Le Québec Merveilleux de Walt Disney
Quand Mickey Charmait la Belle Province

Éditeur :
Hurtubise
Date de publication Canada :
Le 31 octobre 2024
Genre :
Essai
Auteur(s) :
Tristan Demers
Nombre de pages :
184

La critique

rédigée par
Publiée le 14 mars 2025

Depuis maintenant plus de cent ans, l’univers de Disney est devenu une figure phare de la culture populaire, autant chez les adultes que chez les enfants, et ce, quel que soit le continent. Les livres documentaires et les essais faisant état des activités et de l’influence du studio aux grandes oreilles sont chose courante, et rares sont les aspects de l’entreprise qui n’ont pas été exploités. Toutefois, il existe encore des sujets plus nichés qui attendent toujours d’être abordés. C’est dans cette optique que Le Québec Merveilleux de Walt Disney : Quand Mickey Charmait la Belle Province propose de revenir sur un siècle d’héritage Disney dans la seule nation francophone américaine, le Québec.

Après s’être penché sur l’amour que vouent les Québécois aux héros de bandes dessinées belges Astérix et Tintin dans Astérix Chez les Québécois : Un Gaulois en Amérique (2018) et Tintin et le Québec : Hergé au Cœur de la Révolution Tranquille (2020), l’auteur Tristan Demers offre cette fois-ci d’explorer comment les personnages et les histoires de Disney ont réussi à gagner le cœur des Québécois, jeunes et moins jeunes. Né le 19 septembre 1972 à Montréal, Tristan Demers plonge dès son plus jeune âge dans l’univers des films et des séries d’animation, mais surtout des bandes dessinées, notamment dans Le Journal de Mickey. À l’âge de 10 ans, il crayonne son propre personnage de BD, Gargouille, qui connaîtra durant les années suivantes un grand succès grâce à son magazine et à ses propres albums. Auteur prolifique, il devient aussi chroniqueur littéraire dans plusieurs émissions de télévision et remporte divers prix dans le monde de la bande dessinée. Pour Le Québec Merveilleux de Walt Disney : Quand Mickey Charmait la Belle Province, Tristan Demers a épluché pendant quelques années des archives municipales et privées à la recherche d’anecdotes et d’histoires pouvant relier The Walt Disney Company et la province francophone.


Tristan Demers

Logiquement, l’essai débute en résumant la genèse des studios Disney, ainsi que de l’intérêt de Walt Disney pour le monde de l’animation. Ensuite, l’auteur s’attarde sur un premier sujet d’importance : le premier long-métrage d’animation Disney. Révolutionnant le cinéma, Blanche Neige et les Sept Nains a aussi suscité énormément d’enthousiasme chez les Canadiens français, le nom donné aux Québécois à cette époque. Seule ombre au tableau, depuis la fin des années 1920, sous l’influence de l’Église catholique, le gouvernement québécois interdit l’accès aux cinémas aux enfants de moins de 16 ans ! La vision rétrograde du clergé dépeint en effet à tort les salles obscures comme des lieux de perversion allant à l’encontre de la morale ! Les cartoons de Mickey Mouse et compagnie sont alors uniquement accessibles aux jeunes en bobines 16 mm projetées dans les écoles et les sous-sols des églises. Or, les parents, les diffuseurs et certains journaux déplorent que le public cible n'ait pas accès à ce film événementiel lors de sa sortie québécoise fixée au 25 février 1938. Heureusement, les autorités accordent une exception à Blanche Neige et les Sept Nains. Un précédent ayant été créé, tous les films Disney suivants devront ainsi obtenir une dérogation et la bénédiction du Bureau de censure des vues animées pour accueillir des enfants de tous âges en salle. En 1961, la loi est assouplie et permet aux jeunes d’accéder aux salles de cinéma avant 18 h, puis est totalement abrogée des années plus tard.

Les chapitres suivants abordent les années 1940 avec la diffusion de cartoons commerciaux commandés par le gouvernement canadien et l’Office national du film et doublés en français dans la province pour soutenir les efforts de guerre. Tout comme aux États-Unis, Mickey, Donald et ses amis deviennent des symboles de résistance contre les forces de l’Axe et sont mis en avant autant dans l’armée que dans les défilés parcourant les rues de Montréal. Cette décennie voit aussi l’arrivée au Québec des comic strips Disney traduits à l’arrachée dans les journaux, ainsi que du Journal de Mickey dont les exemplaires invendus sont expédiés de France six mois après leur parution initiale. S’en découlera alors une tradition de comics Disney qui seront édités par Héritage au Québec jusque dans les années 1990.

La télévision québécoise a aussi succombé à la vague Disney, tout d’abord avec la diffusion de l’émission Walt Disney, dès le 12 septembre 1965 dans la grille de Radio-Canada, la chaîne publique nationale. Version française doublée au Québec de Walt Disney’s Wonderful World of Color, l’émission sera à l’antenne pendant plus de vingt ans, puis reviendra sporadiquement réveiller les rêves des enfants. À l’instar des États-Unis, les segments éducatifs de Jiminy Cricket, provenant des épisodes du Mickey Mouse Club, seront aussi distribués en français dans les écoles de la province. C’est à cette même époque que les studios Disney s’engagent à tourner trois films au Canada. En partenariat avec Cangary Ltd, la première production porte sur Nikki, un chien malamute, et son maître trappeur. Filmé dans l’Ouest canadien, le film Nikki, Chien Sauvage du Nord (Nomades du Nord, en France) met en vedette des acteurs québécois : Jean Coutu, Émile Genest et Robert Rivard. La narration française est, elle, assurée par Jacques Fauteux. À peine un an plus tard, une autre production canadienne est mise en chantier, filmée cette fois-ci dans la campagne de Charlevoix, région pittoresque du Québec. Encore un film animalier, Compagnon d’Aventure met en vedette Walter Pidgeon, accompagné d’une distribution 100 % québécoise, notamment Émile Genest, Janette Bertrand, Doris Lussier et le jeune Gilles Payant, approuvé par Walt Disney en personne. Tristan Demers résume en quelques pages le tournage du film entre la Californie et La Malbaie. Finalement, est abordé brièvement L’Incroyable Randonnée, autre long-métrage tourné au Canada et mettant lui aussi en vedette Émile Genest, pour son dernier rôle au sein des studios Disney.

Tristan Demers sort ensuite du contexte cinématographique pour aborder divers événements, célébrations et lieux touristiques québécois entretenant un lien plus ou moins direct avec Disney. L’auteur explique notamment que l’événement culturel le plus marquant de l’histoire moderne du Québec, l’Exposition universelle de Montréal de 1967 a bénéficié de l’aide de Walt Disney en personne ! Désirant joindre une fête foraine aux pavillons internationaux, les organisateurs comptent s’inspirer du meilleur et s’envolent pour Burbank. En échange de précieux conseils pour ce qui deviendra plus tard le parc d’attractions La Ronde, Walt Disney décroche par le fait même un contrat pour imaginer le pavillon du Téléphone lors de l’Expo de 1967, ainsi que Canada ’67, le documentaire qui y est projeté. La biosphère du pavillon des États-Unis serait également l’une des inspirations de Spaceship Earth, l’emblème du parc Epcot à Walt Disney World : les bases des deux structures partageant notamment le même constructeur. Ayant confirmé sa présence pour l’ouverture de l’Expo 67, Walt Disney décède malheureusement quatre mois plus tôt.

La deuxième moitié de l’ouvrage porte sur une multitude de sujets, que ce soient les produits dérivés Disney vintage dans le secteur de l’alimentation, les rumeurs folles d’un Parc Disney au Québec dans les années 1970, l’association d’un grand magasin canadien ou du Carnaval de Québec avec la marque Disney, ou bien la visite de personnages Disney officiels dans les hôpitaux pour enfants de la province. Il faut dire que Disney s’est taillé une place de choix dans l’imaginaire collectif, même dans le monde de la caricature ou de l’art visuel. Le Québec Merveilleux de Walt Disney : Quand Mickey Charmait la Belle Province regorge ainsi d’anecdotes et d’histoires des plus intéressantes. L’essai met aussi en lumière des situations où c’est le savoir-faire québécois qui contribue à la prospérité de l’entreprise californienne. Par exemple, peu de gens savent que les monorails qui circulent dans les parcs Disney américains sont construits par la société québécoise Bombardier depuis la fin des années 1980. Le Cirque du Soleil est un autre fleuron québécois cité dans l’essai qui a permis d’attirer des millions de spectateurs à Disney Springs depuis 1998 grâce à ses spectacles La Nouba et Drawn To Life. Enfin, même Céline Dion est mise de l’avant l’instant de quelques pages, ayant participé à la bande originale de La Belle et la Bête et son remake. Le film d’animation de 1991 lui a ainsi valu le titre de première et unique québécoise à chanter aux Oscars.


Caricatures de politiciens québécois à la sauce Disney

Dans son ensemble, l’essai de Tristan Demers s’avère captivant et permet d’aborder des éléments souvent oubliés de l’histoire du studio aux grandes oreilles. De nombreux documents d’archives, publicités et photographies d’époque viennent d’ailleurs en agrémenter la lecture. Outre un petit nombre d’erreurs factuelles (non Anna ne chante pas Libérée, Délivrée), un seul bémol peut cependant ennuyer le lecteur : l’auteur semble s’éparpiller dans la multitude de sujets couverts. Effectivement, il est bien dommage que certaines pépites ou trouvailles des plus passionnantes soient uniquement survolées pour laisser place à des éléments plus banals, vus et revus (noms de commerces inspirés de personnages Disney, collections de peluches, vedettes québécoises aimant l’univers Disney, etc). En voulant être exhaustif, l’auteur peut laisser sur leur faim certains passionnés qui auraient préféré découvrir plus en détail quelques chapitres. Des entrevues exclusives auraient également été les bienvenues, Tristan Demers se « contentant » de citer des articles de journaux pertinents et des archives récoltés au fil de ses recherches, même si le travail a sans aucun doute été fastidieux.

Malgré un léger manque de profondeur à certains égards, Le Québec Merveilleux de Walt Disney : Quand Mickey Charmait la Belle Province est un livre indispensable pour tout fan Disney québécois ou toute personne désirant découvrir comment un studio de cinéma peut influencer plusieurs générations d’un peuple ancré dans deux cultures.

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