Sur la Route des Éléphants

Titre original :
In the Footsteps of Elephant
Production :
Disneynature
Date de mise en ligne USA :
Le 3 avril 2020 (Disney+)
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Vanessa Berlowitz
Tom Stephens
Musique :
Ramin Djawadi
Durée :
88 minutes

Le synopsis

Les réalisateurs d'Éléphants proposent aux spectateurs de découvrir l'envers du décor de la réalisation du film en les suivant à travers le désert du Kalahari. Le groupe doit ainsi s'adapter au climat extrême, à des terrains inaccessibles, à des eaux infestées de crocodiles et à des groupes de lions pour arriver à mettre en lumière ces créatures remarquables et leur incroyable voyage migratoire, qu'ils effectuent annuellement depuis des générations...

La critique

rédigée par
Publiée le 23 juin 2020

Sur la Route des Éléphants s'inscrit dans la lignée de La Reine de la Montagne et de Nés en Chine : Histoires d'un Tournage, un film sur un film. Il propose ainsi de plonger dans les coulisses du tournage d'Éléphants en revenant sur l'incroyable aventure humaine des cinéastes tout en montrant leur immense respect envers cet animal qu'est l'éléphant.

En 2008, The Walt Disney Company renoue avec le genre du documentaire animalier que le papa de Mickey lui-même avait décidé de populariser quelques 60 ans auparavant. Passionné de flore et de faune, Walt Disney peut, en effet, être considéré comme le pionnier du documentaire animalier grand public. Dès 1948, il met ainsi en chantier la collection des True-Life Adventures dont les courts et longs-métrages seront multi-oscarisés. Cette série, inaugurée avec le mini documentaire L'Ile aux Phoques, constitue d'ailleurs la première véritable incursion de la compagnie au château enchanté dans la production de films "live". Elle comporte un total de sept courts-métrages dont La Vallée des Castors (1950) ou La Terre, Cette Inconnue (1951) avant de s'ouvrir, en 1953 avec Le Désert Vivant, au format des longs-métrages. Ce dernier devient, à partir de cette date, la norme de production des True-Life Adventures et concerne, au final, six œuvres dont La Grande Prairie (1954) ou Le Grand Désert Blanc (1958). Au total, en comptant les courts et longs-métrages, la série aura gagné en tout pas moins de huit Oscars !

La renaissance de la production de documentaires axés sur la nature et les animaux sauvages au sein du catalogue Disney est due à l'initiative du français Jean-François Camilleri. Alors manager de la filiale hexagonale de Walt Disney Studios Motion Pictures, il a, en effet, en 2005, la brillante idée d'accorder sa confiance à un jeune réalisateur tricolore, Luc Jacquet, en acceptant de produire son premier film, La Marche de l'Empereur. Le pari est osé. Proposer sur grand écran et à destination du grand public un long-métrage documentaire animalier sur la vie des manchots empereurs vivant en Antarctique apparaît, il est vrai, à l'époque comme un rêve doux-dingue, caprice d'un producteur en mal de respectabilité auprès de l'intelligentsia hexagonale, sacrifiant pour une fois la recherche du seul profit commercial sur l'autel de l'expérimentation cinématographique. L'avenir prouvera le parfait contraire. Seul contre tous, Jean-François Camilleri démontre l'incroyable potentiel du genre, confirmant son rang dans le milieu du cinéma français de producteur hexagonal à part entière, véritable découvreur de talents. La réussite commerciale de La Marche de l'Empereur est, en effet, loin d'être un succès d'estime. En France, le film taquine allègrement les deux millions d'entrées ! Le résultat est tel que l'intérêt de proposer le documentaire à l'export apparaît vite évident. Comble de l'ironie, le marché américain lui ouvre rapidement ses portes, mais sans Disney. La maison mère de la filiale française menée par Jean-François Camilleri fait, en effet, la fine bouche et refuse cette histoire de manchots incongrue. Warner Bros., elle, sent le joli coup venir et accepte de distribuer le film sur le sol américain. Il devient vite à l’époque le plus gros succès pour un long-métrage français en Amérique du Nord. Il remporte même l'Oscar du Meilleur Documentaire, véritable pied de nez à la France qui lui a refusé le moindre César. Devant l'ironie de l'histoire, Jean-François Camilleri ne prend pas ombrage et pardonne à sa tutelle son erreur d'appréciation. Il la comprend même tant son pari était osé... Il entend d'ailleurs l'aider à la réparer et à l'amener à occuper enfin le terrain du documentaire grand public, à destination des salles obscures. Il crée pour cela une société de production spécifique, Disney Nature Productions, qui présente ainsi un premier long-métrage en 2007, Le Premier Cri, film ethnologique sur la naissance à travers le monde, beaucoup moins abordable qu'un simple documentaire animalier. Il continue ensuite de faire confiance à Luc Jacquet et distribue son deuxième long-métrage, Le Renard et l'Enfant, un docu-fiction axé sur l'amitié entre une petite fille et une renarde. L'œuvre très personnelle séduit à nouveau le public français.

Patiemment, le patron alors remuant de la filiale française convainc sa maison-mère d'investir le marché. Elle accepte finalement de créer un nouveau label de films à l'instar de Disney, Touchstone Pictures ou Hollywood Pictures. Disneynature est ainsi présenté mondialement en avril 2008. Basé en France, il est logiquement dirigé par Jean-François Camilleri et poursuit deux objectifs : distribuer des productions "maison" à l'international et productions étrangères aux États-Unis. Les premiers chantiers sont déjà sur les rails. Le programme est alléchant. Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants sort ainsi en décembre 2008, suivi par Pollen et Félins en 2011, Chimpanzés en 2012, Grizzly en 2014, Au Royaume des Singes en 2015, Nés en Chine en 2016, L'Empereur en 2017, Blue en 2018 et Penguins en 2019. Par ailleurs, le film britannique Un Jour sur Terre est distribué aux États-Unis en 2009 sous label Disneynature, ainsi que le film français Océans en 2010. Enfin, en 2016, il propose son premier film directement en sortie digitale, Grandir, suivi un an plus tard par La Reine de la Montagne et Nés en Chine : Histoires d'un Tournage.

Mais voilà, malgré la qualité de ses films, Disneynature voit irrémédiablement ses résultats au box office diminuer de sortie en sortie ; le tout dernier, Penguins, atteignant à peine sept millions de dollars. Son échec financier semblait ainsi entériner un avenir bien sombre pour le label Disneynature né en France. Déjà, le public s'était visiblement lassé des documentaires animaliers au cinéma. Ensuite, le rachat d'une partie de 21st Century Fox par The Walt Disney Company, acté en mars 2019, faisait rentrer dans le giron de Disney la très forte et iconique marque National Geographic. Il paraissait alors évident que Disney n'avait aucun intérêt à garder deux labels de documentaires, surtout quand l'un d'eux est largement moins connu que l'autre. Le départ de The Walt Disney Company de Jean-François Camilleri, créateur du label à l'iceberg, en mars 2019 semblait d'ailleurs valider ce constat. La mort de Disneynature ne serait sans doute jamais officielle mais le label aurait pu s'éteindre en catimini comme d'autres anciens studios Disney à l'image de Touchstone ou Hollywood Pictures ; ses sorties au cinéma n'étant désormais plus rentables malgré leurs faibles coûts de production. Coup de théâtre, le salut vient en 2020 après le lancement de la plateforme Disney+ !

L'ouverture historique le 12 novembre 2019 de Disney+, une plateforme de service de vidéo à la demande par abonnement créée par The Walt Disney Company, est en effet un tournant aussi stratégique qu'historique pour le studio aux grandes oreilles. Actant le nouveau comportement des (télé)spectateurs qui délaissent la télévision linéaire pour un nouveau type de consommation de flux audiovisuels, Disney+ a alors deux objectifs. D'une part, elle remplacera à terme les sorties en vidéo des films cinéma sur support physique dont le grand public s'est détourné, préférant en majorité l'achat en digitalisé. D'autre part, elle permettra à Disney de revenir sur des genres de films qu'il avait désertés en salles faute de succès ou d'appétit suffisant des spectateurs. Les films à petit budget, qui étaient proposés il y a encore quelques années sur grand écran, sont donc désormais réorientés pour une sortie directement sur la plateforme. Le choix est compréhensible car le public préfère malheureusement se déplacer en salles de plus en plus pour des franchises qu'il connaît bien. Les studios Disney se contentent alors de lancer au cinéma uniquement des films à gros budgets, certes aux risques plus importants mais aux retours sur investissement conséquents. Disney+ est donc l'écrin idéal pour accueillir les films Disneynature, ce qui paradoxalement leur donnera plus de visibilité ; les familles hésitant à dépenser le prix d'une place de cinéma pour un "simple" documentaire. Ainsi le 3 avril 2020, ce sont pas moins de quatre films originaux du label Disneynature qui se voient proposés sur la plateforme ; Éléphants et les documentaires making-of comme le fut La Reine de la Montagne : Plongée dans le Monde des Dauphins, Les Manchots : Une Vie à Risque, Sur la Route des Éléphants. Sont également ajoutés Penguins, qui n'avait pas eu droit à une édition vidéo, ainsi que Blue, qui était sorti au cinéma uniquement en France (et qui donc doit patienter pour intégrer le catalogue de Disney+ dans l'hexagone compte tenu de l'effet de l'anachronique règle de la chronologie des médias).

Sur la Route des Éléphants est donc réalisé par Vanessa Berlowitz.
Vanessa Berlowitz est dans la vie l'épouse de Mark Linfield, le réalisateur d'Éléphants. Si elle a beaucoup travaillé avec son mari sur les projets télévisés, notamment les séries Planète Terre et Terres de Glace, elle signe ici sa première participation à un long-métrage Disneynature en co-réalisant avec son mari Éléphants. Elle se voit aussi confier la réalisation, mais en tant que première réalisatrice, du long-métrage making-of de l'aventure du tournage, Sur la Route des Éléphants.
Sur ce film, elle est elle-même secondée par Tom Stephens. Il s'agit pour lui de sa première réalisation même s'il a été assistant-réalisateur sur Éléphants. Avant cela, il a travaillé en tant que producteur, cadreur et cinéaste sur l'émission sérialisée Night Stalkers et l'émission spéciale Night of the Hunt, toutes deux pour National Geographic.

Sur la Route des Éléphants est vraiment le miroir de son film de référence, Éléphants ; en cela qu'il raconte la même histoire en utilisant le même déroulé mais en levant le voile sur ce qu'il se passe derrière la caméra. Le film raconte ainsi ce que les cinéastes ont vu et ont ressenti pour rapporter les fabuleuses images du long-métrage Disneynature. Avec ce making-of, le spectateur n'apprendra donc rien de nouveau par rapport au film originel mais il en ressortira pourtant tout aussi touché. D'ailleurs, peut-être encore plus que dans Éléphants, il se rend compte de l'équilibre précaire où se trouvent les éléphants d'Afrique. La protection de leur habitat est en effet un combat de tous les instants, dont malheureusement peu se soucient. Leur sanctuaire naturel semble encore protégé mais pour combien de temps ? Les besoins agraires de l'homme ainsi que le changement climatique modifient, il est vrai, lentement mais sûrement leur environnement. Des films comme Éléphants et Sur la Route des Éléphants permettent ainsi de bien mettre en avant la beauté de cette espèce mais aussi l'incroyable dévouement de ceux qui essaient de les protéger.

Mark Linfield, le réalisateur d'Éléphants, commence à narrer les aventures du tournage depuis leur point de départ dans le Delta de l'Okavango où il font appel au cinéaste Mike Holding, qui connaît bien les lieux pour avoir filmé la région pendant vingt ans. Afin de les aider à trouver les éléphants et à organiser l'aspect logistique de l'expédition, il débute ainsi par un repérage en avion. Et dès ces première images, le spectateur est ébahi par la beauté de l'étendue sauvage qui lui est montrée. Malheureusement pour l'équipe Disneynature, y circuler, surtout pour transporter du matériel de tournage, est loin d'être une sinécure. Les cinéastes ont par exemple dû customiser leur voiture tout-terrain afin de pouvoir rouler sur les terres marécageuses et boueuses, ceci afin de rejoindre l'emplacement choisi pour installer, et ce pour plusieurs semaines, le campement. Dès le début du de tournage, les cinéastes se révèlent chanceux puisque le cameraman Martyn Colbeck arrive à filmer les premiers pas d'un nouveau-né, un éléphanteau d'à peine quelques heures.

L'un des plus grand atouts de l'équipe pour la réussite du projet est sûrement l'aide apportée par Mike Chase, un biologiste spécialiste des éléphants et qui étudie ces animaux depuis plus de dix ans. Mike, dont la famille vit au Botswana depuis cinq générations, possède en effet une fondation qui recueille et sauve les éléphanteaux qui ont été perdus par leur clan, souvent à cause de la perte de leur habitat, ou alors rendus orphelins à cause du braconnage. Le scientifique suit aussi les troupeaux avec des puces GPS qu'il a placées sur certains des animaux pour comprendre comment ils vivent et ils migrent, notamment leur voyage du Botswana vers l'Angola, la Namibie ou la Zambie, le tout en traversant le désert du Kalahari. Il va ainsi aider les cinéastes Disneynature en localisant un troupeau mené par une matriarche qui fait traverser les siens sur de longues distances. Localisé, ce groupe permet alors à l'équipe de choisir leurs personnages principaux pour leur long-métrage et de bien mettre en avant l'incroyable aventure que vivent ces pachydermes lors de leur traversée du désert. Mais avant cela, pendant qu'ils sont encore dans le Delta, ils vont aussi en profiter pour tourner dans l'eau, grâce au cameraman sous-marin Roger Horrocks, et ainsi voir comment les animaux créent des canaux naturels lors de la montée des eaux. Il ne s'agit pas là non plus d'une mince affaire, car ces étendues aquatiques sont dangereuses à cause de la présence d'hippopotames et de crocodiles.

Quand la migration des éléphants commence, les cinéastes vont donc les suivre à travers leur périple. Et ce n'est pas chose aisée : les pachydermes peuvent en effet parcourir jusqu'à cinquante kilomètres par jour. Pour réussir à soutenir le rythme tout en les filmant, ils ont employé du matériel ultra-perfectionné comme l'explique le jeune cameraman Tom Walker. Ils ont ainsi installé une caméra stabilisée, utilisée normalement pour les prises de vue aériennes, à l'avant de leur camion, et ont donc pu proposer des images très nettes au plus près des animaux.
Lors de leur expédition, l'équipe rencontre aussi les docteurs Graham McCulloch et Anna Songhurst, d'autres spécialistes des éléphants, qui essayent de les aider à trouver quels corridors de terre le groupe d'éléphants qu'ils pistent va prendre pour traverser le désert et se rendre aux Chutes Victoria. Une fois sur place, l'équipe Disneynature ramène ainsi des visuels des chutes vraiment bluffants, tout ceci grâce à un drone hors de prix. Toujours sur la piste des éléphants, ils reprennent ensuite le chemin en sens inverse, mais cette fois-ci en traversant la terre des lions. Une partie de l'équipe s'est d'ailleurs faite une petite frayeur en se retrouvant coincée dans une voiture en attendant que des félins, qui chassaient à proximité de leur campement, s'en aillent. Finalement, après douze mois de tournage, les cinéastes reviennent au point de départ, non sans avoir filmé l'arrivée des premiers écoulement d'eaux qui vont former le Delta de l'Okavango. Celui-ci s'assèche en effet toutes les ans pour se reformer l'année suivante et offrir ainsi à la faune paradis et abondance.

Sur la Route des Éléphants est un documentaire qui arrive à retranscrire à merveille l'aventure humaine derrière le tournage d'un film animalier. Le long-métrage est particulièrement touchant car le spectateur ressent vraiment l'attachement de l'équipe aux animaux qu'elle observe. Comme elle, quand un troupeau d'éléphants fait le deuil d'un de leurs semblables en inspectant ses ossements, il est impossible pour le spectateur de ne pas être ému. Il faut dire que les éléphants sont décidément très expressifs.

Sur la Route des Éléphants réussit parfaitement son objectif : donner envie de protéger l'espèce extraordinaire qu'est le plus grand mammifère terrestre au monde.

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