Spider-Man Noir
Crépuscule à Babylone

Spider-Man Noir : Crépuscule à Babylone
La couverture
Éditeur :
Panini Comics
Date de publication France :
Le 14 avril 2021
Collection :
100% Marvel
Auteur(s) :
Margaret Stohl (Texte)
Juan Ferreyra (Dessin)
Nombre de pages :
120

Le sommaire

• Introduction
• Crépuscule à Babylone (1) : Spider-Man Noir Vol. 2 #1 (2020)
• Crépuscule à Babylone (2) : Spider-Man Noir Vol. 2 #2 (2020)
• Crépuscule à Babylone (3) : Spider-Man Noir Vol. 2 #3 (2020)
• Crépuscule à Babylone (4) : Spider-Man Noir Vol. 2 #4 (2020)
• Crépuscule à Babylone (5) : Spider-Man Noir Vol. 2 #5 (2020)
• Couvertures Alternatives
• Les auteurs

La critique

rédigée par
Publiée le 22 octobre 2021

Unique rescapé de l'univers Noir de Marvel, le Spider-Man Noir est devenu l'une des itérations de Peter Parker les plus reconnaissables depuis sa première apparition en 2009. Au gré des menaces interdimensionnelles, ce Peter sorti tout droit des années 30 armé d'un Colt .45 et coiffé de son chapeau Fedora a tissé sa toile dans le cœur des fans en se balançant d'un média à l'autre. Pourtant, malgré ses nombreuses apparitions dans des crossovers réunissant une flopée d'Araignées multiverselles et une belle carrière au cinéma, à la télévision et dans les jeux vidéo, les aventures en solo de ce Spidey atypique sont rares. En 2020, plus de dix ans se sont écoulés depuis la dernière mini-série consacrée au héros lorsque Marvel renvoie enfin le Spider-Man Noir en mission. C'est alors à l'autrice Margaret Stohl qu'est confié le soin d'imaginer la suite des aventures du Spider détective, dans une mini-série en cinq épisodes honorable, mais qui est paradoxalement victime de la popularité grandissante du héros et de l'aseptisation certaine de son univers. Pour mieux comprendre l'évolution qu'a suivie Spider-Man Noir, il faut donc voyager à travers la Toile de la Vie et du Destin ; attention toutefois, un tel voyage pourrait bien gâcher le plaisir du lectorat désireux de découvrir par lui-même les précédentes aventures pulp du héros.

1933. Peter Parker, un jeune homme ordinaire frappé de plein fouet par la Grande Dépression et écœuré de voir sa ville sombrer sous le joug de la corruption, fait la connaissance de Ben Urich, un vieux journaliste qui le prend sous son aile. Un jour qu'il suit une piste qui pourrait bien l'aider à mettre au jour les sombres agissements du Bouffon, Peter est mordu par une araignée mystique. Celui qu'il appelle le Dieu-Araignée le juge digne de recevoir les extraordinaires pouvoirs qui font de lui Spider-Man. Devenu l'un des nombreux avatars de l'Araignée à travers le Multivers, l'apprenti justicier jure de nettoyer les rues des criminels qui pourrissent sa ville. Dès le début de sa carrière, l'Araignée masquée croise le fer (et la toile !) avec le Vautour, le Bouffon, le Docteur Octavius ou encore L'Homme-Sable dans deux mini-séries rééditées par Panini Comics en 2020 dans le Marvel Deluxe Spider-Man Noir : Au Cœur de la Grande Dépression. Peu après, Marvel Comics abandonne toutefois l'univers Noir, et le personnage avec.
Les années passent. En 2014, Dan Slott imagine l'une des plus grandes histoires modernes de Spider-Man : Spider-Verse. Dans cet immense fresque, Spider-Man Noir est sorti de sa retraite anticipée et invité à se battre contre les Héritiers aux côtés d'innombrables Araignées venues des quatre coins du Multivers. Pour expliquer comment diable Spider-Man Noir s'est retrouvé embarqué si loin de sa Terre-90214 natale, les créateurs du personnage, Fabrice Sapolsky et David Hine, reprennent une dernière fois du service en écrivant le scénario de l'excellent Edge of Spider-Verse : Spider-Man Noir. Dans ce numéro, Peter, Tante May et Mary Jane, de retour de l'Europe où elle a combattu aux cotés des Républicains dans la guerre civile espagnole, se rendent en famille à l'Exposition universelle de New York en 1939. Après avoir affronté le prestidigitateur Mystério sur place, Peter est à deux doigts de se faire terrasser par l'Héritier Karn quand le Spider-Man Supérieur débarque pour le sauver et l'enrôler dans la guerre qui s'apprête à ébranler le Multivers. Blessé en tentant de protéger Silk aux côtés de Spider-Woman (Spider-Woman Vol. 5 #1), Spider-Man Noir est confié aux bons soins de son ancienne amante Felicia Hardy, dans son monde d'origine. Ce premier socle d'histoires pose les bases de l'univers Noir dans lequel évolue Peter : le monde de Spider-Man Noir est violent, sordide et sans espoir.

Face à l'engouement du public pour les réunions arachnéennes, Marvel rassemble de nouveau les Web-Warriors en 2015. Entouré de nombreux Tisseurs parmi lesquels Spider-Cochon, avec qui il a maille à partir, Spider-Man Noir participe à la protection de la Toile de la Vie et du Destin et doit se défaire d'une équipe d'Électro alternatifs. C'est en 2018 que tout bascule. Une fois de plus, les Héritiers se lancent à la poursuite des Araignées du Multivers, bien décidés à prendre leur revanche dans l'évènement Spider-Geddon. Alors qu'il se bat contre Shocker aux côtés de Felicia en 1940, Spider-Man Noir reçoit la visite de Spider-Uk ; les deux héros partent ensemble, prêts à affronter une fois encore leurs pires ennemis. Peter ne le sait pas encore, mais il marche vers un bien sinistre destin : dès le premier numéro de Spider-Geddon, il trouve en effet la mort aux mains de Morlun. Mais l'extraordinaire Spider-Man : New Generation est déjà passé par là, et avec lui, ce sont des millions de fans qui sont tombés instantanément amoureux du personnage. Véritable parodie de vieux briscard sorti tout doit d'un film noir et doublé par un Nicolas Cage au mieux de sa forme, le Spider-Man Noir du film ressemble peu à celui qui a fait les beaux jours de l'univers Noir en 2009. Qu'à cela ne tienne, Peter Parker est ressuscité en 2019 dans Spider-Verse Vol. 3 #5 par le Dieu-Araignée, le même qui lui avait offert ses pouvoirs !

Difficile de savoir si Marvel avait déjà prévu ce retournement de situation, ni même si la Maison des Idées avait anticipé le très grand intérêt des spectateurs pour le justicier vieux jeu, toujours est-il que le Spider-Man Noir 2.0 débarque dans un univers qui a, tout comme lui, bien évolué, sans doute pour ne pas rebuter les nouveaux fans qui voudraient s'essayer à la lecture des futurs comics. La résurrection de Peter est évidemment un ravissement, tant le personnage est l'une des plus belles itérations de Spider-Man à travers le Multivers, mais son retour n'est pas sans causer quelques cafouillages chronologiques... Dans Spider-Verse Vol. 3 #5, qui précède immédiatement la mini-série Crépuscule à Babylone, Miles Morales visite la Terre-90214 dans l'espoir de mettre la main sur l'Idole qui a permis à Peter de devenir le Spider-Man Noir, tout en refaisant le portrait de quelques nazis au passage. Le scénariste Christos N. Gage commet un impair de taille dans son histoire, puisqu'il date le retour à la vie de Peter en 1933, l'année où il a reçu ses pouvoirs... et donc sept ans avant sa mort en 1940 ! Un mois à peine après son aventure avec Miles, Spider-Man Noir débute ses nouvelles aventures dans Crépuscule à Babylone. Margaret Stohl tente bien de réparer l'erreur de son prédécesseur, mais l'autrice s'emmêle elle aussi les pinceaux, son récit se déroulant désormais en 1939... Le lectorat pourrait penser que Peter a simplement été ramené à la vie dans le passé, mais les indices prouvant les couacs chronologiques sont bien trop nombreux. Pour exemple, Mary Jane et Tante May connaissent déjà l'identité secrète de Peter dans Crépuscule à Babylone, alors qu'elles n'ont découvert la vérité qu'après la mort du héros, en 1940.
Les erreurs chronologiques sont une chose et peuvent à la rigueur être excusées. Le manque d'intérêt porté à des personnages profonds évoluant dans l'univers Noir, en revanche, est une pilule beaucoup plus amère à avaler. Déjà dévastée d'apprendre la mort de Peter de la bouche de Gwen Stacy (Spider-Gwen : Ghost-Spider #4), Tante May entre en plus dans une colère noire quand elle apprend que son neveu adoré et Spider-Man Noir ne faisaient qu'un : la vieille femme, en bonne socialiste révolutionnaire, n'a jamais goûté les méthodes du justicier. Pire, elle salit presque la mémoire de Peter en refusant de le considérer comme un héros mort à la guerre. Après une telle scène, le lectorat pouvait légitimement s'attendre à trouver dans Crépuscule à Babylone une fascinante exploration des relations entre Peter et sa tante, qui réprouve complètement son statut de super-héros. Les potentiels conflits sont pourtant tristement balayés sans aucune autre forme de procès dans le comics, qui fait presque du retour de Peter un non-évènement.

Avant ses nombreuses missions multiverselles, Spider-Man Noir a toujours vécu des aventures ancrées dans le réel. Il a certes mené bien des batailles contre les pires raclures de New York, un vilain à la fois, mais tout à changé avec Spider-Verse en 2014. Propulsé dans de nouveaux mondes où les vilains se servent de la magie et de technologies de pointe pour commettre leurs méfaits, le héros pouvait difficilement retourner après cela à sa traque de la pègre dans les rues malades de New York. Dans Crépuscule à Babylone, l'autrice Margaret Stohl imagine donc une mini-série en cinq numéros dans laquelle Peter, flanqué d'acolytes improbables, se lance dans un quête mystique sur fond de meurtres étranges. Puisant ses inspirations dans la culture mésopotamienne, l'autrice en profite également pour revisiter les origines de ce Spider-Man aux accents pulp et du Dieu-Araignée qui lui a offert ses pouvoirs.
Née à Pasadena dans l'État de Californie en 1967, Margaret Stohl manque d'achever son doctorat en études américaines à l'université de Yale quand elle est engagée par la compagnie de jeux vidéo Activision. Durant sa fructueuse carrière vidéoludique, l'autrice prête alors sa plume à des scénarios de jeux développés et/ou publiés par plusieurs sociétés, dont le Dune 2000 (1998) de Westwood Studios, Slave Zero (1999) pour Infogrames ou Destiny 2, développé chez Bungie en 2017 et sur lequel elle officie en qualité de Directrice Narative. L'autrice est sans doute davantage connue du grand public pour son incursion dans la littérature pour jeunes adultes, à commencer par les romans de la saga Sublimes Créatures, qu'elle coécrit avec Kami Garcia à partir de 2009. Pour Marvel, Margaret Stohl signe d'abord deux romans, Black Widow : Forever Red (2015) et Black Widow : Red Vengeance (2016), avant d'entamer en 2017 l'écriture de la série de comics The Mighty Captain Marvel, suivie de la mini-série La Vie de Captain Marvel en 2018.

Lorsqu'une serveuse du Chat Noir, le club de Felicia Hardy, est assassinée, Peter sait que quelque chose de louche se trame. Dans la main de la victime gisant sur le sol, l'Araignée, devenue détective privé depuis sa résurrection, trouve un curieux médaillon en forme de cigale datant de l'ère babylonienne. Au musée, où il espère obtenir les conseils d'un expert en la matière, Peter rencontre la sœur de la défunte, le Docteur Huma Bergmann. Ensemble, le Monte-en-l'air détective et la femme fatale scientifique vont sillonner le monde en quête de réponses. De Londres à la Sicile, de Berlin à Babylone, Peter va peu à peu s'enliser dans un mystère qui pourrait bien le mener à ses propres origines...
Il faut bien l'avouer, Crépuscule à Babylone est de ces folles odyssées que le lectorat prend beaucoup de plaisir à découvrir. Le comics rend d'ailleurs hommage aux plus grands films d'aventure comme la saga Indiana Jones, et tout particulièrement à Indiana Jones et la Dernière Croisade (1989) ; les férus de l'aventurier séducteur ne peuvent pas passer à côté des références égrenées dans les pages de Crépuscule à Babylone, tel l'amusant clin d'œil à la scène du vase Ming. Le long voyage de Peter et Huma, au cours duquel ils sont rejoints par la pilote Henry, un certain milliardaire version Noir et la mystérieuse Poste de Contrôle Rouge, se laisse donc suivre avec un plaisir assumé. Seulement voilà, loin d'une New York grouillant de criminels ultra-violents, sans aucun sous-texte politique et moins sérieux qu'avant, ce Spider-Man Noir n'a plus grand chose de... Noir. Du moins, certainement pas de la manière dont l'avaient imaginé Fabrice Sapolsky et David Hine en 2009. Il faut cependant souligner que l'autrice s'est inspirée des plus grands chefs-d'œuvre du cinéma noir pour écrire son histoire, des références qu'elle réussit à distiller dans son texte pour livrer des dialogues parcourus d'un humour acide typique du genre. Quel dommage donc que l'univers, qui a subi de la part de Marvel un soft-reboot qui ne dit pas son nom, soit désormais si lisse et exempt de la noirceur qui faisait tout son charme.

Dans chaque univers alternatif, s'il est une chose plus grisante encore que de découvrir les nouvelles facettes d'un héros connu de toutes et de tous, c'est bien de rencontrer de nouvelles versions des vilains emblématiques ! Et pour le coup, l'équipe artistique ne déçoit pas son public avec un relecture très réussie d'Électro en paparazzi déchu. Son look rétro est d'ailleurs sublimé par le génie absolu du dessinateur Juan Ferreyra.
Né à Córdoba, l'argentin se fait connaître dès 2006 avec le comics Rex Mundi, publié par Dark Horse Comics. Pour son travail chez DC Comics (Green Arrow Vol. 6, 2016) comme chez Marvel (Punisher : Kill Krew, 2019), le dessinateur est acclamé et reconnu comme l'un des plus talentueux de sa génération. Et pour cause ! Dans Crépuscule à Babylone, Ferreyra insuffle dans ses planches toute l'essence des plus grands films d'aventure. Au milieu de ses pages aux mille nuances de gris, de noir et de blanc, l'artiste fait éclore le rose et le rouge pour souligner des effets de luminosité ou donner du relief à quelques objets et personnages. En y regardant de plus près, de petites touches colorées se glissent également dans les cases de Ferreyra. Ces discrètes notes de couleur, le jaune d'un œuf ou la teinte verdâtre d'un visage, accrochent alors l'œil du lectorat, parfois même sans qu'il ne s'en rende véritablement compte. L'artiste met également à profit l'expérience acquise durant son passage sur la série Rex Mundi, dans laquelle il a sillonné l'Europe des années 30. Empreintes d'un délicieux cachet rétro, ses magnifiques illustrations des grands centres urbains comme New York ou Berlin et ses dessins des véhicules de l'entre-deux-guerres qui conduisent Spidey dans son tour du monde sont remarquables.

Surfant sur le succès du personnage aperçu dans Spider-Man : New Generation, Spider-Man Noir : Crépuscule à Babylone se voit purgé de l'horreur corporelle, du discours social et d'une bonne partie de la violence qui faisaient le sel des premières mini-séries du héros en 2009. Malgré une ambiance et un ton empruntés aux codes des films noirs et d'aventure – et quelques nazis cognés au passage –, le divertissant voyage de ce Spider-Indiana Jones est un poil trop lisse pour contenter les fans de la première heure du personnage, et ce malgré l'extraordinaire patte graphique de Juan Ferreyra. Les nouveaux fans du personnage, en revanche, y trouveront largement leur compte.

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