Les Manchots
Une Vie à Risque

Titre original :
Penguins : Life on Edge
Production :
Disneynature
Date de mise en ligne USA :
Le 3 avril 2020 (Disney+)
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Alastair Fothergill
Jeff Wilson
Musique :
Dan Berridge
Durée :
78 minutes

Le synopsis

Pour mettre en image Penguins, des cameramans d’élite affrontent les rigueurs de l’Antarctique, bravent des températures de -40°C, des vents d’une puissance digne d’un ouragan et l’odeur plus qu’incommodante d’un million de manchots...

La critique

rédigée par
Publiée le 31 mai 2020

Les Manchots : Une Vie à Risque s'inscrit dans la lignée de La Reine de la Montagne et Nés en Chine : Histoires d'un Tournage, un film sur un film. Il propose ainsi de plonger dans les coulisses du tournage de Penguins en revenant sur l'incroyable aventure humaine des cinéastes tout en rendant hommage à la beauté de la nature.

En 2008, The Walt Disney Company renoue avec le genre du documentaire animalier que le papa de Mickey lui-même avait décidé de populariser quelques 60 ans auparavant. Passionné de flore et de faune, Walt Disney peut, en effet, être considéré comme le pionnier du documentaire animalier grand public. Dès 1948, il met ainsi en chantier la collection des True-Life Adventures dont les courts et longs-métrages seront multi-oscarisés. Cette série, inaugurée avec le mini documentaire L'Ile aux Phoques, constitue d'ailleurs la première véritable incursion de la compagnie au château enchanté dans la production de films "live". Elle comporte un total de sept courts-métrages dont La Vallée des Castors (1950) ou La Terre, Cette Inconnue (1951) avant de s'ouvrir, en 1953 avec Le Désert Vivant, au format des longs-métrages. Ce dernier devient, à partir de cette date, la norme de production des True-Life Adventures et concerne, au final, six œuvres dont La Grande Prairie (1954) ou Le Grand Désert Blanc (1958). Au total, en comptant les courts et longs-métrages, la série aura gagné en tout pas moins de huit Oscars !

La renaissance de la production de documentaires axés sur la nature et les animaux sauvages au sein du catalogue Disney est due à l'initiative du français Jean-François Camilleri. Alors manager de la filiale hexagonale de Walt Disney Studios Motion Pictures, il a, en effet, en 2005, la brillante idée d'accorder sa confiance à un jeune réalisateur tricolore, Luc Jacquet, en acceptant de produire son premier film, La Marche de l'Empereur. Le pari est osé. Proposer sur grand écran et à destination du grand public un long-métrage documentaire animalier sur la vie des manchots empereurs vivant en Antarctique apparaît, il est vrai, à l'époque comme un rêve doux-dingue, caprice d'un producteur en mal de respectabilité auprès de l'intelligentsia hexagonale, sacrifiant pour une fois la recherche du seul profit commercial sur l'autel de l'expérimentation cinématographique. L'avenir prouvera le parfait contraire. Seul contre tous, Jean-François Camilleri démontre l'incroyable potentiel du genre, confirmant son rang dans le milieu du cinéma français de producteur hexagonal à part entière, véritable découvreur de talents. La réussite commerciale de La Marche de l'Empereur est, en effet, loin d'être un succès d'estime. En France, le film taquine allègrement les deux millions d'entrées ! Le résultat est tel que l'intérêt de proposer le documentaire à l'export apparaît vite évident. Comble de l'ironie, le marché américain lui ouvre rapidement ses portes, mais sans Disney. La maison mère de la filiale française menée par Jean-François Camilleri fait, en effet, la fine bouche et refuse cette histoire de manchots incongrue. Warner Bros., elle, sent le joli coup venir et accepte de distribuer le film sur le sol américain. Il devient vite à l’époque le plus gros succès pour un long-métrage français en Amérique du Nord. Il remporte même l'Oscar du Meilleur Documentaire, véritable pied de nez à la France qui lui a refusé le moindre César. Devant l'ironie de l'histoire, Jean-François Camilleri ne prend pas ombrage et pardonne à sa tutelle son erreur d'appréciation. Il la comprend même tant son pari était osé... Il entend d'ailleurs l'aider à la réparer et à l'amener à occuper enfin le terrain du documentaire grand public, à destination des salles obscures. Il crée pour cela une société de production spécifique, Disney Nature Productions, qui présente ainsi un premier long-métrage en 2007, Le Premier Cri, film ethnologique sur la naissance à travers le monde, beaucoup moins abordable qu'un simple documentaire animalier. Il continue ensuite de faire confiance à Luc Jacquet et distribue son deuxième long-métrage, Le Renard et l'Enfant, un docu-fiction axé sur l'amitié entre une petite fille et une renarde. L'œuvre très personnelle séduit à nouveau le public français.

Patiemment, le patron alors remuant de la filiale française convainc sa maison-mère d'investir le marché. Elle accepte finalement de créer un nouveau label de films à l'instar de Disney, Touchstone Pictures ou Hollywood Pictures. Disneynature est ainsi présenté mondialement en avril 2008. Basé en France, il est logiquement dirigé par Jean-François Camilleri et poursuit deux objectifs : distribuer des productions "maison" à l'international et productions étrangères aux États-Unis. Les premiers chantiers sont déjà sur les rails. Le programme est alléchant. Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants sort ainsi en décembre 2008, suivi par Pollen et Félins en 2011, Chimpanzés en 2012, Grizzly en 2014, Au Royaume des Singes en 2015, Nés en Chine en 2016, L'Empereur en 2017, Blue en 2018 et Penguins en 2019. Par ailleurs, le film britannique Un Jour sur Terre est distribué aux États-Unis en 2009 sous label Disneynature, ainsi que le film français Océans en 2010. Enfin, en 2016, il propose son premier film directement en sortie digitale, Grandir, suivi un an plus tard par La Reine de la Montagne et Nés en Chine : Histoires d'un Tournage.

Malgré la qualité de ses films, Disneynature voit irrémédiablement ses résultats au box office diminuer de sortie en sortie ; le tout dernier, Penguins, atteignant à peine sept millions de dollars. Son échec financier semblait ainsi entériner un avenir bien sombre pour le label Disneynature né en France. Déjà, le public s'était visiblement lassé des documentaires animaliers au cinéma. Ensuite, le rachat d'une partie de 21st Century Fox par The Walt Disney Company, acté en mars 2019, faisait rentrer dans le giron de Disney la très forte et iconique marque National Geographic. Il paraissait alors évident que Disney n'avait aucun intérêt à garder deux labels de documentaires, surtout quand l'un d'eux est largement moins connu que l'autre. Le départ de The Walt Disney Company de Jean-François Camilleri, créateur du label à l'iceberg, en mars 2019 semblait d'ailleurs valider ce constat. La mort de Disneynature ne serait sans doute jamais officielle mais le label aurait pu s'éteindre en catimini comme d'autres anciens studios Disney à l'image de Touchstone ou Hollywood Pictures ; ses sorties au cinéma n'étant désormais plus rentables pour le label malgré ses faibles coûts de production. Coup de théâtre, le salut vient en 2020 après le lancement de la plateforme Disney+ !

L'ouverture historique le 12 novembre 2019 de Disney+, une plateforme de service de vidéo à la demande par abonnement créée par The Walt Disney Company, est en effet un tournant aussi stratégique qu'historique pour le studio aux grandes oreilles. Actant le nouveau comportement des (télé)spectateurs qui délaissent la télévision linéaire pour un nouveau type de consommation de flux audiovisuels, Disney+ a alors deux objectifs. D'une part, elle remplacera à terme les sorties en vidéo des films cinéma sur support physique dont le grand public s'est détourné, préférant en majorité l'achat en digitalisé. D'autre part, elle permettra à Disney de revenir sur des genres de films qu'il avait désertés en salles faute de succès ou d'appétit suffisant des spectateurs. Les films à petit budget, qui étaient proposés il y a encore quelques années sur grand écran, sont donc désormais réorientés pour une sortie directement sur la plateforme. Le choix est compréhensible car le public préfère malheureusement se déplacer en salles de plus en plus pour des franchises qu'il connaît bien. Les studios Disney se contentent alors de lancer au cinéma uniquement des films à gros budgets, certes aux risques plus importants mais aux retours sur investissement conséquents. Disney+ est donc l'écrin idéal pour accueillir les films Disneynature, ce qui paradoxalement leur donnera plus de visibilité ; les familles hésitant à dépenser le prix d'une place de cinéma pour un "simple" documentaire. Ainsi le 3 avril 2020, ce sont pas moins de quatre films originaux du label Disneynature qui se voient proposés sur la plateforme ; Éléphants et les documentaires making-of comme le fut La Reine de la Montagne : Plongée dans le Monde des Dauphins, Les Manchots : Une Vie à Risque, Sur la Route des Éléphants. Sont également ajoutés Penguins, qui n'avait pas eu droit à une édition vidéo, ainsi que Blue, qui était sorti au cinéma uniquement en France (et qui donc doit patienter pour intégrer le catalogue de Disney+ dans l'hexagone compte tenu de l'effet de l'anachronique règle de la chronologie des médias).

Les Manchots : Une Vie à Risque est réalisé par Alastair Fothergill et Jeff Wilson.
Alastair Fothergill débute à la télévision anglaise sur des documentaires animaliers. Il investit ensuite vite le grand écran, sur le même créneau et toujours avec succès. Ce scénariste et réalisateur britannique est ainsi à l’origine du long-métrage La Planète Bleue, de la série télévisée Planète Terre ainsi que du film dérivé de celle-ci, Un Jour sur Terre (celui-là même distribué par Disneynature aux États-Unis). L’homme et le label commencent alors une jolie collaboration qui aboutit aux réalisations de Félins, ChimpanzésGrizzly, Au Royaume des Singes, Blue, Penguins et Les Manchots : Une Vie à Risque.
Sur Les Manchots : Une Vie à Risque précisément, Alastair Fothergill est secondé par Jeff Wilson qui réalise ici son deuxième long-métrage pour le label après Penguins. Avant cela, l'homme se cantonnait à la seule production de documentaires animaliers pour la télévision.

Pour ramener les images de Penguins, l'équipe du film va affronter le continent le plus froid du globe dans des conditions extrêmes. Plus de vingt cameramans ont essayé de retranscrire la vie des manchots Adélie de la façon la plus détaillée possible. Ils parcourent ainsi de grandes étendues afin de trouver les meilleurs endroits où se trouvent les oiseaux. Et à chaque fois, ils doivent faire parvenir des tonnes de matériels dont des caméras ultra-perfectionnées pour rapporter des images les plus magnifiques et précises possible. Le tournage s'appuie alors sur une centaine de personnes de huit nationalités différentes, beaucoup étant des scientifiques présents dans les bases permanentes du continent blanc. Le film Les Manchots : Une Vie à Risque est ainsi un condensé de l'aventure humaine qu'ont vécue les cinéastes. Comme son film de référence, le documentaire des coulisses s'avère aussi amusant, montrant notamment les membres de l'équipe fêter le réveillon de Noël ou alors tenter de supporter les odeurs pestilentielles des excréments de manchots ou des flatulences des éléphants de mers. Le long-métrage questionne également. Si les images ramenées sont d'une beauté indiscutable, est-ce que le fait même d'aller dans l'un des rares sites protégés de la planète n'est pas un non-sens écologique qui contredit le message porté par le film ? Les moyens matériels et humains sont en effet vraiment énormes et doivent à l'évidence troubler d'une manière ou d'une autre la faune locale, malgré toutes les précautions que l'équipe prend pour préserver l'environnement. Pour autant, il ne faut pas enlever au film son incroyable portée artistique comme scientifique qui permet au plus grand nombre d'être témoin d'un miracle de la nature.

Les cinéastes de Penguins se sont divisés en trois groupes pour aller chercher les images du film. Les premiers partent au cap Crozier, le point le plus à l'est de l'île de Ross, dans l'Antarctique. Ce lieu accueille il est vrai la plus grande colonie de manchots Adélie au monde, où l'espèce vient se reproduire lors d'un rite annuel se déroulant à chaque printemps. Le cameraman Mark Smith ainsi que le réalisateur Jeff Wilson atterrissent donc dans une petite montagne désertique afin de préparer leur abri avant l'arrivée des oiseaux pour leur nidification. Ils doivent en effet apporter une partie du matériel à proximité de la colonie afin de ne pas le trimbaler tous les jours. Il faut dire que la météo, même en plein été austral, est particulièrement changeante. Des tempêtes de neiges dont certaines vraiment violentes peuvent survenir d'une heure à l'autre et si l'équipe se retrouve coincée loin du camps, la vie de ses membres peut se trouver en danger. Ces bourrasques de vent intenses peuvent ainsi durer de quelques heures à plusieurs jours ! Après deux mois de tournage, les deux hommes sont remplacés par une nouvelle équipe composée de Matt Aeberhard et Julie Monière qui continueront à scruter la vie des manchots avec pour mission principale de filmer un oisillon qui sort de sa coquille. Enfin, pour la dernière étape, celle de la mue des petits avant leur grand plongeon dans l'océan, Matt se voit remplacé par Sophie Darlington.

La deuxième équipe part en direction de la base française de Dumont d’Urville (souvent surnommée DDU), où les manchots Adélie côtoient les manchots empereurs. Les premiers cinéastes à arriver à destination par avion sont Rolf Steinmann et Max Hug-Williams, qui ne transportent que quelques habits et une petite caméra. Ils précédent le reste de l'équipe qui vient elle en bateau avec le brise-glace, L'Astrolabe, qui apporte également vivres et matériels aux habitants et scientifiques de DDU. Parmi les cameramans sur le navire, se trouve ainsi Didier Noirot, un cinéaste français spécialiste des tournages sous-marins qui a déjà été vu dans le documentaire Plongée dans le Monde des Dauphins. Ce dernier a pour mission de ramener des images des manchots prises sous la banquise. Il va y réussir de façon extraordinaire, rapportant des séquences aussi belles qu'époustouflantes grâce à l'aspect cristallin de l'eau australe. Le reste de l'équipe tente lui de filmer des scènes aussi drôles qu'intenses. Par exemple, il est amusant de voir ce petit manchot Adélie faire sa loi dans une colonie de manchots empereurs dont l'espèce est pourtant bien plus grande que lui. Un moment plus exaltant encore se produit quand les cinéastes qui, tout en étant à la surface, filment via une caméra sous-marine et tombent nez-à-nez avec des orques aussi impressionnants que fascinants.

La troisième et dernière équipe de tournage se rend sur l’île Avian, de l'autre côté du continent, où aucun documentariste ne s’était jamais rendu auparavant. Les cameramans sont alors dirigés par le cinéaste expérimenté John Aitchison, le chef de plongée Doug Anderson et le cameraman Jamie McPherson, ces deux derniers ayant déjà été vus eux aussi dans Plongée dans le Monde des Dauphins. Le but de cette équipe est de filmer la toute première fois où les jeunes manchots plongeront dans la mer. Pour partir au large avant l’hiver, ils doivent en effet slalomer entre les fragments de glace et les prédateurs qui les guettent notamment les léopards des mers. Une des difficultés que les cinéastes ont ainsi dû gérer lors du tournage est le fait de filmer les prédateurs qui ont tendance à apparaître et à disparaître de façon aléatoire. Ils ont tout de même pu ramener des images saisissantes de ce moment-clé dans le cycle de naissance des manchots, juste avant leur entrée dans la vie d'adulte.

Les Manchots : Une Vie à Risque est un documentaire qui présente bien les étapes du tournage du film Penguins et l'aventure humaine nécessaire pour y arriver. Pour autant, par rapport à La Reine de la Montagne, Nés en Chine : Histoires d'un Tournage ou Plongée dans le Monde des Dauphins, d'autres making-of Disneynature, il déçoit quelque peu car il n'apprend au final rien de plus que le long-métrage d'origine. Le propos est aussi légèrement ennuyeux, alors qu'inversement l'environnement est sûrement l'un des plus hostiles jamais exploré par une équipe du label. Au final, Les Manchots : Une Vie à Risque est peut-être l'un des films les plus décevants du studio à l'iceberg.

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