Titre original :
The Menu
Production :
Hyperobject Industries
Gary Sanchez Productions
TSG Entertainment
Date de sortie USA :
Le 18 novembre 2022
Distribution :
Searchlight Pictures
Genre :
Horreur
Réalisation :
Mark Mylod
Musique :
Colin Stetson
Durée :
106 minutes

Le synopsis

En compagnie d’autres personnes triées sur le volet, Margot et Tyler, un couple d’amoureux, se rendent sur une île déserte pour dîner dans un restaurant gastronomique ayant une très bonne réputation et tenu par Julian Slowik, un chef exigeant. Ce dernier leur promet une expérience culinaire aussi surprenante que radicale.

La critique

rédigée par
Publiée le 12 février 2023

Comédie noire et alléchante sur fond de critique de la bourgeoisie et de lutte de classes sociales, Le Menu invite à un dîner des plus étonnants et réjouissants, mené par un casting aguicheur, mais non dénué de défauts. Mis en scène par Mark Mylod sur un scénario original de Will Tracy, le film est un inquiétant et savoureux jeu de massacre à l’humour acide et cruel, où le piège se referme autant sur ses personnages que sur le spectateur, le rire cédant régulièrement sa place à la peur.

La genèse du (Le) Menu vient d’une expérience vécue par Will Tracy, auteur de plusieurs sketches pour late shows américains dont Last Week Tonight With John Oliver, pendant sa lune de miel en Norvège. Le scénariste avait, en effet, dîné au Cornelius Sjømatrestaurant, situé sur la côte ouest de l’île privée de Bjoroy, éloigné de la civilisation, dont les menus comprennent le trajet aller-retour en bateau, et s’est inspiré de cet événement pour raconter une histoire. Il imagine des clients venus tester les mets préparés par les chefs d’un restaurant coupé du monde, peu à peu pris au piège lorsqu’ils s’aperçoivent qu’ils ne peuvent plus quitter les lieux et deviennent les proies d’un personnel sadique. Will Tracy suggère ensuite son intrigue à Seth Reiss, travaillant également à la télévision sur des émissions humoristiques, pour écrire le scénario, qu’ils rédigent en consultant quelques grands noms de la cuisine gastronomique. Le film, alors simplement aux prémices d’écriture, mettra ensuite plus de trois ans à voir le jour.

En avril 2019, il est annoncé que le réalisateur Alexander Payne (L’Arriviste, Monsieur Schmidt, Downsizing) a été approché pour mettre l'opus en scène, le métrage n’ayant à ce stade pas encore de titre définitif. Quelques mois plus tard, en décembre, le script apparaît sur la célèbre Black List, qui réunit tous les meilleurs scénarios en attente de financement par des studios, tandis que les acteurs Ralph Fiennes et Emma Stone sont annoncés dans les rôles principaux. Ce n’est qu’en mai 2020 que le projet avance véritablement lorsque le scénario est acheté par Searchlight Pictures pour une adaptation sur grand écran. Toutefois, Alexander Payne et Emma Stone doivent quitter le projet en raison d’autres engagements. 
Le poste de réalisateur est dès lors récupéré par Mark Mylod, connu pour avoir tourné différentes émissions de télévision au Royaume-Uni, mais aussi des épisodes de séries télévisées dont Game of Thrones, Succession, Once Upon A Time - Il Était une Fois, ainsi que les films Ali G, The Big White et Sex List. Pour donner encore plus d’authenticité au film et l’ancrer dans le thème de la gastronomie, l’équipe fait appel à la cheffe française Dominique Crenn, première femme étoilée de la profession aux États-Unis, qui reproduira différents plats servis dans son restaurant à San Francisco pour les besoins du tournage. Les scénaristes s'offrent également les services du réalisateur de seconde équipe David Gelb, déjà à l’origine de plusieurs plans pour Chef’s Table, pour recréer les mêmes scènes que dans la série documentaire Netflix.

L’acteur Ralph Fiennes (Le Patient Anglais, la saga Harry Potter, The King’s Man : Première Mission) étant toujours attaché au projet, Searchlight Pictures engage en juillet 2021 Anya Taylor-Joy (Morgane, Les Nouveaux Mutants, Glass) en remplacement d’Emma Stone dans le premier rôle féminin. Hong Chau (Downsizing, Artemis Fowl, The Whale) et Nicholas Hoult (X-Men : Le Commencement, La Favorite, Tolkien) rejoignent le film le même mois. En septembre de la même année, ce sont John Leguizamo (Super Mario Bros, Moulin Rouge !, Encanto, la Fantastique Famille Madrigal), Janet McTeer (la saga Divergente, les séries Jessica Jones et Ozark), Judith Light (éternelle Angela Bower de Madame est Servie et Claire Meade d’Ugly Betty), Reed Birney (House of Cards, The Blacklist), Rob Yang (The Americans, Living With Yourself) et Aimee Carrero (les séries Young and Hungry pour Freeform et la série d’animation Elena d’Avalor) qui complètent la distribution. Enfin, Paul Adelstein (Prison Break, Private Practice, Scandal), Arturo Castro (Broad City, La Belle et le Clochard), Mark St. Cyr (High School Musical : La Comédie Musicale - La Série), Rebecca Koon (les séries Sharp Object et The Detour) et Peter Grosz (Veep, The Great) viennent fermer le casting, avant le début des prises de vue à partir du 3 septembre 2021 à Savannah, dans l’État de Géorgie.

Fort d’un lot de comédiens et actrices attirant et prestigieux, Le Menu se centre donc sur un couple formé par Tyler, incarné par Nicholas Hoult, un fin gourmet amateur de grande cuisine et distingué, et Margot (Anya Taylor-Joy), une jeune femme aux origines plus modestes et totalement étrangère au milieu de la gastronomie. Pour son plus grand bonheur, Tyler emmène Margot à l'un des événements les plus prisés dans son domaine, à savoir un dîner dans le restaurant tenu par le Chef Slowik, auquel le couple a été convié en compagnie d’autres personnes issues de la haute société. Au cours d’un repas qui s’annonce des plus somptueux avec en prime, une mise en scène élaborée et sophistiquée, le Chef Slowik les accueille dans une soirée qui prend rapidement une tournure angoissante et meurtrière. 
De prime abord, Le Menu ressemble à s’y méprendre à un roman d’Agatha Christie dans la présentation de ses personnages et du cadre. Grâce à une mise en scène raffinée et millimétrée, chaque protagoniste est mis en lumière et chaque lieu est présenté afin de rendre le restaurant aussi anxiogène que séduisant. Du personnel aux plats servis aux invités, tout est fait pour atteindre la perfection en termes de décors et donner l’impression au spectateur qu’il est lui aussi convié à partager l’expérience vécue par les personnages du film. Une expérience oppressante dont l’unique but est de créer l’inconfort, autant dans la configuration des lieux que par l’attitude du chef et de sa brigade, dont les intentions ne semblent pas tout à fait louables.

Par ses décors sombres et son cadre très fermé, aidé par des plans serrés afin d’accentuer la claustrophobie de son public, le restaurant fascine et inquiète, tout comme son personnel, dont l’intransigeance, le souci du détail, le refus catégorique de céder à la moindre demande et l’intolérance face à l’imprévu rendent perplexe dans un lieu où le client est généralement roi et a toujours raison. L’hostilité de chaque membre de la brigade censé traiter les invités avec distinction et honneur annonce clairement que les événements prendront tôt ou tard une tournure dramatique. Tout d’abord caustique et cruel, au détour de quelques moments où la méchanceté et les dialogues parfois blessants peuvent prêter à sourire, l’humour laisse la place au malaise lorsque le chef Slowik fait son entrée, incarné par un Ralph Fiennes glaçant et sournois, au jeu particulièrement plaisant et jouissif. En tant que maître des lieux, le personnage fait progressivement de chaque invité sa proie en créant des situations malaisantes et dangereuses auxquelles chacun est confronté et ne peut s’échapper, piégeant également le spectateur par extension. Agissant sans ménagement avec ses employés, sur lesquels il déverse tout son sadisme, ayant un profond mépris pour ses clients qu’il n’hésite pas à prendre de haut et à rabaisser, défiant toute notion de logique quitte à passer pour un fou au perfectionnisme démesuré, le chef prend d’emblée des airs de génie du mal dont les ambitions ne semblent pas se limiter à faire déguster un menu hors du commun à ses convives. 

Au cours d’un scénario réparti en plusieurs chapitres, à l’image d’un repas classique, Le Menu présente, outre son chef psychopathe, toute une gamme de personnages aussi loufoques que détestables, mais dont la détresse finit par prendre le dessus sur la haine qu’ils inspirent au premier abord. La première partie, volontairement comique et absurde, a donc de quoi faire sourire devant les comportements vaniteux des personnages. Ce sont ses héros, étranges et excentriques, qui représentent chacun à leur façon une branche de la haute société : les magnats de la finance aux pratiques douteuses, la critique culinaire psychorigide et cruelle, l’acteur à la gloire passée tentant de relancer sa carrière, le couple de vieux bourgeois habitué des établissements étoilés. Désormais à la merci du chef Slowik, tous perdent leur statut de dominant dans leurs milieux respectifs et par extension, dans la société contemporaine. 
À force d’humiliation et d’avilissement, les invités laissent apparaître leurs failles et se retrouvent face à leurs propres comportements devant les travailleurs, le scénario s’amusant à retourner la situation et l’échelle sociale et procurant à certains moments un plaisir sadique. Ainsi, sous ses airs de thriller aux élans de comédie noire, où la violence n’est jamais loin et les faibles prennent le pouvoir, Le Menu est une caricature violente de l’élite sociale qui s’émerveille devant des concepts invraisemblables et illustre à merveille une lutte des classes qui tourne au massacre. L’enjeu n’est donc pas véritablement de conclure son histoire dans un bain de sang - le film contenant peu de scènes d’horreur - mais de mettre la haute société face à ses propres absurdités, entre critique agressive et méchanceté blessante.

Au milieu de toute cette agitation mondaine, seule Margot, campée par une Anya Taylor-Joy toujours sublime, ne semble pas à sa place. Jeune femme rebelle et cynique dont les secrets sont révélés au fil des minutes et la présence va entièrement bouleverser le plan prévu par le chef, elle paraît différente des autres de par son attitude, ses manières et n’adhère pas aux plats préparés par le chef, qu’elle juge hautain et impersonnel. Margot représente l’œil à travers lequel le spectateur assiste à ce dîner aux allures de mascarade, au point qu’il est facile de s’identifier à elle car au final, Margot est le personnage le plus humain. Impossible, en effet, de ne pas sourire devant le ridicule des autres convives lorsqu'ils s’extasient et crient au génie et à l’élégance devant une assiette au contenu si limité. C’est précisément dans ces instants que Le Menu atteint des sommets, en plaçant cette caricature de la bourgeoisie et, par extension, de leur influence sur les modes de consommation devant le regard d’une personne de classe moyenne. 
Si son petit ami Tyler, qui a mystérieusement insisté pour qu’elle l’accompagne, s’émerveille devant les faits et gestes des cuisiniers, Margot porte un jugement extérieur et objectif à ce dîner supposé luxueux, mais auquel elle paraît totalement indifférente. Un jeu de regards et de défiance s’installe entre elle et Slowik, qui la considère rapidement comme indésirable car conviée à la dernière minute. Ayant très bien cerné la jeune femme, ce dernier se donne pour mission de la démasquer et s’amuse à la provoquer bien qu’elle sache se défendre à force d’affronts, allant jusqu'à refuser certains plats proposés par le chef. Leurs interactions sonnent alors comme un duel, où chaque réplique a son importance et chaque joute instaure un suspense tendu et puissant. 

Il est donc particulièrement regrettable que le reste du casting ait tant de mal à exister, même si leurs personnages, incarnant tous une branche plus ou moins éloignée de la haute société, apportent de la matière au récit. Autour d’Anya Taylor-Joy et Ralph Fiennes, Nicholas Hoult se montre très convaincant en petit ami détestable, tout comme John Leguizamo en acteur has been à la célébrité déclinante, Janet McTeer en critique culinaire destructrice de carrière, Hong Chau en maître d’hôtel désagréable et odieuse, ou encore Judith Light et Reed Birney en couple aisé habitué des lieux huppés et de la haute cuisine. À aucun moment ils ne s’aperçoivent de la futilité de leur mode de vie et de l’escroquerie quotidienne à laquelle ils sont confrontés, au point que le film arrive à les rendre presque pathétiques. 
Diabolique à souhait, le scénario s’amuse à maltraiter ses héros incapables de se remettre en question et les présenter en victimes à coups de retournements de situation bien dosés et surprenants, où la satire sociale laisse parfois sa place au survival. En parallèle, Mark Mylod donne à son film une ambiance mystérieuse et dérangeante où chaque recoin de cet endroit énigmatique inspire la méfiance. La caméra de Mylod, aidée par le travail de David Gelb, accumule les plans très larges pour mieux accentuer le malaise et montrer la grandeur des lieux, enchaîne avec d’autres plus serrés pour présenter chaque plat tel une œuvre d’art, à l’image des émissions culinaires, usant et abusant de ralentis quitte à verser dans l’artificiel et le cliché à l’instar des produits qu’il met en scène.

Outre ses personnages secondaires, le spectateur le plus exigeant pourra toujours reprocher au (Le) Menu de ne pas trouver l’équilibre entre humour et horreur pure. Ni hilarant ni excessivement violent ou effrayant, le film souffre çà et là de quelques baisses de rythme, à cause notamment de son introduction très longue, le temps de développer et de présenter son impressionnant casting, et une deuxième partie légèrement hésitante, ne sachant pas toujours comment faire évoluer l’intrigue. Il faut véritablement attendre le dernier acte pour assister à la torture psychologique et souvent physique des personnages, au duel verbal et de regard entre Margot et le chef et à la critique sociale aiguisée et sans filtre, dont l’issue, bien qu’attendue, n’en est que plus logique et pertinente. 
Le tout est parfaitement accompagné par la partition de Colin Stetson, compositeur et saxophoniste américain basé à Montréal, qui a écrit la musique sur la base du scénario qu’il a reçu lorsque le film était en cours d’achèvement. Se reposant beaucoup sur les ambiances et les chœurs, il utilise des notes harmoniques subtiles pour introduire la peur tout au long du récit. Le musicien parvient à attribuer une mélodie ou un instrument à chaque personnage et à les assembler pour créer une symphonie homogène. Les cordes sont la pièce centrale de la partition et les claviers font leur apparition pour évoquer des sons agités et instaurer un suspense durable et soutenu. Quelques notes de saxophone viennent également agrémenter la composition afin de créer une impression de rêve et de drame.

La première du (Le) Menu a lieu au Festival International du Film de Toronto le 10 septembre 2022 au Canada, puis le même mois aux États-Unis à l’occasion du Fantastic Fest, festival de cinéma annuel basé à Austin, Texas, et centré sur les films de genre dont l’horreur, la science-fiction, la fantasy, l’action et autres films cultes. L'opus sort ensuite dans les salles américaines le 18 novembre 2022 dans plus de 3 000 cinémas, une première pour une production Searchlight Pictures, avant une sortie en France le 23 novembre 2022.
Il réalise alors une performance honorable pour un film de genre. Le Menu effectue en effet 3,6 millions de dollars de recettes pour son premier jour d’exploitation dans son pays d’origine, puis 9 millions lors de son premier week-end, terminant second juste derrière Black Panther : Wakanda Forever. Durant son deuxième week-end, celui de la fête de Thanksgiving, il amasse 7,6 millions de dollars, à la cinquième place, puis 3,5 millions la semaine suivante, terminant sa course à la quatrième place. En France, le film réalise 349 478 entrées au bout de deux mois d’exploitation.
Tourné pour un budget de 30 millions de dollars, Le Menu rapporte à l’arrivée 38,4 millions aux États-Unis et au Canada, et 40,4 millions à l’international, pour un total de 78,9 millions, un joli score pour un film s’adressant à un public de niche. 
En parallèle, le long-métrage reçoit des avis très positifs, la plupart saluant la critique sociale, le mélange comique et horrifique, la performance de son impressionnant casting et la caricature de la bourgeoisie, jugée pertinente et jamais vulgaire ou insultante. Le Menu est même nommé à la prestigieuse cérémonie des Golden Globe Awards dans les catégories Meilleur Acteur dans un film musical ou une comédie pour Ralph Fiennes et Meilleure actrice dans un film musical ou une comédie pour Anya Taylor-Joy. 

Excellent thriller rempli de surprises et d’humour noir, servi par un casting quatre étoiles, Le Menu est un film haletant, original et jouissif réalisé de main de maître. Souffrant de légères baisses de rythme, il captive tout de même l’attention de son public grâce à de sympathiques moments d’effroi, des performances mémorables et une critique acerbe de la haute société. Un régal !

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