Au Cœur des Chefs-d'Œuvre de Disney
Le Second Âge d’Or : 1984-1995

Au Cœur des Chefs-d'Œuvre de Disney - Le Second Âge d’Or : 1984-1995
La couverture
Éditeur :
Third Éditions
Date de publication France :
Le 19 novembre 2020
Genre :
Essai
Auteur(s) :
Damien Duvot
Nombre de pages :
352

La critique

rédigée par
Publiée le 22 janvier 2021

Le 30 mai 2010, Damien Duvot, passionné de cinéma, de jeux vidéo et de comics, lance sa chaîne YouTube, MrMeeea, sur laquelle il propose des chroniques et des analyses de plus en plus détaillées et documentées au fil des années. Si en 2020, il s’attache davantage à parler de films et de séries télévisées que de jeux vidéo (qu’il chronique désormais sur les sites RetroGaming et Gamekult), il existe pourtant un point commun entre ses anciennes vidéos et ses productions plus récentes : la présence très importante des diverses activités de The Walt Disney Company. Il a consacré, en effet, toute une série de vidéos aux jeux vidéo Disney, d’abord à ceux de Mickey sur les consoles Mega Drive et Master System comme Castle of Illusion Starring Mickey Mouse, puis aux jeux adaptés de séries d’animation Disney comme DuckTales sur la console NES. Puis, il a proposé des vlogs dans lesquels il critiquait une nouvelle sortie cinéma, comme il l’a fait pour Les Nouveaux Héros. En 2020, ses vidéos proposent, plus qu’une simple critique, une véritable histoire de la création d’un film avec des anecdotes avérées et des analyses passionnantes sur certains aspects des productions : il a notamment dédié des vidéos d’environ 25 minutes chacune à L’Étrange Noël de Monsieur Jack, Qui Veut la Peau de Roger Rabbit ou encore Taram et le Chaudron Magique

Cette dernière chronique vidéo, sortie le 27 février 2019, revient sur la production chaotique du vingt-cinquième film d’animation des Studios Disney, à l’époque appelée aujourd’hui l’Âge noir de Disney. Il est vrai que depuis la mort de Walt Disney, fondateur des studios Disney, le 15 décembre 1966, l’ensemble des branches de The Walt Disney Company est ébranlé, et en particulier Walt Disney Animation Studios qui a alors sombré dans un lent déclin. Entre le changement de direction en 1984, avec l’arrivée de Michael Eisner comme Président Directeur Général de The Walt Disney Company et de Jeffrey Katzenberg à la tête de Walt Disney Studios, et les rivalités entre la vieille garde des animateurs Disney déjà présents du vivant de Walt et les nouvelles générations d’animateurs pleins d’idées nouvelles, Damien “Meeea” Duvot revient dans sa vidéo sur le contexte dans lequel Taram et le Chaudron magique a été créé et les raisons pour lesquelles il est le film qu’il est, à savoir un mal-aimé copieusement critiqué à sa sortie en salles et bien vite tombé dans l’oubli.

À peine publiée, cette chronique vidéo attire à Meeea de nombreux éloges pour son excellent travail de documentation et de montage, et témoigne d’une certaine fascination du public pour cette période difficile et moins connue des studios d’animation Disney, qui depuis Taram et le Chaudron Magique ont bien entendu redoré leur blason dans l’industrie du cinéma. C’est également à cette occasion que le vidéaste est contacté par Third Éditions, une jeune maison d’édition fondée en 2015 par deux Toulousains, Mehdi El Kanafi et Nicolas Courcier, et dont la ligne éditoriale est dédiée à la pop culture sous toutes ses formes. Leur but : mettre en avant les secrets derrière la création des œuvres cultes, les messages cachés, anecdotes et clins d'œil qui enrichissent et apportent un nouveau regard sur elles.

Ainsi que l’explique Damien Duvot au cours d’un entretien dans le podcast Rien que d’y Penser, le duo d’éditeurs lui a proposé d’écrire un livre sur Disney, mais en laissant le sujet assez libre : c’est au terme de discussions et d’échanges que l’auteur et ses éditeurs s’accordent enfin sur le thème et la période, « Le Second Âge d’Or : 1984-1995 ». Ce titre peut faire hausser les sourcils chez les connaisseurs de l’empire aux grandes oreilles : en effet, il est traditionnellement considéré que le Second âge d’or de Disney commence plutôt en 1989, lors de la sortie acclamée de La Petite Sirène au cinéma, sortant alors le studio d’animation d’un long sommeil. Mais pour le vidéaste, impossible de parler de La Petite Sirène, réalisé par les jeunes animateurs John Musker et Ron Clements, sans parler de la production de Basil, Détective Privé, leur première collaboration ; impossible de parler de Sous l’Océan et de sa mélodie aux inspirations calypso qui a valu à Howard Ashman et Alan Menken l’Oscar de la meilleure chanson originale, sans parler d’Oliver & Compagnie, film d’animation Disney pour lequel le regretté Ashman a écrit sa première chanson pour le studio, Il Était une Fois à New York City. Le succès de La Petite Sirène ne vient pas de nulle part mais est le résultat d’une lente reconstruction, de l’application de nouvelles techniques et de rencontres entre artistes et entre producteurs ; et surtout, il porte déjà en lui des tensions sous-jacentes qui expliqueront le nouveau déclin du studio, une décennie plus tard.

C’est la raison pour laquelle Damien Duvot décide de situer le début de son livre en 1984, ainsi qu’il l’explique dans un court prologue, à partir du changement de direction et de l’arrivée des producteurs fraîchement débarqués de studios de cinéma, Michael Eisner et Jeffrey Katzenberg, qui l’un comme l’autre ne connaissent rien au monde de l’animation et vont imposer des changements, parfois dans la douleur, qui vont révolutionner les studios Disney.

Au Cœur des Chefs-d'Œuvre de Disney - Le Second Âge d’Or : 1984-1995 relate ainsi l’histoire des studios Disney, dans un ordre strictement chronologique, fondé sur l’ordre de sortie des films. Chaque chapitre évoque, en conséquence, une production Disney : le livre commence ainsi par Basil, Détective Privé, et se termine avec Toy Story. Fait intéressant, Damien Duvot consacre également un chapitre à Qui Veut la Peau de Roger Rabbit, élargissant ainsi son sujet à une production qui ne relève pas entièrement de Walt Disney Animation Studios. Les chapitres sont denses, à caractère quasiment encyclopédique : l’auteur n’hésite pas à donner les noms de tous les collaborateurs travaillant sur les films, de nommer les animateurs et animatrices, de détailler parfois leur parcours en quelques mots, mettant délibérément un coup de projecteur sur ces artistes de l’ombre qui ont façonné les classiques d’animation que tout le monde connaît, qui y ont apporté leurs expériences personnelles et leur savoir-faire. Il s’amuse également à rapporter les différents scénarios ayant précédé les versions finales que tout le monde connaît, laissant le lecteur rêveur sur ce qui aurait pu être.

Il est également intéressant de lire Damien Duvot mettre en avant le fait que certaines productions très différentes ont eu lieu simultanément : les animateurs travaillant sur Basil, Détective Privé sont souvent des renégats du projet Taram et le Chaudron Magique, qui était celui sur lequel les espoirs du studio étaient fondés, mais qu’ils ont eu par ailleurs une certaine liberté notamment en utilisant l'animation assistée par ordinateur donnant lieu à la scène de Big Ben ; ou encore, pendant qu’une équipe travaille sur La Petite Sirène comme un film de princesse avec une structure de comédie musicale apportée par Howard Ashman et Alan Menken, une autre équipe avance sur la création de Bernard et Bianca au Pays des Kangourous, présenté comme un film d’action à l’origine sans aucune chanson intégrée mais qui permet de tester un nouveau logiciel informatique CAPS (Computer Animation Production System) co-créé avec Pixar. La frénésie de création, instaurée notamment par l’inépuisable Jeffrey Katzenberg, a donné lieu à des tests de projets et de méthodes de travail, comme il le montre dans le chapitre « Des bas, des hauts » consacré d’abord à La Petite Sirène puis à Bernard et Bianca au Pays des Kangourous, puisque c’est suite aux succès et échecs successifs au box-office de ces deux films d’animation que Disney conclut que les films avec des séquences musicales chantées deviendront la norme.

De plus, Damien Duvot manie l’ironie dramatique avec habileté : s’il cite bien évidemment les coups de génie ayant tout changé sur certaines productions, il n’hésite pas également à évoquer les occasions manquées ou les ratages, comptant sur une certaine connaissance du lecteur du futur de The Walt Disney Company, pour provoquer des sourires face au manque de vision de certains (notamment lorsqu’il évoque la vente de la petite société Pixar de Lucasfilm Ltd. à Steve Jobs, pour cinq malheureux millions de dollars…).

L’utilisation grandissante de la technologie dans la production des films Disney est, d’ailleurs, un thème central dans Au Cœur des Chefs-d'Œuvre de Disney - Le Second Âge d’Or : 1984-1995. Ce n’est en effet pas un hasard si Damien Duvot a choisi de conclure son livre par un chapitre sur Toy Story, premier film d’animation entièrement créé à l’ordinateur, une révolution technologique qui annonce les prémices du passage de Disney à la 3D, environ dix ans plus tard. L’auteur évoque les différentes évolutions avec tout d’abord le recours sporadique à l'ordinateur pour des scènes bien précises, comme celle se déroulant dans l’horloge de Big Ben dans Basil, Détective Privé, ou encore la séquence où Ariel descend les escaliers dans le château d’Eric dans La Petite Sirène, ou, plus iconique, la scène du bal dans La Belle et la Bête. De son vivant, Walt Disney ne cessait de viser l’innovation technologique dans ses films d’animation, avec l’utilisation de la caméra multiplane, puis, plus tard, avec l’acquisition de la Xerox permettant de reproduire les petits chiots et leurs taches et réduire les coûts dans Les 101 Dalmatiens. Cet héritage, ainsi que le souligne Damien Duvot tout au long du livre, a été perpétué par les nouvelles générations d’animateurs, leur permettant de repousser constamment les limites de ce qu’il leur était techniquement possible de faire.

Pourtant, malgré la densité d’informations véhiculée par Au Cœur des Chefs-d'Œuvre de Disney - Le Second Âge d’Or : 1984-1995, le livre reste digeste et relativement facile d’accès : d’abord, si les chapitres sont longs et dépourvus d'illustrations, ils sont découpés en sous-parties qui apportent des pauses bienvenues dans la lecture, chaque fois nommées avec des citations en référence au film auquel le chapitre est dédié. Ensuite, Damien Duvot donne des détails qui apportent du romanesque à l’histoire de Disney : s’il n’y a bien sûr pas de dialogues comme dans un livre de fiction, il utilise souvent le discours indirect et apporte des éclairages sur les pensées et émotions de certains personnages, ou encore des détails sur leur environnement. Le bureau de Jeffrey Katzenberg, décrit comme intégralement blanc à l’exception d’une canette de soda rouge et noire trônant sur le bureau, frappe l’imaginaire du lecteur à sa lecture ; tout comme les « Gong Shows », instaurés par Michael Eisner, des réunions où les animateurs doivent pitcher des idées de projets en quelques phrases, sous l’œil sévère d’Eisner lui-même et de Jeffrey Katzenberg, assis au bout d’une longue table rectangulaire sous les portraits de Walt et Roy O. Disney. Enfin, les nombreuses notes de bas de page permettent d’alléger quelque peu le texte tout en apportant de rapides précisions ou anecdotes : par exemple, alors qu’il mentionne en passant un certain Chris Sanders assistant Glen Keane sur la scène du vol de l’aigle Marahute, il précise plus bas que ce jeune animateur est en fait le futur réalisateur de Lilo & Stitch ou encore de Dragons chez Dreamworks Animation...

Le travail de documentation derrière Au Cœur des Chefs-d'Œuvre de Disney - Le Second Âge d’Or : 1984-1995, considérable et parfaitement tangible à la lecture, est confirmé par la bibliographie riche et fournie à la fin de l’énorme livre de 352 pages. L’ouvrage n’a rien à envier en termes de qualité aux productions officielles de The Walt Disney Company, et la fascination et la passion que porte Damien Duvot aux studios Disney est palpable à chaque page et dans tous les détails du texte. Les fans francophones apprécieront notamment les mentions presque systématiques des doublages français, auxquels l’auteur rend chaque fois un bel hommage, soulignant le travail sur la « localisation » des dialogues et chansons (c’est-à-dire l’adaptation dans une langue étrangère, dans le domaine du cinéma), et celui, bien sûr, des comédien-ne-s dont les voix ont marqué les enfances de milliers de personnes en France, et qui sont, pour beaucoup, décédés aujourd’hui, comme Roger Carel, Patrick Poivey ou encore Lucie Dolène.

De plus, Third Éditions apporte à l’ouvrage son savoir-faire avec une fabrication soignée : un format de 160 x 240 mm relativement aisé à prendre en main, une belle couverture cartonnée, et surtout une jaquette inédite illustrée par l’artiste Natalie Dombois pour l’édition classique du livre. À sa sortie le 19 novembre 2020, le livre a bénéficié également d’une édition First Print typique de Third Éditions et qui ravira les collectionneurs, puisqu’elle est limitée et propose quant à elle une couverture alternative de Mandie Manzano dans son style imitant les vitraux (avec une jaquette réversible permettant d’avoir aussi l’illustration de Natalie Dombois), un ex-libris de l’artiste et surtout le livre au format numérique, afin de pouvoir si nécessaire découvrir l’ouvrage sur liseuse sans prendre le risque d’abîmer la version papier.

Au Cœur des Chefs-d'Œuvre de Disney - Le Second Âge d’Or : 1984-1995 est, en conclusion, un ouvrage riche et complet, portant sur une période décisive pour les studios d’animation aux grandes oreilles. Il est, de plus, accessible même aux néophytes grâce aux précisions constamment apportées par Damien Duvot. Bien sûr, les passionnés de Disney auront déjà connaissance de la majeure partie des informations dispensées dans ce livre, notamment s’ils ont déjà regardé les très bons documentaires de Don Hahn Waking Sleeping Beauty qui porte sur la même période au sein de Walt Disney Animation Studios, ou encore Howard, qui s’attache plus spécifiquement à retracer la vie de Howard Ashman, qui a écrit les chansons de La Petite Sirène et La Belle et la Bête puis est décédé du sida avant d’avoir pu finir celles d’Aladdin. Toutefois les nombreux détails apportés rendent la lecture d’Au Cœur des Chefs-d'Œuvre de Disney - Le Second Âge d’Or : 1984-1995 très agréable, et il y a fort à parier que même les plus chevronnés apprendront des choses sur les productions au cours de leur lecture.

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