L'Histoire de Tchaïkovski
Titre original : The Peter Tchaikovsky Story Production : Walt Disney Animation Studios Date de diffusion USA : Le 30 janvier 1959 Genre : Documentaire Date de sortie cinéma Europe : 1959 |
Réalisation : Charles Barton Musique : George Bruns Durée : 50 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Une brève biographie du compositeur Piotr Ilitch Tchaïkovski est proposée ainsi que des extraits du prochain film d'animation, La Belle au Bois Dormant.. |
La critique
L'Histoire de Tchaïkovski est un épisode diffusé dans le cadre de l'émission de la chaîne américaine ABC Walt Disney Présents.
L'épisode commence par une courte présentation de Walt Disney dans le but de promouvoir son tout dernier film d'animation qui vient de sortir au cinéma, La Belle au Bois Dormant. Il rappelle que les studios Disney aiment particulièrement les innovations techniques. Le Maître de l'Animation redonne alors quelques dates importantes dans sa filmographie comme 1928 avec la création de Mickey Mouse et du premier cartoon avec du son synchronisé, Willie, le Bateau à Vapeur ; 1932 avec le premier cartoon en couleur Des Arbres et des Fleurs ; 1937 avec le premier long-métrage d'animation Blanche Neige et les Sept Nains ; 1940 avec Fantasia le premier film à utiliser le son stéréophonique. L'épisode de télévision qu'il présente ce soir-là est également une première technologique puisque, pour la première fois sur le petit écran, il sera possible d'apprécier le son en stéréo ainsi que le format grand écran ! Du moins, au dire du créateur de Mickey Mouse... Si la première affirmation sur le son est vraie grâce à un procédé que le présentateur va expliquer à son public, la seconde sur l'image est en réalité plus sujette à caution...
Walt Disney explique ainsi les manipulations techniques et le matériel nécessaire afin de profiter du son de façon optimale. Il précise tout de même que, programme de télévision oblige, le poste cathodique suffit pour apprécier l'épisode dans sa configuration habituelle, c'est-à-dire en mono. En revanche, si une radio est branchée en même temps et à côté de la télévision tout en étant réglée sur la bonne fréquence AM, le son passera en mode stéréo, grâce au simulcast. Et, encore mieux, si un deuxième poste de radio est placé de l'autre côté de la télévision, cette fois-ci sur une fréquence FM, dans ce cas, c'est un son en trois dimensions qui sera proposé offrant ainsi la possibilité aux téléspectateurs d'entendre une musique et des dialogues dans un format stéréophonique optimale, et ce pour la première fois à la télévision. Cependant, tous les diffuseurs locaux n'avaient pas fatalement la possibilité technique de diffuser la version stéréo. Ainsi, une deuxième introduction de Walt Disney a été enregistrée en lieu et place de la première. Il s'agit quasiment de la même présentation à l'exception de l'explication technique sur les postes de radio qui a été coupée. Pour garder la même durée entre les deux versions, des extraits animées de Willie, le Bateau à Vapeur et de Blanche Neige et les Sept Nains ont été ajoutés à la place.
Walt Disney explique également que dès le début du développement de La Belle au Bois Dormant, le ballet de Piotr Ilitch Tchaïkovski a servi de référence musicale jusqu'à décider d’utiliser la musique classique dans le film. Né le 7 mai 1840 à Votkinsk dans l'Empire Russe, fils d'un ingénieur des mines ayant épousé une descendante d'une famille française émigrée, le futur compositeur découvre très tôt la musique et propose ses premières improvisations musicales dès l'âge de quatre ans. Mais ses parents le destinent plutôt au métier plus noble de la magistrature. Aussi, en 1862, contre la décision de sa famille, il décide de devenir musicien professionnel à la fin de ses études de droits. Dès lors, il étudie la musique sous la conduite d'Anton Rubinstein, le directeur et fondateur du Conservatoire de Saint-Pétersbourg. Plus tard, de 1876 à 1890, il se met sous la protection de Mme Von Meck, une admiratrice grâce à laquelle il profite d'une grande aisance financière. Pendant ces années, il peut se permettre de composer de très nombreuses œuvres allant de l'opéra à la musique de chambre en passant par des symphonies ou des concertos. Orchestrateur de génie, doté d'un grand sens de la mélodie, il va surtout donner au ballet ses lettres de noblesse, le transformant en art à part entière, et ceci grâce à ses trois chefs d’œuvres : Le Lac des Cygnes (1876), La Belle au Bois Dormant (1889) et Casse-Noisette (1892). Tchaïkovski meurt le 6 novembre 1893 à Saint-Pétersbourg à l'âge de 53 ans ; la cause de son décès restant sujette à discussion.
Une brève biographie romancée de Piotr Ilitch Tchaïkovski est alors proposée dans l'émission. D'une durée de 30 minutes, elle était d'abord prévue pour sortir directement au cinéma en tant que court-métrage en prises de vues réelles avant d'être finalement incorporée à un épisode de Walt Disney Presents. Un peu plus tard dans l'année, elle sortira tout de même à l’international sous son format cinématographique d'origine. La fiction, basée globalement sur la vie du compositeur, raconte les grands lignes de sa biographie mais en résumant, raccourcissant, simplifiant ou omettant certains faits. Notamment, le sujet étant totalement tabou dans l’Amérique puritaine des années 1950, l'homosexualité avéré du compositeur est passé complètement sous silence. Le récit s'arrête également en pleine gloire pour Tchaïkovski, c'est-à-dire juste après le triomphe de La Belle au Bois Dormant. Ceci étant dit, le court-métrage s'avère particulièrement divertissant et, produit avec autant de soins que les œuvres cinématographiques et télévisées de l'époque, superbement mis en images. Réalisé par Charles Barton, la production est en effet de qualité dans son casting, ses décors et ses costumes. Il sera particulièrement apprécié parmi les acteurs : Grant Williams dans le rôle-titre, interprétant un compositeur adulte aussi génial que tourmenté ; Rex Hill dans celui de Piotr Ilitch Tchaïkovski enfant qui laisse déjà exploser tout son talent ; Leon Askin dans celui du directeur du conservatoire Anton Rubinstein qui prend sous son aile le futur prodige ; Narda Onyx dans celui de Désirée Artôt, la soprano qui faillit épouser le jeune compositeur ; ou encore Lilyan Chauvin dans celui de la gouvernante Fanny Durbach qui touche le cœur du futur musicien.
L'Histoire de Tchaïkovski marque en tout cas la première fois que Walt Disney romance la vie d'un compositeur. Le créateur de Mickey est devant l’Éternel un grand passionné de musique classique. Très vite, il lui accorde une place de choix dans son œuvre à l'image de Fantasia, film d'animation produit en 1940 qui, aussi ambitieux que révolutionnaire, mêle avec bonheur musique classique et dessins animés. D'ailleurs, des images de l'orchestre du chef d'œuvre de 1940 sont justement réutilisés dans L'Histoire de Tchaïkovski en superposition de Grant Williams qui joue le compositeur russe, ceci afin de simuler la première de La Belle au Bois Dormant. Quelques années plus tard, en 1962, Walt Disney reprend l'idée d'une biographie romancée mais cette fois en long-métrage avec le téléfilm en deux parties The Magnificent Rebel (La Vie de Beethoven) qui s'intéresse à Ludwig Van Beethoven. Un an plus tard, il utilise le même format, toujours pour la télévision, avec The Waltz King (La Guerre des Valses) pour conter, cette fois-ci, la vie du compositeur autrichien Johann Strauss Junior. Au-delà de la musique classique, il s'intéresse également aux activités artistiques qui en découlent, tel le chant lyrique comme le spectateur a pu le voir dans le film sorti au cinéma en 1962, Almost Angels, ou le ballet avec une fiction pour la télévision diffusée en 1966, Ballerine.
Walt Disney aborde ensuite le visuel de La Belle au Bois Dormant. Les artistes Disney décident de tourner pour cette production en écran large (appelé aujourd'hui communément scope). Dans ce format, auparavant, les studios avaient principalement utilisé le procédé CinemaScope breveté par le studio 20th Century Fox notamment sur 20 000 Lieues Sous les Mers (1954), La Belle et le Clochard (1955), L'Infernale Poursuite (1956), partiellement sur Les Secrets de la Vie (1956), Sur la Piste de l'Oregon (1956) ainsi que pour quelques courts-métrages. Ce procédé consiste à comprimer l'image à la prise de vue, tournée en 35 mm, pour la décomprimer à la projection sur un rapport de un à deux. Les studios Disney vont ensuite sortir deux autres films au format large, tous deux en 1959 : le film d'animation La Belle au Bois Dormant, tourné en Technirama 70 et présenté ici, et Simon le Pécheur, filmé en Super Panavision 70, ce dernier étant un long-métrage uniquement financé par Roy O. Disney et distribué par Buena Vista, la société de distribution de Walt Disney Productions. Les deux procédés, brevetés par des compagnies différentes, épousent le même principe : ils sont tournés en 70 mm et ne sont pas anamorphosés. Comme l'explique Walt Disney, le format duplique les problèmes et nécessite de proposer des décors élargis et détaillés. Ainsi, ce sont pas moins de six ans de travail et six millions de dollars qui furent nécessaire pour réaliser le film.
Après un bref résumé de l'histoire, Walt Disney offre donc aux téléspectateurs la possibilité de voir des extraits exclusifs de La Belle au Bois Dormant. Il propose deux longues scènes et une plus courte en guise de conclusion. La première, et la plus importante, est celle où la Princesse Aurore, pensant s’appeler Rose, se balade en forêt et rencontre pour la première fois le Prince Philippe. Ce sont pas moins de deux chansons, Je Voudrais et J'en ai Rêvé, qui peuvent être entendues durant cette séquence. Le deuxième extrait se situe vers le climax du film, au moment où les trois fées veulent libérer le Prince, prisonnier de Maléfique, jusqu'au combat contre le dragon mais sans que le vainqueur de l'affrontement ne soit montré. Enfin, la troisième séquence, très courte, est celle où le Prince et la Princesse dansent juste avant la fin du long-métrage. Walt Disney propose de découvrir ces extraits en écran large comme s'ils étaient vus au cinéma. Pour donner cette illusion, les téléspectateurs commencent à voir le début de ces scènes diffusées dans un cinéma censé diffuser des films en Technirama 70. La caméra avance alors et zoome sur le film même si le rideau du théâtre reste au dessus des bandes noires.
Malheureusement, l'effet voulu du grand écran à la maison n'est pas très convaincant, même à l'époque, en plus d'être un peu mensonger. L'illusion de l'écran large sur un poste de télévision ne pouvait fonctionner, surtout dans les années 1950. En 1959, les postes de télévision étaient en effet globalement petits avec en moyenne des écrans de 53 cm. Sachant cela, il était impossible aux techniciens des studios Disney de diffuser le long-métrage avec le format respecté. Il y aurait eu plus de bandes noires que de scènes de film. L'action aurait alors été vraiment illisible, ne rendant pas hommage à l’œuvre. Les monteurs de l'émission préfèrent donc un peu tricher en montrant les scènes en 16/9, c'est-à-dire dans le format conventionnel des films de cinéma. Pour se faire, ils ont donc caché des éléments de décors vides à gauche et à droite des personnages via le procédé appelé recadrage, ou « pan and scan » en anglais. Malgré cela, l'expérience ne sera toujours pas concluante : les téléspectateurs n'apprécieront pas les bandes noires en haut et en bas. Cette impression négative restera des décennies et il faudra donc attendre l'arrivée des télévisions 16/9 dans les années 2000 pour enfin avoir droit aux films dans leur format d'image respecté. Aujourd'hui, bien sûr, le son surround complet et les films grand écran sur les téléviseurs 16/9 sont monnaie courante. Il est tout de même étonnant de découvrir que le balbutiement du home-cinéma avait déjà été imaginé par Walt Disney dès 1959.
L'Histoire de Tchaïkovski est à la fois les prémices du cinéma à la maison, une promotion de La Belle au Bois Dormant et une biographie romancée et édulcorée mais néanmoins divertissante d'un grand compositeur.
La séquence de fiction centrée sur l'histoire de Piotr Ilitch Tchaïkovski d'une durée de 30 minutes a été diffusée au cinéma, toujours sous le titre de The Peter Tchaikovsky Story, à l'international, à partir d'octobre 1959.