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Parcs à Thème » Autres Resorts Disney dans le Monde

Disney Abu Dhabi
Le Tout Nouveau Resort Disney

L'article

rédigé par Geoffrey El Islami

Présents sur trois continents du globe, les Resorts Disney offrent des expériences immersives mémorables à tout visiteur passant les portes de leurs Parcs et univers magiques. Après avoir commencé par l'Amérique (Disneyland Resort, Walt Disney World Resort) dès les années 50 puis l’Asie en 1983 (Tokyo Disney Resort) et enfin l’Europe en 1992 (Disneyland Paris), la division Disney Parks & Experiences de The Walt Disney Company s’installera bientôt au carrefour touristique du monde arabe.

Annoncé dans la journée du 7 mai 2025, le prochain Resort Disney sera à Abou Dabi, émirat établi sur les rives méridionales du golfe Persique. Des raisons d’une installation en plein cœur du Moyen-Orient aux détails décryptés de concept arts du prochain Parc Disney en passant par les débuts d’une polémique grandissante, voici toutes les informations passées au crible de la prochaine destination de Mickey Mouse au Pays de l’Or Noir.

Une Annonce Surprenante Venue d'un Pays de Désert Infini

Ce n’est pas tous les jours que The Walt Disney Company annonce une nouvelle aussi retentissante que celle de l’ouverture d'un nouveau Resort. La dernière en date remonte en effet au 5 novembre 2010 où la firme au château enchanté annonçait la signature d’un contrat avec Shanghai Shendi Group pour la création de Shanghai Disney Resort, sixième Resort Disney, anticipant une ouverture à l'horizon 2015. Quinze ans plus tard, Bob Iger renouvelle donc l’opération en dehors de tout évènement d’envergure se prêtant à ce genre d’annonces comme une D23, une conférence de professionnels du milieu ou encore une assemblée générale d’actionnaires. Ainsi, le 7 mai 2025, quand le Président prend la parole sur les réseaux sociaux de l’entreprise pour dévoiler la prochaine destination Disney, il est précédé d’une introduction par Walt Disney, rappelant les principes établis pour Disneyland pour ensuite insister sur cette étape majeure dans l’expansion de la société créée cent-deux-ans auparavant.

En ces quelques mots, il résume la vision de ce nouveau projet, non sans faire quelques clins d’œil à des discours du passé : « Disneyland Abu Dhabi sera authentiquement Disney et distinctement Émirati. Une oasis de divertissement Disney extraordinaire dans ce carrefour du monde. Il donnera vie à nos personnages et histoires intemporels sous de nouvelles formes, devenant une source de joie et d’inspiration pour les habitants de cette vaste région… Pour des générations à venir. » (ou en version originale « Disneyland Abu Dhabi will be authentically Disney and distinctly Emirati. An oasis of extraordinary Disney entertainment at this crossroads of the world. It will bring to life our timeless characters and stories in many new ways, becoming a source of joy and inspiration for the people of this vast region to enjoy… for generations to come. »).

La nouvelle s’en est suivie d’un spectaculaire spectacle son et lumière dans la ville d’Abou Dabi, accompagné d’un orchestre d’une centaine de musiciens dirigé par le compositeur détenteur d’un Grammy Award, Steve Sidwell (aussi à l’origine de l’enregistrement de la piste sonore de La Parade des Rêves Disney à Disneyland Paris) sous une nuée de drones – 9 000 au total ! – représentant notamment le Cinderella CastleMagic Kingdom et Tokyo Disneyland) suivi d’une pluie de feux d’artifice. Pour accompagner cette annonce marketing, l’accroche « A Whole New World Awaits » ou en français « Un Tout Nouveau Monde Attend » est un habile rappel du titre A Whole New World (ou en français Ce Rêve Bleu) du film des Walt Disney Animation Studios Aladdin de 1992, s’inspirant du conte des Mille et une Nuits et du folklore du Moyen-Orient. Mais que cachent exactement les détails de cette annonce et pourquoi avoir choisi d’implanter un Resort Disney sous des latitudes proches de l’Équateur ? Quelques éléments de réponse sont ici proposés.

Abou Dabi ? Ah bon ? 

Températures extrêmes, climat désertique, tempêtes de sable ou encore pénurie d’eau, à première vue, Abou Dabi ne semble pas être une lieu de prédilection pour y implanter une destination familiale de qualité… Et pourtant ! Nombreux sont les pays du Golfe qui ont tenté d’attirer Disney dans ces terres arides, comme Dubaï dont les concept arts d’un Disneyland Dubaï avaient émergé sur Internet sans qu’aucun projet concret ne soit annoncé. Mais c’est un autre émirat qui a réussi là où d’autres ont échoué. Situé dans la péninsule Arabique, à mi-chemin entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique, Abou Dabi, capitale des Émirats arabes unis, s’est développé considérablement ces dernières années en faisant du tourisme un important moteur de son essor économique.

Avec son positionnement géographique stratégique, il est estimé qu’environ un tiers de la population mondiale se trouve à moins de quatre heures de vol des Émirats arabes unis et de ses deux aéroports principaux - ceux de Dubaï et d’Abou Dabi constituant le hub aérien le plus fréquenté au monde avec plus de 120 millions de touristes par an franchissant leurs portiques - tandis que des estimations du ministère du Tourisme prévoient l’accueil d’environ 39,3 millions de visiteurs annuels à l’horizon 2030 engendrant près de 90 milliards de dirhams, soit à peu près 21,7 milliards d‘euros. À cela, le PDG de The Walt Disney Company ajoute que le Resort serait situé à la confluence d’une région où plus d’un demi-milliard de la population aurait les moyens financiers nécessaires pour une visite chez Disney (il utilise cependant le terme anglais « income-qualified », une manière peu délicate de penser d’abord à la bourse des visiteurs avant toute chose). Enfin, Abou Dabi a su tirer son épingle du jeu en matière d’offre touristique qui se compose notamment de musées (Louvre Abu Dhabi, Guggenheim Abu Dhabi, musée national Zayed) mais aussi et surtout de parcs d’attractions comme Ferrari World Abu Dhabi ou encore Warner Bros. World Abu Dhabi. Disney Abu Dhabi, en projet depuis 2017 mais ayant véritablement pris forme l’année dernière, viendra donc compléter cette offre et sera géré par la même société que les autres parcs des environs : Miral.

Une Structure Financière Particulière Mais Pas Inédite

L’une des caractéristiques particulières de ce projet réside tout d’abord dans sa structure économique et financière, grâce au financement de Miral Group, l'entreprise émiratie établie aux Émirats arabes unis depuis 2014 et composée de trois divisions (Miral Destinations, Miral Experiences et Yas Asset Management) qui s’est ainsi depuis plus de dix ans évertuée à développer l’offre de divertissement de la ville d’Abou Dabi et ses environs. Dans le cas de Disney Abu DhabiThe Walt Disney Company n’agit donc ici qu’en tant qu’entreprise concédante, permettant à un autre groupe, ici Miral, d’utiliser son image, ses licences et bénéficiant de son savoir-faire. Ainsi, Disney Abu Dhabi ne coûtera pas un sou à Picsou, tandis que Miral Group, déjà propriétaire de plusieurs parcs à thèmes dans la région comme Yas Waterworld Abu Dhabi, Ferrari World Abu Dhabi ou encore Warner Bros. World Abu Dhabi, ayant ainsi acquis une certaine réputation dans le domaine et un savoir-faire utile pour ce nouveau chapitre des destinations labellisées Disney, financera la totalité du projet, de la construction à son opération journalière. La firme aux grandes oreilles, qui sera payée pour le développement créatif de la destination émiratie, récoltera également un pourcentage sur les ventes de billets d'entrée et sur les produits de merchandisage sous forme de royalties.

Cette configuration, qui n’est pas une première pour The Walt Disney Company puisque le cas existe également depuis 1983 avec Tokyo Disney Resort et sa collaboration avec la société de divertissement nippone Oriental Land Company, est un véritable atout pour la maison de Mickey qui ne sera pas contrainte par des limites financières. Elle pourra ainsi laisser le champ des possibles à l’imagination sans limites de Walt Disney Imagineering pour concevoir des expériences aux technologies de pointe, qui pourront par la suite, une fois les clauses d'exclusivité passées (à l’instar de TRON Lightcycle Power Run d’abord conçue exclusivement pour Shanghai Disneyland en 2016 qui s’est ensuite vue répliquée en 2023 sous le nom de TRON: Lightcycle / Run au Magic Kingdom floridien), bénéficier aux autres Resorts Disney du globe. Comme Walt Disney l’avait fait pour la Foire internationale de New York de 1964-1965 où différentes attractions (“it’s a small world”, Walt Disney's Carousel of Progress) devenues dorénavant incontournables avaient été entièrement financées par d’autres parties prenantes, Bob Iger y voit dans ce partenariat l’opportunité de se connecter à un nouveau public tout en continuant d’investir dans les autres Parcs de la compagnie (Interview CNBC Television, 2025).

Un Parc à Thèmes aux Contours Vagues Mais Résolument Innovants

Installé sur les rives du golfe Persique, sur l’île de Yas, une terre de 25 kilomètres carrés artificiellement créée en 2006 par les Émiratis d’abord pour le Grand Prix de Formule 1 d’Abou Dabi puis transformée à des fins purement de divertissement, située à une demi-heure du centre d’Abou Dabi et seulement une heure de Dubaï, Disney Abu Dhabi (le nom du Resort pour le moment), profitera d’un emplacement privilégié sur la côte donnant ainsi un cadre unique pour son Parc, Disneyland Abu Dhabi. Supposé être l’un des plus petits Parcs Disney à son ouverture, il sera grand par son innovation technologique et sa prouesse architecturale qui mêlera habilement le génie créatif des Imagineers et la riche culture émiratie. Comme l’a précisé Bob Iger, « Disneyland Abu Dhabi sera authentiquement Disney et distinctement Émirati » (ou dans sa version originale « Disneyland Abu Dhabi will be authentically Disney and distinctly Emirati ») une tournure de phrase dont il a usé - et abusé ! - pour la création d’un autre Resort, celui de Shanghai Disney Resort en 2016, lorsqu'il répéta maintes et maintes fois que Shanghai Disneyland « est authentiquement Disney et distinctement Chinois » (ou en anglais « is authentically Disney, distinctly Chinese »).

Semblant être une banale accroche marketing au premier abord, cette affirmation n’est pas si innocente qu’elle y paraît. Elle indique la vision créative qui portera les fondations de cette nouvelle destination touristique où un soin particulier sera apporté à l’intégration de la culture et l’histoire des Émirats arabes unis à travers son design, son architecture et son ambiance générale. En cela, si le nom de Disney en appelle à un public international, le Resort n’en oublie pas l’une de ses cibles principales qu’est la population locale. La firme n’impose pas ici un concept américain sans considération pour la culture de la région, comme elle l’avait fait en 2005 pour Hong Kong Disneyland, mais propose plutôt une révision de sa formule en y intégrant des éléments profondément ancrés dans l’histoire de la société locale et son innovation permanente.

Pour le moment, peu d’informations ont été divulguées quant au contenu réel du Resort et de son Parc à thèmes. Le Président de la division Disney Experiences, Josh D'Amaro, indique cependant que le complexe qui sera « une nouvelle frontière dans le développement des parcs à thèmes » promet d'être également « la destination la plus évoluée et la plus interactive de tout le portfolio ». Pour étayer son propos, deux concept arts ont été diffusés, créés par l'artiste en freelance Sean Burke (ayant aussi imaginé les concept arts du Land Zootopie pour Shanghai Disneyland) et l'Imagineer Greg Pro (derrière les concept arts de Tiana's Bayou Adventure ou Toy Story Playland à Magic Kingdom) qui, bien que vagues dans leur design, offrent des perspectives de réflexion pour tout fan de Parcs à thèmes Disney. Au premier coup d'œil, une première constatation flagrante peut être émise : le septième Parc Disney de type Royaume Magique réinvente la roue ! En effet, depuis 1955 et le Disneyland Park original, les Royaumes Magiques Disney (Magic KingdomTokyo Disneyland, Parc Disneyland, Hong Kong Disneyland) ont adopté un agencement similaire à une roue avec un hub central d'où rayonnent les différents Lands tout autour. En 2016, Shanghai Disneyland avait déjà amorcé cette réinterprétation de la formule de Walt Disney en proposant un Main Street, U.S.A. raccourci et transformé en Mickey Avenue et Gardens of Imagination. La forme circulaire reste visible et les différents Lands continuent d'opérer autour de ce centre névralgique, élargi et à sa thématique propre. Pour se démarquer, Disneyland Abu Dhabi va plus loin et offre une nouvelle configuration d’une recette qui pourtant fonctionne depuis soixante-dix ans.

Cette fois, point de zone central de ralliement et un château en guise de point de repère, car celui de Disneyland Abu Dhabi, selon le concept art diffusé, sera directement installé sur les berges du golfe Persique, comme un phare de verre résolument tourné vers l'avenir. Cet élément indispensable à tout Royaume Magique se voit ici réinventé avec une architecture ultramoderne, loin des châteaux traditionnels de Princesses Disney comme Le Château de la Belle au Bois Dormant ou le Cinderella Castle inspirés des forteresses royales européennes, ressemblant davantage aux bâtiments contemporains de la ville d'Abou Dabi twisté à la sauce Disney. Bob Iger a même indiqué qu’il s’agira du « premier château moderne jamais construit » par Walt Disney Imagineering. Le reste du Parc s'avère encore plus vague et abstrait. Une délimitation franche de « Lands » aux thématiques cohésives ne peut être déterminée tandis que les attractions-phares de type Space Mountain, Big Thunder Mountain Railroad ou "it's a small world" ne sont pas clairement visibles.

L'une des raisons à ce manque de weenies connus des fans (ces éléments architecturaux souvent de grande taille destinés à attirer le visiteur vers un Land comme les pitons rocheux de Big Thunder Mountain à Frontierland ou les navettes futuristes dorées d'Orbitron, Machines Volantes à Discoveryland du Parc Disneyland à Paris) peut se justifier par le caractère particulier des parcs à thèmes dans cette région du monde. Les chaleurs extrêmes obligent en effet la plupart des parcs à thèmes à proposer une majorité d'attractions en intérieur climatisé. C'est ainsi le cas de Warner Bros. World Abu Dhabi ou encore Ferrari World Abu Dhabi. Bien qu'un concept art composé uniquement de bâtiments aux intérieurs thématisés n'aurait ainsi que peu d'attrait, il est malgré tout possible d'identifier des zones en intérieur notamment sur la partie gauche avec un bâtiment circulaire ou à droite avec une structure rappelant la GRID de TRON Lightcycle Power Run à Shanghai Disneyland. Ce postulat a d’ailleurs été confirmé par Miral qui indique que la destination sera majoritairement en intérieur. D’autres formes semblent se distinguer çà et là, comme une montagne sur le côté droit ou des montagnes russes futuristes en haut à gauche, mais rien ne peut être confirmé à ce stade précis. En parallèle, la vidéo d’annonce de ce nouveau complexe a été entrecoupée d’images de franchises et de licences qui pourraient potentiellement être intégrées à Disneyland Abu Dhabi comme Le Roi Lion (1994), Zootopie (2016), La Reine des Neiges (2013), Tron ou encore Avatar mais aussi des attractions (Avatar Flight of Passage, Millennium Falcon: Smugglers Run, Guardians of the Galaxy: Cosmic Rewind, Journey of Water, Inspired by Moana, Mickey & Minnie’s Runaway Railway, TRON Lightcycle / Run) montrant le large éventail de choix dans le portfolio de Walt Disney Imagineering.

Le deuxième concept art montre le fameux château d’inspiration moderne, posé sur sa base et aux tourelles ressemblant à des pétales de fleurs stylisées translucides. Ce qui ressemble à l’étoile filante passant au-dessus recréant le logo iconique des Walt Disney Studios et par extension, de The Walt Disney Company, pourrait aussi être les limites d’un dôme couvrant la structure royale et le reste du Parc puisque celui-ci sera majoritairement en intérieur. D’ailleurs, la conjonction des deux concept arts en révèle davantage. Les deux présentent en effet la même forme en arc de cercle, l'un créant une délimitation franche entre le parc et le reste de l'île, l'autre servant de dôme au-dessus du château : l'édifice royal serait-il la porte d'entrée à ce parc en intérieur ? Josh D’Amaro à la tête de la division Experiences de The Walt Disney Company, a cependant affirmé que de nouvelles informations seront dévoilées bientôt. En somme, prévu pour accueillir également des hôtels, des boutiques et des restaurants, Disney Abu Dhabi s'impose comme une destination de choix pour tous les adeptes de la signature Disney.

L’Éthique Sans Tact

Comme pour tout projet, des polémiques ont vite émergé dans le capharnaüm des réseaux sociaux et à raison. D’ordre majoritairement éthique, beaucoup de questionnements pointent en effet du doigt la localisation étonnante choisie par The Walt Disney Company pour y établir sa prochaine destination familiale. Si l'argument de l’attrait touristique de la région peut être aisément compris, la politique locale en matière de droits de l’homme est loin d'être conforme aux standards occidentaux de la firme aux grandes oreilles. Pour transformer cette étendue de sable d’or sous un soleil de plomb en villes ultramodernes aux gratte-ciels figurant parmi les plus hauts au monde, les Émirats arabes unis, impatients de se développer grâce à l’or noir pompé dans leurs riches sous-sols, ont en effet dû mettre en place une politique migratoire régulée par la Kafala, un système de partenariat employeur/employé permettant la venue sur leur territoire d’une main-d’œuvre étrangère, majoritairement originaire d’Asie du Sud-Est comme le Pakistan, le Bangladesh ou même d’Inde, à qui est promis un avenir radieux grâce à des salaires bien plus importants que dans leurs pays d’origine. Mais à quel prix ? À leur arrivée sur le territoire, leurs passeports et papiers d’identité sont pour le plus souvent confisqués par leurs patrons puis ils se retrouvent entassés dans des dortoirs bondés pour enchaîner des journées de plus de dix heures avec peu ou pas de jours de repos. Mais si certains souhaitent se rebeller en se syndicalisant - ou pire ! - en faisant grève, ils se retrouvent incarcérés voire expulsés du pays. Selon Amnesty International, 57 bangladais ont été arrêtés en juillet 2024 pour avoir manifesté, menant à un verdict sans appel de la part de la Cour d’appel fédérale d’Abou Dabi : trois d’entre eux sont emprisonnés à vie, les cinquante-quatre autres encourent dix ou onze ans de prison.

Cette atteinte flagrante aux droits fondamentaux humains, comme le droit à la liberté d’expression parmi tant d’autres, classe les Émirats arabes unis dans le bas du panier dans le classement du Human Rights Index 2024, cependant bien au-dessus de la Chine, qui accueille également un Resort Disney sur ses terres encore plus imperméables aux droits de la personne. Pendant la construction de ce dernier, des syndicats chinois ont pointé du doigt certaines pratiques de fournisseurs locaux en lien avec le projet n'appliquant pas la réglementation du travail, en imposant des horaires prolongés, des salaires bas et une exposition accrue à des produits chimiques. Si le seul nom de Disney ne suffit visiblement pas à élever les standards de vie d’une main-d’œuvre exploitée dans un pays où ceux-ci sont déjà très bas, la compagnie se défend de prendre en compte et d'enquêter toute supposée atteinte aux droits des travailleurs tout en mettant en place les aides nécessaires aux intermédiaires d’entreprises pour se conformer aux régulations locales. Il est évidemment attendu que ces normes de la société occidentale soient appliquées dans la construction de Disney Abu Dhabi et que ce sujet ô combien important ait été sur la table des négociations dès le premier jour.

Une autre thématique, aussi des plus sensibles, est celle des droits de la communauté LGBTQ. S'il y a bien une communauté qui chérit les valeurs de The Walt Disney Company tant elle se retrouve dans la diversité des personnages et les messages d'amour et d'acceptation glissés dans leurs histoires, c'est bien celle des minorités sexuelles et de genre. C'est donc un euphémisme de dire que les membres de cette communauté ont été choqués, voire indignés de cette annonce d'implantation dans un pays où leur existence même est un crime. Car en effet, si The Walt Disney Company peut imposer des conditions de travail plus humaines pour la main-d'œuvre du chantier de Disney Abu Dhabi, le sujet devient plus épineux quand il s’agit de discriminations liées à l’orientation sexuelle des futurs visiteurs et employés. Selon Equaldex, une ressource de référence pour les droits LGBTQ à travers le monde, le constat aux Émirats arabes unis est effrayant. C'est bien simple, toute activité homosexuelle est formellement interdite, illégale et passible de la peine de mort. Dès lors, toutes les discriminations qui en découlent (à l'emploi, à l'accession à la propriété) ne sont évidemment pas reconnues, laissant les victimes de ces actes sans recours possible et une proie facile pour leurs tortionnaires. Les Émirats arabes unis sont aussi parmi les premiers à boycotter les productions cinématographiques, de The Walt Disney Company y compris, lorsque celles-ci vont contenir des éléments contraires à leur vision, comme Buzz l'Éclair en 2022 à cause d'un baiser entre deux femmes d'une demi-seconde ou Spider-Man: Across the Spider-Verse en 2023 à cause de l'apparition d'un drapeau « Protect Trans Kids » (« Protéger les Enfants Transgenres »).

Au regard de ces éléments, des questions se posent quant à un accord entre deux parties prenantes, The Walt Disney Company et le gouvernement émirati, portant des valeurs contraires sur ce sujet si important. La firme aux grandes oreilles aurait-elle eu des garanties sur ce sujet pendant les négociations ? Il va sans dire que ce sujet est primordial pour Disney et plus encore pour la division Experiences qui, dans ses propres Parcs, applique une politique dite des « Cinq Clés », pentacle de valeurs essentielles au bon fonctionnement des Destinations Disney, incluant la sécurité, la courtoisie, le spectacle, l'efficacité et l'inclusivité. Or, comment cette dernière pourrait-elle être appliquée dans un pays où elle est jugée illégale ? Ou ont-ils fait une croix sur l’inclusivité sur l’autel de la performance financière ? Si l’argument économique, plus fort que celui de la morale, aura eu visiblement raison de la décision finale d’ouvrir le septième Resort Disney aux Émirats arabes unis, il reste maintenant à espérer que la présence de Disney, synonyme de diversité et de progrès, sur ces terres, puisse ouvrir la voie à une évolution du regard sur ces points cruciaux des droits fondamentaux humains.

Une autre valeur bafouée par ce projet implique celle de la politique environnementale de la compagnie. Évidemment, il va sans dire que construire à partir de rien une destination Disney impacte fatalement l'environnement et la course contre le réchauffement climatique. Dès lors, des mécanismes de compensation peuvent entrer en jeu pour réduire cedit impact. Mais engager un chantier en plein milieu d'un désert où les températures avoisinent le plus souvent les 40-50 degrés, parmi les plus élevées sur la planète Terre, n'est pas la définition d'un projet développé dans un esprit de conscience écologique et dans une approche axée sur le développement durable. Cette contrainte thermique a pour conséquence un agencement profondément différent de l’espace de ces parcs à thèmes. Avec des températures en hiver atteignant les plus de trente degrés pendant qu'en été, les records dépassent les cinquante degrés, il est ainsi logique que la prochaine destination Disney sera majoritairement en intérieur, comme l'a précisé Mohamed Al Zaabi, Président Directeur Général : « Comme vous le savez, nous avons créé tous nos parcs à l'intérieur. Donc Disney sera aussi un parc à thèmes en intérieur. ».

Sans parler du coût énergétique de telles installations, des interrogations émergent quant au désastre écologique de complexes en intérieur entièrement climatisés 24 h sur 24, 7 jour sur 7. Si l’émirat envisage d’atteindre une émission nette nulle d'ici l'horizon 2050, la transition vers des énergies renouvelables s’est déjà amorcée avec un objectif de production d’énergie propre établi à 50 % d’ici 2030 pendant que The Walt Disney Company ambitionne d’acheter 100 % de son électricité à une source neutre en carbone à cette même date. Écoblanchiment ou véritable volonté environnementale, la construction et l'opération journalière de Disneyland Abu Dhabi seront sans aucun doute sous l'étroite surveillance d'un public sensible à la cause environnementale.

Un Succès Tout Tracé ?

Dans la région, beaucoup d'autres se sont essayés au jeu du divertissement familial afin de proposer des expériences toutes aussi immersives qu'inédites. À Dubaï par exemple, Universal avait annoncé en 2007 son grand projet d'Universal Studios Dubailand, avec un investissement massif de plus de deux milliards de dollars pour attirer environ cinq millions de visiteurs. Dès l'année suivante, le chantier fait un début timide en commençant par les arches iconiques des Parcs Universal, un élément reconnaissable qui deviendra plus tard le symbole d'un projet avorté. La crise économique de 2008 met en effet un coup d'arrêt au projet, repoussant son ouverture en 2012 pour finalement être officiellement annulé en 2016, laissant les seules arches mythiques flanquées dans le sable chaud dubaïote. Entre-temps, le projet de Dubailand dont Universal Studios Dubailand devait fait partie, doit être révisé pour proposer un projet plus modeste pour s'adapter à la réalité du marché. Bollywood Parks Dubai, un parc à thèmes inspiré de l'univers cinématographique indien, a eu plus de chance en ouvrant ses portes en 2016 mais dut les fermer sept années plus tard en 2023 par manque d'attrait touristique. Il rouvre cependant ses portes l'année suivante, complètement réimaginé avec le thème - très évocateur ! - du club de football du Real Madrid sous le nom de Real Madrid World.

Malgré ces quelques échecs, les Émirats arabes unis, et plus précisément l’Émirat d’Abou Dabi, n'ont eu de cesse de développer leur offre de divertissement familial, ouvrant parc après parc de Ferrari World en 2010 à SeaWorld Abu Dhabi en 2023 en passant par Yas Waterworld en 2013 ou encore Warner Bros. World Abu Dhabi en 2018. Si ces parcs sont réputés pour leurs attractions à grande vitesse et leurs univers immersifs en intérieur, souvent acclamés par la critique et les professionnels du milieu, ils n’en sont pas moins désespérément vides. Par exemple, selon la presse, Ferrari World atteint son millionième visiteur en 2014, soit près de quatre années après son ouverture, pendant que Yas Waterworld a franchi ce même cap cinq ans après son inauguration. Les autres parcs comme Warner Bros. Abu Dhabi World affichent eux une fréquentation de 1,5 million notamment en 2023. S’il est difficile de connaître les chiffres réels de fréquentation pour ces destinations touristiques, la presse locale a communiqué sur le nombre de visiteurs de Yas Island sur l'année 2023 : selon l'Arabian Travel Market, un évènement annuel organisé à Dubaï réunissant les professionnels du tourisme au Moyen-Orient, l'île artificielle aurait attiré près de 34 millions de visiteurs en 2023 tandis que CNBC annonce le nombre de 38 millions de visiteurs pour 2024 !

Si aucune date de début de construction ou d'ouverture n'a été encore révélée, Bob Iger a précisé qu'il faut « typiquement entre 18 mois et deux ans pour imaginer [une destination de type Resort avec Parc] et environ cinq années pour construire [la destination] mais nous ne faisons aucun engagement pour le moment » tout en sachant que le projet, dans les esprits depuis 2017, a véritablement été décidé l’année dernière tandis que les Imagineers sont déjà en train de plancher sur l’aspect créatif de Disney Abu Dhabi. Certains noms d'artistes des rangs de Walt Disney Imagineering ont par ailleurs déjà été annoncés sur le projet, comme Bruce Vaughn, Chef Créatif Exécutif aux bureaux de Flower Street à Glendale, Tom Fitzgerald, créateur de CinéMagique (Parc Walt Disney Studios) entre autres et Zach Riddley, tête pensante derrière la transformation d'EPCOT pour le 50e anniversaire de Walt Disney World Resort. Quand certains papiers envisagent une ouverture pour l’horizon 2030, il faut savoir rester prudent et attendre des éléments davantage concrets sur ce sujet. Miral et The Walt Disney Company sont au moins d’accord sur un délai : aussi vite que possible !

Après avoir pris par surprise le monde entier et plus particulièrement sa communauté de fans par une annonce inattendue dans un recoin du monde attractif touristiquement mais posant de nombreux problèmes éthiques, The Walt Disney Company est en train de vivre, sans nul doute, un tournant majeur dans son histoire. Des plantations d'orangers californiens aux polders japonais en passant par les champs de betteraves marnais, Mickey s'attaque à une « nouvelle frontière », vers la magie des puits d’Orient, au cœur d'un désert aride aux sous-sols hydrocarburés. Si Disney ne financera pas d'un dirham ce mégaprojet de Disney Abu Dhabi dont les promoteurs semblent avoir des ressources illimitées, sont-ils prêts à payer le prix moral incombant à des pratiques et des visions contraires à leur éthique ? Seul l'avenir peut le dire, car une chose est sûre : quand Bob Iger assurait haut et fort qu’il « ne semblait pas y avoir meilleur endroit qu’Abou Dabi pour un Parc Disney », il n’a sûrement pas dû chercher bien loin. Mais attention, comme le dit si bien la chanson : « Pour le fou qui se perd, au cœur du désert, fatal est l’amour » ... de l’argent !

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