Der Fuehrer's Face

Der Fuehrer's Face
L'affiche
Titre original :
Der Fuehrer's Face
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 1er janvier 1943
Série :
Genre :
Animation 2D
Réalisation :
Jack Kinney
Durée :
8 minutes
Disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

Donald cauchemarde qu'il est soumis aux dures lois du régime nazi...

La critique

rédigée par
Publiée le 08 mai 2017

Der Fuehrer's Face est assurément le cartoon le plus étonnant et le plus dérangeant de la carrière de Donald Duck. Et pourtant, c'est le seul à avoir gagné l'Oscar du Meilleur Court-Métrage.

Jusqu'à l'entrée en guerre des États-Unis consécutive à l'attaque de Pearl Harbor par l'aviation japonaise, les Studios Disney n'étaient touchés par le conflit que sur l'aspect financier. L'Europe en guerre était devenue, en effet, un marché éteint où les productions de la Compagnie ne s'écoulaient plus. D'un point de vue artistique, la guerre, dont les enjeux restaient très éloignés des préoccupations de l'Amérique profonde, n'avait, qu'à de très rares exceptions (telle une commande du gouvernement canadien pour quatre films de propagande) d'influences sur les productions Disney.

Pourtant, ce fameux 7 décembre 1941, l'Amérique attaquée se retrouve subitement partie prenante au conflit. Le gouvernement U.S. réquisitionne alors immédiatement les Studios de Mickey ; la machine de guerre américaine se mettant en marche. Disney reçoit la lourde tache de vulgariser les enjeux du conflit, ses tenants et aboutissants. Toutes les Stars de la Compagnie sont mises à contribution et participent à l'effort de Guerre. La fibre patriotique est exacerbée et tous les thèmes sont bons à mobiliser : de l'intérêt pour tout un chacun de payer ses impôts en temps et en heure (The New Spirit) à la dissection des méthodes de la dictature hitlérienne (Raison et Émotion)...

Au delà des commandes gouvernementales, les Studios, sous l'impulsion de Walt Disney lui-même, prennent fait et cause pour la théorie du Makor Alexander P. de Seversky qu'ils contribueront à populariser auprès de Roosevelt (Victory Through Air Power) et participent tout autant à une féroce critique du régime hitlérien (Education for Death). Der Fuehrer's Face entre dans cette dernière catégorie en se présentant comme un cartoon farouchement anti-nazi. En réalité, il s'agit d'une commande indirecte d'une série de quatre courts-métrages de propagande du gouvernement américain comprenant en plus de Der Fuehrer's Face : Education for Death, Raison et Émotion et Chicken Little. Mais après la déconvenue de The New Spirit où Walt Disney avait été accusé d'utiliser à tort l'argent du contribuable pour faire son court-métrage, le Maître de l'Animation refuse d'utiliser le même mode de financement direct. Il passe par l’intermédiaire du magazine Reader's Digest qui accepte de prendre à sa charge la série des quatre cartoons, en recevant, lui, discrètement une aide financière de la Coordinator of Inter-American Affairs.

Par rapport aux trois autres cartoons, Der Fuehrer's Face présente la particularité d'être la seule critique frontale du régime nazi avec un personnage vedette de Disney : ici Donald Duck. Réalisé par Jack Kinney, un spécialiste de Dingo en temps normal, le court-métrage a pour origine des passages abandonnés de The New Spirit et qui avaient été imaginés par Joe Grant et Dick Huemer. The New Spirit devait, en effet, commencer par un cauchemar de Donald imaginant sa vie dans les "Pays de l'Axe". Der Fuehrer's Face va donc reprendre le concept tout en s'inspirant clairement de deux films de Charlie Chaplin : Les Temps Modernes (1936) et Le Dictateur (1940). Le cartoon va ainsi utiliser les mêmes astuces de comédies de situations allant jusqu'à l'absurde ; ceci afin de mieux dénoncer le régime nazi.

Herman Goering
Mussolini
Hirohito

Der Fuehrer's Face commence par un défilé d'une fanfare dédié au culte d'Hitler. Il peut être alors reconnu des caricatures de trois figures essentielles de l'Axe : l'empereur japonais Hirohito, le dictateur italien Mussolini et Herman Goering (commandant en chef de la Luftwaffe et militaire emblématique du régime hitlérien). Ce dernier est particulièrement moqué en lui donnant un attitude efféminé et en mettant en avant les décorations de guerre qu'il aimait accumuler et porter. A côté des trois, les Allemands anonymes ne sont pas non plus représentés sous leur meilleur jour. Ils sont ainsi soit gros et petit, soit grand et maigre.

La fanfare approche de la maison d'un citoyen lambda, qui s'avère être Donald. Ce dernier dort paisiblement mais tout de suite le spectateur remarque que le pauvre canard est conditionné à la façon dont il fait le salut nazi quand son subconscient entend le cri "Heil". Il ne peut, en réalité, dormir tranquille quand son réveil, un coucou ou un coq, lui ordonne de se lever. Là encore, la parodie est poussée à l'extrême avec le salut nazi exécuté par les trois mais aussi par le coucou ou le coq qui ressemblent à Hitler. La première chose accomplie par Donald en se levant est donc de faire le salut aux trois dirigeants de l'Axe (Hitler, Hirohito et Mussolini) dont les cadres sont placés bien en en évidence dans sa chambre. Mais il est temps de prendre un bon petit déjeuner avant d'aller travailler. Là aussi, il s'agit via l'humour de mener une dénonciation des privations qu'endure la population. Donald prend derrière un portrait d'Hitler, une boite à café qu'il a enfermée dans un coffre. Il y sort un grain de café attaché à un fil et le fait vite infuser dans son eau bouillante avant de le replacer très vite dans son coffre. Il prend ensuite un diffuseur de parfum pour s'asperger de goût de bacon et d'œuf. Enfin, il complète son copieux repas d'un pain rassis qu'il est obligé de découper à la scie. Décidément jamais tranquille, alors qu'il est en train de manger, un soldat lui apporte au bout d'une baïonnette, le livre d'Hitler, Mein Kampf, pour parfaire son éducation.

Mais il est temps d'aller travailler. Donald se fait escorter à l'usine par la fanfare elle-même qui lui rappelle combien il a de la chance de pouvoir travailler "48 heures par jour" pour le Führer. Donald est d'ailleurs conduit avec joie et enthousiasme. Il suffit de voir sa mine réjouie et son entrain à faire le signe nazi à son arrivée sur son lieu de travail. Le fait qu'il y soit poussé par deux baïonnettes n'a bien-sûr aucune influence sur son état d'esprit affiché. Là encore, dans une parodie du film Les Temps Modernes, Donald va travailler jusqu'à l'absurde. Il doit, en effet, visser les embouts des missiles qui passent sur sa chaîne de montage en allant de plus en plus vite mais, dès qu'un portrait de son dirigeant "bien-aimé" se présente à lui, il se doit de faire le salut nazi ; ce qui va naturellement le ralentir dans sa tâche alors que la cadence ne fait qu'augmenter. Et, évidemment, il est interdit de grommeler contre l'autorité, sinon les nombreux soldats (dix pour un seul ouvrier) viendront rappeler à l'ordre le récalcitrant. Le pauvre Donald n'en finit décidément pas de jouer de malchance : il est en effet choisi pour faire des heures supplémentaires. Il travaille tellement qu'il en devient fou. Le cartoon part alors dans une séquence de rêve digne de celle des éléphants roses dans Dumbo : complètement surréalistes et fantasmagoriques.

Ce qui frappe tout de suite dans Der Fuehrer's Face est clairement le parti pris absurde du cartoon mis au service du message de propagande. Pour mettre, par exemple, en avant la puissance du régime totalitaire du Troisième Reich, l'utilisation du swastika, la tristement célèbre croix gammée, se fait à l'outrance. Elle est partout : la forme des nuages, des arbres, des barrières, des moulins à vent, des poteaux électriques, la tapisserie, le paravent sans parler du réveil de Donald où les chiffres donnant l'heure ont été remplacés par le fameux signe nazi. La croix gammée est absolument partout, même de façon subliminale. Ainsi, quand Donald fait ses exercices physiques afin d'avoir un esprit sain dans un corps sain, ses mouvements de bras reproduisent un swastika.

Au delà de la parodie et de la caricature, la réussite et la popularité de Der Fuehrer's Face viennent assurément de sa chanson-titre. Composée par Oliver Wallace en moins d'une heure, l'air en est, il est vrai, terriblement efficace. S'inspirant en s'en moquant de l'hymne nazi, la chanson est drôle dans sa forme grâce à l'accent allemand pris par les chanteurs anglais mais grave dans ses paroles. Le texte est une critique directe d'Hitler, de Goebbels ou de Goering mais aussi du régime politique nazi. En septembre 1942, soit quatre mois avant la sortie du cartoon, Spike Jones and His City Slickers décident d'éditer un 45 tours en réinterprétant la chanson ; le disque fait alors un véritable tabac en s'écoulant rapidement à 500 000 exemplaires. Sa popularité sera telle qu'un livret en reprenant la partition sera mis en vente dans la foulée. La chanson fait alors le tour du monde arrivant en Angleterre mais également dans l'Europe occupée. Pour surfer sur son succès, le cartoon va même jusqu'à changer de titre lors de sa sortie. Alors qu'il se nommait à l'origine Donald Duck in Nutzi Land, la popularité de la chanson va aboutir à le voir rebaptiser de son titre Der Fuehrer's Face.

Der Fuehrer's Face se termine par une ôde aux États-Unis et la valeur de la liberté. Mais même là, les studios Disney se laissent aller à une gentille moquerie en superposant les croix gammées du cauchemar par un décor où le bleu aux étoiles blanches du drapeau américain est partout. Donald embrasse alors une reproduction de la statut de la liberté. Les artistes exagèrent ici le message de bienveillance, bien-sûr pour contraster la critique menée contre le régime nazi, mais peut-être aussi pour se moquer du patriotisme américain un peu trop exacerbé. Le cartoon se clôt alors sur une reprise de la chanson où quelqu'un envoie une tomate en plein visage d'Hitler, en plein sur "Der Fuehrer's Face".

Der Fuehrer's Face est un pan important de la carrière de Donald Duck. Il s'agit ici de son seul court-métrage ayant remporté l'Oscar du Meilleur Court-Métrage d'Animation. D'un point de l'Histoire avec un grand H, c'est aussi une preuve de l'implication des studios Disney en particulier et d'Hollywood en général dans l'effort de guerre durant la Seconde Guerre Mondiale. Pour le spectateur contemporain, le cartoon a néanmoins de quoi mettre mal à l'aise si bien qu'il est resté inaccessible au public avant sa sortie en DVD en 2004 dans la collection des Walt Disney Treasures dans le titre Walt Disney sur les Lignes de Front regroupant les productions de propagande durant la première moitié des années 40. Il n'empêche : il est impossible de ne pas trouver ce cartoon de propagande particulièrement efficace et d'une drôlerie à toute épreuve. Il est parfait pour démontrer par l'absurde les méfaits d'une dictature militaire en général et du régime nazi en particulier.

Der Fuehrer's Face est un classique qu'il est impératif de voir au moins une fois dans sa vie malgré la dureté du sujet.

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