Sin City
L'affiche du film
Titre original :
Sin City
Production :
Dimension Films
Date de sortie USA :
Le 1er avril 2005
Genre :
Thriller
Réalisation :
Robert Rodriguez
Frank Miller
Quentin Tarantino (participation)
Musique :
Robert Rodriguez
John Debney
Graeme Revell
Durée :
124 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

À Sin City, ville de tous les péchés, une trêve précaire règne entre ceux qui tiennent la rue et ceux qui ont le pouvoir. John Hartigan, flic intègre à l’aube de sa retraite, doit ainsi résoudre une dernière affaire : Nancy Callahan, jeune fille de 11 ans, a été enlevée par le fils d'un puissant sénateur… Tout juste sorti de prison, Marv, quant à lui, retrouve le corps inerte de son nouvel amour, Goldie qu'il décide de venger coûte que coûte… Enfin, alors qu’il secoure Shellie des griffes de Jackie Boy, Dwight McCarthy se retrouve malgré lui mêlé à la guerre urbaine qui sévit entre les prostituées de la ville et les autorités.

La critique

Publiée le 17 mai 2018

Avant d’être une œuvre cinématographique, Sin City est une série de comic books créée par Frank Miller et publiée chez Dark Horse Comics dans les années 90. Né en 1957 dans le Maryland aux États-Unis, il commence sa carrière de dessinateur à la fin des années 70 et ne tarde pas à devenir également scénariste. Après avoir travaillé pour les illustres DC Comics et Marvel Comics - notamment sur Captain America, Spider-Man et Daredevil (le public lui doit d'ailleurs la création du personnage d'Elektra) - il décide de créer ses propres histoires. Ainsi naît, entre autres, l’univers de Sin City.

Comme tout bon polar qui se respecte, l’œuvre met en scène une ville malfamée - de son vrai nom Basin City - où détectives, malfrats, femmes fatales, prostituées, voitures, flingues et corruption sont de rigueur. Connue pour être ultra-violente et hyper-sexualisée, la série trouve très vite son public malgré la controverse. De même, si le fond est souvent critiqué, la forme, elle, est toujours encensée. Ainsi, Frank Miller - qui se décrit lui-même comme un héritier de la violence stylisée des fictions américaines - est l’un des artistes les plus récompensés de l'univers de la bande-dessinée outre-Atlantique.

Avec son identité graphique originale et unique (caractérisée par ses forts contrastes, ses nombreuses planches en négatif et ses rares touches de couleurs), Sin City ne tarde pas à intéresser le monde du cinéma. Il faut dire que la structure narrative et l’ambiance sont marquées par les grands polars de l’Âge d’Or du cinéma, ce qui rassure les producteurs. Mais Frank Miller s'oppose à ce qu'un autre se réapproprie son travail et refuse systématiquement la cession de ses droits pour une adaptation sur grand écran... jusqu'à ce que le réalisateur Robert Rodriguez lui fasse une proposition peu commune.

Né en 1968 au Texas, Robert Rodriguez s’intéresse très tôt au cinéma et commence sa carrière par des films à petits budgets qui rencontrent malgré tout un certain succès, tels que El Mariachi en 1992, Desperado en 1995 (dont il offrira une suite en 2003) et Une Nuit en Enfer en 1996. Il enchaîne ensuite avec un film de science-fiction pour adolescents, The Faculty en 1998, avant de se consacrer à la saga pour enfants Spy Kids dont les trois premiers volets sortent respectivement en 2001, 2002 et 2003. Il crée à l’occasion du premier opus sa propre société spécialisée dans les effets spéciaux Troublemaker Studios.

Après Sin City, il revient à un cinéma plus adulte, accompagné de son ami de toujours Quentin Tarantino, avec qui il réalise le diptyque Grindhouse qui rend hommage aux vieux films d’exploitation. Il réalise pour l'occasion Planète Terreur en 2007 tandis que son acolyte signe Boulevard de la Mort. L’engouement du public est tel que Robert Rodriguez ira jusqu’à reprendre le personnage de Machete, qui apparaît dans la fausse bande-annonce qui accompagne les deux films, et en fait un long-métrage à part entière en 2010.
Il offre ensuite un quatrième épisode à sa trilogie Spy Kids en 2011, ainsi que deux autres suites avec Machette Kills en 2013 et Sin City : J'ai Tué pour Elle en 2014. Il faut attendre 2018 pour que sorte Alita : Battle Angel, adaptation du manga Gunnm. Entre temps, il réalise en 2015 le projet fou d’un film nommé 100 Years, qui ne sortira qu’un siècle plus tard… en 2115.

Si la présence de Sin City dans l'univers magique de Disney semble improbable, elle n’en est pas moins légitime puisque le film est produit par Dimension Films, filiale appartenant à The Walt Disney Company et avec laquelle Robert Rodriguez travaille fidèlement jusqu’en 2005. Fan absolu de comics, Robert Rodriguez souhaite depuis des années adapter Sin City sur grand écran. Pour cela, il traque scrupuleusement l’irréductible Frank Miller. Afin de le convaincre, il l’invite dans ses studios au Texas pour lui présenter les premières images animées de son œuvre, tournées sans autorisation et en toute indépendance. Bien que sceptique, Miller s’y rend, intrigué. Robert Rodriguez a dans le plus grand secret fait appel à deux amis acteurs - Marley Shelton et Josh Hartnett - pour mettre en scène une courte séquence qui pourrait, selon lui, faire la différence. Et il a raison ! Frank Miller est agréablement surpris et accepte de lui confier l’adaptation de son roman graphique.

Cependant, pour le réalisateur qui est également scénariste, producteur, monteur, compositeur, directeur de la photographie, superviseur des effets spéciaux, cadreur et chef décorateur, il ne s'agit pas de faire le « Sin City de Robert Rodriguez », mais bel et bien le « Sin City de Frank Miller ». Ce dernier demande d’ailleurs à ne pas être écarté de la réalisation. Après une incursion discrète dans le cinéma en tant que scénariste pour Robocop 2 en 1990 et Robocop 3 en 1993, Frank Miller partage donc avec Robert Rodriguez la casquette de réalisateur, producteur et scénariste pour Sin City. Il produit ensuite pour le cinéma une autre de ses créations, la fresque historique 300 en 2007, puis scénarise et réalise encore l'une de ses œuvres, The Spirit en 2008. Il faut attendre l'année 2014 pour que le tandem de choc se reforme et offre un second volet à la ville du pêché.

Pour donner vie aux multiples personnages de Frank Miller, Sin City s’offre un casting 5 étoiles, mêlant acteurs confirmés et nouvelle génération prometteuse. Robert Rodriguez, pour qui le cinéma est avant tout une affaire de famille, fait donc appel à de nombreux comédiens qu’il a déjà dirigés auparavant, comme Josh Hartnett (The Faculty), Elijah Wood (The Faculty et Mission 3D : Spy Kid 3), Carla Gugino (saga Spy Kid) et Mickey Rourke (Il Était une Fois au Mexique : Desperado 2). De même, il retrouvera plus tard certains acteurs avec qui il signe ici sa première collaboration, comme Bruce Willis et Marley Shelton (Planète Terreur) ou encore Jessica Alba (Machete, Spy Kids : All the Time in the World et Machete Kills).

Honneur aux dames ! Rosario Dawson incarne Gail, la chef de gang aux yeux revolvers. Elle connaît une jolie carrière en jouant dans He Got Game de Spike Lee en 1998 (avec qui elle retravaille pour La 25ème Heure en 2002), Men in Black 2 en 2002, Alexandre en 2004, Rent de Chris Colombus en 2005 (qu'elle retrouve également dans les deux épisodes de Percy Jackson en 2010 et 2013) et Boulevard de la Mort en 2007. Depuis 2015, elle interprète Claire Temple dans les cinq séries Marvel du Hell's Kitchen.

Jessica Alba offre ses courbes à la danseuse exotique Nancy Callahan. Elle passe avec succès de la télévision au cinéma, comme en témoignent ses rôles dans Les Nouvelles Aventures de Flipper le Dauphin entre 1995 et 1997, Dark Angel de 2000 à 2002, Honey en 2003, Les Quatre Fantastiques en 2005 et sa suite en 2007, puis Valentine's Day en 2010. Tout en continuant à tourner pour de nombreux réalisateurs, elle collabore à nouveau avec Robert Rodriguez à quatre reprises entre 2010 et 2014.

Brittany Murphy, alias Shellie la serveuse pétillante mais hystérique, est connue pour sa participation à Clueless en 1995, Une Vie Volée en 1999 et 8 Miles en 2002, avant de porter la comédie sentimentale Love (et ses Petits Désastres) en 2006. Sa carrière s’arrête brutalement en 2009 ; la jeune femme succombant à une crise cardiaque...

Marley Shelton, la mystérieuse femme en robe rouge, apparaît dans les films Pleasantville en 1998 et Collège Attitude (elle aussi) en 1999 avant de tenir le rôle principal de Mortelle Saint-Valentin en 2001. Elle joue par la suite le même personnage pour le double projet Grindhouse en 2007, puis dans Scream 4 en 2011.

Mannequins de formation, Jaime King et Devon Aoki prêtent respectivement leurs traits aux sulfureuses Goldie/Wendy et à la taciturne déesse ninja Miho. La première est aperçue dans Pearl Harbor en 2001 et enchaîne ensuite quelques films, avant de tourner à nouveau pour Frank Miller dans The Spirit en 2008 et de participer à la série Hart of Dixie de 2011 à 2015. La seconde, remarquée dans 2 Fast 2 Furious en 2003 et dans l’adaptation du jeu vidéo DOA : Dead or Alive en 2006, tourne finalement peu.

Les petits rôles de la jeune Becky et du contrôleur judiciaire Lucille, incombent à la benjamine Alexis Bledel, connue pour sa participation à la série Gilmore Girls de 2000 à 2007 (puis en 2016) et à l'aînée Carla Gugino, dont les rencontres avec Robert Rodriguez et Zack Snyder - qui lui offre des rôles dans les marquants Watchmen : Les Gardiens en 2009 et Sucker Punch en 2011 - influencent la carrière.

Place aux hommes. Bruce Willis endosse l'imperméable de John Hartigan. Inutile de présenter davantage la star Hollywoodienne et ses décennies de carrière : connu pour son rôle dans la saga Die Hard qu'il interprète en 1988, 1990, 1995, 2007 et 2013, il tourne dans les plus gros blockbusters tels que Le Cinquième Élément en 1997, Armageddon en 1998, Sixième Sens en 1999, Incassable en 2000 et Expendables 2 : Unité Spéciale en 2012.

Mickey Rourke, qui joue l’intrépide Marv, connaît le succès avec le film 9 semaines 1/2 en 1986. Alors qu'une belle carrière se profile, il multiplie les scandales et se lance finalement dans la boxe. Il tente difficilement de revenir au cinéma, mais sans réel succès jusqu'à ce que Robert Rodriguez le dirige dans Il Était une Fois au Mexique : Desperado 2 en 2003, puis soit nommé aux Oscars et remporte un Golden Globe pour son rôle dans The Wrestler en 2008. Il confirme alors son statut de gros bras dans Expendables : Unité Spéciale et Iron Man 2 en 2010.

Le britannique Clive Owen est le bon Dwight McCarthy. Nommé aux Oscars et couronné d'un Golden Globe pour son rôle dans Closer, entre Adultes Consentants sorti en 2004, il joue avant cela dans La Mémoire dans la Peau en 2002 et Le Roi Arthur en 2004, puis dans Elizabeth : L'Âge d'Or en 2007 et plus récemment dans Valérian et la Cité des Mille planètes en 2017.

L'américano-espagnol Benicio del Toro incarne le ripou Jackie Boy. Oscarisé pour son rôle dans Traffic sorti en 2000, il est connu pour ses rôles dans le James Bond Permis de Tuer en 1989, Usual Suspects en 1995, Las Vegas Parano en 1998, Siscaro en 2015 et Star Wars : Les Derniers Jedi en 2017. Il intègre lui aussi l'univers Marvel en interprétant le Collectionneur dans Thor : Le Monde des Ténèbres en 2013, Les Gardiens de la Galaxie en 2014 et Avengers : Infinity War en 2018.

Moins connu que le reste du casting masculin, Nick Stahl est l'effroyable Roark Jr alias Yellow Bastard. Il commence sa carrière cinématographique dans L'Homme sans Visage en 1993, puis joue dans La Ligne Rouge en 1998 et Terminator 3 : Le Soulèvement des Machines en 2003.
Michael Clarke Duncan, l'imposant homme de main Manute est révélé par Armageddon en 1998 et La Ligne Verte en 1999. Il joue notamment dans La Planète des Singes en 2001, Daredevil en 2003 et prête sa voix à Tug dans Frère des Ours en 2003. Il décède dans la fleur de l'âge en 2012.

Enfin, les discrets Elijah Wood et Josh Hartnett font connaissance sur le film The Faculty en 1998. Le premier, qui campe ici Kevin le cannibale, a déjà fait ses preuves avec Les Aventures de Huckleberry Finn en 1993 et Deep Impact en 1998. Tout en continuant sa carrière, il immortalise le hobbit Frodon Sacquet de la trilogie Le Seigneur des Anneaux en 2001, 2002 et 2003. Pour le second, qui interprète le mystérieux gentleman, The Faculty est un véritable tremplin, lui permettant d'enchaîner des rôles dans Virgin Suicides en 2000, Pearl Harbor et La Chute du Faucon Noir en 2002, Le Dahlia Noir en 2006, ainsi que dans la série Penny Dreadful de 2014 à 2016.

Mélange de trois albums, Sin City, est une compilation au sein d’un seul univers. Si le film met en scène trois arcs narratifs indépendants et bien distincts, c’est en effet avec fluidité que les personnages qui y évoluent, interfèrent également les uns avec les autres, au détour parfois d’une simple conversation.

Dans cette construction, le chapitre Le Client a Toujours Raison sert davantage de prologue et d'introduction à l'univers que de véritable histoire : son importance n'en reste pas moins capitale puisqu'il pose les codes du genre et prépare le spectateur à entrer à Basin City. Il s’agit d’ailleurs de la fameuse séquence présentée à Frank Miller et à qui le film doit probablement son existence. Très poétique, cette simple rencontre entre une magnifique femme en robe rouge (la première couleur de l'opus) désenchantée et un mystérieux gentleman entreprenant donne le ton. Le couple glamour, la musique lancinante et la beauté des images ne peuvent que séduire le public.

Après cette présentation et un générique old school qui présente les protagonistes, deux possibilités s’offrent au spectateur : il continue à apprécier le tableau, telle une œuvre d’art animée, faisant abstraction de la morale douteuse et de la violence physique, ou devient totalement hermétique au spectacle auquel il est en train d’assister (pour celui qui n’en serait pas totalement dégoûté). Les prochains chapitres sont en effet extrêmement fidèles aux comics, les réalisateurs tenant à proposer une adaptation totalement assumée et sans concessions, ce qui est plutôt rare et à souligner.

Le chapitre Cet Enfant de Salaud est le plus malsain mais aussi le plus romanesque, porté par un Bruce Willis fragilisé et totalement dévoué. Cet arc, qui est narrativement le plus complexe, projette le spectateur huit ans auparavant à la rencontre d'une Jessica Alba tourmentée de toute beauté face au monstre pervers et répugnant que joue Nick Stahl.

Le chapitre Adieux Sauvages est, pour sa part, de loin, le plus violent et malgré tout le plus sentimental, porté par la prestance de Mickey Rourke, dont la détermination sans faille de son personnage et la capacité à encaisser les coups peuvent parfois amuser. Il fait face à un Elijah Wood surprenant et effrayant (Robert Rodriguez l’a choisi pour ses yeux, Frank Miller pour voir Frodon Sacquet manger des gens), épaulé par Jaime King et Carla Gugino un peu en retrait.

Le chapitre Le Grand Carnage est enfin le plus impressionnant, réunissant à lui seul la moitié du casting. La réalisation s’enrichit de l’expérience de Quentin Tarantino pour la mise en scène d'une séquence entre Benicio del Toro et Clive Owen. Tous deux sont accompagnés de l'intimidant Michael Clarke Duncan, de Rosario Dawson et Devon Aoki, véritables amazones des temps modernes, ainsi que des plus frêles Brittany Murphy et Alexis Bledel.

Véritable ovni visuel à l’identité graphique personnelle et inoubliable, le rendu est aussi impressionnant que celui de Frank Miller sur papier.
Pour arriver à un tel résultat, Robert Rodriguez tourne sur fond vert et en haute définition. Il s’agit là du meilleur moyen pour isoler les acteurs des arrière-plans grisés et contrôler ainsi la lumière. Un film en noir-et-blanc est, en effet, normalement constitué de plusieurs nuances de gris, alors que la version papier de Sin City utilise un contraste net sans aucun dégradé. L'opus s’offre cependant un peu plus de liberté, malgré la saturation poussée des noirs et des blancs.

Fidèle au comic, l’utilisation de rares couleurs vives (du rouge pour la robe d'une femme, du jaune pour le personnage Yellow Bastard, du bleu et du vert pour les yeux…) est aussi brillamment intégrée. Robert Rodriguez souhaite cependant utiliser davantage la couleur pour souligner une action ou attirer l’attention du spectateur sur un élément précis (notamment pour le sang, les voitures et la chevelure flamboyante de la bien nommée Goldie).

L'ensemble des décors est donc numérique, à l’exception du Kadies’s Club - constante où les protagonistes principaux se croisent tous à un moment ou à un autre - qui nécessite une reconstitution physique. Quelques éléments avec lesquels les comédiens interagissent sont également nécessaires bien que limités au strict minimum. Autre exception, la scène de dialogue entre Benicio del Toro et Clive Owen, supposée se faire en voiture, est délibérément tournée sans véhicule pour que le spectateur soit au plus près des personnages. Seuls les sièges et le volant sont réels.

Le tournage a lieu dans les studios privés du réalisateur, lui laissant ainsi la possibilité de laisser tourner la caméra et ne pas être avare en prises de vues, tout en réalisant un tournage rapide qui réponde au « petit » budget de 40 millions de dollars. Cela permet également d’être plus flexible et de respecter les agendas des comédiens. Ainsi, Brittany Murphy n’a tourné qu'un jour alors qu’elle apparaît dans les trois histoires et n'a jamais rencontré Bruce Willis. De même, certains acteurs partagent une scène sans jamais se croiser grâce aux secrets du montage de Robert Rodriguez. Jessica Alba et Elijah Wood ont par exemple tourné seuls, séparément de Mickey Rourke, avec qui ils partagent pourtant plusieurs scènes majeures, dont une de combat.

Frank Miller n’est évidemment pas mis de côté, guidant beaucoup les acteurs durant le tournage et délaissant un peu l’aspect technique dont il est pourtant maître en la matière. Un travail en parfaite complémentarité pour les deux hommes, qui n’hésitent jamais à feuilleter ensemble les pages des Sin City pour y trouver des réponses.

Très poussé sur le plan technique, le film nécessite également qu’un soin tout particulier soit apporté aux autres aspects plus artistiques.
Les accessoires par exemple, qui sont souvent mis au premier plan dans l’œuvre papier, sont spécialement créés pour l’occasion afin de coller aux dessins de Frank Miller. Ce dernier en conservera d’ailleurs certains en souvenir. De nombreuses armes appartenant au personnage de Miho, comme la plupart des sabres, viennent quant à elles tout droit du garage de Quentin Tarantino, recyclant ainsi l’investissement fait pour les films Kill Bill.
Au niveau des moteurs - car c’est bien connu, chaque bad boy se doit d’avoir un bon flingue et une bonne bagnole - 21 voitures (en majorité des modèles des années 50/60) sont réquisitionnées, plus exactement louées ou empruntées grâce à de petites annonces passées dans toute la ville d’Austin.

Donner matière au célèbre coup de crayon de l’auteur est problématique dans ce monde sans nuances. Tout est donc étudié en noir-et-blanc. Les tissus qui réfléchissent la lumière sont prioritairement utilisés pour redessiner les fameuses silhouettes à l’écran (véritable signature graphique des comics) et tous les petits détails sont minutieusement choisis pour minimiser l’information à l'écran.
L’indémodable imperméable est de rigueur et suffit à habiller son homme. Les tenues les plus travaillées - pourtant les plus légères - sont celles de la gente féminine. Les actrices ont en effet dû accepter de tourner en simple lingerie ou autres panoplies spécialisées. Il ne faut pas oublier que Sin City est d'abord la ville du vice… Brittany Murphy doit donc porter des talons de 18 centimètres et Rosario Dawson être « vêtue » de simples lanières de cuir qui nécessitent à elles seules un mode d’emploi. Jessica Alba a, elle, la chance d'être plus à l’aise dans ses costumes de scène, mais doit néanmoins apprendre l'art du lasso. Il faut décidément souffrir pour être belle !

Le maquillage et les effets spéciaux plus spécifiques sont réalisés par Greg Nicotero et Howard Berger (tous deux travailleront notamment par la suite sur Le Monde de Narnia - Chapitre 1 : Le Lion, la Sorcière Blanche et l'Armoire Magique, Le Monde Fantastique d'Oz et The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un Héros).
Ils créent ensemble les différentes prothèses et cicatrices nécessaires aux personnages : un nouveau nez et menton pour reproduire le faciès grec de Marv, un plus discret pour durcir les traits de Jackie Boy et un jeu de prothèse complet pour donner forme à tout le haut du corps de Yellow Bastard. Ils mettent également en place une technique unique à base de maquillage fluorescent pour que les éléments apparaissent totalement blancs à l'écran : le sang de certains protagonistes, la cravate et la cicatrice d'Hartigan, les pansements de Marv, les lunettes de Kevin…

Résolument vintage et un brin kitsch, la musique jazzy se veut plutôt discrète et répétitive, préférant laisser place aux longs monologues intérieurs des personnages, déjà présents sur le papier et retranscrits par de nombreuses voix off à l’écran. Si l’action prime en ville, la réflexion est en effet également de mise. Mais lorsque les grosses scènes le nécessitent, basses et gros saxophones sont de sortie. La virtuosité de la partition ne parvient pourtant pas à faire oublier le percutant titre Cells du groupe The Servent - utilisé pour les bandes-annonces chocs du film - qui collait tellement bien à cet univers que certains spectateurs ont regretté de ne pas retrouver lorsque les images de Sin City apparaissent pour la première fois sur l’écran.

Le score original est tout de même composé par trois hommes : Robert Rodriguez lui-même - également guitariste du groupe Chingón qui a l’habitude d’apporter sa touche musicale dans la plupart de ses films - puis les compositeurs John Debney et Graeme Revell.
Né en 1956, le premier n’est autre que le fils de Louis Debney, le producteur des studios Disney. John préfère se lancer dans la musique via la télévision et les parcs d’attraction, signant notamment le thème de Phantom Manor. Il poursuit brillamment sa carrière dans le cinéma en composant - pour ne citer qu’elles - les musiques de Hocus Pocus - Les Trois Sorcières en 1993, Kuzco, l'Empereur Mégalo en 2000, Princesse Malgré Elle en 2001, Un Mariage de Princesse en 2004, Chicken Little en 2005, Hannah Montana - Le Film en 2009, Iron Man 2 en 2010, Le Livre de la Jungle en 2016 et The Greatest Showman en 2017.
Né en 1955, Graeme Revell connaît lui aussi une carrière à succès malgré une actualité récente plus discrète. Grand collaborateur de David Twohy (la trilogie Riddick) et de Robert Rodriguez, il a énormément composé dans les années 90 et 2000. Spécialisé dans le genre de la science-fiction et du fantastique, il signe notamment la musique de The Crow en 1994.

Le titre électro Absurd du groupe Fluke est le seul morceau du film à ne pas être une composition originale et à trouver sa place au sein de la bande-son avec laquelle il dénote formidablement. Moderne, envoûtant et lancinant, il accompagne brillamment Jessica Alba dans un déhanché mémorable, faisant de Nancy le personnage le plus désirable de Basin City (ce titre ayant préalablement fait ses preuves en accompagnant l’iconique Angelina Jolie dans Lara Croft : Tomb Raider).

Une fois le film terminé, Frank Miller est ébloui par le travail effectué sur l’image et l’engagement de tous les acteurs qui donnent vie à ses personnages. Lui qui n’avait jamais souhaité voir ses dessins sur grand écran reconnaît être impressionné par le respect accordé à son œuvre et osera finalement avouer que son rêve est devenu réalité. Robert Rodriguez confessera de son côté qu'adapter Sin City a été un véritable défi. Mais l’œuvre originale était tellement parfaite et les personnages tellement bien définis que donner vie à certaines séquences s'est révélée facile, certaines étant la transcription exacte de planches du comic.

Le film sort le 1er avril 2005 aux États-Unis, tout juste deux mois avant la France, après avoir été présenté en compétition lors du Festival de Cannes. Interdit aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux États-Unis et aux moins de 12 ans en France, Sin City rapporte près de 158,8 millions de dollars au box-office mondial (dont plus de 74 millions aux États-Unis). Un bien joli résultat malgré l’inéluctable restriction du public.

La critique est résolument positive, vantant la prouesse technique et l'incroyable casting aussi unique et original que sa source d’inspiration, tout en lui étant résolument fidèle (encore un fait rare dans le grand monde des adaptations). Les journalistes pointent cependant du doigt des défauts qu’ils qualifient de majeurs : une violence extrême et un scénario aux enchaînements maladroits, voire carrément faiblards pour certains.

Mais qu’importe. Sin City est un très bel hommage au bébé de Frank Miller et aux vieux polars. Le spectateur y retrouve avec plaisir des personnages aussi attachants que malsains - avec des gentils intègres et honnêtes, des mauvais garçons rangés et héroïques, des méchants véreux et corrompus. Le film fait également la part belle aux femmes, tantôt en détresse, tantôt guerrières, mais toujours sexy. Si elles semblent rabaissées à l'état d'objets, ce n’est qu’en apparence, cachant sous leurs atours une force de caractère et une indépendance inébranlables qui leur permettent de survivre au sein de cette société au machisme exacerbé.

La violence physique et morale - non gratuite et cohérente avec le contexte - se regarde cependant avec un véritable plaisir coupable. Après tout, un film nommé littéralement « la ville du pêché » ne peut avoir pour décor qu’un monde sordide dans lequel la justice n’a pas sa place... sauf lorsqu’elle se fait elle-même.

Sin City offre aussi bien aux fans qu’aux novices un sacré spectacle à l’esthétique léchée et inédite, un univers brut et sombre, trois enquêtes pour le prix d’une (certains spectateurs pouvant toutefois apprécier une histoire plus que l’autre) où les attendent courses-poursuites infernales, règlements de comptes musclés et pluies de balles à foison, arrosés de quelques passages raisonnablement sulfureux (certaines actrices ont d’ailleurs demandé à ajouter une clause à leurs contrats pour ne pas dévoiler certains attributs de leurs personnages, étalés sans complexe sur le papier).

Le succès critique et commercial du film, devenu culte pour toute une génération, fait très vite parler d’une éventuelle suite. Il reste encore sur le papier beaucoup d’univers inexplorés à porter à l’écran. Mais il faut curieusement attendre neuf ans pour reformer cette incroyable équipe et que sorte en 2014 Sin City : J'ai Tué Pour Elle. Malgré la demande et l'attente des fans, l'opus sera un échec commercial...

Libre à chacun d’apprécier tout ou partie de ce qu’offre Sin City. Comme le dit si bien Marv : « À Sin City, si tu prends la bonne ruelle, tu trouveras ce que tu cherches ».

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