Les Étranges Sœurs
L'Histoire des Trois Sorcières

Les Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières
La couverture
Titre original :
The Odd Sisters : A Tale of The Three Witches
Éditeur :
Hachette Heroes
Date de publication France :
Le 20 novembre 2019
Genre :
Disney Villains
Auteur(s) :
Serena Valentino
Autre(s) Date(s) de Publication :
Disney Press (US) : Le 02 juillet 2019
Nombre de pages :
240

Le synopsis

Après des décennies passées à semer les graines du mal dans le cœur de leurs anciens amis, devenus malgré eux les méchants de leurs propres histoires, Lucinda, Ruby et Martha semblent avoir bien mérité leur sort. Prisonnières de la Terre des Rêves et privées de leur magie, les Étranges Sœurs n'ont toutefois pas l'intention de s'avouer vaincues. Fidèles à leurs habitudes, les trois sorcières fomentent en effet un plan machiavélique pour tenter de s'échapper et recouvrer leur puissance perdue, et avec elle, l'amour de leur jeune sœur, Circé.
Alors que le trio infernal est temporairement sous contrôle, les habitants des Nombreux Royaumes s'affairent : Blanche Neige et Circé dénouent le mystérieux passé des Étranges Sœurs, le conseil des fées s'apprête à juger les sorcières, et de vieilles connaissances, amies comme ennemies, font leur retour. La bataille entre le bien et le mal semble inévitable, mais une question demeure : qui va l'emporter ?

La critique

rédigée par
Publiée le 26 septembre 2020

Plus que jamais peut-être, les méchants ont le vent en poupe auprès du grand public. La franchise Descendants, lancée par le Disney Channel Original Movie de 2015, prouve que même les enfants des plus grands méchants Disney peuvent échapper à leur condition et faire ce qui est juste, brisant du même coup la malédiction familiale. En 2011, la très populaire série Once Upon a Time – Il Était une Fois produite par ABC Studios, offre à l'inverse à quelques méchants la possibilité d'obtenir une rédemption, tout en explorant le passé de ces antagonistes et les événements qui les ont fait basculer dans les ténèbres. La saga littéraire de Serena Valentino, Disney Villains, se veut toutefois plus fataliste. Tout comme dans Once Upon a Time – Il Était une Fois ou encore dans le film Maléfique en 2014, l'autrice revisite certes allègrement le passé des méchants Disney et trouve une justification à leur malfaisance. En revanche, pour les êtres maudits chez Serena Valentino, point de salut possible ; « On ne naît pas méchant, on le devient » proclament alors les campagnes promotionnelles entourant la série littéraire, mais le retour en arrière s'avère presque impossible, et la chute, inévitable.
Avec Les Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières, le sixième tome de la série littéraire Disney Villains, Serena Valentino continue d'écrire la mythologie de son univers, dans lequel nombre d'histoires Disney sont connectées, et où les seuls personnages qui semblaient jusqu'alors avoir une certaine emprise sur le destin, les Étranges Sœurs, se retrouvent à leur tour en fâcheuse posture. Fin d'un cycle commencé en 2009 et s'étalant sur six romans, ce nouveau livre est porteur de belles promesses et se révèle particulièrement ambitieux ; sans doute l'est-il trop, d'ailleurs, pour réussir à convaincre pleinement son lectorat.

Serena Valentino est née le 7 avril 1970 à San Jose, dans l'État de Californie aux États-Unis. Élève appliquée, elle révèle très tôt un talent certain pour l'écriture, impressionnant d'ailleurs ses professeurs qui l'invitent à développer ses qualités littéraires. Elle n'en a pourtant cure et lorgne en effet bien davantage sur une carrière théâtrale. La jeune femme entreprend d'ailleurs des études dans cette direction, désireuse d'enseigner l’art du théâtre. Pour autant, elle n'a jamais abandonné complètement l'écriture. La vingtaine bien consommée, Serena Valentino fait découvrir à son ami, Ted Naifeh, une historiette qu’elle a écrite, empreinte d’une ambiance gothique et mettant en scène des personnages de contes de fées modernes. Charmé par le récit de la jeune autrice, il entreprend aussitôt de l’illustrer, persuadé que le genre du comics est parfait pour le raconter. De cette collaboration entre les deux artistes naît alors le premier des 28 numéros de la série de comics GloomCookie, éditée à partir de 1999 par Slave Labor Graphics.
En 2002, toujours chez le même éditeur, Serena Valentino signe une nouvelle série de comics, intitulée Nightmares & Fairy Tales, dont le personnage principal, Annabelle, est une poupée de chiffon racontant les histoires plus ou moins tragiques des personnes l'ayant possédée. Serena Valentino, au cours des 23 numéros que comporte la série, fait se côtoyer tour à tour des créatures mystiques issues du folklore et des personnages emblématiques de contes de fées, dans des histoires macabres teintées d'humour noir.

Impressionnés par les talents de conteuse de Serena Valentino après avoir lu la série de comics Nightmares & Fairy Tales, les éditeurs de Disney Press la contactent pour lui soumettre un projet de roman. Lui proposant d'écrire une histoire centrée autour d'un ou de plusieurs personnages issus des films des Walt Disney Animation Studios, l'autrice jette immédiatement son dévolu sur les méchants Disney, et plus particulièrement sur le personnage de la Reine Grimhilde. Miroir, Miroir : L'Histoire de la Méchante Reine sort alors dans les librairies étasuniennes le 18 août 2009. Prévu au départ comme un roman unique, son succès convaincra néanmoins Disney Press de poursuivre sa collaboration avec Serena Valentino, en lui proposant d'écrire un second roman explorant le passé d'un nouveau méchant. C'est alors la Bête qui, curieusement, est choisie par l'autrice pour figurer dans son deuxième livre, L'Histoire de la Bête, qui sort le 22 juillet 2014. Lié au roman précédent grâce à la présence de personnages inédits et récurrents, il faudra toutefois attendre le troisième tome, Pauvre Âme en Perdition : L'Histoire de la Sorcière des Mers, édité le 26 juillet 2016, pour que la série trouve une véritable unité au sein de la collection Disney Villains. C'est d'ailleurs depuis ce roman, présentant le passé de la terrible Ursula, que les histoires sont non seulement bien davantage connectées entre elles mais, surtout, que la publication des livres devient annuelle.
Le 3 octobre 2017, Maléfique fait ainsi une entrée fracassante dans la collection, avec Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire, précédant Mère Gothel qui, le 7 août 2018, voit à son tour son passé exploré dans N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière. Le 2 juillet 2019, le sixième tome, Les Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières, se concentre pour la première fois non pas sur un méchant emblématique de Disney, mais plutôt sur les personnages inédits imaginés par Serena Valentino et présents depuis le premier tome de la collection. Face au succès tant critique que public de la série Disney Villains, trois nouveaux romans sont prévus dès l'été 2019, dont le premier, dont le premier, centré sur le personnage de Cruella d'Enfer et titré Evil Thing : A Tale of That De Vil Woman, sort le 7 juillet 2020.

Dans le prologue des (Les) Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières, Circé entreprend de retracer l'histoire de Lucinda, Ruby et Martha, avant de se rendre compte, douloureusement, qu'elle est non seulement la cause de leurs vils agissements, mais surtout qu'elle est la seule à pouvoir mettre un terme aux méfaits des triplées infernales. Inconsolable, la jeune femme se désole alors du chemin qu'a suivi le trio de sorcières au fil des décennies, semant sur son passage le désespoir, la terreur et la mort. En effet, ce sont Lucinda, Ruby et Martha qui ont fait basculer la Reine Grimhilde dans l'antre de la folie et poussé Circé à jeter une malédiction sur le Prince devenu Bête. Ce sont elles, encore, qui ont nourrit les désirs de vengeance d'Ursula au détriment de la vie d'Ariel et qui ont détruit la vie de Maléfique, jusqu'à ce que son cœur se flétrisse. Ce sont elles, enfin, qui ont malmené Gothel toute sa vie, jusqu'à la pousser à l'innommable, au nom de l'amour sororal.

Mais comme les méchants dont elles ont maudit l'existence, les trois sœurs ne sont pas nées mauvaises. Les Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières, dans un récit profondément lié au tome précédent, centré sur Mère Gothel, revient aux origines mêmes du mal, jusqu'à la naissance des Étranges Sœurs. Le lectorat, pour peu qu'il ait suivi avec assiduité la série littéraire, connait déjà la raison du basculement des sœurs vers la folie et la cruauté, ce moment-charnière étant largement expliqué dans Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire. Mais Serena Valentino, à la plume décidément habile lorsqu'il s'agit de raconter les passés tortueux et sombres de ses personnages, complète enfin son histoire dans ce sixième tome, en offrant aux sœurs une origine particulièrement dramatique et empreinte de noirceur. C'est d'ailleurs bien là la plus grande force des (Les) Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières ; en connectant toutes les intrigues auparavant distillées dans les précédents romans, l'autrice parachève la mythologie des Nombreux Royaumes qu'elle a mise en place durant plus de dix ans, le tout avec une certaine virtuosité. Assurément, Serena Valentino maîtrise à merveille non seulement son univers, mais également les multiples chronologies de ses romans, prenant un plaisir certain à cultiver la révélation et le retournement de situation, pour surprendre sans cesse son lectorat.

Malheureusement, si le passé et les légendes fondatrices sont des domaines dans lesquels Serena Valentino excelle, l'autrice se révèle rapidement à bout de souffle quand il s'agit d'offrir à ses personnages un destin convaincant. Toute l'intrigue du roman repose en effet sur l'ultime confrontation qui aura lieu dès que les Étranges Sœurs seront parvenues à s'extirper de la Terre des Rêves, dans laquelle elles demeurent prisonnières depuis le troisième tome de la série. Présenté durant les quelques 300 pages du roman et redouté par tous les personnages, le conflit qui couve entre les forces du bien et du mal promettait au lectorat des scènes d'une rare tension, d'autant que l'autrice s'était déjà montrée particulièrement capable d'écrire des scènes au souffle épique. La déception n'en est au final que plus terrible pour le lectorat quand la plus grande bataille des Nombreux Royaumes, l'apogée du conflit entre le bien et le mal, n'arrive jamais vraiment.
Pendant que se résolvent ces querelles bien mollassonnes, la Terre des Fées se prépare, elle, à une immense guerre qui a mobilisé toutes les créatures magiques. Aussi, le lectorat rêve-t-il déjà d'affrontements aussi passionnants et épiques que ceux tirés des plus grandes histoires de fantasy. Mais là encore, la bataille ne vient jamais, et les personnages se contentent de regarder le ciel durant un chapitre entier. Venant conclure un arc narratif entamé avec Miroir, Miroir : L'Histoire de la Méchante Reine, ce sixième tome se montre alors particulièrement décevant. Passés les chapitres centrés sur l'histoire des Étranges Sœurs et leur destin dramatique, le lectorat ne peut que s'ennuyer en attendant un climax qui n'arrive jamais vraiment, et si le dénouement est certes choquant, il est mal amené et ne parvient guère à sauver le tout du naufrage.

Puisqu'il est le premier tome de la série à ne pas adapter un film d'animation des Walt Disney Animation Studios, Les Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières peut se permettre de multiplier les personnages, dont la quasi-totalité sont par ailleurs des inventions de l'autrice. Serena Valentino, libérée du carcan de sa série qui l'oblige à introduire, parfois au chausse-pied, de larges scènes copiées mot pour mot des films d'animation Disney, jouit donc d'une liberté totale dans la rédaction de son nouveau roman. Il devient malheureusement évident que nombre de ses personnages originaux, s'ils avaient leur place dans la vie des méchants Disney, semblent difficilement capables de justifier leur présence dans une histoire où ils sont contraints d'exister par eux-mêmes. Les Étranges Soeurs et Circé tirent comme souvent leur épingle du jeu, notamment grâce à leur lente évolution au cours de la série, mais d'autres n'ont pas cette chance et, débarrassés de leurs rôles de leviers scénaristiques qu'ils occupaient dans les précédents romans, ils ne deviennent que des créatures de papier faisant acte de présence.

Le chapitre XIV, titré Le Conseil des Fées, en est l'exemple probant. Nounou et Marraine la Bonne Fée s'y disputent durant près de vingt pages, rappelant une nouvelle fois les crimes commis par le trio de sorcières et s'affrontant sur les devoirs qui incombent aux fées. Traînant en longueur, le chapitre est d'un ennui mortel pour le lectorat qui connait déjà les méfaits de Lucinda, Ruby et Martha et qui a déjà compris les arguments des deux personnages, pour les avoir vus débattre de manière similaire deux tomes plus tôt. Ces discussions étaient en réalité menées de manière bien plus pertinentes dans les précédents romans, et les personnages mieux écrits. Ici cependant, leurs dialogues sonnent trop souvent creux et leurs tergiversations sont pour le lectorat au mieux inutiles, au pire agaçantes. Les personnages secondaires n'évoluent plus et s'embourbent dans des discussions peu intéressantes, au détriment de l'action promise par la bataille qui s'annonce. Ce sont alors seulement quelques informations sur le passé des Étranges Sœurs qui parviennent à retenir péniblement l'attention au milieu de ce radotage.
Les autres personnages ne brillent par davantage par leur présence, que ce soit la vieille Madame Petipain ou l'intrépide Princesse Tulipe, qui n'apportent à peu près rien à l'intrigue du roman. Blanche Neige, enfin, semble pour sa part fermement accrochée à son rôle de fragile demoiselle en détresse, et cela alors même qu'elle est bien plus âgée et qu'elle a fondé une famille depuis la chute de la Reine Grimhilde. Si les Étranges Sœurs avaient voulu maudire l'existence de Blanche Neige et la condamner à demeurer prisonnière d'une malédiction scénaristique éternelle, il est certain qu'elles ne s'y seraient pas prises autrement... La princesse semble en réalité n'être guère plus qu'un pont entre le lectorat et l'autrice du roman, livrant à l'occasion quelques informations qu'elle glane çà et là, au fil de ses lectures.

La lecture des (Les) Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières, se révèle donc, dans l'ensemble, plutôt pénible. Il faut toutefois reconnaître que l'idée d'inclure avant chaque chapitre une illustration dépeignant une scène marquante est, en revanche, particulièrement ingénieuse. Le lectorat, qui connait déjà par cœur les grands films d'animation Disney, a toujours pu très facilement s'imaginer les méchants emblématiques dans leurs sordides aventures. Pour ce sixième tome, qui fait s'affronter en très grande majorité des personnages inédits, il est donc tout naturel de faire intervenir des illustrations qui viennent non seulement conférer un charme tout particulier à l'œuvre, mais aussi permettre au lectorat, lors des revisites des tomes précédents, de s'imaginer avec plus de précision les personnages de Valentino. Sublimes, les dessins de Pablo Santander Tiozzo-Lyon jouent avec les effets de lumière et d'ombre et les larges aplats de noir, et il s'en dégage une beauté envoûtante et irréelle, tout en illustrant aussi bien des scènes de joie que des moments plus sombres, voire macabres. Pour ne rien gâcher, la couverture de l'édition française, éditée par Hachette Heroes, est illustrée magnifiquement, comme pour les autres tomes, par Phil Dragash.

Les Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières est au final un roman vraiment décevant. La passionnante mythologie mise en place par Serena Valentino dans sa série ainsi que les illustrations de Pablo Santander Tiozzo-Lyon sauvent en partie le roman, mais les perpétuels retournements de situation qui n'amènent au final qu'à des scènes verbeuses viennent plomber l'ensemble, finissant par laisser le lectorat indifférent. Cet arc de la grande fresque de l'histoire des méchants Disney promettait de s'achever dans une explosion d'action épique ; il n'en est malheureusement rien, le lectorat refermant bien vite l'ouvrage en ayant l'impression douloureuse d'avoir assisté à un feu d'artifice raté.

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