le « Petit Chevalier », il monte aussi sur la scène du tout nouveau Élysée-Ménilmontant et au Casino des Tourelles. Il y connaît son tout premier rappel. Il y est repéré par le chanteur Gilbert qui lui propose de passer une audition. Maurice Chevalier décroche un premier petit contrat. Il abandonne son travail. Sa mère, inquiète, accepte qu’il se consacre à sa passion tout en obtenant de lui qu’il retourne sur le champ à l’usine si jamais les choses se passent mal…


Maurice Chevalier et son frère Paul

L’adolescent Maurice Chevalier poursuit bon an mal an sa petite carrière. Il passe ainsi par La Villa Japonaise puis par le Casino de Montmartre et la Fourmi du boulevard Barbès avant de décrocher un contrat au Concert de l’Univers. Il y reste trois mois. Grâce à son nouvel agent, Dalos, son nom est cité dans la presse le 20 mars 1903. Les contrats se succèdent en province, à Amiens, au Havre, à Tours. Une soirée trop arrosée lui coûte cependant sa place… Penaud, Maurice Chevalier tente de poursuivre ses tours de chant au Casino de Montmartre durant les mois de février et mars 1904 puis passe à la Pépinière et revient au Concert de l’Univers avant d’être à l’affiche du Petit Casino. Le succès est aléatoire. Sa bonne humeur et sa confiance en l’avenir sont mises à rude épreuve… Grâce à ses cachets, il permet toutefois à sa famille d’être mieux logée dans un appartement du Faubourg du Temple. Il s’installe rapidement avec sa mère dans un autre logement, Faubourg Saint-Martin.

Durant l’été 1904, les engagements se raréfient. L’argent commence à manquer. Le jeune Maurice, seize ans, connaît sa traversée du désert et les affres de la misère… Mendiant quelques maigres pièces, il obtient néanmoins une audition au music-hall Parisiana dirigé par l’ancien directeur de la Fourmi, Paul Ruez, qui l’engage pour sa nouvelle revue Satyre… Bouchonne où Chevalier tient plusieurs petits rôles. En janvier 1905, son contrat n’est cependant pas renouvelé… Sous le nom de « Chevalier M., de Parisiana », il écume les salles de spectacle dont l’Eden-Concert d’Asnières où il rencontre un beau petit succès qui lui permet d’être engagé à la Scala de Bruxelles pour un mois puis de chanter à Lille, à Paris, à Marseille, à Bordeaux, à Nice, à Toulon, à Alger, à Avignon, à Lyon… Il enrichit alors son tour de chant avec des numéros de claquettes, de danse américano-anglaise, des acrobaties, des imitations. Le cinéma lui offre ses premiers rôles de figurants dans certains films comme La Valse à la Mode (1908), Trop Crédules de Jean Durand (1908), Par Habitude de Max Linder (1911), Une Mariée qui se Fait Attendre de Louis J. Gasnier (1911) et La Valse Renversante de Georges Monca (1912).

Maurice Chevalier a vingt-deux ans. Son succès va croissant. Il continue à tourner dans toute la France. Le Beau Gosse, écrite spécialement pour lui en 1908 par Henri Christiné devient un tube. Au cinéma, il obtient ses premiers vrais rôles dans La Valse à la Mode et Trop Crédules. L’Eldorado l’engage pour mille francs par mois ! Il se lie d’amitié avec de nombreux artistes de l’époque comme le comédien Raimu et la chanteuse Fréhel, avec qui il sort pendant un an. Elle lui fera découvrir les terribles conséquences de l’usage de drogues. Il croise aussi la route de P.-L. Flers qui lui ouvre les portes des Folies Bergère pour trois saisons. La critique est toutefois cruelle avec lui. La performance est moyennement accueillie par le public. Il s’efforce d’améliorer son numéro en y insufflant davantage de retenue et de classe. En 1910, Maurice Chevalier monte sur la scène des Ambassadeurs dans la revue Halley ! Halley aux Ambass !, puis retourne aux Folies Bergère avant de se produire à l’Alcazar d’été jusqu’au 3 septembre 1911. Cette année-là, il devient le partenaire de Mistinguett, toujours aux Folies Bergère, dans la scène comique La Valse Renversante. Bien que treize ans les séparent, ils forment tous les deux un très beau couple durant dix ans. Chevalier triomphe enfin dans Midi à 14 Heures monté à la Cigale. Il partage ensuite la scène avec Max Dearly et Régine Flory.

Une visite à Londres l’encourage à modifier son style en le rendant plus élégant et moins outrancier. Couronné de succès, il est toutefois rattrapé en 1913 par le service militaire. En décembre, Maurice Chevalier intègre alors le 35e régiment d’infanterie. Stationné à Belfort, il est bientôt muté dans le 31e régime d’infanterie de Melun. Le 1er août 1914, la Première Guerre mondiale débute. Chevalier part pour le front. Son régiment est attaqué le 22 août à Cutry, en Meurthe-et-Moselle. Il est blessé par un éclat d’obus au poumon droit. Son paquetage amorti le choc. Chevalier survit miraculeusement. L’éclat d’obus ne sera jamais retiré. Il est finalement fait prisonnier par les Allemands et est incarcéré dans le camp d’Altengrabow, dans la région de Berlin. Il se produit alors pour ses camarades captifs tout en servant comme pharmacien. Durant ses temps de répit, Maurice Chevalier occupe ses journées en apprenant l’anglais auprès d’un sergent britannique, Ronald Kennedy. Grâce à Mistinguett et à ses relations avec le roi d’Espagne, Alphonse XIII, il est finalement libéré durant l’été 1916 et renvoyé à Paris où on lui décerne la Croix de guerre. Il remonte aussitôt sur scène au Casino Montparnasse puis à l’Olympia. Il retrouve ensuite Mistinguett aux Folies Bergère dans La Grande Revue en avril 1917 puis au théâtre Femina dans Femina-Revue. Le couple se produit au théâtre Marigny dans La Nouvelle Revue de Marigny puis dans Gobette of Paris, qui bat tous les records.


Maurice Chevalier et Mistinguett

À l’affiche dès mars 1918 de Laisse-Les Tomber au Casino de Paris aux côtés de Mistinguett, puis de la revue Pa-Ri-Ki-Ri, Maurice Chevalier est repéré par l’artiste américaine Elsie Janis qui lui offre un rôle à Londres. Il se produit au Palace Theatre. Il enregistre sa toute première chanson, On the Level You’re a Little Devil (But I’ll Soon Make an Angel of You) le 21 mars 1919. De retour en France fin mai 1919, il est engagé dans La Grande Revue du Palace-Théâtre avec Régine Flory. Le spectacle, renommé Hullo Paris !, lui vaut un beau succès. Il tourne dans toute la France, un chapeau huit-reflets sur la tête et une canne à la main. Sa chanson Oh! Maurice, écrite par Albert Willemetz et Maurice Yvain, fait un tabac. La Revue très Chichiteuse au Concert Mayol est un autre succès, tout comme Pa-Ri-Ki-Danse au Casino de Paris aux côtés de Mistinguett, avec qui sa relation se complique. La séparation est désormais inévitable... Grâce à un contrat d’exclusivité avec Pathé, il enregistre par ailleurs d’autres disques, notamment Les Jazz Bands en mars 1920. Au cinéma, il joue dans les courts-métrages Jim Bougne, Boxeur, L’Accordeur, Par Habitude et les longs-métrages Gonzague, L’Affaire de la Rue Lourcine et Le Mauvais Garçon, tous réalisés en 1923 par Henri Diamant-Berger.

À présent en couple avec Jane Myro, une danseuse du Casino de Paris, Maurice Chevalier poursuit sa carrière au théâtre Marigny dans Cach’ ton Piano, à l’Olympia, au théâtre de la Gaîté-Rochechouart dans On Peut Monter !, au Casino de Paris dans Avec le Sourire. Son costume continue d’évoluer avec l’apparition du smoking et du célèbre canotier qui deviennent sa marque de fabrique. Il triomphe dans Dédé, jouée au théâtre des Bouffes-Parisiens cinq-cent-vingt fois jusqu’au 25 mars 1923. L’une des chansons du spectacle, Dans la Vie Faut pas s’en Faire, devient un tube énorme. L’opérette est envisagée pour être montée à New York grâce à l’entremise de Douglas Fairbanks et Mary Pickford. Le projet n’aboutit cependant pas. Le cinéma continue de lui faire les yeux doux. Chevalier joue dans les films d’Henri Diamant-Berger. La fatigue se fait toutefois sentir. Les trous de mémoire deviennent récurrents… Sa carrière se poursuit néanmoins avec l’opérette Là-Haut, aux côtés de Dranem avec qui les relations sont très compliquées.

Séparé de Jane Myro et à présent lié à la danseuse Yvonne Vallée, Maurice Chevalier sombre peu à peu dans la dépression. Ses trous de mémoire le rendent fou. Persuadé que sa carrière est ruinée, le suicide devient une idée fixe. Son médecin lui ordonne de prendre du recul, de mettre entre parenthèses ses spectacles et de quitter au plus vite Paris pour se mettre au vert. Après des semaines de repos dans une clinique, il remonte sur scène à Marseille. Il est rassuré par le succès. Il repart en tournée dans toute la France jusqu’aux premiers jours de l’année 1924 avant de revenir à Paris au théâtre de l’Empire puis de partir en tournée en Belgique, en Afrique du Nord, en Suisse, en Espagne. Il revient au Palace puis au Casino de Paris pour un contrat de trois ans en tant que première vedette. Valentine, d’Albert Willemetz et Henri Christiné, devient un autre tube. Le spectacle White Bird, monté à Londres, lui offre une autre expérience étrangère qui avorte toutefois au bout de deux mois…

La Chanson de Paris (1929)
Parade d'Amour (1929)

Marié à Yvonne Vallée le 10 octobre 1927, Maurice Chevalier tente de sauver les apparences face à un amour compliqué. Son échappatoire se trouve à Hollywood, où il passe des essais en 1928 pour Irving Thalberg, le patron de MGM. Son audition n’aboutit cependant pas. Jesse L. Lasky lui propose alors un contrat de six semaines avec Paramount. Chevalier accepte. L’accueil dans le port de New York est extraordinaire. L’artiste assiste à une représentation des Marx Brothers à Broadway. Il voit son premier film parlant, The Singing Fool, avec Al Jolson. Maurice Chevalier est alors incroyablement impressionné. Yvonne Vallée et lui rejoignent bientôt Hollywood. Chevalier rêve de rencontrer Charlie Chaplin, qu’il découvre finalement au cours d’un dîner. Il débute le tournage de son premier film américain, La Chanson de Paris (1929), sous la direction de Richard Wallace. Reprenant sa chanson Valentine ainsi qu’un autre titre, Louise, il partage l’écran avec Sylvia Beecher et Russell Simpson et doit jouer ses scènes deux fois, en anglais puis en français. Les spectateurs tombent sous le charme de sa gouaille et de son accent français. Accueilli sur la scène du cabaret Ziegfield Roof de New York, Maurice Chevalier enchaîne avec Parade d’Amour d’Ernst Lubitsch avec Jeanette MacDonald (1929). « Vous êtes assis sur le toit du monde, Maurice », lui écrit le réalisateur après la formidable première new-yorkaise du film qui lui vaut d’être nommé à l’Oscar du Meilleur acteur.

De retour à Paris en 1929, Maurice Chevalier est accueilli comme un roi. Il se produit à guichet fermé au théâtre de l’Empire. Il retourne ensuite à Hollywood où son salaire est triplé. À Broadway, il triomphe avec un spectacle de jazz dans lequel il est accompagné par son ami Duke Ellington. Sa filmographie continue de grandir avec La Grande Mare d’Hobart Henley avec Claudette Colbert (1930), Playboy of Paris de Ludwig Berger (1930), Paramount on Parade de Charles de Rochefort (1930) puis Le Petit Café de Ludwig Berger dans lequel il partage l’écran avec sa femme Yvonne Vallée (1931). Alternant avec des spectacles montés à Paris, à Nice, à Londres et à New York, celui qui est surnommé par les Anglais "The most expensive artist in the world" – "L’Artiste le plus cher du monde" – enchaîne avec deux autres films de Lubitsch, Le Lieutenant Souriant avec Claudette Colbert et Miriam Hopkins (1931) et Une Heure Près de Toi avec Jeanette MacDonald (1932). À l’affiche d’Aimez-Moi ce Soir de Rouben Mamoulian (1932), Chevalier, qui noue une belle amitié avec Marlene Dietrich, divorce finalement d’avec Yvonne Vallée le 18 janvier 1933…

Le Petit Café (1931)
Le Lieutenant Souriant (1931)

Maurice Chevalier continue de tourner dans Monsieur Bébé et L’Amour Guide de Norman Taurog (1933), La Veuve Joyeuse, un nouveau projet d’Ernst Lubitsch avec MacDonald, Edward Everett Horton et Una Merkel (1934), et Folies-Bergère de Roy del Ruth… Amant de la comédienne Kay Francis, sa renommée est telle qu’il laisse ses empreintes devant le prestigieux Grauman’s Chinese Theatre de Los Angeles aux côtés de celles des autres grandes vedettes de l’époque. Obtenant dans son contrat que son nom soit systématiquement inscrit en haut de l’affiche au-dessus de ceux de ses partenaires, il se dispute toutefois avec Irving Thalberg à ce sujet. MGM, en effet, accepte de prêter Grace Moore à condition que son nom soit en haut de l’affiche. Chevalier refuse. Son contrat est cassé en 1935. Écœuré, il fait ses valises et rentre en France…

Monsieur Bébé (1933)
La Veuve Joyeuse (1934)

De retour en France, Maurice Chevalier se rend sur la tombe de sa chère mère, Joséphine, décédée six ans plus tôt, en 1929. Surnommée « La Louque », celle-ci aura incontestablement été la femme de sa vie. Il reprend dès lors ses tours de chant à travers tout le pays avec des tubes comme Prosper, Quand un Vicomte, Donnez-Moi la Main Mam’zelle que le public du Casino de Paris, entre autres, plébiscite énormément. Le hasard lui fait bientôt rencontrer Nita Raya, dix-neuf ans, qu’il aperçoit sur les planches dans la pièce Broadway. Sous le charme, tous les deux entament une relation de dix ans. Nommé président d’honneur de la maison de retraite pour anciens artistes de Ris-Orangis en remplacement de Dranem récemment décédé, Chevalier tourne à Londres dans Le Vagabond Bien-Aimé de Curtis Bernhardt (1937). En France, il apparaît devant la caméra de Maurice Tourneur dans Avec le Sourire (1936), devant celle de Julien Duvivier dans L’Homme du Jour (1937) et enfin devant celle de René Clair dans Fausses Nouvelles (1938) et celle de Robert Siodmak dans Pièges (1939). Le succès, toutefois, n’est pas au rendez-vous. Maurice Chevalier fait alors le choix de s’éloigner un temps des plateaux pour se consacrer à la musique. Sa rencontre avec le jeune Charles Trenet lui offre un nouveau classique, Y’a d’la Joie, chanté pour la première fois sur le scène du Casino de Paris. Le succès est alors énorme.

Le Vagabond Bien-Aimé (1937)
Fausses Nouvelles (1938)

Devenu chroniqueur pour Paris-Soir, Maurice Chevalier tourne dans toute l’Europe. La folie conquérante de l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler a toutefois tôt fait de ruiner sa carrière. Apprenant l’invasion de la Pologne le 1er septembre 1939 alors qu’il dîne avec le duc et la duchesse de Windsor à Cagnes-sur-Mer, Chevalier rentre à Paris. Il y monte un nouveau spectacle où il partage la vedette avec Joséphine Baker. Tous les deux se produisent sur le front. Ça Fait d’Excellents Français est vivement applaudie par les soldats. Le spectacle est ensuite proposé à l’affiche du Casino de Paris qui rouvre tout spécialement ses portes. L’invasion de la France du 10 mai 1940 et l’avancée inconditionnelle des Allemands provoquent la fuite du public. La salle baisse le rideau. La Bocca, la propriété de Chevalier à Cannes, est réquisitionnée par l’aviation française. Maurice Chevalier et les siens, apprenant la capitulation le 17 juin 1940, s’y retrouvent finalement après la démobilisation. Le chanteur refuse dès lors de revenir à Paris, alors en Zone occupée. Il refuse dans le même temps les appels du pied venus des studios américains.


Maurice Chevalier et Joséphine Baker

Accompagné par la pianiste Henri Betti, Maurice Chevalier reprend ses tours de chant en Zone libre. Il devient alors pour la première fois son propre parolier dès 1941. Pacifiste, l’artiste tente tant bien que mal de protéger sa compagne Nita, de confession juive. De retour à Paris pour quelques temps en septembre 1941, il confie sa haine de la guerre. De retour au Casino de Paris, il accepte d’animer des émissions sur Radio-Paris pour ne pas froisser l’Occupant mais renonce bientôt en expliquant devoir repartir pour le sud. Il y débute la rédaction de ses mémoires. Négociant la libération de prisonniers en échange de ses prestations, il chante bénévolement deux fois au camp d’Altengrabow où lui-même avait été captif durant la Première Guerre mondiale. La rumeur se répand bientôt que Chevalier chante pour les Allemands. La presse oublie de dire qu’il s’agissait de faire libérer des prisonniers... Chevalier est rangé malgré lui dans la catégorie des collaborateurs, ce qui le dégoûte au plus haut point… Pour sauver le Casino de Paris, il accepte de revenir à Paris et chante ses nouvelles chansons, Pour Toi, Paris, Loulou, La Polka des Barbus, C’est Une Petite Môme (Qu’Elle Est Trop Belle) et La Marche de Ménilmontant. Après la dernière représentation de son spectacle en décembre 1942, il annonce qu’il ne chantera désormais plus dans la capitale tant qu'elle ne sera pas libérée. Il se retire de la scène au début de l’année 1943 et prétend être malade lorsqu'il est sollicité.

Tentant de sauver ses beaux-parents à qui il fait parvenir des faux papiers, il rédige le premier tome de ses mémoires, Ma Route et Mes Chansons, qu’il titre La Louque. Les rumeurs de collaborationnisme continuant à se répandre, l’artiste quitte sa demeure et se réfugie à Mauzac, en Haute-Garonne, chez ses amis Jean Myrio et Desha Delteil. De passage à Paris pour récupérer de faux certificats médicaux, il enregistre deux nouveaux titres, La Fête à Neu-Neu et La Leçon de Piano. Pendant ce temps, un tribunal spécial à Alger le condamne à mort par contumace le 27 mai 1944… Après le Débarquement du 6 juin, Chevalier est averti que les maquisards sont à sa recherche. Il fuit Mauzac et se cache chez des amis à Cadouin, en Dordogne. Disparaissant des radars, sa mort est annoncée dans la presse… Il est finalement arrêté le 14 septembre 1944. Il est conduit à Périgueux où il est interrogé sur ses agissements pendant la guerre… L’entretien avec André Urbanovitch est musclé. Il obtient l’aide de Basil Cardew, le correspondant de guerre anglais du Daily Express, ainsi que de l’humoriste résistant Pierre Dac et de l’écrivain Louis Aragon qui participent à sa campagne de réhabilitation auprès de l’opinion publique. Il est finalement lavé de tout soupçon…

Acclamé par les maquisards du 31e d’infanterie de Melun devant lesquels il se produit, Maurice Chevalier chante devant les troupes américaines stationnées à Paris. Ses spectacles recommencent au palais de Chaillot puis au Luna Park, au Casino de Paris, à l’ABC. Il reprend aussi ses tournées dans toute la France. Fin mars 1945, sa nouvelle chanson, Fleur de Paris, triomphe. Le premier tome de ses mémoires, publié le 5 septembre 1946, est une belle réussite. René Clair lui propose le premier rôle de son prochain film, Le Silence est d’Or (1947), qui obtiendra le Premier prix au Festival de Bruxelles, le Léopard d’or au Festival de Locarno, le Prix Méliès de la critique et une sélection au Festival de Cannes. Chevalier lui-même recevra le Premier prix d’interprétation masculine à Locarno. Seule ombre au tableau, sa relation avec Nita Raya prend fin. Une nouvelle romance commence bientôt avec l’actrice Jacqueline Noëlle.

Le Silence est d'Or (1947)
Avec Zita Fiore au Festival de Cannes en 1947

En mars 1947, Maurice Chevalier est de retour aux États-Unis. Il reste à l’affiche deux mois et demi durant à Broadway. Il enregistre son premier album américain, Maurice Chevalier Returns. Récompensé par le maire de New York, William O’Dwyer, qui lui remet les clés de la ville en 1948, Chevalier, qu’Ed Sullivan qualifie de plus grand entertainer jamais vu ou entendu à New York, part en tournée au Canada puis revient en France où il chante devant le président Vincent Auriol lors d’un concert organisé au ministère de la Justice. Pensant de plus en plus à quitter la scène, le chanteur âgé de soixante ans prend les manettes de l’émission radiophonique This is Paris diffusée des deux côtés de l’Atlantique. Il apparaît en outre au cinéma dans Le Roi de Marc-Gilbert Sauvajon avec Annie Ducaux, Sophie Desmarets et Jacqueline Noëlle, avec qui il se sépare (1949). Dans le film, il interprète au passage ses nouvelles chansons, Bouquet de Paris, La Barbe, La Cachucha et C’est Fini.

Ma Pomme (1950)
Avec l'actrice Shirley Bassey et la Reine-Mère
Elisabeth au Royal Variety Performance (1961)

Le 15 novembre 1950, Maurice Chevalier tient le haut de l’affiche dans Ma Pomme, un autre long-métrage de Marc-Gilbert Sauvajon inspiré de sa célèbre chanson (1950). Deux nouvelles chansons complètent la bande originale, Clodo Sérénade et T’en Fais pas Fiston. Lors de la fête de fin de tournage, il accepte de signer l’appel de Stockholm contre la prolifération de l’armement atomique. Les dirigeants des États-Unis lui en tiendront sévèrement rigueur… Apparaissant pour la première fois à la télévision américaine grâce à Billy Rose, il assiste au succès de Ma Pomme avant de débuter une nouvelle tournée nord-américaine accompagnée de son pianiste Fred Freed et de son amie Patachou. L’affaire est toutefois interrompue lorsqu’il découvre que les États-Unis lui refusent le visa nécessaire pour entrer sur le sol américain… Tous ses projets sont dès lors annulés, y compris un film avec Marlene Dietrich. Faute de tournée aux États-Unis, Maurice Chevalier chante sur les scènes d’Amérique du Sud, puis au Proche-Orient et en Espagne, puis également pour la première fois depuis la fin de la Guerre en Allemagne. Il apparaît enfin à Stockholm, à Copenhague et à Londres où, à la demande de la reine Elisabeth II et du prince Phillip, son nom est ajouté à la liste des artistes qui se produisent lors de la Royal Variety Performance au London Palladium.

En 1952, Maurice Chevalier devient l’heureux propriétaire d’une magnifique villa à Marnes-la-Coquette où il s’installe avec sa nouvelle compagne, la peintre Janie Michels. La même année, il revient sur la scène du théâtre de l’Empire dans Plein-Feu, qui est un beau succès. Il fait au passage la rencontre de sa dernière femme, la danseuse Odette Meslier. Autorisé à revenir aux États-Unis en 1955, Chevalier tourne dans Ariane de Billy Wilder avec Gary Cooper et Audrey Hepburn (1957), puis dans la comédie musicale Gigi de Vincente Minnelli (1958). Pour ces deux films, il est alors en lice pour le Golden Globe du Meilleur acteur dans un film musical ou un comédie. Chevalier reçoit par ailleurs un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière et un Cecil B. DeMille Award. Il apparaît en outre dans J’ai Épousé un Français de Jean Negulesco (1959), Can-Can de Walter Lang avec Frank Sinatra et Shirley MacLaine (1960), Un Scandale à la Cour de Michael Curtiz avec Sophia Loren (1960), narre Les Collants Noirs de Terrence Young avec Cyd Charisse (1961) et joue dans Fanny de Joshua Logan avec Leslie Caron qui lui vaut une troisième nomination aux Golden Globes (1961). Une étoile sur le mythique Walk of Fame de Los Angeles honore alors celui qui incarne si bien la France dans tous ses films.

Gigi (1958)
Fanny (1961)

Vedette de l’Alhambra de Paris rebaptisée en son honneur l’Alhambra-Maurice Chevalier, le chanteur de soixante-quatorze ans est engagé par les studios Disney qui lui offrent le rôle de Jacques Paganel dans l’adaptation par Robert Stevenson de l’œuvre de Jules Verne Les Enfants du Capitaine Grant (1962). Il y partage l’affiche avec Hayley Mills, George Sanders et Wilfrid Hyde-White. Sa rencontre avec Walt Disney est passionnante. Les deux hommes vouent en effet l’un pour l’autre une extraordinaire admiration. Pour ce film, Chevalier interprète de nouvelles chansons écrites par les frères Richard et Robert Sherman, Merci Beaucoup, Grimpons et Enjoy It. Il concourt alors pour le Laurel Award de la Meilleure performance dans un film musical. Il joue ensuite son propre rôle dans La Fille à la Casquette de Melville Shavelson avec Paul Newman et Joan Woodward (1963). Après Un Américain à Rome de George Sherman et Giuliano Carnimeo (1964) et I’d Rather Be Rich de Jack Smight (1964), Maurice Chevalier revient aux studios Disney pour tourner Singes, Go Home ! (1967), son ultime long-métrage avec Dean Jones et l’un des derniers projets validés par Walt Disney avant sa mort en décembre 1966.

Les Enfants du Capitaine Grant (1962)
Avec Wilfrid Hyde-White, Hayley Mills et Walt Disney

En septembre 1966, Maurice Chevalier change de registre en enregistrant Le Sous-Marin Vert, la version française de Yellow Submarine des Beatles. L’année suivante, le vieux chanteur de près de quatre-vingt ans décide alors de mettre un terme à sa carrière et débute sa tournée d’adieu dans le monde entier. Il passe par le Canada, la Suède, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Argentine… Accueilli une fois encore triomphalement aux États-Unis, un Tony Award spécial couronne sa carrière. Il finit sa tournée au théâtre des Champs-Élysées où il se produit à guichet fermé du 1er au 20 octobre 1968.

Singes, Go Home !
(1967)
Les Adieux à la scène au
Théâtre des Champs-Élysées (1968)

Promu Officier de la Légion d’honneur et Honoré en 1969 par le sénateur Charles Percy lors d’une cérémonie prestigieuse organisée dans l’enceinte du Congrès des États-Unis, Maurice Chevalier accepte ponctuellement de sortir de sa retraite pour interpréter le générique des (Les) Aristochats, le nouveau long-métrage animé des studios Disney réalisé par Wolfgang Reitherman. De retour aux studios, il croise la route de Dick et Bob Sherman qui ont écrit le générique du film spécialement pour lui. Le sourire jusqu’aux oreilles, il l’enregistre en français et en anglais comme un dernier gage d’amitié pour feu Walt Disney. Cette ultime chanson lui vaut de concourir pour le Grammy Award de la Meilleure chanson pour enfants. De retour en France, un trophée MIDEM remis à Cannes célèbre ses soixante-huit ans de carrière. Le dixième et dernier tome de ses mémoires, Môme à Cheveux Blancs, paraît alors.


Maurice Chevalier en compagnie de Richard et Robert Sherman
lors de l'enregistrement du générique des (Les) Aristochats

Loin de la scène et de son public chéri, Maurice Chevalier sombre malgré lui dans une certaine dépression. Il avale alors des médicaments le 7 mars 1971 et se tranche les poignets. « J’ai eu la plus belle carrière dont a pu rêver un gosse de Ménilmontant », écrit-il alors à son manager François Vals, « Mais j’ai une fin de vie pitoyable. Je vous demande pardon. Nous nous reverrons un jour là-haut. Je vous embrasse ». La tentative de suicide échoue néanmoins. Mais Chevalier sort de l’hôpital considérablement diminué. Il est de nouveau hospitalisé le 13 décembre 1971 à l’hôpital Necker. Il meurt le 1er janvier 1972. Il a quatre-vingt-trois ans… Le monde entier est alors sous le choc et les hommages pleuvent de partout. Son corps est enterré auprès de celui de sa chère mère, à Marnes-la-Coquette.

Durant sa carrière longue de près de soixante-dix ans, Maurice Chevalier a immanquablement marqué le public. Reconnaissable à son accent et à sa gouaille, l’artiste a alors magistralement incarné la France et sa culture à travers le monde. Les studios Disney lui rendront d’ailleurs hommage en 1991 en donnant certains traits de sa personnalités au candélabre Lumière dans La Belle et la Bête. En 2002, un Disney Legend Award couronne par ailleurs celui qui, à la fin de sa vie, a entretenu une formidable amitié avec Walt Disney.

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