Black Panther
Wakanda Forever

Titre original :
Black Panther : Wakanda Forever
Production :
Marvel Studios
Date de sortie USA :
Le 11 novembre 2022
Genre :
Fantastique
IMAX
3-D
Réalisation :
Ryan Coogler
Musique :
Ludwig Göransson
Durée :
161 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Voilà un an que le Wakanda pleure la disparition de son protecteur et souverain adoré, le Roi T'Challa. Croyant le pays affaibli et désormais sans défense, plusieurs nations s'imaginent déjà renforcer leur arsenal militaire avec la ressource la plus précieuse du royaume : le vibranium. Après avoir empêché le gouvernement français de piller un avant-poste, la Reine Ramonda rappelle au monde entier que le Wakanda demeure l'un des pays les plus puissants au monde. Pendant ce temps, quelque part dans l'océan Atlantique, une opération secrète menée par la CIA et la Marine américaine porte ses fruits. Grâce à un détecteur de vibranium, les États-Unis sont en effet à deux doigts de mettre la main sur la précieuse ressource quand toute l'équipe est assassinée par le peuple sous-marin de Talokan, mené par l'impétueux Namor. Bientôt, le souverain va demander l'aide du Wakanda pour retrouver la conceptrice du détecteur de vibranium...

La critique

rédigée par
Publiée le 10 décembre 2022

Le formidable royaume du Wakanda rouvre ses portes aux fans Marvel pour une nouvelle aventure politique et marquée par le deuil du regretté Chadwick Boseman. Après avoir purement et simplement refusé de remplacer le comédien dans le MCU, Marvel Studios a laissé carte blanche à Ryan Coogler pour réaliser un film cathartique rendant hommage à l'acteur comme au personnage qu'il incarnait, le tout avec beaucoup de justesse. Dans cette suite de Black Panther (2018), les femmes du Wakanda, accablées par le chagrin, sont confrontées à l'un des plus grands personnages Marvel : le puissant Namor. Pour ce dernier long-métrage cinéma de la Phase 4, et avant que ne se déchaîne pour de bon le terrible Kang le Conquérant, le grand vilain de la Saga du Multivers, Marvel Studios remet à l'honneur les thématiques qui émaillent le MCU depuis la fin d'Avengers : Endgame (2019) : l'héritage et la diversité.
Attention, une fois n'est pas coutume, Chronique Disney se permet, dans cette critique, de révéler l'identité du personnage qui reprend le costume et le rôle de Black Panther, une information que Marvel Studios s'est bien gardé de révéler lors de la promotion du film. Il s'agit là du seul divulgâchis présent dans cette critique.

En 2018, dans les mois qui suivent la sortie de Black Panther, Marvel Studios s'imagine déjà offrir à T'Challa sa propre saga cinématographique suite à l'excellente réception du premier volet. Il faut dire que le film dépasse de loin toutes les attentes financières, au point qu'il devient au moment de sa sortie le plus grand film de super-héros « solo » de tous les temps. Grâce à ses recettes qui atteignent presque 1,4 milliard de dollars au box-office mondial, il réalise en outre le troisième meilleur score du MCU, seulement distancé à l'époque par Marvel's Avengers (2012) et Avengers : L'Ère d'Ultron (2015). Mais les gains pécuniaires seuls ne sauraient témoigner de toute la force avec laquelle Black Panther a marqué non seulement l'industrie du cinéma – et tout particulièrement le genre du blockbuster – mais aussi, plus globalement, la population mondiale. Dans cette optique, Marvel Studios et Ryan Coogler, le réalisateur et co-scénariste de Black Panther aux côtés de Joe Robert Cole, s'entendent à la fin de l'année 2018 pour proposer rapidement la suite des aventures du Roi du Wakanda.

Le 20 juillet 2019, Marvel profite de la grand-messe geek annuelle, le San Diego Comic Con, pour sortir l'artillerie lourde et dévoiler ce qui attend les héros du MCU – et les spectateurs – dans les prochaines années. Lorsque Kevin Feige, le Président de Marvel Studios à la casquette toujours bien vissée sur la tête, s'empare du micro pour présenter à l'assemblée et au monde entier le programme de la Phase 4, le pape de Marvel évoque la future production du film sous un tonnerre d’applaudissements. Dans les mois qui suivent, Chadwick Boseman participe aux côtés de nombreux acteurs du MCU à la première saison de la série animée What If...? (2021). Très heureux de jouer une version plus enjouée et pétillante de T'Challa dans le second épisode, Et Si... T’Challa Était Devenu Star-Lord ?, Chadwick Boseman envisage même d'infuser un poil de cette personnalité dans la suite de Black Panther, mais le destin en a décidé autrement ; le 28 août 2020, l'acteur disparaît, emporté par le cancer du côlon, une maladie dont il n'avait parlé qu'à quelques personnes de son entourage.

À Hollywood comme sur les réseaux sociaux, les stars et les anonymes s'unissent pour partager leur chagrin et rendre hommage à un artiste qui, au-delà de son rôle chez Marvel, était un héros et un modèle pour toute une génération. Suite à la disparition de Boseman, les rumeurs vont bon train : Marvel va-t-il remplacer l'acteur dans le rôle de T'Challa ? Envisage-t-il d'utiliser une doublure numérique ? En décembre 2020, Kevin Feige l'assure, il n'a jamais été question de remplacer d'une quelconque façon leur collègue et ami. Le futur film se concentrera donc selon lui sur le monde que Chadwick Boseman a participé à construire au sein du MCU, ainsi que sur les autres personnages qui ont donné vie au Wakanda à ses côtés. Au cours des mois suivants, Ryan Coogler réécrit donc une partie de son script. Au départ, le film devait laisser à T'Challa l'occasion de faire le deuil de ses cinq années perdues à la suite de l'attaque de Thanos ; désormais, Black Panther : Wakanda Forever permettra à la famille du roi de lui rendre un dernier hommage, comme un exutoire au chagrin des proches amis de l’acteur.

En novembre 2020, la production suit son cours quand le média The Hollywood Reporter rapporte en exclusivité l'addition au casting de l'acteur mexicain Tenoch Huerta, dans le rôle d'un antagoniste. L'officialisation tombe quelques mois plus tard : Huerta interprétera le rôle du grand Namor, l'un des tout premiers personnages Marvel. En 1939, à l'époque où la maison d'édition s'appelle Timely Comics, paraît Marvel Comics #1, retitré dès le numéro suivant en Marvel Mystery Comics. À l'intérieur, les lecteurs peuvent suivre les premiers pas de plusieurs personnages parmi lesquels la première Torche Humaine, l'Ange et Namor, le Prince des Mers. Imaginé par Bill Everett, qui en fait le fils de la princesse Atlante Fen et du marin humain Leonard McKenzie, Namor est également le premier Mutant officiel des écuries Marvel, du moins éditorialement parlant. Dès la création du personnage, la fracture entre les Atlantes et les habitants de la surface est bel et bien présente et demeure encore aujourd'hui l'un des thèmes majeurs des histoires du personnage, qui place son peuple et l'honneur au-dessus de tout le reste...
Déjà en 1997, Marvel Studios, né des cendres de feu Marvel Films, envisage de créer un film mettant à l'honneur le Prince des Mers. À la barre de ce projet se trouve Philip Kaufman, le réalisateur de Quills, la Plume et le Sang (2000) et co-créateur du personnage d'Indiana Jones. Désireux de glisser un message écologique dans son long-métrage, Kaufman présentait à cette époque le personnage comme opposé aux habitants de la Terre qui souillent les océans. Après deux ans sans nouvelles, il est annoncé que le scénariste du Batman (1989) de Tim Burton, Sam Hamm, est en pourparlers pour écrire le script. Deux ans s'écoulent à nouveau en silence quand, en 2001, Universal Pictures entre en négociation avec Marvel Studios pour s'offrir les droits d'exploitation de Namor. Un nouveau projet de film est alors prévu pour démarrer après la sortie du Hulk (2003) de Ang Lee.

Si le projet a toujours des ambitions écologistes, l'équipe du film a en revanche complètement changé. Chris Columbus (Maman, J'ai Raté l'Avion !, 1990) annonce en décembre 2004 avoir été engagé pour réaliser le film, mais il passe à son tour le flambeau en 2006 à Jonathan Mostow (Terminator 3 : Le Soulèvement des Machines, 2003). Le projet continue de piétiner, mais Universal Pictures s'accroche mordicus à l'idée de réaliser un film porté par le Prince des Mers, un projet qui restera lettre morte toutefois.
Pendant une bonne partie des années qui suivent, Kevin Feige répond de façon embarrassée aux questions des journalistes que les droits entourant le personnage sont « un peu compliqués ». Vraisemblablement, et comme dans le cas de Hulk, Marvel Studios ne peut pas utiliser le personnage dans un film « solo », les droits de distribution de ces longs-métrages revenant en priorité à Universal selon des contrats signés il y a de cela bien des années. Il faut dire qu'à l'époque, Marvel distribuait à droite et à gauche les droits de ses personnages, dont ceux des X-Men, des Quatre Fantastiques ou encore de Spider-Man, dans l'espoir de développer de nombreux longs-métrages chez divers studios et ainsi renflouer un peu les caisses de la société qui était bien mal en point financièrement. Au final, les Mutants et la famille de Reed Richards sont rentrés au bercail suite au rachat de la majorité des actifs de 21st Century Fox, mais le Monte-en-L'Air et tous les personnages de son univers restent encore aujourd'hui la propriété de Sony, avec les ententes difficiles que cela implique. Le contenu de ces contrats semble en tout cas confirmer une chose : Hulk comme Namor doivent se contenter de rôles de soutien pour le moment.

Black Panther : Wakanda Forever s'ouvre sur une scène de prière dans laquelle Shuri implore Bast de l'aider à guérir son frère d'une mystérieuse maladie. Promettant qu'elle ne doutera plus jamais de l'existence de la Déesse Panthère si ses suppliques sont entendues, Shuri se précipite ensuite dans son laboratoire pour tenter de reproduire l'herbe-cœur, la seule chose qui pourrait sauver T'Challa. Dans Black Panther, la jeune sœur du roi était surtout perçue comme une sorte de Q, l'agent qui inonde James Bond de gadgets et autres véhicules de luxe. Toujours enjouée et prête à railler son frère à la moindre occasion, Shuri était le personnage typique de la scientifique « nerd » et, même lorsqu'elle se jetait au combat, la princesse comptait sur ses inventions pour retourner la situation en sa faveur.
Black Panther : Wakanda Forever continue d'insister sur les différences qui séparent Shuri et T'Challa, en plongeant la jeune femme dans une véritable crise de foi qui va teinter son parcours pendant toute l'histoire. La scène d'ouverture est d'autant plus poignante que Shuri, dans son entêtement à recréer l'herbe-cœur, n'était pas aux côtés de T'Challa lorsqu'il a rendu son dernier souffle. Animée par la colère, la culpabilité et rongée par un sentiment d'échec, Shuri va rejeter encore davantage les traditions et les croyances de son peuple.

Dans la série Black Panther (Vol. 5) de 2009 écrite par Reginald Hudlin et Jonathan Maberry, la princesse suit une évolution similaire à celle présentée dans le film en devenant la protectrice du Wakanda alors que son frère est à l'article de la mort. Entraînée toute sa vie comme T'Challa, Shuri se présente à Bast et réclame le titre qu'elle estime lui revenir de droit. Courroucée par l'arrogance de la princesse, Bast tourne toutefois le dos à la jeune femme et lui refuse l'honneur de devenir Black Panther. Revenue parmi les vivants, Shuri comprend qu'elle a toujours trop compté sur la science, au lieu de s'abandonner aux coutumes et à la magie qui réside au Wakanda. Suite à cette prise de conscience, la jeune femme enfile le costume et part défaire Morlun, qui sème la terreur dans son royaume.

La Shuri du MCU n'épouse pas non plus le parcours spirituel de son frère, et malgré sa générosité et son dévouement à sa patrie, elle ne partage pas avec T'Challa une noblesse de cœur exacerbée, ce qui va la pousser sur un chemin dangereux. Son frère lui-même a bien failli succomber à une colère dévorante, au point qu'il a d'abord poursuivi le Soldat de l'Hiver puis le Baron Zemo dans Captain America : Civil War (2016), avec la ferme intention de venger la mort de son père. Seulement, une fois face à son ennemi et pendant que quelques étages en dessous, Captain America et Iron Man s'affrontent dans un duel d'une rare violence, le roi est parvenu à maîtriser sa colère : « La vengeance est une déesse dévorante […] je ne dois pas céder à son appel. La justice finira par triompher ». Killmonger, ensuite, a déchaîné sa rage aux portes du Wakanda, un acte qui a mené T'Challa à la mort une première fois et précipité son royaume dans une guerre civile. Incapable d'apprendre des erreurs de ses aînés, Shuri se perd à son tour dans un abîme de fureur, et c'est avec un désir viscéral d'anéantir les ennemis du Wakanda et ceux qui lui ont causé du tort qu'elle se décide enfin à devenir la nouvelle Black Panther, une héroïne somme toute très nuancée.
L'écriture de Shuri est l'une des plus belles réussites de ce Black Panther : Wakanda Forever. Son parcours et son évolution, jalonnés par la multitude d'émotions ressenties par le personnage au cours du film, sont développés à merveille par Ryan Coogler qui propose à travers ses deux films des héros comme des vilains très aboutis. De la jeune fille pragmatique et enjouée, Ryan Coogler fait une femme aussi forte qu'imparfaite, une enfant qui a grandi trop vite et qui doit désormais porter sur ses épaules le destin de tout un royaume. Letitia Wright reprend ici du service et s'en sort remarquablement bien dans ce rôle, sans doute très différent de celui prévu pour elle à l'origine.

La Reine-Mère Ramonda a elle aussi droit à quelques scènes d'envergure dans ce nouveau long-métrage, incarnée par Angela Bassett. L'impériale actrice avait déjà eu l'occasion de prêter sa voix à une version guerrière de son personnage dans la série What If...? où, triste ironie du sort, elle pleurait également la mort de son fils. Pour Black Panther : Wakanda Forever, Ryan Coogler et Joe Robert Cole signent pour elle des dialogues empreints de majesté et d'une tristesse digne que l'actrice livre avec une émotion toujours juste. À la fois puissante lorsqu'elle rappelle au monde la supériorité du Wakanda et bouleversante quand, face à plusieurs personnages, elle évoque son infini chagrin, Ramonda brille à chacune de ses apparitions et mérite tous les honneurs qui lui sont attribués suite à sa performance.
Il en va de même pour Danai Gurira qui reprend le rôle d'Okoye, la générale des Dora Milaje et la fabuleuse Lupita Nyong'o qui prête à nouveau ses traits à Nakia. Les deux femmes pleurent la disparition d'un ami et d'un roi pour la première, et d'un amant pour la seconde. Chacune à leur tour, et malgré le rôle quelque peu limité de Nyong'o, les actrices ont l'occasion de rendre un dernier hommage à leur ami disparu à travers le deuil respectif de leurs personnages. Deuxième film le plus long du MCU derrière Avengers : Endgame, Black Panther : Wakanda Forever prend le temps d’explorer le deuil de toutes ces femmes sans aucun compromis.

Du côté des personnages inédits, Namor fait donc une entrée fracassante dans le MCU. Après toutes les tentatives infructueuses d'amener le personnage sur grand écran depuis la fin des années 90, Marvel Studios propose une version fort différente de l'anti-héros bien connu des lecteurs de comics. Pour éviter la redite du film Aquaman présenté par DC Films en 2018, les origines de Namor sont en effet grandement altérées et toutes les références à Atlantis évacuées. Désormais, Namor est le chef du royaume sous-marin de Talokan, un empire né au XVIe siècle à la suite de l'invasion espagnole au Yucatán. Une tribu maya, fuyant l'oppresseur et les maladies apportées du Vieux Continent par les Conquistadors, a trouvé une solution pour se cacher sous les flots. Namor, un mutant capable d'évoluer sur Terre, sous l'eau et même dans les airs, grâce aux deux paires d'ailes vissées à ses chevilles, devient en grandissant le chef de cette tribu. Connu sous le nom de Namor par les uns et K'uk'ulkan par les autres, le Dieu Serpent à Plumes, le roi de Talokan a fait prospérer son peuple pendant des siècles à l'abri des hommes de la Terre grâce à une réserve de vibranium présente au fond des océans depuis des millénaires.

C'est à Tenoch Huerta (Narcos : Mexico, 2018-2020 sur Netflix) qu'est confié le rôle de Namor. Après avoir proposé le très complexe Killmonger, Ryan Coogler transforme l'essai dans Black Panther : Wakanda Forever avec Namor, pour offrir à ses héroïnes un antagoniste remarquable. Grandiose dans son rôle, Huerta s’impose d’emblée comme l’un des meilleurs acteurs du film et peut-être même, de toute la galerie de méchants qui sillonnent l’univers Marvel depuis maintenant quinze ans, aux côtés de Tom Hiddleston, Josh Brolin, Michael B. Jordan et Daniel Brühl. Charmeur tout autant que fier guerrier, à l'image de son homologue de papier, le Namor du MCU porte aussi un poids culturel absent des comics. À travers le dialecte maya parlé dans l'opus, les costumes des guerriers de Talokan ainsi que l'architecture, les peintures et autres éléments décoratifs présents dans la capitale sous-marine, le long-métrage offre un aperçu des cultures mésoaméricaines avec beaucoup de respect comme rarement un film grand public n'avait su le faire auparavant. Il est seulement dommage que le peuple soit si peu mis en avant et exploré, les personnages de Namora (Mabel Cadena) et Attuma (Alex Livinalli) n’ayant que peu de choses à proposer, en dehors des scènes d’affrontement.

Enfin, celle au centre du conflit, Riri Williams, est l’autre bonne surprise du film. Après l'introduction en demi-teinte d'America Chavez dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness (2022) quelques mois plus tôt, les spectateurs pouvaient craindre l'arrivée d'une nouvelle post-adolescente héroïque devant échapper au grand antagoniste du film. Bien heureusement, Black Panther : Wakanda Forever corrige les erreurs de son aîné en offrant à Riri une vraie personnalité, un caractère attachant et quelques belles séquences d'action réussies, ce qui ne gâche rien.

Créée par Brian Michael Bendis et Mike Deodato dans Invincible Iron Man (Vol. 3) #7, Riri Williams est une adolescente de quinze ans étudiant au MIT et accessoirement l'un des esprits les plus brillants de l'univers Marvel. Passionnée par les sciences et l'ingénierie, la jeune femme se lance le défi de construire sa propre armure, grâce à des pièces glanées sur le campus. Bientôt, Riri attire l'attention de Tony Stark qui lui donne sa bénédiction pour devenir elle-même la super-héroïne Ironheart...
Si son potentiel lien avec Tony Stark est pour l'heure occulté – pour être exploré dans la série Ironheart, prévue pour la plateforme Disney+ en 2023 ? –, le caractère pétillant de la jeune fille reste quant à lui intact. Désormais âgée de dix-neuf ans et non plus quinze, Riri s'attire les foudres de Namor lorsqu'elle fabrique un détecteur de vibranium qui se retrouve entre les mains de la CIA... À en juger par sa première apparition dans le MCU, il y a en tout cas de quoi être enthousiaste pour la future série portée par la jeune Dominique Thorne (Judas and the Black Messiah, 2021).

Une bonne partie du film repose donc sur l'affrontement entre deux formidables royaumes incarnés par des dirigeants charismatiques. Chargées d'histoire, les deux nations se ressemblent beaucoup. Mais là où T'Challa s'est laissé convaincre d'ouvrir ses frontières au reste du monde et de partager certaines richesses technologiques, Talokan, de son côté, a choisi de demeurer cachée au cœur des abysses, préservée de la cupidité des habitants de la Terre. Comme dans Black Panther premier du nom, Ryan Coogler ne se contente pas de faire s'affronter un gentil héros au cœur pur contre un vilain au plan machiavélique, non. Au contraire, Coogler est parvenu, en à peine deux films, à peindre des personnages plus complexes et fortement marqués par des questionnements socio-politiques qui régissent encore aujourd'hui les relations entre les pays occidentaux et le reste du monde. Black Panther se présentait presque en 2018 comme une parabole de la dualité entre Martin Luther King et Malcolm X, soutenue par des réflexions sur l'isolationnisme et l'impérialisme. Black Panther : Wakanda Forever poursuit donc le travail entamé cinq ans plus tôt, en développant pour cela des antagonistes qui se sont entièrement construits à travers le prisme de la colonisation.

Si T'Challa était présenté comme le héros d'une contrée d'Afrique fantasmée, un pays qui aurait échappé aux conquêtes et se serait donc développé grâce à ses extraordinaires ressources, Killmonger était quant à lui le fruit de siècles d'une diaspora forcée, à jamais tachée par l'esclavagisme et le sang versé. Black Panther : Wakanda Forever s'échappe cette fois du contexte africain pour traiter d'un empire qui agit comme un miroir inversé au Wakanda. Comme le pays de Shuri, Talokan est restée préservée du reste du monde pendant des centaines d'années, et le vibranium au fond de l'océan Atlantique a permis au peuple de Namor de se développer. Mais là où la structure des deux nations diffère, c'est que Talokan est précisément née en réponse à l'invasion des conquistadors qui ont forcé la tribu à fuir, en emportant avec eux un traumatisme qui ne les a plus jamais quittés. Lorsque le peuple revient à la surface, il découvre que ses terres ont été ravagées par la maladie, l'esclavagisme et le pillage de ses ressources. Quelques siècles plus tard, quand les États-Unis s'approchent un peu trop près de Talokan, la réponse de Namor ne se fait donc pas attendre. Accusant le Wakanda d'avoir mis son peuple en danger en révélant l'existence du vibranium, Namor laisse le choix à Shuri et Ramonda : se battre à ses côtés contre l'envahisseur ou subir les conséquences d'une guerre que le pays africain n'a aucune chance de remporter...

Bien sûr, il faut se souvenir que Black Panther : Wakanda Forever est un film américain et qui, s'il est conçu par une équipe majoritairement afro-américaine, n'en reste pas moins réalisé au travers du point de vue occidental. Le film se permet d'être incisif dans sa critique de l'impérialisme américain, en pointant les actions de la CIA comme étant le déclencheur des hostilités, sans trop toutefois appuyer là où ça fait mal, grand studio hollywoodien oblige. Les Américains sont d'ailleurs très peu présents dans le film et ne viennent qu’alourdir un scénario déjà très dense ; Everett Ross (Matin Freeman) et Valentina Allegra de Fontaine (Julia Louis-Dreyfus) signent donc leur retour, histoire de jouer au bon et à la brute, mais aussi et surtout pour préparer la suite de leurs aventures dans le MCU.
De la même façon, le choix de présenter la nation française – qui traîne après elle un lourd passé colonial – comme responsable d'une tentative de vol de vibranium au début du film n'est certainement pas un choix anodin, un élément qui se trouve d'ailleurs renforcé plus tard à travers l'importance qu'a la République d'Haïti dans le scénario. L'angle choisi par le réalisateur est donc intéressant, et le fait de faire s'affronter deux peuples victimes de mêmes abus, mais à l'histoire et aux réactions radicalement différentes, est bien amené, même s’il faut noter une certaine forme de timidité dans son message. Black Panther : Wakanda Forever, s'il n'a pas la vocation d'être un véritable pamphlet politique n'en reste pas moins, comme son aîné, porteur de réflexions sociétales qu'il est très agréable de retrouver au cœur d'un blockbuster d'une telle ampleur.

Côté technique, Black Panther : Wakanda Forever offre à l'occasion de superbes plans, comme la très émouvante cérémonie rendant hommage au Roi T’Challa, mais il faut bien le reconnaître : Marvel Studios n'a pas encore réglé tous ses problèmes d'effets spéciaux. Le film invite donc les spectateurs à se replonger dans la culture wakandaise et la splendeur de sa capitale, même si les fans auraient sans doute aimé en découvrir encore davantage. L'intrigue, fortement resserrée autour de la famille royale et de son entourage proche, ne laisse guère la possibilité aux visiteurs de découvrir de nouveaux aspects du fascinant pays, pas plus qu’elle ne porte un vrai regard sur les habitants qui évoluent hors du palais royal. Il n'y a plus qu'à espérer que la série annoncée sur le Wakanda pour Disney+ répare cette injustice ! Il en est de même pour Talokan qui, en dehors d'une brève scène d'exposition, conserve presque tous ses mystères. Les plans aquatiques n'en restent pas moins réussis et le dépaysement est au rendez-vous, même si quelques défauts d'éclairage sont à déplorer.
Récompensée d'un Oscar amplement mérité pour ses costumes dans le premier volet, Ruth E. Carter reprend du service pour cette suite ; les nombreux apparats de la Reine Ramonda, les tenues de cérémonie ainsi que les vêtements du peuple de Talokan qu'elle a conçus sont, pour la plupart, somptueux. Le compositeur, Ludwig Göransson, lui aussi récipiendaire d'un Oscar pour la musique de Black Panther en 2018, signe également son retour. Tout en continuant de développer ses instrumentaux infusés de musiques africaines qui ont fait le succès du premier film, l'artiste prolonge son travail en ajoutant cette fois-ci à sa partition des sonorités mayas quasi-mystiques. Viennent s'ajouter à cela plusieurs chansons parmi lesquelles Lift Me Up et Born Again chantées par Rihanna, qui est sortie pour l'occasion de sa retraite musicale entamée en 2016.

Prévu à l'origine pour sortir le 6 mai puis le 8 juillet 2022, le film débarque finalement dans les salles obscures américaines le 11 novembre 2022, la pandémie de COVID-19 ayant chamboulé le calendrier de la Phase 4 - et l'industrie du cinéma dans sa globalité. Une fois encore, le film devra se passer du public chinois ; plusieurs médias, à commencer par The Hollywood Reporter, ont rapporté que le boycott du film serait dû à une très courte scène romantique – presque insignifiante – partagée par deux personnages féminins. La scène en question a du reste été coupée au Koweït avant la diffusion de l'opus dans les salles.
La possible sortie du film directement sur Disney+ en France a également fait grand bruit. En guerre ouverte contre la chronologie des médias, laquelle pénalise fortement l'arrivée de ses films sur sa propre plateforme, Disney France a laissé délibérément courir la rumeur d'une possible arrivée de Black Panther : Wakanda Forever sur Disney+, sans passer par la case cinéma. Dans un contexte où le Disney de Noël, Avalonia, l'Étrange Voyage, était déjà assuré de sortir directement sur la plateforme, la menace a semble-t-il fait son petit effet, puisque Hélène Etzi, la présidente de The Walt Disney Company France, a annoncé le 17 octobre 2022 sur les réseaux sociaux que le film serait bien proposé trois semaines plus tard en salles :

Les pouvoirs publics ont clairement reconnu la nécessité de moderniser la chronologie des médias et un calendrier précis a été arrêté pour en discuter. […] Comme nous l'avons fait jusqu'ici, nous contribuerons de manière constructive aux réflexions et débats lors des prochaines réunions avec tous les acteurs de la filière, organisées sous l'égide du CNC afin de définir dès février 2023 un nouveau cadre que nous souhaitons équitable, flexible et incitatif à la sortie des films en salles de cinéma. Dans l'intervalle, nous continuerons à décider au cas par cas de la stratégie de sortie de nos films.

Black Panther : Wakanda Forever est un excellent projet de la longue Phase 4 du MCU. Même s'il ne peut pas vraiment prétendre avoir le même impact que son prédécesseur, il n'en reste pas moins un très bel hommage au grand Chadwick Boseman et, malgré ce caractère un peu particulier, Ryan Coogler n'emprisonne pas ses personnages dans l'ombre de l'acteur parti trop tôt. Complexes et bien développées, ses héroïnes vivent leur deuil certes intensément, mais elles profitent aussi de la longueur du long-métrage pour continuer d'avancer, avec de belles révélations en fin de film. S'il est à regretter que son propos politique soit parfois un peu moins marqué, le film n'en n'est pas moins profondément sincère. Profitant une fois encore d'une belle direction artistique et d’un antagoniste mémorable, Black Panther : Wakanda Forever voit aussi de nouvelles dynamiques se forger dans la contrée du Wakanda ; de quoi donner envie aux spectateurs de retrouver rapidement tous ces beaux personnages.

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