Two Cars, One Night
L'affiche
Titre original :
Two Cars, One Night
Production :
Blueskin Films Ltd.
Defender Films
Date de mise en ligne USA :
Le 25 avril 2019
Distribution :
Fox Searchlight Pictures
Genre :
Drame
Date de sortie cinéma USA :
Janvier 2004
Réalisation :
Taika Waititi
Musique :
Craig Sengelow
Durée :
11 minutes

Le synopsis

Romeo et Ed, deux frères âgés d’une dizaine d’années, attendent leurs parents dans leur voiture garée devant un pub. Alors qu’Ed est plongé dans la lecture d’un livre, Romeo remarque rapidement la jeune fille qui attend dans le véhicule voisin. Tentant d’attirer son attention en l’insultant, il finit par la rejoindre, unissant brièvement les passagers des deux voitures dans la nuit.

La critique

rédigée par
Publiée le 05 mai 2020

Two Cars, One Night est un court-métrage qui témoigne en une dizaine de minutes de la poésie enfantine et de l’humour de son auteur et réalisateur, Taika Waititi. Si son histoire est simple et présente des enjeux limités, elle touche le spectateur grâce à la tendresse qu’elle porte et à l’interprétation réussie des jeunes acteurs.

Sorti en 2004 en Nouvelle-Zélande ainsi qu’aux États-Unis, Two Cars, One Night est distribué à compter du 25 avril 2019 par Searchlight Pictures, studio appartenant alors depuis peu à The Walt Disney Company, dans le cadre de son programme Searchlight Shorts. Créé en 1994, Searchlight Pictures, studio spécialisé dans la production et la distribution de films indépendants, a connu de nombreux succès critiques et commerciaux, emportant notamment à quatre reprises l’Oscar du Meilleur Film avec Slumdog Millionnaire en 2008, 12 Years a Slave en 2013, Birdman (ou la Surprenante Vertu de l'Ignorance) en 2014 et La Forme de l’Eau - The Shape of Water en 2017.
Le studio agit également sur le marché des courts-métrages avec l’ambition d’y rencontrer la même réussite sur ce format qui lui permet de découvrir de nouveaux talents. Searchlight Pictures acquiert ainsi les droits de distribution de Feathers (2018) de A.V. Rockwell, Birdie (2018) de Shelly Lauman, Lavender (2019) de Matthew Puccini et Skin (2019) de Guy Nattiv, qui remporte l’Oscar du Meilleur Court-Métrage.

L’ambition du studio est de donner une plus grande visibilité à ces œuvres. Le programme Searchlight Shorts est en effet lancé le 18 mars 2019 avec Skin et vise à distribuer en ligne et gratuitement les courts-métrages acquis par le label. Mais y sont également publiés d’anciens films courts de cinéastes établis, comme Two Cars, One Night.
Ces contenus peuvent ainsi aisément être vus sur les pages YouTube et Facebook du studio. Des restrictions géographiques limitent toutefois le visionnage de certains, à l’image de Skin en France. Il est alors possible d'accéder aux films en se connectant à la version américaine de la page Facebook du studio. Ce n’est heureusement pas le cas de Two Cars, One Night, visible en France directement sur YouTube. La barrière de la langue est toutefois présente, le court-métrage n’étant proposé qu’en version originale non sous-titrée. Les anglophones eux-mêmes connaissent d’ailleurs quelques difficultés à comprendre l’ensemble des dialogues du court-métrage, les enfants s’exprimant avec un accent important et employant parfois un patois maori. Ces contraintes n’empêchent toutefois pas d’apprécier le film, le jeu des acteurs étant suffisamment expressif pour en appréhender et apprécier le sens.

Two Cars, One Night laisse présager la carrière de son auteur et réalisateur, Taika Waititi. Né le 16 août 1975 à Raukokore en Nouvelle-Zélande d’un fermier maori et d’une enseignante, il joue régulièrement la comédie au sein de troupes au cours de ses études. Il enchaîne par la suite avec des apparitions dans de petits films et productions télévisées.
Ses goûts pour l’écriture et la mise en scène le conduisent à réaliser le court-métrage John and Pogo en 2002 puis Two Cars, One Night en 2004. Waititi poursuit ensuite sur le format long-métrage avec À Chacun sa Chacune (2007), Boy (2010), Vampires en Toute Intimité (2014) et À la Poursuite de Ricky Baker (2016), dont il signe la réalisation et les scénarios et dans lesquels il joue, illustrant ses capacités dans des genres variés allant de la comédie romantique ou horrifique au film d’aventure.

La carrière de Taika Waititi est ensuite marquée par sa collaboration fructueuse avec The Walt Disney Company, qui démarre pourtant par un échec. Rédigeant le script initial de Vaiana, la Légende du Bout du Monde (2016) pour les Walt Disney Animation Studios afin d’apporter ses connaissances de la culture maorie, il ne voit que quelques éléments de sa version retenus dans le long-métrage final. Son travail sur le Marvel Cinematic Universe est lui plus heureux. Sa réalisation de Thor : Ragnarok (2017) est en effet saluée, alors qu’il y joue également le rôle de Korg, qu’il reprend dans Avengers : Endgame (2019). Devant ce succès, Waititi se voit chargé d'écrire et réaliser le quatrième film centré sur Thor, prévu pour 2021.
Mais le Néo-Zélandais ne se contente pas de la Maison des Idées. Il réalise en effet l’épisode de conclusion de la première saison de la série The Mandalorian (2019) sur Disney+, première série Star Wars en prises de vues réelles pour laquelle il double également le droïde chasseur de primes IG-11. Alors que cette première est une grande réussite qui pourrait l’amener à revenir chez Lucasfilm, le cinéaste n’en oublie pas pour autant le cinéma d’auteur. Il signe en 2019 pour Searchlight Pictures le génial Jojo Rabbit, chef d’œuvre dénonçant le Nazisme au travers du regard d’un enfant endoctriné. La réussite est telle que Taika Waititi remporte l’Oscar du Meilleur Scénario Adapté.

Two Cars, One Night est un film véritablement personnel pour le cinéaste néo-zélandais. Il a en effet lui-même passé de nombreux moments dans une voiture garée devant un pub en y attendant ses parents. Il connaît d’ailleurs très bien le Te Kaha Hotel devant lequel se déroule l’action, caractéristique d’une Nouvelle-Zélande périphérique où vit en nombre la communauté maorie dont il est originaire et qui représente environ 15% de la population néo-zélandaise. Il se souvient de l’ennui que peuvent ressentir les enfants lorsqu’ils attendent dans un espace peu ludique - un parking - le retour de leurs parents.
L’ennui vient alors défier le temps et le rend d’abord long puis impossible à mesurer, illustrant la relativité du temps qui passe. La réalisation s’amuse de cet état de fait en alternant des séquences en accéléré avec des scènes lentes où la caméra s’attarde sur les véhicules, les personnages et le décor dans une inaction latente.

Le cinéaste néo-zélandais démontre sa capacité remarquable à raconter et à représenter l’enfance avec poésie, qui sera confirmée par la suite dans Boy, À la Poursuite de Ricky Baker et Jojo Rabbit. Il fait preuve d’une véritable tendresse envers la naïveté et la créativité des enfants. Leur imagination sans borne leur ouvre en effet toutes les portes (et portières en l'occurence) pour tuer le temps. Waititi s’amuse de leur désir de paraître plus âgés et de mentir sur leur âge pour paraître adolescents, soit presque des adultes. La volonté de Romeo d’affirmer une virilité factice en provoquant son frère avec des remarques homophobes est également moquée pour montrer l’immaturité et l’ignorance du petit garçon qui n’a, heureusement, certainement pas de pensée foncièrement haineuse étant donné son âge. Les réponses d’Ed sont, à cet égard, parfaites.
Les enfants regardent le monde des adultes avec circonspection et retournent rapidement à leurs préoccupations aussi futiles qu’essentielles. L’autre devient ainsi rapidement un sujet d’attention et de curiosité. Romeo est intrigué par Polly à l’instant où elle arrive sur le parking. Cherchant d’abord un divertissement, il est très rapidement captivé par cette fille. La relation qui s’ensuit, aussi brève qu’intense, aussi belle que fugace, démontre le caractère exceptionnel des rencontres qui peuvent se nouer dans les environnements les plus banals. Fruits du hasard, les échanges entre Romeo et Polly évoluent à toute vitesse jusqu’à ce qu’ils regardent une bague qui pourraient symboliser des fiançailles, comme tout couple d’enfants qui s’imagine des vies d’adultes.

La principale limite du film est sans doute son essence même. En narrant un moment anodin dans un contexte qui ne l’est pas moins, il ne présente pas d’enjeux particuliers et ne propose, il est vrai, rien de réellement palpitant. Aussi, il s’autorise même quelques lenteurs malgré sa faible durée de 11 minutes. Le spectateur ne doit alors pas vouloir chercher autre chose que ce qui lui est proposé : un doux moment d’innocence narré sans prétention mais parfaitement interprété et filmé.
Car l’une des forces de Two Cars, One Night est incontestablement son esthétique léchée. Les plans recherchés de Taika Waititi frôlent parfois la virtuosité tandis que la photographie signée Adam Clark (À Chacun sa Chacune, Boy) contribue à l’atmosphère si particulière du film. Le noir-et-blanc y est sublime, jouant avec la lumière des réverbères, des véhicules et de l’enseigne du pub Te Kaha Hotel. Certains effets sont ainsi particulièrement réussis, comme celui visant à figer la fumée provoquée par les fumeurs qui se succèdent.

Le court-métrage est porté par de jeunes acteurs talentueux et convaincants dont la carrière se limitera cependant quasiment exclusivement à Two Cars, One Night. Castés au sein de la tribu Te-Whaanau-a-Apanui dont est issu Taika Waititi, ils sont alors tous scolarisés au sein de l’école Te Kura Kaupapa Maaori o Maraenui située à 20 km du pub Te Kaha. Waititi rend ainsi hommage aux siens, renforçant la valeur œuvre personnelle du film. Ces acteurs en herbe ont été entraînés par Nancy Brunning, actrice, auteure et réalisatrice néo-zélandaise d’origine maorie décédée en décembre 2019. Elle était principalement connue pour son rôle dans What Becomes of the Broken Hearted? (1999), pour lequel elle a remporté le New Zealand Film Award de la Meilleure Actrice. Son travail a permis d’obtenir de la part des enfants des performances exceptionnelles et a révélé leur habileté à suivre les directives ainsi qu’à prendre des initiatives bienvenues.
Les comédiens participent en effet à l’authenticité qui se dégage du film, semblant appartenir au décor et se comportant tout à fait naturellement. Rangi Ngamoki, doté d’un regard particulièrement expressif, crève l’écran dans le rôle de Romeo, un nom qui ne doit pas relever du hasard dans cette histoire d’amour. Il parvient tant à amuser qu’à émouvoir mais aussi à agacer et restitue à merveille la transition rapide entre les comportements dont sont capables les enfants. Hutini Waikato incarne elle aussi avec brio l’attendrissante Polly, prétendant parfaitement une fausse maturité et faisant preuve d’une certaine espièglerie. Le regard de la petite fille en dit en effet souvent aussi long que les dialogues. Te Ahiwaru Ngamoki-Richards est, quant à lui, nécessairement plus discret dans le rôle d’Ed, mais n’en est pas moins convaincant lorsqu’il prononce quelques répliques bien senties et laconiques en réponse à Romeo, apportant un certain ressort comique.

Se remarque enfin l’absence de musique durant Two Cars, One Night, dont la bande sonore est marquée par le silence de ce parking où les enfants gardent les voitures de leurs parents sans véritable chahut. Seuls les moteurs des voitures qui s’y aventurent viennent ainsi apporter leur mélodie. Outre quelques notes au début du film, le générique de fin comporte cependant une courte chanson d’une trentaine de secondes composée par Craig Sengelow et chantée par Lissa Meridan. Mélodieux, le morceau prolonge l’ambiance du court-métrage d’une belle manière.

Two Cars, One Night est projeté en janvier 2004 au Festival de Sundance puis en février au Festival International du Film de Berlin, où il remporte la récompense du Meilleur Court-Métrage de la sélection Panorama dédiée aux films d’art et d’essai. Il est ensuite diffusé dans de nombreux festivals durant les années 2004 et 2005 et remporte plusieurs prix avant de se voir nommé en 2005 pour l’Oscar du Meilleur Court-Métrage, finalement remporté par Wasp d’Andrea Arnold.
Le court-métrage de Taika Waititi bénéficie de critiques positives bien que celles-ci restent confinées aux milieux d’amateurs de cinéma indépendant et d’art et d’essai. La nouvelle exposition dont il bénéficie grâce à la sélection Searchlight Shorts est toutefois une belle occasion de visionner l’une des premières pierres de la carrière d’un cinéaste qui dispose aujourd’hui d’une forte renommée, y compris pour des œuvres destinées au grand public.

Two Cars, One Night est un doux moment de poésie sublimant la rencontre banale et fugace de deux enfants au milieu d’un parking marqué par l’ennui. Ses enjeux limités sont compensés par une mise en scène très réussie et des interprétations remarquables assurées par de jeunes acteurs amateurs issus de la communauté maorie néo-zélandaise. Témoignage personnel de l’auteur et réalisateur Taika Waititi, le court-métrage préfigure dès 2004 la suite de sa carrière.

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