Un Joyeux Non-Anniversaire

Un Joyeux Non-Anniversaire
La couverture
Titre original :
Unbirthday
Éditeur :
Hachette Heroes
Date de publication France :
Le 17 mars 2021
Genre :
Twisted Tales
Auteur(s) :
Liz Braswell
Autre(s) Date(s) de Publication :
Disney•Hyperion (US) : Le 1er septembre 2020
Nombre de pages :
512

Le synopsis

Onze ans ont passé depuis le voyage d'Alice au Pays des Merveilles. Petit à petit, ses souvenirs se sont estompés comme un rêve au réveil et elle n'est plus tout à fait sûre de ce qu'elle a vécu. Mais un jour, ses anciens amis lui font signe à travers les mondes, ils ont besoin de son aide car le Pays des Merveilles court un grave danger. Tout lui revient en mémoire : ce qu'elle a vécu était bien réel...

La critique

rédigée par
Publiée le 29 juillet 2021

Un Joyeux Non-Anniversaire est le dixième roman de la série des Twisted Tales et le sixième de Liz Braswell, auteure la plus prolifique de la série. Il reprend l'histoire d'Alice au Pays des Merveilles et se situe bien des années après l'époque du long-métrage d'animation, reprenant ainsi le second livre de Lewis Caroll De l'Autre Côté du Miroir, paru en 1871.

Liz Braswell est l'auteure principale des Twisted Tales, ayant signé Ce Rêve Bleu (2015), Il Était un Rêve (2016), Histoire Éternelle (2016), Profondeurs de l'Océan (2018) Tout Droit Jusqu'au Matin (2020) et What Once Was Mine (2021). Avant cela, elle s'est fait connaître grâce à sa série de romans de type surnaturel The Nine Lives of Chloe King, écrite sous le pseudonyme de Celia Thomson, dont le premier tome paraît en 2004 chez Simon Pulse et qui a été adaptée à la télévision en 2011 et diffusée sur Freeform (anciennement ABC Family).

Alice est présentée comme une jeune femme excentrique, talentueuse, qui a le cœur sur la main et a bien des difficultés à s'intégrer à la société conservatrice de Londres. Elle est indépendante comme sa tante Viviane et sa famille essaye tant bien que mal de la canaliser, surtout sa soeur ô combien stricte. Le lectorat a ainsi la joie d'en apprendre plus sur l'histoire d'Alice, sa vie quotidienne londonienne, les membres de sa famille, et son retour dans le monde réel ; le monde « anglais » pour reprendre l'expression des créatures du Pays des Merveilles. Si dans le long-métrage d'animation, la sœur d'Alice n'a pas de nom, alors qu'elle est nommée Margaret dans le remake Alice au Pays des Merveilles (sorti en 2010 et réalisé par Tim Burton), dans cette version elle reprend le nom qui lui est attribué dans la pièce de théâtre Alice au Pays des Merveilles de Jason Pizzarello (jouée pour la première fois en 2008) : Mathilda. Ce choix peut alors paraître étrange étant donné que Lewis Caroll s'était inspiré de Lorina Charlotte Liddell, la sœur d'Alice Liddell qui a elle-même servi d'inspiration pour la protagoniste éponyme. Mathilda prend une place prépondérante dans l'histoire, laquelle se déroule à moitié dans le Pays des Merveilles, à moitié à Londres. À ce propos, la partie du livre se déroulant à Londres est de bien meilleure qualité...

Liz Braswell a su en effet capturer une partie de l'essence d'Alice au Pays des Merveilles : l'humour, un certain aspect fantasque, une touche d'esprit anglais et un langage adéquat, incluant perpétuellement divers animaux rappelant les auteurs britanniques Beatrix Potter (la créatrice de Pierre Lapin), T.H. White (L'Épée dans la Pierre), A.A. Milne (Winnie l'Ourson) ou encore Kenneth Grahame (Le Vent dans les Saules). Pourtant, réinterpréter Lewis Caroll n'est pas une mince affaire ! Car s'agissant d'Alice au Pays des Merveilles, il ne s'agit pas là que du long-métrage d'animation Disney, mais d'un roman à l'empreinte considérable dans la culture populaire et dans l'imaginaire du lecteur qui dépasse la version de 1951. La tâche n'est pas aisée car il s'agit de l'une des histoires les plus curieuses, uniques et bizarres qui soient. 
Lors de l'écriture des autres romans Twisted Tales, Liz Braswell s'est confrontée aux écrits de Madame Leprince de Beaumont, Charles Perrault, Christian Andersen, en somme des contes relativement courts et sommaires. Le seul autre roman qui aurait pu poser problème de façon similaire est Tout Droit Jusqu'au Matin, dans lequel l'autrice réinterprète Peter Pan de James Matthew Barrie, mais il n'en est rien car elle s'en sort de manière exemplaire. Ainsi, c'est bel et bien la première fois qu'un net décalage se ressent et que la qualité du récit et du style d'écriture attendu ne sont pas au rendez-vous : le décor du Pays des Merveilles n'est pas suffisamment bien posé, les enchaînements manquent de fluidité, les personnages du Pays des Merveilles gagneraient à être davantage décrits et l'atmosphère si particulière, absurde, propre à Lewis Caroll est encore trop logique. Cependant, même si les scènes dans le Pays des Merveilles manquent de fantaisie et de cohérence absurde, celles dans le monde « anglais » sont très plaisantes et donnent envie de connaître la suite - elles sont le sel du récit (durant le dernier tiers, les passages dans le Pays des Merveilles gagnent toutefois grandement en qualité). Et si le roman peut paraître décevant par rapport à ce qu'il peut être attendu d'une nouvelle version des aventures d'Alice, il est toutefois quelques éléments apportés par Braswell qui rattrapent le tout et s'incorporent à la perfection dans l'univers, à un tel point qu'il est désormais difficile d'imaginer l'histoire sans ces détails précieux. De ce seul fait, le roman est indispensable pour tous les fans d'Alice au Pays des Merveilles.

Que ce soit dans le long-métrage d'animation ou dans les livres de Lewis Caroll, il n'est jamais clairement établi si Alice a rêvé tout ce qu'elle a vécu ou si son aventure était bien réelle. Cela penche même souvent fortement vers le rêve plutôt que la réalité, ce qui peut paraître décevant. En la matière, Liz Braswell, tout comme dans Tout Droit Jusqu'au Matin, fait prendre vie à certains rêves du lecteur, car il apparaît très clairement et très tôt que le Pays des Merveilles n'est pas l'œuvre de l'imagination d'Alice. La théorie de la folie, bien développée par la franchise de jeux vidéo d'American McGee dans American McGee's Alice sorti en 2000 et sa suite Alice : Retour au Pays de la Folie en 2011, est une autre explication possible, mais cela reste à la discrétion du lecteur.
Malgré les quelques excellents éléments du roman, il est encore un défaut important de l'ouvrage : il ne remplit pas entièrement le contrat des Twisted Tales, étant donné qu'il ne se produit pas durant l'histoire d'Alice au Pays des Merveilles et n'y apporte aucune modification. Ainsi, il s'agit d'une réinterprétation de la suite des aventures d'Alice, telle que racontée par Lewis Caroll dans De l'Autre Côté du Miroir (qui a inspiré le film Alice de l'Autre Côté du Miroir sorti en 2016) et qui se déroule onze ans après le long-métrage d'animation, ce qui est inhabituel dans la série. Aussi, la phrase d'accroche écrite sur la couverture ne correspond pas au récit. La clef de voûte de l'histoire ne repose en effet pas sur le fait qu'Alice est en retard ; elle ne l'est d'ailleurs pas réellement. Cela pourrait tomber dans le non-sens typique du Pays des Merveilles mais en l'occurrence il n'est pas même fait mention de ce détail. Par contre, là où l'histoire est « twisted », et ainsi justifie sa place dans la série des Twisted Tales, c'est dans son contenu beaucoup plus sombre que la version de 1951, où une décapitation est bien réelle et la mort définitive.

De nouveaux détails sont apportés à l'histoire comme il est d'usage dans la collection des Twisted Tales, telle que la raison pour laquelle Lewis Caroll a opté pour un chapelier pour la création de l'un de ses personnages principaux délurés. Cette information fait office de prologue à l'ouvrage tel un avertissement amusant et instructif pour signifier aux lecteurs de ne pas boire de mercure, car dans le récit, le Chapelier Fou sera amené à en boire. Ceci est une référence au fait qu'au XIXe siècle, les chapeliers seraient devenus fous en raison de leur exposition au mercure dans le cadre de leur métier. Un détail qui pour tout fan d'Alice au Pays des Merveilles a son importance pour comprendre le sous-texte. À travers le récit, le lectorat retrouve la plupart des personnages qui font partie intégrante des aventures d'Alice et l'aident à sauver leur monde. Aussi, des personnages seulement mentionnés ou peu présents dans le film d'animation ont un rôle de choix dans le déroulé des évènements, tels que Marianne et le Dodo.

L'un des principaux thèmes sociaux du roman est la xénophobie et l'antisémitisme exacerbés par les élections politiques ayant court à Londres au moment de l'histoire. En effet, au XIXe siècle de nombreux juifs d'Europe de l'Est sont venus s'installer en Angleterre du fait de la situation économique allant en s'empirant et de l'antisémitisme grandissant dans leur région d'origine. Alice, qui vient d'une famille bourgeoise plutôt aisée, se confronte aux réactions racistes de beaucoup de personnes de son entourage, alors qu'elle vient régulièrement en aide aux orphelins immigrants. Il y a un réel affrontement entre les racistes et les humanistes qui porte la trame de l'histoire du monde « anglais ». C'est d'ailleurs lors de ses pérégrinations qu'Alice rencontre le mystérieux Katz, qui sait apprécier le caractère indépendant et marginal de la jeune fille.

Dans cette version du livre, Alice a dix-huit ans ; ainsi, elle avait sept ans lors de son voyage au Pays des Merveilles, c'est-à-dire l'âge de l'Alice de Caroll et non pas celle de Disney, qui semble un peu plus âgée. À son âge, Alice se fait courtiser de toutes parts et à l'instar de Wendy dans Tout Droit Jusqu'au Matin ce n'est pas sa priorité et elle préfère éviter ce genre d'attention. La thématique féministe est très présente dans le récit et si elle est vraiment pertinente dans le monde « anglais », conduisant à un développement et un final très intéressants, elle est un peu répétitive et sans substance dans les chapitres se déroulant au Pays des Merveilles. La dépiction d'Alice dans Un Joyeux Non-Anniversaire est très proche du personnage du film d'animation en termes de personnalité, bien que quelques années les séparent. Mais du fait de la frustration qu'elle ressent vis-à-vis de la situation au Pays des Merveilles, Alice est souvent sur les nerfs, ce qui la rend quelque peu antipathique par moments - une grande première dans les Twisted Tales et une autre petite maladresse de l'auteure. Comme à son habitude Liz Braswell inclut par touches les thématiques environnementale, particulièrement dans son prologue, et animale dans certains commentaires d'Alice, qui est entre autres contre la fourrure.

Le lecteur est souvent frustré en terminant un Twisted Tale, car étant donné qu'il s'agit d'un tout nouvel angle, il aimerait savoir ce qui arrivera à ses personnages préférés dans ce nouveau monde, et il reste un peu sur sa faim. Le Twisted Tale qui mérite sans doute le plus une suite en termes de cliffhanger est sans doute Histoire Eternelle, pour lequel il y aurait matière à faire un second volet. Dans Un Joyeux Non-Anniversaire, Liz Braswell brise le quatrième mur et s'adresse directement au lectorat lors du dernier chapitre, au sujet de l'insatisfaction perpétuelle de celui-ci. Elle fournit par là même des éléments supplémentaires à l'histoire comme un bis repetita donnant un aperçu plaisant du futur d'Alice après les évènements du récit, tout en précisant qu'elle ne révèlera pas tout pour autant. Malgré les défauts du livre, la fin vaut le détour et satisfait les attentes, le récit s'inscrivant comme la véritable suite des aventures de l'Alice de 1951.

Un Joyeux Non-Anniversaire est un roman assez irrégulier qui comporte pas mal de défauts, mais reste un incontournable pour tout fan de la collection des Twisted Tales, de Disney et surtout d'Alice au Pays des Merveilles. Certains nouveaux éléments apportés par le livre sont essentiels à la connaissance du monde d'Alice et rien que pour cela, il est assurément à lire. C'est un livre plaisant et dont certains personnages restent avec le lecteur après l'avoir refermé, et Alice, quant à elle, ne pourra plus jamais vraiment fermer la porte sur ce monde et prétendre qu'il n'a été qu'un rêve.

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