Réflexion
La couverture
Titre original :
Reflection
Éditeur :
Hachette Heroes
Date de publication France :
Le 26 février 2020
Genre :
Twisted Tales
Auteur(s) :
Elizabeth Lim
Autre(s) Date(s) de Publication :
Disney•Hyperion (US) : Le 27 mars 2018
Nombre de pages :
384

Le synopsis

Et si ce n'était pas Mulan, mais le Capitaine Li Shang qui avait été blessé lors de l'attaque menée par Shan Yu dans les montagnes enneigées ? Et si cette blessure avait été mortelle ? Accompagnée du gardien de la famille Shang, Mulan décide de se rendre dans l'au-delà pour ramener l’âme de celui qui lui a sauvé la vie...

La critique

rédigée par
Publiée le 07 novembre 2020

Quatrième roman de la collection des Twisted Tales, Réflexion offre une version alternative du classique d'animation des Walt Disney Animation Studios, Mulan, fournie en références culturelles et mythologiques chinoises.

Réflexion est le premier roman d'Elizabeth Lim dans la collection des Twisted Tales, auquel s'ajoute par la suite Oser Ses Rêves, paru chez Disney•Hyperion aux États-Unis le 7 avril 2020 et en France chez Hachette Heroes le 28 octobre 2020, dans lequel elle reprend l'histoire de Cendrillon. Ayant grandi avec les contes de fées et les mythes, l'auteure a à l'évidence une affinité toute particulière avec le genre de la fantasy. À l'âge de dix ans, elle écrit en effet ses premières fanfictions inspirées entre autres de l'univers de Star Wars et de Sailor Moon. Plus tard, elle devient compositrice de musique de films et de jeux vidéo, et obtient son doctorat en composition musicale. Mais l'écriture lui manque et, un jour, elle décide de se lancer dans une carrière littéraire. En dehors des deux ouvrages écrits pour la collection Twisted Tales, elle a ainsi également signé deux livres de fantasy sans rapport avec l’univers Disney : Spin the Dawn (paru chez Knopf Books for Young Readers aux États-Unis le 9 juillet 2019) et Unravel the Dusk (paru chez Knopf Books for Young Readers aux États-Unis le 7 juillet 2020). 

Dans Réflexion, le style d'écriture d'Elizabeth Lim se rapproche davantage de celui de Jen Calonita (Renouveau, paru aux États-Unis chez Disney•Hyperion le 1er octobre 2019 et en France chez Hachette Heroes le 30 octobre 2019), plus léger et humoristique que celui de Liz Braswell (Histoire Éternelle, paru aux États-Unis chez Disney Press le 6 Septembre 2016 et en France chez Hachette Heroes le 15 mai 2019), lequel est beaucoup plus littéraire, fourni en longues descriptions et pétri de thématiques sérieuses distillées en filigrane.
La pléthore de références à la mythologie chinoise offre alors au roman d'Elizabeth Lim une grande richesse. Si le tout début du récit emprunte un ton plutôt occidental, ce qui est un brin déroutant pour tout lecteur ayant lu auparavant le Twisted Tale Ce Rêve Bleu (paru aux États-Unis chez Disney•Hyperion le 1er septembre 2015 et en France chez Hachette Heroes le 15 mai 2019), dont le récit plonge le lecteur dans la culture du monde arabe préislamique et islamique, la suite du récit se veut cependant résolument chinoise. L’évolution de l'histoire est en effet dictée par certains codes de la société chinoise, tels que le principe de faire passer la communauté avant l'individu, de faire prévaloir la préservation de l'honneur de la famille et le sien avant tout, et de dédier sa vie à son pays et sa famille. 

Le récit se déroule dans l'au-delà de la mythologie chinoise, le Diyu, conférant ainsi au roman une tonalité éthérée portée par la magie de l’endroit. Grâce à elle, il est alors aisé de se figurer, à travers la description des cent niveaux de l’au-delà, le brouillard et les montagnes de la peinture sous l'empire et plus communément de la Grande Muraille de Chine dans la culture populaire. Les dieux, démons et entités mythiques y sont de la sorte décrits de manière énigmatique, mystérieuse et insaisissable. Les nombreux termes désignant les lieux constituant le Diyu et ses entités, traduits en français, permettent aussi au lecteur de découvrir l’immense poésie de la mythologie chinoise, qu'il est également possible de retrouver dans les dénominations des différentes portes et pavillons de la Cité Interdite à Pékin ; un excellent exemple de la sophistication et de la complexité de la culture traditionnelle chinoise. Et si la mythologie chinoise et le Diyu semblent bien plus complexes que la mythologie gréco-romaine ou égyptienne, lesquelles sont sans doute les plus connues du monde occidental, l'auteure parvient à distiller une grande quantité d'informations, à fournir un réel aperçu de cette mythologie de façon naturelle et intelligible, et à dessiner une carte du Diyu à l’instar de la carte des Enfers de Virgile.

Malgré une atmosphère profondément chinoise, l'empreinte de l'Occident se fait toutefois ressentir dans certaines réactions et attitudes des personnages. Tout d'abord, la Légende de Hua Mulan peut être perçue comme féministe et se prête à l'évidence à cette thématique, cependant, les interactions hommes-femmes en Chine à cette époque ne peuvent être décrits de manière identique aux rapports occidentaux contemporains. Nonobstant, par endroits, la touche féministe est bien amenée et semble cohérente, car même si la société chinoise structurait les rapports homme-femme d'une certaine façon, dans le cadre privé, il est possible que les personnes la constituant pussent avoir leur propre manière de les percevoir. Et il est important de noter ce décalage : ces moments créent en effet un réel contraste entre l’influence et le contexte chinois de l'histoire et les rapports entre les personnages qui de temps à autre paraissent occidentalisés. Aussi, les insubordinations militaires parsemant le roman semblent peu réalistes et détonnent quelque peu, même si elles s'inscrivent très bien dans l'humour de Mulan.

L'histoire de Mulan se trouve donc altérée à partir du moment où elle lance le canon sur les Huns : cette nouvelle version comporte alors quelques flashbacks qui permettent au lectorat de se repositionner dans le récit original et de découvrir grâce au médium de la littérature, comme le veut la tradition des Twisted Tales, les intentions, pensées et émotions des personnages lors du déroulement des péripéties. La relation de Mulan et de son père, clef de l'histoire originale, est ainsi abordée de manière plus détaillée, et fait écho pour un lecteur occidental au rapport du père avec ses filles dans le roman de Jane Austen Raisons et Sentiments. Cette thématique du lien père-enfant prend encore plus d'importance dans ce nouveau récit, car à celui de Mulan et de son père vient se rajouter le lien qui unit Li Shang au sien. Au plus grand plaisir des lecteurs, Elizabeth Lim fait également évoluer la relation entre Li Shang et Mulan lors de cette aventure spirituelle, qui leur permet de se découvrir mutuellement et aux lecteurs d'apprendre à mieux connaître ces personnages cultes. Tout comme beaucoup de romans de la collection des Twisted Tales, l'auteure en profite aussi pour clarifier certains éléments du Classique d'animation Disney qui auraient pu prêter à confusion, tels que la raison pour laquelle les dignitaires ne cherchent pas à approfondir l'absence du nom de Fa Ping des registres.

L'histoire d'Elizabeth Lim n'emprunte pas d'éléments nouveaux concrets à la Légende de Hua Mulan. Le lectorat apprend cependant que le nom de famille de Mulan, « Fa », signifie « fleur », ce qui est également le cas du nom original de la légendaire héroïne, « Hua », dont le caractère chinois veut dire « fleur ». Si la légende est publiée pour la première fois durant les IV-Ve siècles à l'époque des dynasties du Nord sous le nom de La Ballade de Mulan, le nom de famille de Mulan, « Hua », n’entrera dans l'histoire que bien plus tard, sous la dynastie Ming, dans la pièce de Xu Wei Mulan, Femme, Remplace son Père sous les Drapeaux. Dans ces récits, Mulan ne combat pas les Huns, mais les Ruanruan, des tribus nomades puissantes qui, historiquement, à partir de la fin du IVe siècle, réussirent à conquérir la Mongolie, le Xinjiang, et une partie de la Mandchourie et de la Sibérie. Ainsi qu'il est énoncé au tout début du long-métrage d’animation lors de l’invasion de la Grande Muraille de Chine par Shan Yu, l'Empire du Milieu avait décidé d’ériger ce rempart impressionnant pour empêcher que les multiples tribus nomades qui se sont succédées à travers les siècles ne parviennent à les envahir. Et pourtant, même si cet incroyable édifice aura réussi à repousser de nombreux attaquants, en 1234 les Mongols conquièrent la Chine et fondent leur propre dynastie, l'illustre dynastie Yuan, qui règnera presque un siècle.

L'histoire de Mulan est emblématique d'un des éléments fondamentaux de l'histoire de la Chine, la défense du pays contre les tribus barbares. Le fait que l'intrigue de la légende soit tant centrée sur les batailles n’est pas une anomalie de la littérature chinoise, dont l'un des quatre livres extraordinaires, Les Trois Royaumes de Luo Guanzhong, paru durant la seconde moitié du XIVe siècle, porte sur les conflits armés successifs de la fin de la dynastie Han et de la période éponyme. Il convient alors de relever qu'en dépit de son caractère féministe, l'histoire originale se termine mal. Ayant appris que Mulan est une femme, l'Empereur souhaite en faire l'une de ses concubines. Elle refuse maintes et maintes fois sans qu'il n'arrête pour autant de la solliciter, et face à cette trop grande pression, décide de se suicider. Très attristé, l'Empereur lui organise une cérémonie d'enterrement digne de ses faits d’armes. 

En plus d'offrir une nouvelle version de Mulan qui s’inscrit à la perfection dans l’imaginaire du film culte, la réinterprétation de l'histoire qu'offre Réflexion est un pur délice pour quiconque s'intéresse à la mythologie et/ou à la culture chinoise. Réflexion est un livre haletant, surprenant, enrichissant, profond et qui sait surprendre jusqu'à la dernière page.

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