Titre original :
March Of The Penguin 2 : The Call
Production :
Disneynature
Bonne Pioche
Date de sortie France :
Le 15 février 2017
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Luc Jacquet
Musique :
Cyrille Aufort
Durée :
82 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Répondant par instinct au mystérieux appel qui l’incite à rejoindre l’océan, un jeune manchot se prépare à vivre son premier voyage… Il doit la vie à son père, un empereur de 40 ans, qui s'est battu chaque jour contre les paysages éphémères de l’Antarctique, la morsure du vent et du froid pour la survie de son petit comme celle de son espèce...

La critique

rédigée par
Publiée le 10 février 2017

Douze ans après La Marche de l'Empereur, Luc Jacquet revient en Antarctique, un continent qui le passionne, pour livrer aux spectateurs un nouveau film aux images sublimes. L'Empereur est ainsi le long-métrage de la maturité qui, selon un prisme différent et une sensibilité accrue, se propose de raconter de nouveau l'histoire de l'espèce des manchots empereur.

En 2008, The Walt Disney Company renoue avec le genre du documentaire animalier que le papa de Mickey lui-même avait décidé de populariser quelques soixante ans auparavant. Passionné de flore et de faune, Walt Disney peut, en effet, être considéré comme le pionnier du documentaire animalier grand public. Dès 1948, il met, ainsi, en chantier la collection des True-Life Adventures dont les courts et longs-métrages seront multi-oscarisés. Cette série, inaugurée avec le mini documentaire, L'Ile aux Phoques, constitue d'ailleurs la première véritable incursion de la compagnie au château enchanté dans la production de films "live". Elle comporte un total de sept courts-métrages dont La Vallée des Castors (1950) ou La Terre, Cette Inconnue (1951), avant de s'ouvrir, en 1953, avec Le Désert Vivant, au format des longs-métrages. Ce dernier devient, à partir de cette date, la norme de production des True-Life Adventures et concerne, au final, six œuvres dont La  Grande Prairie (1954) ou Le Grand Désert Blanc (1958). Au total, en comptant les courts et longs-métrages, la série aura gagné en tout, pas moins de huit Oscars !

La renaissance de la production de documentaires axés sur la nature et les animaux sauvages au sein du catalogue Disney est due à l'initiative du français Jean-François Camilleri. Alors manager de la filiale hexagonale de Walt Disney Studios Motion Pictures, il a, en effet, en 2005, la brillante idée d'accorder sa confiance à un jeune réalisateur tricolore, Luc Jacquet, en acceptant de produire son premier film, La Marche de l'Empereur. Le pari est osé. Proposer sur grand écran, à destination du grand public, un long-métrage, documentaire animalier, sur la vie des manchots empereurs vivant en Antarctique apparaît, il est vrai, à l'époque comme un rêve doux-dingue, caprice d'un producteur, en mal de respectabilité auprès de l'intelligentsia hexagonale, sacrifiant, pour une fois, la recherche du seul profit commercial sur l'autel de l'expérimentation cinématographique. L'avenir prouvera le parfait contraire. Seul contre tous, Jean-François Camilleri démontre l'incroyable potentiel du genre, confirmant son rang dans le milieu du cinéma français de producteur hexagonal à part entière, véritable découvreur de talents. La réussite commerciale de La Marche de l'Empereur est, en effet, loin d'être un succès d'estime. En France, le film taquine allègrement les deux millions d'entrées ! Le résultat est tel que l'intérêt de proposer le documentaire à l'export apparaît vite évident. Comble de l'ironie, le marché américain lui ouvre rapidement ses portes, mais sans Disney. La maison mère de la filiale française menée par Jean-François Camilleri fait, en effet, la fine bouche et refuse cette histoire de manchots incongrue. Warner Bros., elle, sent le joli coup venir et accepte de distribuer le film sur le sol américain. Il devient vite à l’époque le plus gros succès pour un long-métrage français en Amérique du Nord. Il remporte même l'Oscar du Meilleur Documentaire, véritable pied de nez à la France qui lui a refusé le moindre César. Devant l'ironie de l'histoire, Jean-François Camilleri ne prend pas ombrage et pardonne à sa tutelle, son erreur d'appréciation. Il la comprend même tant son pari était osé... Il entend d'ailleurs l'aider à la réparer et à l'amener à occuper enfin le terrain du documentaire grand public, à destination des salles obscures. Il crée pour cela, une société de production spécifique, Disney Nature Productions, qui présente ainsi un premier long-métrage en 2007, Le Premier Cri, film ethnologique sur la naissance à travers le monde, beaucoup moins abordable qu'un simple documentaire animalier. Il continue ensuite de faire confiance à Luc Jacquet et distribue son deuxième long-métrage, Le Renard et l'Enfant, un docu-fiction axé sur l'amitié d'une petite fille et d'une renarde. L'œuvre très personnelle séduit à nouveau le public français.

Patiemment, le remuant patron de la filiale française convainc sa maison-mère d'investir le marché. Elle accepte finalement de créer un nouveau label de films à l'instar de Disney, Touchstone Pictures ou Hollywood Pictures. Disneynature est ainsi présenté mondialement en avril 2008. Basé en France, il est logiquement dirigé par Jean-François Camilleri et poursuit deux objectifs : distribuer des productions "maison" à l'international et productions étrangères aux États-Unis. Les premiers chantiers sont déjà sur les rails. Le programme est alléchant. Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants sort ainsi en décembre 2008 suivi par Pollen et Félins en 2011, Chimpanzés en 2012, Grizzly en 2014, Au Royaume des Singes en 2015 et Nés en Chine en 2017. Par ailleurs, le film britannique Un Jour sur Terre est distribué aux États-Unis en 2009, sous label Disneynature, ainsi que le film français Océans en 2010.

Après La Marche de l'Empereur, Le Renard et l'Enfant et Il Était une Forêt, c'est donc la quatrième fois que Luc Jacquet est distribué par Walt Disney Studios Motion Pictures - France, un joli signe de la grande relation de confiance entre le réalisateur et la filiale française de Disney. Mieux encore, L'Empereur a aussi l'honneur de porter le label Disneynature au cinéma : un bel hommage à l'héritier du film à l'origine même de la création de filiale de documentaires de Disney !

Né en 1967 à Bourg-en-Bresse, Luc Jacquet passe sa jeunesse dans la partie jurassienne de l'Ain. Dans cet environnement préservé naît progressivement sa passion pour la Nature. Dans ce cadre il s'habitue, en effet, au froid et à la neige. Écologue de formation, il étudie à l'Université Lyon I, où il obtient une maîtrise de biologie animale en 1991, puis à l'université de Grenoble où il passe, en 1993, un DEA en gestion des milieux naturels montagnards. Il se destine alors à un avenir de chercheur en comportement animal. Au cours de ses études lyonnaises, en 1992, il répond presque instinctivement à une annonce cherchant un assistant pour aller en Antarctique étudier des manchots empereurs. Elle lui ouvre ainsi l'opportunité de ses premiers contacts avec ce continent et ces animaux. C'est aussi pour lui l'occasion de se former sur le 35 mm alors qu'il n'avait jamais utilisé une caméra auparavant. Il assume même dans la foulée le rôle de cadreur auprès du réalisateur suisse Hans-Ulrich Schlumpf sur le film documentaire Le Congrès des Pingouins. Cette expérience sera décisive ! Luc Jacquet décide désormais de consacrer sa carrière aux films documentaires, prenant conscience que la contemplation de la Nature l'intéresse plus que la recherche pure et dure. Il réalise ainsi ses propres documentaires, dont Le Léopard de Mer : La Part de l'Ogre en 1999 et Des Manchots et des Hommes en 2004, tous deux primés dans plusieurs festivals. Au début des années 2000, il commence à développer son projet de long-métrage cinématographique qui deviendra réalité lors de la sortie en 2005 de La Marche de l'Empereur. En 2007, il signe son deuxième film au cinéma, Le Renard et l'Enfant puis vient 2010 où il fonde l'association Wild-Touch, avec la volonté de donner une utilité concrète à sa notoriété internationale. Peu de temps après, Luc Jacquet rencontre le botaniste Francis Hallé qui tente de réaliser un film sur les forêts primaires. Leur collaboration donne naissance en 2013 à Il Était une Forêt, un documentaire retraçant la naissance des forêts tropicales sur plus de sept siècles. En 2015, Luc Jacquet met en lumière un autre scientifique en la personne de Claude Lorius, avec La Glace et le Ciel, un documentaire montrant le bouleversement venant du réchauffement planétaire et ses conséquences sur l’Antarctique.

Fin 2015, avec l'association Wild-Touch, Luc Jacquet monte l'expédition Antartica! dans l'idée de fêter les dix ans de La Marche de l'Empereur. Le réalisateur se fait pour l'occasion accompagner de deux photographes, Laurent Ballesta et Vincent Munier. Durant quarante cinq jours, chaque artiste va donc explorer avec sa propre sensibilité l’univers polaire et aquatique du manchot empereur et de la biodiversité en Antarctique. Sur la glace, Vincent Munier, photographe des milieux extrêmes, témoigne de la richesse et de la fragilité des écosystèmes animaliers de la Terre Adélie. Sous la glace, Laurent Ballesta, photographe des profondeurs et biologiste marin, réalise lui un autre défi humain autant que technique, avec la promesse inédite d’être le premier à explorer un monde encore méconnu. De cette expédition, de nombreux témoignages sont proposés comme des livres de prestige en passant par des documentaires télévisés pour la chaîne publique ARTE et même une exposition au Musée des Confluences de Lyon. Le film L'Empereur s'inscrit donc dans la démarche de restitution de l'expérience extrême vécue en signant assurément le projet le plus artistique de l'ensemble. Le réalisateur, toujours fasciné par la beauté des lieux explorés, porte en effet sur cette expédition un regard apaisé. Il n'en reste pas moins fasciné par cet appel, cet instinct qui permet à l'empereur d'être le seul être vivant à donner la vie là où personne ne vit.

Tout spectateur qui a vu La Marche de l'Empereur, trouvera L'Empereur familier. Et pour cause, il narre la même histoire : celle du manchot empereur ! Cet oiseau a, il est vrai, un cycle de vie immuable où les adultes répètent chaque année le même rituel dans le but de se reproduire et d'élever leurs petits. L'animal réalise alors un long périple de cinquante à cent vingt kilomètres sur la glace pour former des colonies pouvant comprendre des milliers d'individus. Les femelles pondent un unique œuf, que le mâle couve tandis que la mère retourne elle dans l'océan rechercher de la nourriture. Par la suite, les deux parents se partageront à tour de rôle le soin de remporter de quoi nourrir la famille, l'un d'entre eux restant toujours avec leur oisillon dans la colonie. L'espérance de vie d'un manchot empereur est généralement de vingt ans dans la nature, bien que des observations laissent à penser que certains individus atteignent l'âge canonique pour eux de cinquante ans. L'Empereur parle ainsi d'un mâle de quarante trois ans qui vit sa dernière saison à se reproduire et à élever ses petits. C'est le point de départ du long-métrage dans le but de raconter une histoire similaire au précédent film de 2005 mais du point de vue d'un aîné qui a déjà vécu l'expérience de transmettre la vie.

Mais tout n'est pas redite dans L'Empereur. Loin s'en faut : la narration et les images sont bien nouvelles. Les vues proposées sont assurément de toutes beautés avec des gros plans juste incroyables ainsi qu'une visite des fonds sous-marins sous la banquise totalement bluffante. Il faut dire que la technologie a beaucoup évolué en douze ans ! Luc Jacquet tourne ainsi en numérique 4K pour obtenir une qualité d’image optimale et a recours à des drones pour offrir des angles de vues inédits restituant comme jamais la majesté de l'Antarctique. Tout cela est bien évidemment absent du premier film, plus intimiste à cet égard, et propose donc une vision différente de lieux que le spectateur pourrait penser - à tort - déjà connaître. La photographie et les couleurs sont à ce titre resplendissantes et le film constitue un véritable régal pour les yeux. Le propos, quant à lui, tente une optique différente suivant une vision qui se veut à la fois détachée mais aussi plus mature. Si le thème de la famille et de la survie transparaissaient dans le premier film, ici c'est plutôt l'incroyable destin d'un mâle hors norme et cet incroyable appel de l'instinct qui lui dicte de perpétuer la race. Le montage est dès lors bien différent n'hésitant pas à aller et venir dans le temps dans la croissance de l'oisillon sans suivre une linéarité temporelle. L'Empereur apparaît aussi, quelque part, plus académique dans sa forme. Sa musique est ainsi confiée à Cyrille Aufort, un compositeur avec qui Luc Jacquet a déjà travaillé sur La Glace et le Ciel. Superbe, la partition accompagne à merveille les images mais n'a clairement pas l'originalité qu'apportait celle d'Émilie Simon dans La Marche de l'Empereur. Pour la narration, là aussi, le réalisateur choisit une voix off unique en opposition aux trois voix du premier film qui personnifiaient des personnages. Lambert Wilson, toujours impeccable, se prête donc à l'exercice. L'acteur est absolument parfait tant son timbre est idéal pour raconter une histoire en accrochant les spectateurs. Il est aussi un artiste légitime sur le sujet, lui qui connaît déjà l'Antarctique pour y avoir été pour les besoins du film L'Odyssée racontant la vie du commandant Cousteau.

Aussi beau et professionnel que soit le film, L'Empereur arrive toutefois moins à créer d'empathie avec le spectateur que son illustre prédécesseur La Marche de l'Empereur. Il manque en effet ce regard neuf et vierge de la découverte. Malgré toute sa bonne volonté, le réalisateur n'arrive pas, en effet, à retrouver l'euphorie de la première fois alors même que son profond respect sur le lieu et l'espèce se ressent toujours à l'écran. Le spectateur qui redécouvre ici le récit du manchot est peut-être lui aussi redevable de ce constat : bluffé il y a douze ans, il n'arrive en réalité plus tout à fait à retrouver la flamme de l'étonnement, plombé par un sentiment de redondance. La nouvelle génération, vierge elle de l'expérience de La Marche de l'Empereur vécue sur grand écran, aura, en revanche, l'assurance de trouver chez L'Empereur un moment d'émerveillement ultime, fort d'images à couper le souffle, sur ou sous la banquise. L'Antarctique est définitivement un continent fascinant et le manchot empereur une espèce passionnante !

Si La Marche de l'Empereur est un miracle cinématographique comme il en existe bien peu, L'Empereur n'est, lui, qu'un beau film, plus académique que son aîné et moins surprenant. Il n'en reste pas moins d'une beauté visuelle juste sublime, apte à offrir une invitation à la découverte qu'il serait dommage de refuser.

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