Buffy, Tueuse de Vampires
Le synopsis
Pom-pom girl dans un lycée de Los Angeles, Buffy Summers voit son existence bouleversée par sa rencontre avec le mystérieux Merrick Jamison-Smythe. Ce dernier lui apprend en effet qu’elle est la Tueuse, une jeune femme dotée d’une force physique hors du commun et dont la destinée est de défendre l’humanité contre les vampires. Formée par son mentor, Buffy devra ainsi mettre sa vie de lycéenne de côté pour affronter Lothos, l'un des plus féroces descendants de Dracula. |
La critique
Bien avant d’être interprétée par Sarah Michelle Gellar, Buffy Summers était l’héroïne d’une comédie fantastique destinée aux adolescents, écrite par Joss Whedon lui-même, dont seuls les amateurs de la série télévisée et les quelques spectateurs l'ayant vue au cinéma connaissent ou se rappellent l’existence. Sorti cinq ans avant le lancement de la première saison, le film Buffy, Tueuse de Vampires n’aura, il est vrai, pas trouvé son public et reste aujourd’hui considéré comme une purge absolue, loin de la vision de son créateur. Partageant peu de points communs avec la série phénomène, le métrage occupe tout de même une place de choix dans le cœur des fans de l’héroïne et fait figure de curiosité, à mi-chemin entre la parodie comique assumée et le mauvais film sympathique, à voir avec un sens aigu du second degré et de l'humour potache.
Le personnage de Buffy Summers vient de l’imagination du célèbre Joss Whedon. Producteur, réalisateur, scénariste et compositeur américain né le 23 juin 1964 à New York, Joseph Hill Whedon se passionne pour les comics, la musique et la science-fiction. Féru d’écriture, il décide de suivre des études de cinéma et de littérature dans le Connecticut afin de devenir réalisateur. Une fois diplômé, il commence sa carrière à la fin des années 1980 en qualité de scénariste pour la télévision sur les séries Roseanne et Parenthood. Il connaît sa première expérience au cinéma en rédigeant seul le script de Buffy, Tueuse de Vampires (1992), mais également sa première déception lorsque le projet finit par lui échapper. Cette déconvenue ne l’empêche pas de poursuivre son rêve puisqu’il participe à l’écriture des films Guet-Apens (1994), Speed (1994), Waterworld (1995), Toy Story (1995) pour Disney et Alien, la Résurrection (1997), qu’il rédige en totalité ou modifie selon les demandes des studios.
Joss Whedon est également le créateur de la série Buffy Contre les Vampires (1997-2003), basée sur le scénario du film et de son spin-off Angel (1999-2004), de Firefly (2002) et Dollhouse (2009-2010). Il contribue chez Disney en parallèle sur Atlantide, l’Empire Perdu (2001) et Le Roi Lion 2 : L’Honneur de la Tribu (1998) en qualité d'auteur. Il est ensuite contacté par Kevin Feige, président de Marvel Studios, pour participer à son projet éditorial d'envergure, le Marvel Cinematic Universe. Ce sera chose faite en 2012, année où il écrit et réalise Marvel’s Avengers, qui rassemble tous les héros du MCU. Le succès du film au box-office est tel qu’il est de nouveau engagé pour la suite, Avengers : L’Ère d’Ultron (2015). Il réalise aussi le pilote des (Les) Agents du S.H.I.E.L.D., la toute première série liée aux films. Par ailleurs, il réalise Serenity : l’Ultime Rébellion (2005), Beaucoup de Bruit Pour Rien (2013) et écrit les scénarios de Titan A.E. (2000) et La Cabane dans les Bois (2012). Créateur d’œuvres cultes ayant marqué des millions de spectateurs et de fans à travers le monde, sur le petit comme le grand écran, Joss Whedon est l'un des auteurs les plus influents de sa génération.
L’année 1992 marque donc les débuts de Joss Whedon au cinéma, qui ne se feront pas sans heurts. Travaillant pour la télévision, il se lance en effet dans l’écriture de son premier scénario, qu’il souhaite voir un jour adapté sur grand écran. Il imagine alors une histoire centrée sur une adolescente, baptisée Buffy Summers. Lycéenne le jour, elle devient tueuse de vampires à la nuit tombée, arpentant les cimetières et autres lieux inquiétants à la recherche de ces créatures monstrueuses, qu’elle assassine d’un coup de pieu en plein cœur. Puisant son inspiration dans le cinéma d’horreur et les personnages féminins ayant influencé les cinémas d’action et de science-fiction, dont Ellen Ripley (Alien, le Huitième Passager) et Sarah Connor (Terminator), Joss Whedon en profite pour créer un univers autour de son héroïne. Ainsi, Buffy Summers appartient à une longue lignée de Tueuses (“Slayer” en anglais), de jeunes femmes aux capacités physiques surhumaines - une force, des réflexes et une agilité hautement supérieurs à la moyenne. Dotées de pouvoirs mystiques provenant du cœur d’un pur démon, elles sont chargées de protéger les humains contre les forces du mal.
Aussi connue sous le nom d’”Élue”, une Tueuse peut, entre autres, faire des rêves prémonitoires et avoir des visions des événements à venir. Sa mission est donc de combattre les vampires et tous les autres démons qui peuplent la Terre, quitte à mettre sa vie en danger. Chaque génération a dès lors sa Tueuse. Par conséquent, quand elle meurt, quelque part dans le monde, une autre jeune femme doit prendre sa place et se retrouve investie des mêmes capacités que la précédente. Il est ainsi possible qu’une Tueuse ne prenne pas immédiatement conscience de ses pouvoirs et soit contrainte de tout apprendre sur le tard, comme c’est le cas pour Buffy Summers. Une Tueuse se voit d'ailleurs toujours guidée par un Observateur (“Watcher”), chargé de la former, de l’entraîner et contrôler son activité. Responsable de son apprentissage, il l'initie au combat, ainsi qu’au maniement des armes. Entre autres, il dispose d’une grande connaissance en terme d’ésotérisme et de magie afin de mieux la préparer aux dangers qu’elle sera amenée à affronter. L’un ne pouvant agir sans l’autre, l’Observateur accompagne régulièrement sa protégée et a le devoir de surveiller ses agissements, celle-ci pouvant être destituée de ses pouvoirs en cas de mauvais usage.
Le script de Joss Whedon débute à l’instant même où Buffy Summers découvre sa destinée et s’attarde sur son combat contre l’infâme Lothos, un puissant vampire. Outre l’horreur et le fantastique, son histoire aborde quelques thèmes plus sérieux comme la quête de soi, le passage à l’âge adulte et les relations parents-enfants. Fier de son travail, qu’il écrit en l’espace de deux mois, Joss Whedon présente fin 1991 le scénario de Buffy, Tueuse de Vampires à la compagnie Sandollar Productions, propriété de la chanteuse Dolly Parton et déjà derrière quelques films en collaboration avec Disney (Gross Anatomy, Double Identité, Le Père de la Mariée et sa suite, Franc-Parler). Il l’envoie également aux dirigeants de 20th Century Studios (anciennement 20th Century Fox) qui se montrent aussi intéressés, dans l’espoir d’égaler le succès d’autres oeuvres du genre (Vampire, Vous Avez Dit Vampire ?, Génération Perdue) et séduire les adolescents. Le projet est lancé et semble partir sur de bons rails, mais tout ne se passera pas comme prévu...
Pour porter les aventures de la Tueuse sur grand écran, les producteurs jettent leur dévolu sur Fran Rubel Kuzui, réalisatrice et scénariste américaine. Née aux États-Unis, elle étudie le cinéma à New York puis débute dans les années 1980 en tant que scripte (ou script supervisor), métier consistant à assurer la continuité des scènes et leur conformité au scénario lors d’un tournage. Travaillant essentiellement en coulisses, elle apprend peu à peu le métier de réalisateur. En 1988, elle présente ainsi son premier film, Tokyo Pop, une comédie musicale tournée entre les États-Unis et le Japon qui se verra acclamée au Festival de Cannes. Mais Fran Rubel Kuzui est surtout connue pour avoir réalisé Buffy, Tueuse de Vampires (1992), son deuxième et dernier film à ce jour. Par la suite, elle crée, avec son mari Kaz Kuzui, la société de distribution Kuzui Enterprises, en charge d'exporter des programmes américains au Japon et d’importer en retour des films japonais. Elle poursuit sa carrière dans l’ombre en tant que productrice exécutive de la série dérivée du film et son spin-off, Angel, aux côtés de Joss Whedon. Bien que leurs noms soient crédités, ils n’auront pourtant aucune implication dans la production des épisodes. Enfin, outre ses activités cinématographiques, Fran Rubel Kuzui est ambassadrice de la culture japonaise aux États-Unis.
Travaillant à l’époque pour 20th Century Studios, la réalisatrice tombe sur le scénario de Joss Whedon et procède, avec son accord, à quelques changements. Ensemble, ils développent un peu plus le personnage de Buffy, tandis que Kaz Kuzui rassemble des fonds pour produire le film. Le créateur de la Tueuse doit alors faire plusieurs concessions, son script étant en grande partie remonté et certains éléments-clés totalement écartés. Une première mouture est ainsi présentée aux exécutifs de 20th Century Studios. Hélas, ils n’apprécient pas l’aspect sombre de l’intrigue. En quête d’un public plus jeune, ils préfèrent, en effet, une comédie plutôt qu’un énième film fantastique mettant en scène des vampires, et ce, dans l’optique de se démarquer. Fran Rubel Kuzui et Joss Whedon repartent alors en réécriture et suppriment ou modifient un nombre incalculable de scènes, dont le suicide de Merrick, l’Observateur de Buffy, et l’épilogue, qui voyait l’héroïne provoquer l’incendie de son lycée après y avoir piégé des vampires. Ayant chacun une vision différente du film, la tâche est rude pour la réalisatrice et le scénariste, si bien que leur relation de travail se détériore et des tensions commencent à se faire sentir. Fran Rubel Kuzui souhaite en effet coller aux exigences des studios tandis que Joss Whedon refuse de changer quoi que ce soit.
Le script final est présenté début 1992 à 20th Century Studios et Sandollar Productions, dans une version beaucoup plus légère et édulcorée que celle envisagée à l’origine par Whedon, mais assez satisfaisante pour contenter les producteurs. Se sentant trahi, frustré par les décisions prises par la réalisatrice et les studios dès les premiers jours de tournage, Joss Whedon perdra de plus en plus foi dans le projet. Devant le résultat final, il aurait pourtant été judicieux de s’en tenir à la première version du scénario, tant Buffy, Tueuse de Vampires est un spectacle aussi fascinant que terriblement gênant. Difficile d'ailleurs d’imaginer que le film, plutôt médiocre, laisserait sa place à une série culte, acclamée de tous. Le métrage part pourtant sur de bonnes bases, avec une introduction réussie, la transition entre l’histoire et le monde contemporain, une présentation des enjeux et du contexte assez convaincante et des personnages sympathiques au premier abord, pour peu que le spectateur soit indulgent et ne cherche qu’un divertissement sans prétention. Les codes du fantastique sont ici respectés à la lettre et l’idée de lier comédie pour adolescents au surnaturel est audacieuse. Pour autant, il ne faut pas en attendre plus de Buffy, Tueuse de Vampires : le public avide de frissons en tout genre, ainsi que les curieux fans de la série risquent d’être fortement déçus.
Le film ne sait en fait jamais vraiment où il veut en venir ou ce qu’il veut être, hésitant sans cesse entre le sérieux et le loufoque. Très vite, le spectateur se rend compte que le script a subi des coupures et des changements drastiques. Les ruptures de ton entre comique et fantastique se font il est vrai facilement ressentir, créant un décalage entre les scènes et rendant le visionnage souvent désagréable. La mise en scène n’améliore pas non plus les choses, Fran Rubel Kuzui se contentant du strict minimum. La réalisatrice ne semble en réalité pas motivée par le film et en bâcle la majorité des séquences. Tout s’enchaîne à une vitesse incroyable et la cohérence est parfois ratée, les coïncidences sont beaucoup trop nombreuses pour être crédibles et les effets spéciaux prêtent à sourire, quand ils ne provoquent pas l’hilarité générale. Il suffit de voir la présentation de Lothos, les attaques des vampires, les mises à mort ou encore les courses-poursuites, mal filmées et kitsch à souhait. Les dialogues ne sont pas en reste et sont un sommet de consternation, la faute à une version française qui ne fait qu’enfoncer Buffy, Tueuse de Vampires. Aussi, Buffy est affublée du prénom “Bichette”, les personnages Pike et Benny s’appellent “Marcel” et “Benoît” et le terme “Tueuse” est remplacé au profit de “Terreur”, achevant encore plus un film déjà bien mal en point.
Cela dit, en tenant compte de tous les ennuis de production qu’a subi l'opus - les luttes intestines entre Joss Whedon, Fran Rubel Kuzui et 20th Century Studios, le scénario sans cesse réécrit même pendant les prises de vues, l’ambiance glaciale pendant le tournage - et pris au second degré, Buffy, Tueuse de Vampires se révèle être un sympathique nanar. Il est, d'ailleurs, assez injuste de le comparer avec la série dérivée, celle-ci n’ayant pas connu une genèse aussi compliquée que son aîné. Là où Joss Whedon avait un contrôle total sur l’oeuvre et pouvait raconter ce qu’il voulait, il n’en est clairement pas le cas ici ; les studios ne lui laissant pratiquement aucune marge de manœuvre. Il suffit de prendre le film tel qu’il est - à savoir une ébauche de ce à quoi le Buffyverse ressemble aujourd’hui, une esquisse de la première saison de la série avec déjà suffisamment de noirceur et de psychologie - pour que le spectateur y trouve son compte. Vu sous cet angle, Buffy, Tueuse de Vampires est très loin d’être déshonorant et, malgré des défauts extrêmement nombreux, reste intéressant à découvrir pour quiconque a été bercé par la série.
La première apparition de Buffy met déjà dans l’ambiance : le film a clairement l’intention de ne pas se prendre au sérieux et mise tout sur l’humour potache. Si l’exécution est maladroite et source de malaise, l’héroïne emporte tout de même l’adhésion grâce à son caractère bien trempé et sa répartie, donnant lieu à des répliques souvent drôles et savoureuses. Pour interpréter la chasseuse de vampires, l’équipe pense d’abord à Alyssa Milano. Rendue célèbre à la télévision dans les séries Madame Est Servie, Melrose Place et Charmed par la suite, elle n’est toutefois pas disponible, déjà prise par les tournages des films Little Sister et Break Out. La production se rapproche alors de Kristy Swanson, découverte au cinéma dans Rose Bonbon et La Folle Journée de Ferris Bueller. Ayant quelques films à son actif (L’Amie Mortelle, Hot Shots!), la jeune femme accepte sans hésitation et a l’honneur d’être la première actrice à interpréter le personnage de Buffy Summers. Par la suite, Kristy Swanson poursuivra sur le grand écran (Le Fantôme du Bengale, Eh Mec ! Elle Est Où ma Caisse ?) avant d’enchaîner les rôles à la télévision dans des séries et téléfilms familiaux (Psych : Enquêteur Malgré Lui, Les Experts : Miami, Un Souhait Pour Noël, Mes Parents Terribles).
La jeune comédienne s’en tire avec les honneurs en tant qu’apprentie tueuse et sait se montrer convaincante. Son charme naturel permet de facilement se prendre d’affection pour elle. Si son introduction fait craindre le pire, l’évolution de son personnage est somme toute irréprochable. Le public s’attache ainsi progressivement à l’héroïne, passée de petite peste insupportable accroc au shopping et aux garçons à jeune femme solitaire abandonnée par ses amies, parce qu’elle choisit de grandir et de se concentrer sur sa mission. Son parcours devient de plus en plus intéressant au fil des minutes, de l’annonce de sa destinée à la bataille finale, en passant par l’acceptation et la longue phase d’entraînement. Les prémices de la série se font alors ressentir, notamment l’inversion des rôles homme-femme, et il est assez réjouissant de voir que les thématiques de la maturité et du passage à l’âge adulte ont été conservées par les producteurs. Parfois touchante et véritable guerrière, Kristy Swanson semble être l'un des seuls membres du casting à croire au film, créant la surprise lors de scènes d’émotion et forçant le respect par son implication. L’actrice offre ici une alternative plaisante à Sarah Michelle Gellar, même si sa performance est loin d’atteindre celle de sa consœur.
Merrick Jamison-Smythe, l’Observateur de Buffy, est joué par Donald Sutherland, acteur à la filmographie bien chargée (Le Jour du Fléau, Les Liens du Sang, Casanova, L’Invasion des Profanateurs, Orgueil et Préjugés, la saga Hunger Games) et figure emblématique de la télévision (les séries Dirty Sexy Money, Crossing Lines et Les Piliers de la Terre). Talentueux et souvent drôle au cours du film, il a du mal à faire l’unanimité en tant que mentor de la Tueuse. Très peu emballé par le script, l’acteur n’aimait en fait pas son rôle ni ses dialogues. De peur de perdre le plus grand nom au casting, la réalisatrice l'a ainsi autorisé à improviser voire entièrement réécrire ses répliques, créant encore plus de tensions en coulisses et le départ définitif de Joss Whedon, excédé par l’attitude de la star. Conscient de jouer dans un film malade, Donald Sutherland ne croit manifestement pas au projet, ne met aucune énergie dans son jeu, récite ses répliques sans motivation ni conviction et disparaît de l’écran de manière absurde. Les scènes échangées avec Kristy Swanson sonnent parfois faux, même si le lien qui les unit peut toucher certains spectateurs ; l’apprentissage de la Tueuse valant le détour. S’il n’est pas le personnage le plus honteux du film et force régulièrement l’admiration, aux vues des circonstances de tournage, impossible de ne pas remarquer son manque d’implication.
Parmi les autres grands noms au casting se trouve Rutger Hauer, acteur fétiche de Paul Verhoeven pour qui il a joué dans Turkish Délices (1973) et Spetters (1980) et connu pour ses rôles dans Blade Runner (1982) et The Hitcher (1986). Il interprète ici l’antagoniste Lothos, descendant de Dracula contre lequel Buffy Summers doit se battre afin de protéger l’humanité. Campé par un Rutger Hauer mal à l’aise et mal fagoté, Lothos est pourtant un enjeu essentiel pour la Tueuse. Leur confrontation étant le point culminant du film, il est ainsi la première étape de Buffy dans sa destinée, ce qui fait de lui un personnage important, assez charismatique pour susciter l’intérêt. L’acteur fait donc du mieux qu’il peut pour être crédible et sa prestation réserve malgré tout quelques moments d’effroi.
Paul Reubens campe pour sa part Amilyn, un vampire, acolyte de Lothos. Le comédien obtient son premier rôle dans Pee-Wee’s Big Adventure (1985). Après avoir animé l’émission Pee-Wee’s Playhouse entre 1986 et 1991, il se tourne en effet vers le cinéma et apparaît dans Batman, Le Défi (1992), Matilda (1996), Mystery Men (1999). Il participe aussi à quelques films d’animation : il double ainsi Am dans L’Étrange Noël de Monsieur Jack (1993), Fifre dans La Belle et la Bête 2 : Le Noël Enchanté (1997) et Dennis dans Scott - Le Film (2004). Affublé d’un maquillage hideux et d’une coupe hirsute, caricatural à l’extrême, excessif en tous points, enchaînant mimiques à outrance et grimaces navrantes, sa prestation a ici de quoi ravir... les amateurs de navets et de comique involontaire !
Du côté de la jeune génération, Hilary Swank effectue dans Buffy, Tueuse de Vampires sa première apparition au cinéma. Elle y joue Kimberly Hannah, amie de l’héroïne. Après avoir enchaîné les rôles à la télévision, elle remporte deux fois l’Oscar de la Meilleure Actrice pour les drames Boys Don’t Cry (2000) et Million Dollar Baby (2005). Meneuse d’un groupe de jeunes filles insupportables, la jeune actrice incarne ici un excellent personnage de garce, à la répartie cinglante.
Marcel/Pike, un jeune homme avec qui Buffy développe une relation, est quant à lui joué par Luke Perry, connu pour être Dylan McKay dans la série télévisée Beverly Hills (1990-1995, 1998-2000) et ses rôles à la télévision : Jeremiah (2002-2004), John From Cincinnatti (2007), La Loi de Goodnight (2011-2013) ou Fred Andrews dans Riverdale (2017-2019). Luke Perry s’en sort assez bien en tant que perdant magnifique tombant sous le charme de Buffy.
Enfin, David Arquette est Benoît/Benny, ami rebelle de Marcel/Pike et partenaire de ce dernier dans ses combines. L'acteur se fera ensuite un nom en incarnant Dwight “Dewey” Riley dans la saga Scream (1996-2011), ainsi que dans plusieurs films comiques ou de séries B : College Attitude (1999), Arac Attack, les Monstres à Huit Pattes (2002). Bien que son rôle ne soit pas des plus mémorables, David Arquette réussit ici à décrocher quelques sourires sans jamais trop surjouer.
Catalogué comédie fantastique destinée aux adolescents, notamment un public féminin, Buffy, Tueuse de Vampires, dans sa médiocrité, a toutefois de quoi plaire au plus grand nombre. Le public appréciera en effet le caractère bien trempé de l’héroïne, loin des clichés de la demoiselle en détresse, ce qui vaut une multitude de scènes amusantes et bien écrites. Contrainte d’assumer un rôle qu’elle n’a jamais demandé, la Buffy de Kristy Swanson ne se laisse pourtant pas abattre malgré l’adversité et n’a pas peur d’affronter les obstacles qui se dressent devant elle, tout en demeurant une jeune femme avec ses besoins et son quotidien de lycéenne. Le côté féministe du personnage est déjà bien visible, l’adolescente sauvant ainsi à plusieurs reprises Marcel/Pike, souvent en retrait ou caché derrière sa dulcinée, ou engageant elle-même le combat contre ses ennemis qui, ici, ne se changent pas en poussière quand ils meurent ! L’alchimie entre leurs interprètes est parfaitement palpable et leur romance naissante en attendrira certains. Au cours du film, il est en fait difficile d’en vouloir aux acteurs, qui font ce qu’ils peuvent avec le peu de matière dont ils disposent. Ainsi, bien que l’humour ne soit pas toujours très fin, l'opus rend justice à son personnage principal. Le scénario remanié de fond en comble reste ainsi partiellement fidèle à la vision de son auteur, conservant sa complexité et réservant assez de rebondissements et de surprises pour que le public ne s’ennuie pas.
Indéfendable sur de nombreux points, Buffy, Tueuse de Vampires n’en est pas moins touchant par sa naïveté et sa sincérité. Le spectateur ne peut dès lors s’empêcher de se prendre d’affection pour le film. Passé l’aspect nanardesque et le cabotinage du casting adulte, Buffy, Tueuse de Vampires est clairement appréciable et drôle malgré lui. Le rythme est soutenu, l’évolution des personnages assez intéressante à suivre et l'ensemble profite d'une ambiance plutôt agréable. Si Joss Whedon n’a jamais envisagé l'opus comme un “prequel” à la série, les amateurs de Buffy Contre les Vampires prendront certainement plaisir à voir une autre version de leur héroïne et son univers. Le film inspirera, en effet, quelques éléments-clés de la première saison, notamment les références de l’héroïne sur son passé dans son ancien lycée, la tenue de Buffy au bal de fin d’année, quasi identique à celle portée par Sarah Michelle Gellar pendant son combat final avec le Maître, les ressemblances entre ce dernier et Lothos en tant que némesis de la Tueuse. De même, Marcel/Pike, loser et mauvais garçon, peut être vu comme un mélange entre Alex et Spike, personnages emblématiques de la série, tandis que Kimberly, en adolescente superficielle derrière laquelle se cache une grande sensibilité, ressemble à peu de choses près à Cordelia Chase. Enfin, la relation entre Buffy et Merrick, qu’il finira par voir comme sa fille et elle comme père de substitution, fait automatiquement penser à celle entretenue par l’héroïne avec Giles, son Observateur dans la série.
Buffy, Tueuse de Vampires se rattrape essentiellement sur sa bande son, en adéquation avec le ton et la volonté comique de l’ensemble. Composée de titres d’époque, dont quelques bonnes surprises telles que Keep It Comin’ de C+C Music, Silent City de Matthew Sweet, We Close Our Eyes de Susanna Hoffs ou encore Party With The Animals d’Ozzy Osbourne, elle plaira fortement aux nostalgiques et aux amateurs des chansons des années 1980. D’autres morceaux, comme Little Heaven du groupe Toad The Wet Sprocket, contrastent avec l’aspect fun du métrage et apportent quelques instants mélancoliques, évoquant la détresse de l’héroïne et ses tourments. La bande originale est, elle, assurée par Carter Burwell : surtout connu pour avoir écrit les musiques des films des réalisateurs Ethan et Joel Coen (Sang Pour Sang, Barton Fink, Fargo, The Big Lebowski, Burn After Reading), il s’est également fait un nom en composant pour quelques films fantastiques (Fear, Blair Witch 2 : Le Livre des Ombres, la saga Twilight) et familiaux (Mystery, Alaska, Rêve de Champion, Monsieur Link). Très fan de musique punk, le compositeur parsème ici sa partition de jolies trouvailles musicales, rythmées et entraînantes qui accompagnent habilement aussi bien les moments comiques que ceux plus effrayants.
Après un tournage tendu et beaucoup de remue-ménage en coulisses, 20th Century Studios finit par ne plus vraiment croire au projet. Peu convaincu par son potentiel au vu du résultat final, les producteurs craignent un échec au box-office. Décision est donc prise de proposer le film le 31 juillet 1992, en pleine période de retransmission des Jeux Olympiques d’Été à la télévision. Malgré une sortie plutôt discrète, 20th Century Studios espère une surprise et convaincre le public, notamment les adolescents, généralement peu enclins à suivre les performances sportives avec leurs parents, de remplir les salles de cinéma. Après son premier week-end d’exploitation, Buffy, Tueuse de Vampires atteint péniblement la cinquième place au box-office. Tourné pour seulement 7 millions de dollars, il terminera sa course avec 14,1 millions de dollars au box-office américain. Avec les recettes à l’international, il rapporte au total 16,6 millions aux studios. S’il rembourse largement son petit budget, Buffy, Tueuse de Vampires reste une déception pour 20th Century Studios. Fran Rubel Kuzui et Joss Whedon, de leurs côtés, reprocheront aux producteurs d’avoir sacrifié le film qui, selon eux, aurait mérité une sortie pour Halloween, période beaucoup plus propice aux films fantastiques et d’horreur.
Sans être un véritable échec financier, Buffy, Tueuse de Vampires ne reçoit pas non plus un accueil des plus chaleureux, globalement mitigé pour ne pas dire négatif. Les journalistes lui reprochent de ne pas avoir d’identité et d’hésiter constamment entre comédie, action et horreur, même s’ils saluent les performances des jeunes acteurs et en particulier Kristy Swanson. La réalisation, les effets spéciaux, le jeu du casting adulte et certains pans du scénario ne convainquent pas quand ils ne sont tout simplement pas moqués et ridiculisés. Le film reste cependant bien apprécié par le public, qui loue la tentative des studios d’avoir voulu mêler vampires, absurde et second degré, même si certains spectateurs recommandent de "poser son cerveau de côté" pour pouvoir apprécier Buffy, Tueuse de Vampires à sa juste valeur.
Après un film laissant les amateurs de fantastique dubitatif, tout laissait croire que Buffy Summers disparaîtrait pour toujours des écrans. Mais c’était sans compter sur la détermination de Joss Whedon. Pendant cinq ans, le scénariste travaille en effet sur une version alternative de Buffy, Tueuse de Vampires. Il en garde quelques éléments dont les origines, le caractère et les capacités de l’héroïne, ainsi que certains événements décrits dans le film et les utilise pour rédiger un pilote de série télévisée, qu’il envisage comme une suite à son script d’origine. En 1997, Buffy Summers connaît donc une seconde vie sous forme de série, intitulée Buffy Contre les Vampires et diffusée pendant sept saisons sur les chaînes The WB (1997-2001), puis UPN (2001-2003), avec Joss Whedon comme producteur, showrunner, réalisateur et scénariste, via sa propre société Mutant Enemy. Ironiquement, la série sera, tout comme le film, co-produite par 20th Century Studios, la boucle est bouclée ! Beaucoup plus sombre et effrayante que le film de Fran Rubel Kuzui, dont elle conservera la légèreté et le ton comique, la série est l’opportunité pour Whedon d’explorer sa propre vision de ce que devait être le projet dès le départ. Le succès est immédiat et la série connaîtra un succès planétaire, donnant naissance à divers spin-offs, à la télévision comme en bandes dessinées. Buffy Contre les Vampires permettra également de renouveler l’intérêt du public pour le film de 1992 qui, en dépit de ses divers défauts, sera redécouvert par toute une nouvelle génération de spectateurs et demeure dans le cœur de certains comme une version alternative de leur héroïne préférée, gagnant de nombreux fans chaque année.
À l'arrivée, Buffy, Tueuse de Vampires est une parodie d'horreur fun, décomplexée, une comédie parfois amusante et une satire sociale sympathique qui manque hélas d'inventivité et risque d'en rebuter plus d'un, tant l'ensemble frise le ridicule. Tantôt hilarant, tantôt consternant, il empile les clichés. À se vouloir drôle et effrayant, il ne remplit pas toujours sa mission. Buffy, Tueuse de Vampires a malgré tout le mérite d'avoir créé les bases et l'univers de l'un des personnages les plus emblématiques de la culture populaire, qui parlera ensuite à une génération entière de spectateurs.