Alien, la Résurrection
L'affiche du film
Titre original :
Alien Resurrection
Production :
20th Century Fox
Brandywine Productions
Date de sortie USA :
Le 26 novembre 1997
Genre :
Science-fiction
Réalisation :
Jean-Pierre Jeunet
Musique :
John Frizzell
Durée :
109 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Deux cents ans après la mort de la navigatrice Ellen Ripley, une équipe de scientifiques ressuscite la jeune femme en croisant son ADN avec celui d’un alien. Retenue prisonnière à bord de la station spatiale Auriga, Ripley donne ainsi vie à un alien qui lui est aussitôt enlevé. Bientôt, une navette, le Betty, contenant des hôtes nécessaires au développement des créatures, embarque. Lorsque les aliens prennent d’assaut l’Auriga, Ripley doit s’associer avec un équipage composé de brutes et de mercenaires pour les stopper.

La critique

rédigée par
Publiée le 03 novembre 2019

Qui aurait pu croire, après un troisième volet accueilli tièdement par la critique et le public, voyant la mort de son personnage principal, que la saga Alien avait encore des choses à raconter ? Épisode mal aimé, Alien, la Résurrection ne démérite pourtant pas et donne de belles perspectives à une franchise déjà vieillissante pour l’époque. Censé mettre un terme au cycle débuté par Alien, le Huitième Passager, tout comme son prédécesseur, il séduit par son esthétique révolutionnaire, tout en attribuant de nouveaux enjeux aux xénomorphes. En parallèle, il marque les débuts réussis et prometteurs d’un réalisateur français au sein de l’industrie hollywoodienne.

Si Alien³ a été un succès au box-office, le film de David Fincher n’a hélas pas fait l’unanimité auprès des spectateurs en se rendant plus célèbre pour ses problèmes en coulisses et sa gestation cauchemardesque que pour ses qualités cinématographiques. La franchise n’est alors plus tout à fait une priorité pour 20th Century Fox, qui préfère se consacrer à d’autres projets. Toutefois, l’intervention de Jorge Saralegui, vice-président de la branche production de la compagnie, change la donne. Grand fan de la saga, il souhaite la relancer malgré les retours mitigés et le succès modeste du volet précédent. Impressionnés par son travail de scénariste sur Buffy, Tueuse de Vampires (1992), Speed (1994), Waterworld (1995) et Toy Story (1995) pour Disney, les producteurs font alors appel à Joss Whedon pour l’écriture de ce nouveau chapitre. Producteur, réalisateur, scénariste et compositeur américain né le 23 juin 1964, Joss Whedon est également le créateur de multiples séries télévisées dont Buffy Contre les Vampires (1997-2003), son spin-off Angel (1999-2004), mais aussi Firefly (2002) et Dollhouse (2009-2010). Bien connu des fans du Marvel Cinematic Universe pour avoir écrit et réalisé les films Marvel's Avengers (2012) et Avengers : l’Ère d’Ultron (2015), ainsi que la série Les Agents du S.H.I.E.L.D. à partir de 2013, il contribue à quelques reprises pour Disney au cours de sa carrière, notamment Toy Story (1995) et Atlantide, l’Empire Perdu (2001) en tant que scénariste et Le Roi Lion 2 : L’Honneur de la Tribu (1998) en qualité d'auteur. Entre autres, il réalise Serenity : l’Ultime Rébellion (2005), Beaucoup de Bruit Pour Rien (2013) et écrit les scénarios de Titan A.E. (2000) et La Cabane dans les Bois (2012).

À l’origine, le scénario devait se concentrer sur Newt, la petite fille d’Aliens, le Retour, protégée par Ellen Ripley et pourtant morte dans Alien³. L'enfant est alors ressuscitée par la compagnie Weyland-Yutani, qui souhaite utiliser son instinct de survie et ses capacités surhumaines pour traquer les xénomorphes. De son côté, 20th Century Fox désire faire de ce quatrième volet un épisode de transition avant un dernier film, qui se déroulerait sur la planète Terre. Une idée similaire à celle proposée par Renny Harlin lorsque ce dernier était encore attaché au troisième opus. Whedon rédige alors un traitement d’environ trente pages dont 20th Century Fox apprécie l’approche mais doute que la franchise puisse continuer sans Ripley. Jorge Saralegui demande ainsi à Whedon de reprendre l’écriture et de remplacer Newt par Ripley, une tâche que le réalisateur de Marvel's Avengers trouvera extrêmement difficile.
Joss Whedon cherche en effet un moyen crédible de faire revenir l’héroïne. L’idée du clonage lui est alors soufflée par David Giler et Walter Hill, également attachés via leur société Brandywine Productions. Ces derniers sont pourtant fermement opposés à la mise en chantier d’Alien, la Résurrection. Ils estiment que ce nouvel épisode ne fera qu’enterrer la saga. Les dirigeants de 20th Century Fox s'emploient, quant à eux, à convaincre par tous les moyens Sigourney Weaver (La Morsure du Lézard, Le Village, WALL•E, Le Monde de Dory, The Defenders) de rejoindre le projet. Mais l’actrice avait tourné la page et refusait qu’Ellen Ripley devienne un personnage malléable, que les producteurs feraient revenir comme bon leur semble. De même, une rumeur autour d’un cross-over avec un autre monstre iconique de 20th Century Fox, le Predator, courait au sein du studio et décourageait l’actrice d’endosser à nouveau le rôle de la navigatrice.

Fort heureusement, Sigourney Weaver finit par changer d’avis après avoir reçu le scénario de Joss Whedon. Admiratrice de son travail, elle y voit l’occasion d’interpréter une autre facette de son personnage, moins humaine et plus animale, et espère y retrouver l’esprit d’Alien, le Huitième Passager et Aliens, le Retour. Elle accepte la proposition en échange d’un salaire de 11 millions de dollars et suggère le sort final de son personnage. En échange, elle devient coproductrice du film, ce qui lui permet de proposer quelques idées pour enrichir l’intrigue. David Giler et Walter Hill lisent à leur tour le script et le trouvent très mauvais, en totale contradiction avec les bases de la franchise. Mais Jorge Sarelegui ne se décourage pas et repousse leur avis.
Une fois le film écrit et le casting lancé, les producteurs se mettent à la recherche d’un réalisateur, qui puisse rivaliser avec le génie de Ridley Scott, James Cameron et David Fincher. Sorti de l’ombre grâce à Trainspotting, Danny Boyle (La Plage, 28 Jours Plus Tard, Slumdog Millionaire) est le premier choix des studios. Boyle est vite très attiré par le projet et rencontrera même les responsables des effets spéciaux ainsi que Sigourney Weaver. Malheureusement, il refusera le poste, estimant ne pas être de taille pour une production à si gros budget, et tournera Une Vie Moins Ordinaire à la place. Peter Jackson (Bad Taste, Braindead, Le Seigneur des Anneaux, King Kong) est ensuite approché, mais repousse la proposition, ne voyant pas d’intérêt à ce nouveau chapitre. 20th Century Fox s’intéresse également à Paul W.S. Anderson (Mortal Kombat, Resident Evil, Alien vs. Predator) qui, pris par le tournage d’Event Horizon, est rapidement écarté du projet. Enfin, pendant un temps, Bryan Singer (X-Men et sa suite, Superman Returns, X-Men : Days of Future Past, X-Men : Apocalypse) est envisagé après son travail sur Usual Suspects mais ne donnera pas suite.

Finalement, 20th Century Fox et Brandywine Productions contactent Jean-Pierre Jeunet. Réalisateur et scénariste français né le 3 septembre 1953, il débute derrière la caméra en tournant des films publicitaires et des vidéoclips. Il réalise ensuite quelques courts-métrages à partir de 1978, tous récompensés dans de nombreux festivals en France et à l’étranger. Il se lance alors dans le cinéma à la fin des années 1980 et sort son premier film, Delicatessen, en 1991. Son esthétique particulière, proche de l’animation, et son style particulièrement noir deviendront sa marque de fabrique. Suivront ainsi La Cité des Enfants Perdus (1995), Alien, la Résurrection (1997), Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (2000), Un Long Dimanche de Fiançailles (2004), Micmacs à Tire-Larigot (2009) et L’Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S. Spivet (2013). Mêlant fantaisie, humour sombre et science-fiction, Jeunet est considéré comme l'un des plus influents réalisateurs en France et dans le monde.
Fascinés par ses visuels décalés sur les films Delicatessen et La Cité des Enfants Perdus, 20th Century Fox et Brandywine Productions font part du projet à Jean-Pierre Jeunet et cherchent à l’engager comme metteur en scène. Pour autant, ayant tout juste commencé l’écriture du (Le) Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, Jeunet ne se sent pas prêt à réaliser un film de cette ampleur. Par ailleurs, il considère que donner suite à la conclusion d’Alien³ est une très mauvaise idée. Cependant, il accepte de rencontrer les producteurs et se rend à Los Angeles, dans les bureaux de la firme à la fanfare, où il fait la connaissance de Sigourney Weaver, qui a beaucoup apprécié La Cité des Enfants Perdus. Suite aux encouragements des dirigeants et de l’actrice principale, Jeunet finit par accepter et hérite d’un budget de 70 millions de dollars. Bien qu’il trouve le scénario de Joss Whedon très moyen, le réalisateur français est conscient de la chance qui lui est offerte et se plie aux exigences des studios.

Souhaitant ne pas reproduire les mêmes erreurs commise avec David Fincher, 20th Century Fox accorde quelques libertés à Jean-Pierre Jeunet. Il s’entoure donc du spécialiste français des effets spéciaux Pitof, également réalisateur de Vidocq (2001) et Catwoman (2004), et le chef opérateur Darius Khondji, qui ont travaillé avec lui sur La Cité des Enfants Perdus. Pour mener à bien le projet, Jeunet demande à la production la présence d’un traducteur. Il fait également appel à Marc Caro, directeur artistique et co-auteur de Delicatessen, qui participera au développement du film - il dessinera plusieurs concepts pour les costumes, les vaisseaux et les aliens - avant de quitter le navire au début des prises de vue. De même, à la demande de Sigourney Weaver, le tournage a lieu dans les studios de 20th Century Fox à Los Angeles entre octobre 1996 et février 1997. Alien, la Résurrection est ainsi le premier film de la franchise à ne pas être tourné en Angleterre.
Pour le casting, Sigourney Weaver est accompagnée de Ron Perlman (Le Nom de la Rose, Hellboy, Sons of Anarchy) et Dominique Pinon (La Cité des Enfants Perdus, Un Long Dimanche de Fiançailles, Outlander), acteurs fétiches de Jeunet, qui campent respectivement Johner, mercenaire du Betty, et Vriess, le mécanicien de la navette. Le rôle de Call, membre du Betty qui se lie d’amitié avec la nouvelle Ripley, est d’abord refusé par Angelina Jolie au profit de Winona Ryder (Beetlejuice, Edward aux Mains d’Argent, Frankenweenie, Stranger Things). S’ajoutent également Gary Dourdan (Playing God : Au Service du Mal, Dangereuse Séduction, la série Les Experts) dans le rôle du commandant en second Gary Christie, J.E. Freeman (Y a-t-il Quelqu’un pour Tuer ma Femme ?, Sailor et Lula, Copycat) dans celui du docteur Mason Wren, Michael Wincott (Robin des Bois, Prince des Voleurs, The Crow, La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers) qui joue le capitaine Frank Elgyn et Kim Flowers (Danger Immédiat, Another Day in Paradise) est Sabra Hillard l’assistante pilote du Betty. Enfin, Brad Dourif (Vol Au-Dessus d’un Nid de Coucou, Color of Night, la saga Chucky) interprète le scientifique Jonathan Gediman.

Quatrième et dernier volet de la saga d’origine, Alien, la Résurrection est également le plus détesté de tous. Étrange mélange des trois précédents épisodes, il n’en demeure pas moins un opus tout à fait honorable et sympathique. Deux cents ans sont donc passés depuis la mort de l’officier Ripley. Son corps a toutefois été récupéré par une équipe de généticiens qui décident pas moins que de la cloner dans les laboratoires d’une station spatiale, l’Auriga, espérant ainsi récupérer la créature qu'elle portait en elle sur la planète Fiorina 161. Après plusieurs tentatives infructueuses, l’expérience réussit. La Reine alien est prélevée et les scientifiques laissent la vie sauve à la nouvelle Ripley. Aussitôt, un autre vaisseau, le Betty, débarque avec à son bord un équipage de mercenaires chargés d’approvisionner l’Auriga en hôtes. De nouveaux aliens, issus de la fécondation avec les hôtes, voient alors le jour. Mais très vite, ces derniers parviennent à s’échapper et sèment le chaos à bord de la station. D’un point de vue scénaristique, Alien, la Résurrection n’est donc pas le plus original dans la mesure où il se contente de recycler les ingrédients de ses prédécesseurs sans trop les modifier. La recette est quasiment la même, à savoir le personnage de Ripley qui, de nouveau, se réveille dans un lieu inconnu pris d’assaut par des xénomorphes dont elle devra s’échapper, tout en faisant équipe avec un groupe d’hommes et de femmes. Encore une fois, les ennemis deviennent alliés face à une menace qu’ils ne contrôlent pas et devront affronter ensemble pour s’en sortir. Cette même menace qui, tapie dans l’ombre, les massacre les uns après les autres. Si les intentions sont bonnes, à savoir respecter le matériel de base, la formule s’épuise au bout du quatrième épisode, ce qui n’aide pas forcément l'opus à se démarquer.

Ce serait pourtant une erreur de réduire Alien, la Résurrection à son postulat de départ plutôt classique. Nageant entre action décomplexée, horreur graphique et excentricité visuelle, la recette est somme toute intéressante se plaçant dans la continuité des travaux de Ridley Scott. À la croisée de deux univers, ceux de Joss Whedon d’une part et de Jean-Pierre Jeunet de l’autre, il offre une aventure à part à l’esthétique soignée et à l’humour décalé, jamais ressenti dans la franchise. Avec le français Jean-Pierre Jeunet aux commandes, ce nouvel opus est prenant et visuellement impressionnant. Décors somptueux, photographie magnifique, mouvements de caméra millimétrés, ce quatrième film est certainement le plus beau de la saga en terme de mise en scène et d’effets spéciaux. En apportant son style grotesque, son esthétique jaunâtre et son humour noir, le réalisateur ne déroge ainsi pas à la tradition de la franchise, à savoir réinterpréter la mythologie à sa manière.
Sans surprise, les premières minutes du film sont donc lentes, privilégiant l’exposition et la présentation de l’intrigue, avant que l’action ne prenne le dessus. Les rebondissements sont nombreux et les situations s’enchaînent à vive allure, si bien que le public ne s’ennuie jamais. L’ensemble est ainsi très rythmé, tandis que l’ambiance reste fidèle aux précédents volets. De même, ayant été pensé comme une comédie noire et non un film d’horreur, Alien, la Résurrection est en rupture totale avec la série. Dans sa volonté de renouveler un genre essoufflé, le métrage enchaîne alors les excentricités et créations étranges voire déstabilisantes. L’idée n’est plus seulement de créer la peur, mais de déconcerter, provoquer le malaise, tout en se permettant quelques légèretés et moments plus calmes. Le résultat est tout à fait plaisant et constitue une étape supplémentaire pour la saga.

Car Alien, la Résurrection est en totale rupture avec l’essentiel de ce qui a fait le succès du premier volet, tout en restant fidèle au chef-d’oeuvre de Ridley Scott. Le film se veut drôle et plus léger, ne serait-ce que pour ses dialogues consistant en grande partie en une avalanche de punchlines dignes de films d’action. Les membres du commando en sont l’exemple le plus flagrant, chaque personnage étant plus ou moins une caricature volontaire et jubilatoire du commando d’Aliens, le Retour. Dominique Pinon est plaisant en paraplégique qui ne cesse de se plaindre, tandis que Ron Perlman est sympathique en colosse aux gros bras. Les vannes machistes entre Ripley et l’équipe de mercenaires font souvent mouche et participent au côté décomplexé du récit. La parodie n’est donc jamais loin pour finalement livrer un spectacle amusant, qui ajoute un peu de folie à une saga qui n’en demandait pas tant.
En conséquence, l'opus se permet quelques libertés et n’a pas peur de dévoiler le monstre sous toutes ses coutures. Quand Ridley Scott faisait dans la subtilité, Jeunet prend la même voie que James Cameron, mais en plus violent. La créature ne se cache pas dans l’ombre : elle est directement exposée et attaque frontalement ses proies, donnant lieu à des plans d’une grande efficacité. Le film prend alors des allures de série B fantastique, mais reste malin à souhait sur bien des aspects. Même si la surprise n’existe plus, Alien, la Résurrection demeure en effet jouissif puisqu’il fait évoluer la mythologie. Les aliens ont trouvé de nouvelles façons de se défendre et de chasser leurs victimes. Leur intelligence et leur instinct se sont développés, d’où un enchaînement de séquences étonnantes, dont la fuite de deux spécimens grâce à leur sang acide. Enfin, les intentions des antagonistes sont beaucoup plus claires : créer une armée d’aliens, une idée évoquée lors de l’écriture d’Alien³ abandonnée par les producteurs.

Ce quatrième film est également l’occasion d’offrir un spectacle nettement plus violent graphiquement. Alien, la Résurrection n’étant pas avare en plans gores et sanglants, mais toujours avec un aspect grotesque et second degré chers au réalisateur. La peur est présente et l’ensemble apporte un certain cachet au métrage tant les effets spéciaux sont maîtrisés. Impossible de ne pas frissonner devant le design visqueux des aliens, qui n’ont jamais été aussi réels. Filmés en gros plans, ils créent encore plus le malaise que ceux des précédents films puisque le public peut enfin les contempler, ce que James Cameron avait amorcé dans Aliens, le Retour. Rien n’est donc épargné au spectateur, jusqu’à un hybride qui inspire autant la fascination que le dégoût ou la pitié et dont la fin ne manquera pas de retourner l’esprit et l’estomac de certains. Une prouesse technique parfaitement exécutée digne des meilleurs films de science-fiction et d’horreur.
Du côté des héros, Alien, la Résurrection est là aussi un sans faute. Morte à la fin d’Alien³, Ripley n’est plus celle que le spectateur a connu jusqu’à présent. Mi-humaine, mi-alien, il ne s’agit plus du personnage rencontrée dans le premier opus, mais d’un clone qui s’interroge sur sa propre existence et cherche un sens à sa vie. Sarcastique, désespérée au fil des minutes, elle réalise progressivement qu’elle n’a plus rien à perdre. Pour autant, elle sait se défendre et n’hésite pas à répondre aux provocations, ni à affronter les monstres. Bien qu’elle reste fidèle à l’héroïne d’origine, cette nouvelle Ripley est à des années lumières de son modèle. Plus sauvage et meurtrière, c’est une femme animale et sensuelle à laquelle le public est confronté, attribuant une nouvelle dimension à son personnage. Le jeu sans faille de Sigourney Weaver est à souligner. L’actrice apporte une nouvelle facette à Ripley et prend du plaisir à la réinterpréter, entre innocence et prédatrice redoutable.

Donnant la réplique à une équipe demercenaires sans scrupules, elle se permet en outre quelques touches d’humour, parfois risibles. Pour exemple, cette séquence de basket sortie de nulle part et sans rapport avec le reste, qui permet tout de même de présenter les nouveaux réflexes de Ripley, concorde avec l’aspect comique et grotesque du film. Pour l'anecdote, Sigourney Weaver s'était entraînée plusieurs jours pour les besoins de la séquence. Le plan final où elle marque un panier en lançant la balle par dessus son épaule devait être réalisé avec trucages, mais l'actrice réussit l'exploit à la surprise générale. L’ensemble du casting permet également d’apprécier une galerie de personnages hauts en couleur. Tous habitués aux missions dangereuses, ce sont pour la plupart des criminels au physique un peu bourru, des gueules cassées au tempérament nerveux, qui tirent avant de réfléchir tout en faisant preuve d’humanité. Que ce soit Michael Wincott en capitaine de vaisseau téméraire, Ron Perlman en costaud sans cervelle mais au grand cœur, Dominique Pinon en fauteuil roulant qui sait se montrer dur à cuire, Kim Flowers en guerrière sans pitié, ou encore Gary Dourdan en commandant un peu hésitant prêt à se sacrifier. Si leur interprétation n’évite pas la caricature, notamment Brad Dourif en savant fou psychopathe, elle ne laisse pas de marbre et crée autant de sentiments chez le spectateur, qui passe du rire à l’angoisse.
Avec une distribution aussi large, la vraie révélation du casting reste toutefois Winona Ryder dans le rôle d’Annalee Call, en fait une androïde. Une fois encore, la franchise fait intervenir un personnage non-humain, à la différence près que Call n’a pas été créée par l’homme mais par des robots. En mission d’infiltration au sein du Betty, elle a pour but de faire échouer l’hybridation et protéger les humains contre leurs mauvaises intentions. Téméraire, courageuse, elle se révèle plus forte que ses camarades qui, eux, se cachent régulièrement derrière des armes pour affronter le danger. Mieux développée que la majorité de l’équipage, elle offre une alternative plaisante à Ripley sans pour autant l’effacer. D’ailleurs, leur relation ambiguë, que certains nommeront homo-érotique, est un des points forts du film. D’abord méfiantes l’une envers l’autre, les deux femmes androïdes se ressemblent plus qu’il n’y paraît et forment une belle alliance, Call devenant en retour une fille de substitution pour Ripley.

Considéré, à tort, comme le film de trop, Alien, la Résurrection ne met pourtant pas de côté les épisodes précédents et sème même quelques petits clins d’oeil bienvenus. Ainsi, les thématiques de la reproduction, la famille et la maternité, chers à la franchise, font leur retour et rejoignent parfaitement les autres opus, tel la fin d’un cycle. Ripley perd sa fille biologique, puis sa fille d’adoption, Newt, et devient mère porteuse d’un être qu’elle ne veut pas mettre au monde. Elle est donc ramenée à la vie pour donner naissance à sa monstrueuse progéniture et fera face à un hybride, fruit de la fécondation entre humain et alien. Dans les dernières minutes, elle doit choisir entre la survie de l’espèce humaine à laquelle elle n’appartient plus exactement et satisfaire son propre intérêt. Un dilemme d’autant plus crucial puisqu’il oppose deux espèces dangereuses pour elles-mêmes et leur environnement. La logique de la famille trouve ici sa conclusion d’une manière aussi monstrueuse que poignante. Les enjeux sont ici nombreux et participent à l’intelligence du scénario.
Entre la compagnie voulant à tout prix exploiter les xénomorphes et les membres du Betty venus apporter des hôtes humains en échange d’un solde, Alien, la Résurrection accentue le message global de la franchise : l’homme est un loup pour l’homme. L’idée même du clonage et de manipulation génétique, omniprésente dans le film, le confirme davantage. La nouvelle Ripley constitue ainsi le nouveau chaînon de l’évolution, l’ultime lien entre l’homme et l’alien. Dotée de réflexes surhumains et d’une force herculéenne, elle a, en contrepartie, donné la possibilité aux aliens de se passer d’hôtes humains pour se reproduire. Se prenant pour un créateur, l’être humain détruit tout ce qu’il touche. Alien, la Résurrection prouve donc son utilité à la saga en posant cette fois une question qui traverse tous les films, déjà bien évoquée dans Aliens, le Retour : et si le véritable monstre n’était pas l’alien, mais l’homme lui-même ?

En face, les êtres synthétiques, objets de méfiance et, parfois, de mépris, sont au final moins dangereux qu’ils n’y paraissent. Call fait en réalité preuve de plus d’humanité et de compassion ! Contrairement aux mercenaires, elle n’est pas là pour toucher de l’argent, mais mettre fin à une menace. La jeune androïde et la nouvelle Ripley sont les seules à avoir un idéal et à se battre pour la survie de l’espèce humaine. Il en va de même en matière de sentiments et d’émotions, à l’image de cette scène où Ripley découvre avec horreur les précédentes tentatives de clonage sur sa personne et laisse éclater sa rage. Une séquence formidablement interprétée par Sigourney Weaver, qui aura toujours donné le meilleur d’elle-même et offert de sublimes performances. Pour autant, Alien, la Résurrection ne sombre dans le désespoir et montre au contraire une vraie lueur d’espoir. Si l’alien représente l’avenir de l’homme, il lui manque ce qui fait un être humain : une âme. Aussi, l’homme sera toujours supérieur à son successeur sur le plan de l’évolution, en ce qu’il sera encore en possession de son libre arbitre et de valeurs.
S'agissant du scénario, impossible de ne pas y voir ce qui fera la renommée de Joss Whedon et notamment sa passion pour les personnages féminins forts. En tant que jeune scénariste, il fait la part belle aux femmes de l’équipage, quitte à mettre presque à l’écart la gent masculine, qui est surtout là pour assurer l’action. De la Reine meurtrière à la femme fragile, de l’androïde objet de tous les fantasmes à la créature mi-humaine mi-alien auquel il n’est pas toujours facile de se fier. Revenue d’entre les morts, elle n’est plus du tout la même. Moins humaine, mais plus forte. Telle un Messie, Ripley est différente et représente un modèle, si bien qu’aucun des mercenaires n’ose véritablement s’opposer à elle. Enfin, Alien, la Résurrection peut être vu comme les premiers éléments d’une autre création de Whedon, à savoir Firefly. Centrée sur un équipage composé de marginaux chargés d’effectuer des livraisons parfois illégales dans un vaisseau endommagé, la série partage de multiples points avec le film de Jean-Pierre Jeunet. Si le scénario ne fait, hélas, pas toujours dans l’originalité, il permet d’apprécier les premiers pas de Joss Whedon à l’écriture et la présentation de son univers.

Côté réalisation, Alien, la Résurrection marque aussi des points. Ayant obtenu carte blanche de la part de 20th Century Fox, Jeunet ne voulait pas faire un film d’horreur, mais adapter la saga à son style, à la manière des précédents volets. Le français apporte avec malice sa patte si singulière à ce quatrième opus. Place à l’action pure, au gore et aux explosions en tout genre. Esthétiquement, Alien, la Résurrection est le plus beau de tous, mais aussi le plus sanglant. Le spectateur est face à une comédie noire et violente où les morceaux de bravoure côtoient l'humour gentiment décalé et où l'émotion intense rencontre les corps qui se décomposent. Les prises de vue, quant à elles, respectent les précédents travaux du réalisateur. Les plans larges se resserrent progressivement au fil de l'action, la caméra s'arrêtant sur le visage des acteurs. La photographie, au teint jaune et rouille, renforce le sentiment de claustrophobie ambiante. Les effets spéciaux tiennent la route, livrant un bestiaire tout à fait remarquable avec en prime un hybride aussi réussi que monstrueux, tandis que les scènes d'action savent maintenir la tension. En particulier, la scène de poursuite sous l'eau entre humains et alien a nécessité beaucoup de travail. Jeunet avait dû, en effet, faire avec la phobie de l'eau de Winona Ryder. De même, Ron Perlman, qui n'avait pas été préparé aux besoins de la scène en question, a manqué de se noyer. Pour éviter tout nouvel incident, tous les acteurs, à l'exception de Sigourney Weaver, ont par la suite suivi une formation de plongée.
Bien que l'aventure soit dépaysante et originale, Alien, la Résurrection n'échappe pas à la comparaison avec les précédents films. De nouveau, le spectateur assiste à un jeu du chat et de la souris dans un lieu clos, le scénario est attendu et la menace représentée par les aliens de moins en moins palpable. À vouloir les montrer sous toutes les coutures, Jeunet leur retire toute dimension mystique et transforme son film en slasher dans l’espace, ce que Ridley Scott voulait à tout prix éviter à l’époque du premier volet. Extrêmement réalistes, les aliens marquent une amélioration par rapport à Alien³, mais sont nettement moins terrifiants. Finie la créature tapie dans l’ombre, place au xénomorphe montré en gros plan et exposé en pleine lumière dans le moindre détail. Ayant misé sur l’humour plutôt que l’horreur, Jeunet ôte alors toute réelle tension à son film et le public se demande souvent s’il faut avoir peur ou rire devant certaines scènes pourtant effrayantes voire choquantes. À l'évidence, le gore est trop présent et nuit à la subtilité de l'opus. Et les personnages, d’une certaine manière, n’aident pas toujours à rendre l’ensemble sérieux. Ils sont tous stéréotypés et n’évitent pas les clichés. Quelques-uns sont amusants, mais tous manquent de profondeur. Ils ont beau être en situation de danger, il est très difficile d’avoir peur pour eux, parce qu’ils n’ont aucune faiblesse qui permettrait de s’y attacher.

Pour la musique, c’est à John Frizzell de prendre le relais après Elliot Goldenthal. Né le 24 octobre 1966 à New York, il suit des études de musique à l’Université de Californie du Sud et à l’École de Musique de Manhattan. Sa carrière débute véritablement en 1993, lorsqu’il est choisi comme orchestrateur pour la mini-série Wild Palms, diffusée sur la chaîne ABC, qui l’engage pour plusieurs téléfilms comme musicien. Après une première incursion au cinéma pour les besoins de Red Ribbon Blues (1996), il enchaîne les compositions de films d’action ou d’horreur - Le Pic de Dante (1997), Alien, la Résurrection (1997), 13 Fantômes (2001), Le Vaisseau de l’Angoisse (2002), Stay Alive (2006), Primeval (2007), Leatherface (2017) - tout en se diversifiant : Mrs. Tingle (1996), De Toute Beauté (2000), En Sursis (2003), The Lodger (2009). Débutant Alien, la Résurrection sur une note aérienne, légère, Frizzell intègre des sonorités électroniques qui évoluent lentement au cours de l’introduction pour laisser place à un thème plus épique et puissant. La peur, l’angoisse et la tension se font peu à peu entendre grâce à une composition qui rappelle à quelques occasions, au détour d’une mesure, le volet précédent. Mais l'ensemble réussit à se détacher et Frizzell n’a aucun mal à créer une ambiance anxiogène et malaisante. La menace est partout et la musique ne manque pas de le rappeler, les silences sont lourds et chaque coup de clavier ou de cuivre provoque la surprise.

Alien, la Résurrection sort dans les salles américaines le 26 novembre 1997 et essuie des avis plus que mitigés outre-Atlantique. Les critiques félicitent la réalisation de Jean-Pierre Jeunet et son parti pris visuel, sa photographie, ainsi que les nouveaux personnages et le jeu des acteurs. Certains le considèrent même comme une amélioration par rapport à Alien³. Ils lui reprochent néanmoins son manque d’émotion, son scénario classique, l’omniprésence de scènes gore et des effets de surprise trop faciles. De même, l’apparence de l’hybride mi-humain mi-alien est très critiquée. Ceci dit, l’opus reçoit un accueil critique et public très positif en Europe, notamment en France, où les spectateurs se réjouissent de voir un réalisateur national prendre les rênes d’une franchise célèbre. En parallèle, le film rapporte 161,4 millions de dollars au box-office pour un budget d’environ 70 millions, dont 48 millions en Amérique du Nord et figure parmi les plus gros succès de l’année pour 20th Century Fox. Toutefois, en comparant les précédents volets, les crossovers avec le Predator et la prélogie instituée avec Prometheus, il s’agit de l’opus le moins rentable de la saga Alien.
Le film reçoit plusieurs nominations aux Saturn Awards 1997 dans les catégories Meilleur film de science-fiction, Meilleure actrice pour Sigourney Weaver, Meilleur actrice dans un second rôle pour Winona Ryder, Meilleur réalisateur Jean-Pierre Jeunet, Meilleurs costumes et Meilleurs effets spéciaux. Winona Ryder remporte le Prix du Meilleur second rôle dans un film de science-fiction aux Blockbuster Entertainment Awards. Malgré cette reconnaissance, Alien, la Résurrection obtient, injustement, quelques nominations pour les prix de Pire actrice, Pire actrice dans un second rôle, Pire suite et le Prix spécial de la “suite que personne n’a demandé” aux Stinkers Bad Movie Awards, un groupe de critiques et spécialistes du cinéma choisis pour récompenser chaque année les pires performances au cinéma.

L’opus provoque également des réactions houleuses auprès des membres de l’équipe. Jean-Pierre Jeunet est satisfait du résultat final, tout comme Hans Reudi Giger, designer originel de l’alien, qui reprochera aux producteurs de ne pas avoir été crédité au générique. Ce n'est cependant pas le cas pour Joss Whedon, qui s’est dit très déçu de ce que le français a fait de son scénario. Il estime que de nombreux changements ont été effectués concernant l’intrigue et les dialogues et discute les choix d'acteurs, de mise en scène, ainsi que la musique et la direction artistique. Whedon quitte donc la franchise pour se consacrer à d’autres projets, alors qu’il planchait sur une suite à Alien, la Résurrection dont l’action se déroulerait sur Terre. Si Sigourney Weaver n’est pas intéressée à l’idée de reprendre son rôle, elle reste ouverte à une éventuelle participation à condition que le scénario lui convienne. Le projet reste en suspens jusqu’en 2002, lorsque Ridley Scott faire part de son intérêt pour réaliser un cinquième volet au cours d’une interview, en compagnie de James Cameron et de nouveaux scénaristes. Hélas, 20th Century Fox leur coupe l’herbe sous le pied en annonçant un cross-over entre les sagas Alien et Predator. Scott et Cameron sont forcés de tout arrêter et l’hypothétique cinquième volet est définitivement abandonné.

Inattendu, déconcertant, Alien, la Résurrection n’est clairement pas le meilleur opus de la saga. S’il constitue un élément étrange dans l’univers créé par Ridley Scott, il mérite tout de même sa place parmi les autres volets. Tout en restant dans la continuité de la franchise, il offre à cette dernière une nouvelle jeunesse en l’enrichissant de thèmes forts et innovants. Film de science-fiction décomplexé, mélangeant subtilement second degré et horreur graphique, porté par des acteurs sympathiques, Alien, la Résurrection livre une aventure plutôt originale et renouvelle intelligemment le mythe du xénomorphe.

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