L'Île de L'Oubli
Titre original : The Isle of the Lost Éditeur : Hachette Romans Date de publication France : Le 01 juillet 2015 Genre : Descendants – L'Île de L'Oubli |
Auteur(s) : Melissa de la Cruz Autre(s) Date(s) de Publication : Disney•Hyperion (US) : Le 5 mai 2015 Nombre de pages : 304 |
Le synopsis
La critique
Reprenant la recette des comédies musicales dynamiques typiques des Disney Channel Original Movies comportant un casting bourré de talent, de beaux visages et de « gueules », Descendants et ses suites réussissent à connaître un franc succès, si bien que la franchise s’est rapidement vue décliner sur de multiples supports, tels que des séries télévisées, des produits dérivés et des romans. Parmi ces derniers, Descendants - L’Île de L'Oubli vient ainsi ouvrir une quadrilogie écrite par Melissa de la Cruz entre 2015 et 2019.
Melissa de la Cruz est l’auteure de plus de cinquante romans ayant figuré sur les listes bestsellers de USA Today, du Wall Street Journal et du Los Angeles Times. Descendants - L’Île de L'Oubli est, pour sa part, resté plus de cinquante semaines dans la liste des bestsellers du New York Times et quinze semaines à la première place du classement avec plus d’un million de copies publiées. L’auteure de la franchise a également signé la série Blue Bloods (Hyperion Books for Children (US) depuis 2006), Les Sorcières de North Hampton (Hyperion (US), 2011-2013 ; Orbit (France), 2013-2014), Alex & Eliza (G.P. Putnam’s Sons Books for Young Readers (US), 2017-2019), The Queen’s Assassin (G.P. Putnam’s Sons Books for Young Readers (US), 2020-21), High School Musical : The Musical : The Series : The Road Trip (Disney•Hyperion (US), 2021) et le roman graphique Gotham High (DC Comics (US), 2020 ; Urban Comics (France), 2021), assistée des pinceaux de Thomas Pitilli.
L’intrigue à la base de Descendants est excellente et inédite, exploitant les personnages des méchants en racontant les évènements suivant leur défaite. Si les descendants des méchants sont les personnages principaux des téléfilms, en la personne de Mal (fille de Maléfique), Jay (fils de Jafar), Evie (fille de la Méchante Reine) et Carlos (fils de Cruella d'Enfer), les enfants des héros Disney font également partie du récit et sont même de plus en plus présents à mesure que la franchise progresse. Dans le premier roman de Melissa de la Cruz, les chapitres alternent entre le point de vue des quatre descendants méchants sur l’Île de l’Oubli et celui de Ben, qui doit relever bien des défis à Auradon. De par cette construction, il semble donc logique que les deux trames se rejoignent, mais cette convergence est aussi suggérée via certains détails parsemant l’intrigue.
Comme dans beaucoup de romans Disney, l’histoire est pétrie de touches humoristiques qui viennent alléger le contexte pesant d’enfants qui vivent dans une relative misère. Les gentils ont en effet banni les méchants dans une sorte de bidonville, et ceux-ci sont condamnés à manger leurs restes – une punition peu digne de la part des héros, les priver de magie semblant largement suffisant. Et si les restes et le mal semblent leur seoir à merveille, rappelant ainsi fortement les dynamiques et les goûts inhabituels de la famille Addams, le lectorat se rend compte que les protagonistes aimeraient en réalité avoir plus de confort et surtout plus d’amour.
L’une des thématiques principales du roman réside par ailleurs dans le lien qui unit les descendants à leurs parents. Les parents méchants ont certaines caractéristiques en commun : ils rêvent de leur splendeur passée, ils exigent de leurs enfants qu'ils reprennent le flambeau et ne leur montrent surtout pas d’affection, car l’amour est pour les faibles, les gentils. Si ce comportement peut paraître drôle par moments, il n'en reste pas moins que les descendants sont en cruel manque d’attention et sont plus normaux que leurs parents. Dans un contexte moins onirique, les parents seraient certainement définis comme des sociopathes sans empathie et sans la moindre capacité d’amour envers leur prochain, pas même leurs enfants. Dans le cas de Carlos, l’histoire est d'ailleurs digne de La Petite Princesse (1905) de Frances Hudgson Burnett en termes de mauvais traitement. L’auteure joue sur cette ambivalence entre le conte et la réalité pour parler d’une thématique dure avec légèreté, car le lectorat ne peut pas complètement en vouloir à des personnages fondamentalement destinés à être les méchants de l'histoire. C’est même plutôt le fait qu’ils aient des enfants qui peut surprendre ! Les caractéristiques des méchants et leurs obsessions sont poussées à l’extrême et ce sont les descendants qui en pâtissent, car pour leurs parents, cette vision de la réalité n’a rien de déformé et ils n’attendent qu’une chose : leur revanche ! Aussi, pour faire évoluer l’histoire dans une direction particulière, certains détails des longs-métrages Disney sont modifiés ; par exemple, Maléfique ainsi que sa fille Mal ont du sang de dragon, ce qui jouera un rôle dans la suite des évènements.
Un élément de l’intrigue un peu cliché est celui de la brume qui protège certains lieux des regards et des visiteurs, car elle est utilisée dans de nombreuses histoires, particulièrement dans la mythologie et le folklore celte – elle est d'ailleurs présente chez Pixar comme chez Disney dans Rebelle (2012) par exemple et dans Pocahontas, une Légende Indienne (1995) pour créer le mystère. La brume est un élément également affectionné par Rick Riordan dans Percy Jackson (Miramax Books/Hyperion Books (US), 2005-2009 ; Albin Michel (France), 2005-2010), où elle sert à justifier le fait que le monde contemporain n'est pas au courant de la présence des sang-mêlés et de leurs conflits, modifiant ainsi leurs perceptions. J. K. Rowling dans Harry Potter (Bloomsbury Publishing (Royaume-Uni), 1997-2007 ; Gallimard Jeunesse (France), 1998-2007) aura été plus originale en mettant en place dans sa société imaginaire le processus d’effacement de la mémoire, comme dans Men in Black (1997) d'ailleurs. À l’instar du choix entre la pilule bleue et la pilule rouge dans Matrix (1999), il s’agit de lever ou de conserver le voile de brume qui cache la réalité du monde. Mais la brume peut, comme dans L’Héritière des Abysses de Rick Riordan (Disney•Hyperion (US) et Albin Michel (France), 2021), ou dans le film Chevalier (2001), marquer le passage vers une découverte ou un élément important, et elle peut aussi agir comme une protection pour celui qu’elle favorise dans la légende arthurienne, représentée à merveille dans Excalibur (1981) et la mini-série Merlin (1998).
Comme souvent dans les romans jeunesse, les protagonistes vont à l’école et le lectorat aura le plaisir de retrouver sur ses bancs, ainsi que dans les rues, de nombreux autres enfants de méchants moins courus, tels que les rejetons du Professeur Ratigan, de Madame Mim, de Claude Frollo, etc. Bien sûr, Cruella a envie que Carlos soit ami avec les enfants d’Horace et de Jasper qui ne manquent pas à l’appel et sont toujours aux petits soins avec leur employeur. Mais c’est Maléfique qui se taille une fois encore la part du lion dans cette franchise, puisqu'elle se trouve être la dirigeante de l’Île de l’Oubli, malgré une certaine réticence de la part de la Méchante Reine à l’origine. Ultimement, c'est la splendeur de ses actes passés et le sang de dragon qui continuent de conférer à Maléfique des propriétés particulières, même si elle n’a plus de pouvoirs, qui a déterminé la prévalence de la méchante fée. Où que le regard se porte dans les multiples œuvres de l'univers Disney, Maléfique semble être la grande gagnante des méchants. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un œil à la franchise composée des films Maléfique (2014) et sa suite Maléfique : Le Pouvoir du Mal (2019), aux romans Maléfique : Au Cœur de la Lande de la collection Dangerous Secrets signé par Holly Black (Disney Press (US), 2019 ; Hachette Heroes (France), 2021) et au second livre de la série des Twisted Tales, Il Était un Rêve (Disney•Hyperion (US) et Hachette Romans (France), 2016), ou encore au jeu vidéo Disney Magic Kingdoms. Dans ce dernier, elle est la seule méchante récurrente lors des évènements ponctuels nommés de « la Tour » depuis la création du jeu, ce qui en fait le pendant de Merlin en tant que force maléfique (ce sont également les deux seuls personnages qu’il n'est possible ni d’obtenir, ni de faire jouer).
Certains détails de Descendants - L’Île de L'Oubli sont quelque peu étranges, tel le fait que le Prince, le mari de Belle, appelé tantôt Adam (à tort) par les fans, avant de se voir prénommer Léo dans le roman The Queen’s Council - Rose Rebelle d’Emma Theriault (Disney•Hyperion (US), 2020 ; Hachette Heroes (France), 2021), soit nommé la Bête sans aucune explication, alors qu’il a repris forme humaine. Tout comme dans d’autres franchises Disney (Twisted Tales, The Queen’s Council, Disney Magic Kingdoms), le passage de l’enchantement à l’apparence humaine est donc géré de bien différentes façons, et pas toujours de manière cohérente. À l’image des États-Unis – chose qu’il est possible de reprocher à l’auteure du fait de la trop fréquente américanisation des récits féeriques même lorsque cela n’a pas forcément du sens (par exemple dans Percy Jackson sous certains abords) – la Bête a unifié les différents royaumes issus des long-métrages Disney (le Pays Imaginaire, le Pays des Merveilles, les royaumes de Blanche Neige et Cendrillon, etc.) sous le nom des États-Unis d'Auradon (EUA). Par ailleurs, il leur est parfois attribué des noms pas très heureux comme « Charmantine » pour celui de Cendrillon, certes mignon mais peu crédible. Afin d’apporter une certaine cohérence à cette réinterprétation des univers Disney, tous sont replacés à l’époque contemporaine (cet aspect est plus amplement développé dans le second tome, Descendants - Retour sur l’Île de L'Oubli (Disney•Hyperion (US) et Hachette Romans (France), 2016)), opération qui créera certainement des divergences d’opinions chez le lectorat, mais qui n’est pas mal réussie. Cette union des mondes n’est d'ailleurs pas sans rappeler la mini-série Le Dixième Royaume (NBC, 2000) qui avait fait un travail excellent avec les contes, la série littéraire Les Chroniques de l'Imaginarium Geographica de James A. Owen (Simon & Schuster Books (US), 2006-2013 ; les deux premiers tomes sont parus chez Bayard Jeunesse en France en 2010-11), mais aussi la série télévisée Once Upon a Time - Il Était une Fois (ABC, 2011-2018).
La franchise Descendants s'est construite sur une stratégie marketing remarquable mêlant téléfilms, romans, albums musicaux, séries animées, accessoires de mode et jouets. En effet, le premier tome de la série littéraire sort le 1er juillet 2015 aux États-Unis. Pour connaître la suite, il fallait alors attendre le téléfilm Descendants, diffusé pour la première fois sur Disney Channel un mois à peine après la sortie du roman. Suite à cela, Melissa de la Cruz continue de narrer les aventures des héros dans le livre Descendants - Retour sur l’Île de L'Oubli (Disney•Hyperion (US) et Hachette Romans (France), 2016), dont l'intrigue se déroule durant la série animée Descendants : Génération Méchants (Disney Channel, 2015-2017). Le troisième tome, Descendants - L’Île de L'Oubli se Rebelle (Disney•Hyperion (US) et Hachette Romans (France), 2017), porte quant à lui sur des évènements précédant le premier roman. Descendants 2 (Disney Channel, 2017) rattrape donc le fil de l’histoire, avant la sortie du quatrième tome, Descendants - Panique sur l’Île de L'Oubli (Disney•Hyperion (US) et Hachette Romans (France), 2019). Finalement, le téléfilm Descendants 3 (Disney Channel, 2019) reprend le cours du récit à la télévision. Il est à noter que les deux premiers tomes de la série de Melissa de la Cruz ont été adaptés en romans graphiques en 2017 et 2019 chez Disney•Hyperion, avec une adaptation de Robert Venditti sur des dessins de Kat Fajardo et de Krzysztof Chalik.
Malgré le grand plaisir que procure ce roman, il comporte beaucoup d'erreurs. Tout d’abord dans la traduction française : les touches humoristiques sont souvent difficilement compréhensibles et sont traduites de façon bancale, les insultes proférées par les enfants sont inadaptées, le vocabulaire est trop souvent pauvre dans les dialogues, ce qui donne l’impression d’avoir voulu mâcher le travail au jeune lectorat de façon un peu exagérée, et surtout, l’auteure ne précise parfois pas qui parle, et il faut donc attendre deux lignes de dialogues pour le comprendre. Il est encore plus aisé de constater l'incidence de ces impairs en ayant lu la série L’École du Bien et du Mal de Soman Chainani (HarperCollins (US), 2013-2020 ; Pocket Jeunesse (France), 2015-2021) qui oppose également des méchants et des gentils non pas dans deux mondes, mais dans deux écoles distinctes, allié à un style littéraire de qualité.
À propos de ces erreurs et autres moments d'étrangeté, le roman comporte par exemple une scène dans laquelle des créatures menaçantes laissent les héros discuter de la meilleure marche à suivre sans les attaquer ni mot dire. La fin du roman, autrement dit l’accomplissement de la quête, est elle aussi quelque peu bâclée car l’obtention des objets est somme toute assez facile. Le téléfilm crée cependant une merveilleuse transition au récit et le lectorat retrouve les personnages qu’il a suivis grâce à des acteurs talentueux.
Cette première aventure romanesque dans l'univers des Descendants offre au lectorat une ouverture sur une histoire originale et inédite reprenant des personnages issus de toutes les époques de l'animation Disney. Malgré ses petits défauts, Descendants - L’Île de L'Oubli initie une franchise à ne pas manquer, qui permet de poursuivre les aventures de héros et de vilains bien connus à travers leur progéniture dans un monde plus contemporain.