Titre original :
Jojo Rabbit
Production :
Fox Searchlight Pictures
TSG Entertainment
Defender Films
Piki Films
Czech Anglo Productions
Date de sortie USA :
Le 18 octobre 2019
Genre :
Comédie dramatique
Réalisation :
Taika Waititi
Musique :
Michael Giacchino
Durée :
108 minutes
Disponibilité(s) en France :
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

Johannes Betzler, surnommé Jojo, est un petit garçon de dix ans vivant en Allemagne sous le régime nazi durant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Appartenant aux jeunesses hitlériennes, il s’intègre difficilement au groupe et sollicite régulièrement la présence de son ami imaginaire, Adolf Hitler. Son quotidien est bouleversé lorsqu’il découvre que sa mère cache une jeune fille juive dans leur grenier.

La critique

rédigée par
Publiée le 08 février 2020

La Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste ont été montrés dans leur atrocité par des œuvres essentielles, tandis que les totalitarismes et notamment celui des Nazis sont raillés depuis Le Dictateur de Chaplin dans le but de les ridiculiser. Sous ses faux airs de satire classique, Jojo Rabbit propose un regard nouveau - celui d’un enfant - sur cette période explorée à de nombreuses reprises au cinéma et se pose en nouveau classique qui se doit d’être apprécié pour ce qu’il est : un film magistral.

Jojo Rabbit est avant tout l’œuvre d’un véritable cinéaste aux goûts éclectiques : Taika Waititi. Né le 16 août 1975 à Raukokore en Nouvelle-Zélande d’un fermier maori et d’une enseignante dont les parents étaient Irlandais et Juif russe, il se décrit lui-même comme un “Juif polynésien” qui a grandi dans un pays traversé par des tensions raciales et dont le grand-père paternel a combattu les Nazis en Italie et en Afrique. Autant dire que le sujet de Jojo Rabbit lui parle !
Alors étudiant, il joue régulièrement la comédie au sein de troupes. Il enchaîne par la suite avec des apparitions dans de petits films et productions télévisées. Ses goûts pour l’écriture et la mise en scène le conduisent à réaliser en 2005 le court-métrage Two Cars, One Night, nommé à l’Oscar du Meilleur Court-métrage et depuis intégré à la collection des Searchlight Shorts. Waititi poursuit ensuite sur le format long-métrage avec À Chacun sa Chacune (2007), Boy (2010), Vampires en Toute Intimité (2014) et À la Poursuite de Ricky Baker (2016), dont il signe la réalisation et les scénarios et dans lesquels il joue, illustrant ses capacités dans des genres variés allant de la comédie romantique ou horrifique au film d’aventure.

La carrière de Taika Waititi est ensuite marquée par sa collaboration fructueuse avec The Walt Disney Company, qui démarre pourtant par un échec. Rédigeant le script initial de Vaiana, la Légende du Bout du Monde (2016) pour les Walt Disney Animation Studios, il ne voit que quelques éléments de sa version retenus dans le long-métrage final. Son travail sur le Marvel Cinematic Universe est plus heureux. Sa réalisation de Thor : Ragnarok (2017) est saluée, alors qu’il y joue également le rôle de Korg, qu’il reprend dans Avengers : Endgame (2019). Devant ce succès, Waititi doit écrire et réaliser le quatrième film centré sur Thor, prévu pour 2021.
Mais le Néo-Zélandais ne se contente pas de la Maison aux Idées. Il réalise en effet l’épisode de conclusion de la première saison de la série Star Wars : The Mandalorian (2019) sur Disney+, première série Star Wars en prises de vues réelles pour laquelle il double également le droïde chasseur de primes IG-11. Alors que cette première est une grande réussite qui pourrait l’amener à revenir chez Lucasfilm, le cinéaste n’en oublie pas pour autant le cinéma d’auteur. Après Jojo Rabbit, il signe en effet chez Searchlight Pictures une comédie sportive centrée sur l’équipe nationale de football des Îles Samoa, Next Goal Wins, prévue pour 2020.

Avec Jojo Rabbit, Taika Waititi adapte très librement le best-seller Le Ciel en Cage (2008) de l’auteure belgo-néo-zélandaise Christine Leunens, qu’il a lu sur les conseils de sa mère. Dans son script écrit en seulement trois mois, il ajoute l’idée d’un Hitler imaginaire en extrapolant une phrase du roman dans laquelle Jojo évoque avoir le sentiment que le dictateur le regarde. Cette trouvaille permet de matérialiser visuellement la solitude du jeune Jojo et ses rêves d’enfant endoctriné. Ce qui semble aberrant au premier abord paraît finalement logique pour quelqu’un ayant grandi dans un régime fondé sur le culte de la personnalité d’Adolf Hitler. Leunens apprécie ces évolutions et loue le travail du cinéaste tout en citant partiellement et avec malice une réplique du film : "J’ai réalisé une peinture classique et Waititi en a fait un Picasso".
À la demande de Searchlight Pictures, le cinéaste interprète lui-même ce dictateur imaginé (à défaut malheureusement d’être totalement imaginaire). Si l’imagerie évoque évidemment Le Dictateur (1940) de Charlie Chaplin, le personnage est ici bien différent. Il ne s’agit en effet pas tant d’une caricature d’Hitler que de sa version fantasmée par un enfant de 10 ans endoctriné et qui traduit ses pensées tant radicales que naïves ainsi que ses doutes. L’interprétation de Waititi est parfaite et alterne entre le sourire sincère de l’ami bienveillant recherché par Jojo et le monologue exalté et effrayant, directement hérité du modèle original. Car si le jeu est souvent fondé sur un Hitler amical créant un décalage évident avec la personnalité réelle du dictateur, le film voit progressivement le personnage imaginaire se rapprocher de l’original avec des discours où, habité, il enchaîne les propos horribles devant Jojo comme il le ferait devant une foule fanatisée. L’idée, brillante et parfaitement mise en œuvre, doit en tout état de cause être analysée comme permettant de suivre le cheminement des pensées de Jojo, torturé entre ce qu’il croit savoir et ce qu’il apprend et ressent au contact de l’autre.

Jojo Rabbit répond à l’absurdité par l’absurde. Les Nazis, au-delà de la figure d’Hitler, y sont en effet totalement ridicules, aussi bêtes que méchants tandis que leur comportement tient souvent du registre loufoque. Certains spectateurs peuvent légitimement éprouver une difficulté à se moquer d’un officier nazi ou à rire du pantalon trop large d’Hitler. Si cela est évidemment compréhensible, cet humour possède un réel pouvoir cathartique presque jubilatoire tandis qu’il revêt également un caractère politique. En démontrant le caractère ubuesque du discours haineux, Waititi le rend totalement indésirable alors même que les responsables totalitaires jouent justement en premier lieu de leur image pour séduire les masses et mieux les manipuler. Le cinéaste prend donc le parti de ceux qui pensent qu’il est plus efficace de moquer une idéologie raciste pour la combattre plutôt que de l’ignorer, alors que l’actualité dispose de plusieurs exemples de montée des extrémismes et du rejet de l’autre.
Waititi aurait pu rater ce périlleux pari, mais il fait preuve d’une grande subtilité et de beaucoup d’intelligence dans la rédaction des dialogues, dont les références sont souvent bien senties. Si l’ensemble du long-métrage moque ces pieds nickelés de la dictature, une scène est particulièrement hilarante et montre une inspection dans une maison d’agents de la Gestapo au cours de laquelle le salut “heil Hitler” est prononcé 31 fois en une minute, mettant en évidence l’absurdité totale de cette convenance nazie. Aussi efficace qu’elle soit, la méthode n’est pourtant pas nouvelle et n’est pas sans rappeler la succession de “heil Hitler” dans le cauchemar de Donald de Der Fuehrer’s Face, cartoon de propagande réalisé par les studios Disney en 1943.

Au-delà de la mise en scène nazie, Waititi se moque également de la représentation des Juifs dans la propagande. Il montre brutalement l’idéologie antisémite du régime et ses effets sur des enfants sujets à une imagination sans borne. Aussi horribles que soient ces représentations qui possèdent malheureusement toujours un écho des décennies plus tard, leur traitement plein de fantaisie et d’ironie au travers de dessins d’enfants les décrédibilise avec simplicité.
La mise en scène de Waititi sert par ailleurs la représentation de cette peur irrationnelle des Juifs avec l’une des meilleures scènes de Jojo Rabbit qui reprend l’ensemble des codes du film d’horreur. Véritablement brillante, la séquence est hilarante et remplit parfaitement son office de déconstruction de l’absurde par l’absurde.

Le soin apporté aux costumes et décors doit également être souligné, l’imagerie étant éloignée des films qui dépeignent habituellement la Seconde Guerre mondiale avec des tons gris et froids. Ici, les personnages sont vêtus avec style et prennent soin de leur apparence avec une vanité qui paraît déplacée dans un tel contexte. La ville dans laquelle se déroule l’action est une succession de maisons colorées possédant un certain charme dont le caractère d’illusion est dévoilé par l’aspect carton-pâte que les décors prennent par moments. L’atmosphère joyeuse de la bourgade vient ainsi justifier le fait qu’un enfant comme Jojo puisse se sentir bien dans cette Allemagne qui vante un nationalisme positif dans des affiches de propagande tout autant colorées. Le décalage avec l’horreur nazie est évident et contribue au message porté par Jojo Rabbit.
Derrière la façade, le malheur peine il est vrai à se dissimuler lorsqu’une place festive présente au grand jour l’horreur la plus brutale ou alors qu’une enfant doit se cacher dans un grenier pour éviter d’être conduite à la mort. Une Résistance sous-jacente est pourtant présente et se révèle dans une discrétion de plus en plus bruyante à laquelle la Gestapo tente de mettre fin par ses crimes. Jojo Rabbit traduit donc le fait que le pire sait se fondre sous l’apparence d’une normalité heureuse, un danger bien plus grand que lorsqu’il se montre au grand jour.

Jojo Rabbit prend par ailleurs une dimension différente et supérieure lorsqu’une séquence lui fait dépasser le simple domaine de la satire pour entrer dans le drame en même temps qu’elle provoque une grande émotion chez le spectateur. Ce dernier saisit alors que le propos de l’opus n’est pas simplement de se moquer des Nazis en les ridiculisant mais bien de dénoncer leur discours pour qu’il ne pénètre plus jamais dans la tête d’un enfant. Le long-métrage n’a en effet aucune volonté de cacher les drames de cette guerre et les exactions commises par les Nazis. Aucune image violente ou sanglante n’est cependant filmée, Waititi ayant simplement choisi d’employer un autre champ lexical pour traiter le sujet.
Le film change ainsi de ton avec une transition subtile et pudique qui place un enfant au cœur de cette spirale de destruction, pas en première ligne mais au premier rang des dommages collatéraux. La caméra finit d’ailleurs par montrer ce qu’il voit dans une bataille urbaine sans aucun sens, où la puissance de destruction semble inarrêtable et où le seul moyen d’éviter la mort est de se cacher, formant un parallèle évident entre l’enfant juif et l’enfant de l’Allemagne nazie.

Ces thèmes aussi importants à aborder sont portés par un casting particulièrement réussi qui allie de jeunes comédiens époustouflants et de grands acteurs hollywoodiens confirmés. Outre l’Adolf Hitler imaginaire de Taika Waititi, Jojo Rabbit repose sur des personnages parfaitement incarnés, tant dans leurs aspects comiques que dramatiques.
Roman Griffin Davis crève l’écran pour son premier film, en incarnant le rôle-titre de Jojo. Né le 5 mars 2007 à Londres, ce jeune acteur franco-britannique, fils d’une réalisatrice et d’un directeur de la photographie, est une véritable découverte. L’enfant est en effet parfaitement convaincant et met totalement mal à l’aise le spectateur qui ne peut accepter le comportement du personnage. Ce petit garçon endoctriné, nourri à la propagande antisémite, croit instantanément aux inepties qu’on lui inculque et les prend pour une vérité universelle.
Jojo, dont la chambre est tapissée d’affiches d’Hitler et dont les propos témoignent d’un engagement sans limite pour la cause nazie et d’une envie de combattre pour son pays, rappelle le petit Hans présent dans le cartoon de propagande des studios Disney Education for Death (1943). Totalement privé de son innocence, il est prêt à tout - tuer et mourir - pour une idéologie qu’il n’a pas les moyens de combattre dans un régime sans contradiction. Jojo est capable de prononcer les pires horreurs et s’avère odieux, notamment lors d’une scène où les propos qu’il tient face à sa mère glacent le sang du spectateur. Son salut vient alors progressivement, quand la découverte de l’altérité lui permet d’affronter son propre drame.

Thomasin McKenzie (Leave No Trace) joue quant à elle le rôle d’Elsa Korr, la jeune fille juive cachée par la mère de Jojo dans le grenier de leur maison. L’actrice néo-zélandaise née le 26 juillet 2000 à Wellington illustre à merveille la dualité proposée par Jojo Rabbit. McKenzie fait rire et pleurer et parvient avec son interprétation juste et délicate à rendre hommage aux victimes juives de cette barbarie et aux personnes qui, comme Elsa, ont dû se cacher pour espérer survivre.
Très drôle lorsque son personnage se moque de Jojo à de nombreuses reprises, elle est également particulièrement émouvante. Coupée d’un monde qui veut l’anéantir, Elsa survit tant par son humour cynique que par l’amour de celle qui représente une véritable seconde mère pour elle. Digne et bouleversante, elle affronte avec courage le danger lorsqu’il se présente à elle, alors que sa perspective de disposer d’un avenir ne dépend que d’une issue hypothétique et très incertaine de la guerre.

La mère de Jojo, Rosie Betzler, est incarnée par la géniale Scarlett Johansson. Née le 22 novembre 1984 à New York, l’actrice la mieux payée du monde en 2018 possède une filmographie impressionnante pour son jeune âge, allant de Lost in Translation (2003) à Marriage Story (2019) en passant par Match Point (2005). Pour Disney, elle figure notamment dans Le Prestige (2006) chez Touchstone, assure la voix de Kaa dans le remake du (Le) Livre de la Jungle (2016) et incarne depuis 2010 la Veuve Noire des Avengers dans huit films du Marvel Cinematic Universe avant de voir un long-métrage être dédié à son personnage en 2020 avec Black Widow.
Dans Jojo Rabbit, elle est une mère seule, émouvante et prête à tout pour ses convictions ; celle d’aller à l’encontre de la dictature en place et de sauver une jeune fille condamnée à la mort comme celle d’élever son fils malgré ses turpitudes. Héroïne sans super-pouvoirs autres que sa bienveillance et ses quelques pas de danse, Rosie se bat au quotidien pour préparer un avenir qui paraît fragile. Johansson rayonne notamment dans une scène extraordinaire et pleine de poésie où elle démontre l’étendue de ses talents d’actrice et de sa fantaisie alors que Rosie tente de remplacer un père absent pour son fils. Sa magnifique performance lui vaut d’ailleurs très logiquement d’être nommée à l’Oscar de la Meilleure Actrice dans un Second Rôle.

Sam Rockwell (Iron Man 2, 3 Billboards - Les Panneaux de la Vengeance) incarne le capitaine Klenzendorf, qui dirige le camp des jeunesses hitlériennes dont Jojo est membre. L’officier a perdu un œil mais semble pourtant finir par ouvrir les yeux sur l’absurdité de la cause à laquelle il appartient, sollicitant en conséquence le réconfort de l’alcool mais trouvant le courage lorsqu’il le faut. Le personnage contribue largement à l’humour du long-métrage, son regard empli d’ironie et de cynisme sur la situation étant souvent hilarant avec des répliques réussies. L’acteur lui apporte tout son talent et excelle dans l’interprétation de ce Nazi qui a conscience d’être ridicule. Après avoir hésité à s’inspirer d’acteurs de films davantage sérieux comme Marlon Brando ou Oskar Werner dans l’interprétation d’un officier allemand, il décide de ressembler plutôt à un Bill Murray prenant l’accent allemand. Bien lui en a pris tant cela apporte au ton du film !

Parmi le reste du casting, Rebel Wilson (Pitch Perfect) joue efficacement mais sans forcer le rôle de Fräulein Rahm, instructrice à la bêtise crasse au sein des jeunesses hitlériennes. Stephen Merchant (Logan) interprète de manière réussie Deertz, un agent de la Gestapo qui tente d’imposer sans succès son autorité de bureaucrate zélé, illustrant l’incroyable absurdité de confier le pouvoir de vie ou de mort sur autrui à de véritables roquets.
Enfin, Archie Yates incarne Yorki, le meilleur ami de Jojo. Autre révélation de l’opus, le jeune acteur pourra être retrouvé - avec plaisir ! - dans le futur reboot de la saga Maman, J'ai Raté l'Avion prévu pour Disney+. Yorki est l’un des personnages les plus attachants du long-métrage malgré son faible temps d’apparition à l’écran. Hilarant du fait de la naïveté enfantine dont il fait preuve, il prononce certains des meilleurs dialogues de Jojo Rabbit. Yorki démontre que si les enfants sont facilement manipulables, ils sont certainement les premiers à comprendre l’absurdité du monde dans lequel les adultes les font grandir.

Afin d’ajouter un accompagnement musical à la hauteur de ces réussites, Michael Giacchino est à la baguette. Né le 10 octobre 1967 dans le New Jersey, le compositeur est un habitué des différentes branches de The Walt Disney Company. Fidèle de Pixar (Les Indestructibles en 2004, Ratatouille en 2007, Là-Haut en 2009 et pour lequel il est oscarisé, Cars 2 en 2011, Vice-Versa en 2015, Coco en 2017 et Les Indestructibles 2 en 2018), il travaille également pour Disney (John Carter en 2012 et À la Poursuite de Demain en 2015), les Walt Disney Animation Studios (Zootopie en 2016) et apporte sa patte au Marvel Cinematic Universe (Doctor Strange en 2016, Spider-Man : Homecoming en 2017 et Spider-Man : Far From Home en 2019. Chez 20th Century Studios, il assure les bandes originales de La Planète des Singes : L’Affrontement (2014), La Planète des Singes : Suprématie (2017) et de Sale Temps à l’Hôtel El Royale (2018) tandis que sa musique rythme le passé (Space Mountain : Mission 2) et le présent (Star Tours : L’Aventure Continue) de Disneyland Paris.
Michael Giacchino n’installe pas dans Jojo Rabbit un thème fort qui reste durant des heures dans la tête du spectateur. Mais là n’est sûrement pas l’objet de la commande de Waititi, qui ne laisse au compositeur que quelques scènes et instants précis pour soutenir l’action présentée à l’écran. Le musicien américain remplit alors la tâche avec brio dans des styles très variés, ponctuant avec autant d’aisance le suspense que l’ironie ou la marche militaire. S’il étonne par moments, Giacchino est souvent parfaitement reconnaissable par la douceur des notes qu’il assemble.

Au-delà de ces compositions originales, Jojo Rabbit flatte l’oreille des spectateurs avec des morceaux choisis avec goût qui apportent toujours au développement du propos. L’ouverture du long-métrage avec Komm Gib Mir Deine Hand, version germanophone enregistrée par les Beatles de leur tube I Want To Hold Your Hand, donne le ton en dressant un parallèle aussi judicieux que fort et insupportable entre les grands rassemblements nazis et la Beatlemania. Tout autant anachroniques, Everybody’s Gotta Live de Love et I Don’t Wanna Grow Up de Tom Waits ajoutent notamment au contraste proposé par l’opus.
Helden, version germanophone de Heroes de David Bowie (mais toujours interprétée par l'artiste), conclut le film après une transition douce et parfaite de l’orchestre de Michael Giacchino. Une manière on ne peut plus poétique et pertinente de terminer par une ouverture sur les difficultés de l’après et la continuité de l’histoire, la chanson évoquant l’amour d’un couple séparé par le mur de Berlin.

Jojo Rabbit est présenté le 8 septembre 2019 dans le cadre du Festival International du Film de Toronto où il remporte le prix du public. Les critiques accueillent chaleureusement cette satire bien qu’ils soulignent la potentielle difficulté d’accès pour une partie du public à l’humour de l’œuvre. Les salles se remplissent néanmoins et le film de Waititi, sorti le 18 octobre 2019 aux États-Unis, génère une recette de 54 millions de dollars dans le monde pour un budget de 14 millions avant sa sortie en France le 29 janvier 2020, signant donc un véritable succès financier pour Searchlight Pictures. L’opus bénéficie malheureusement d’une faible exposition dans l’hexagone, étant seulement diffusé dans 165 salles lors de sa première semaine. Il s’en sort pourtant la tête haute avec plus de 20 000 entrées pour son premier jour (dont un peu plus de 6 000 en avant-premières), preuve qu’il aurait mérité une exposition plus ambitieuse !
Le long-métrage voit ses réussites récompensées et remporte le BAFTA du Meilleur Scénario Adapté. Il est de plus l’un des favoris de la cérémonie 2020 des Oscars et le plus représenté des films portés par The Walt Disney Company avec pas moins de six nominations. Outre celle de Scarlett Johansson, le long-métrage est en effet nommé pour le Meilleur Scénario adapté, les Meilleurs Décors, les Meilleurs Costumes, le Meilleur Montage et… le Meilleur Film ! Une véritable consécration !

Jojo Rabbit est un film puissant et audacieux qui montre l’étendue des talents de son auteur et réalisateur, Taika Waititi. Drôle, choquant, émouvant, absurde, dérangeant, il dépasse largement le simple cadre de la satire et fait se côtoyer drame et fantaisie pour traduire le regard d’un petit garçon perdu dans le monde en guerre que lui offrent des adultes devenus fous. Pour une nouvelle génération de spectateurs, il est le rappel parfait et nécessaire des dangers qu’amènent le rejet de l’autre et l’intolérance.

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