Le Manoir Hanté

Deuxième adaptation de la célèbre attraction de Disneyland, Le Manoir Hanté est un film assez déroutant. Trop effrayant pour les enfants mais trop sage pour les adultes, il ne semble jamais décider quelle est la cible de son public. Il a également du mal à démarrer, plombé par des personnages pour la plupart caricaturaux. Pour autant, il arrive tout de même à se démarquer grâce à son héros qui sait se montrer incroyablement attachant et étonnamment émouvant tandis que son méchant, lui, est véritablement charismatique ; sans oublier bien sûr le mystère qui plane autour de la demeure puis naturellement les nombreux clins d'œil truculents aux attractions californienne comme floridienne.

Le Manoir Hanté est donc une adaptation cinématographique d'une attraction d'un Parc Disney. Ce n'est pas la première fois que le studio aux grandes oreilles s'inspire de la sorte. Il faut, en effet, remonter à 1997 pour voir le premier du genre avec le téléfilm La Tour de la Terreur, aussi connu sous le titre français Les Fantômes d'Halloween, qui adapte l'attraction The Twilight Zone Tower of Terror de Disney's Hollywood Studios à Walt Disney World Resort en Floride, et se voit diffusé sur ABC dans l'émission The Wonderful World of Disney. En 2002, Walt Disney Pictures sort, cette fois-ci au cinéma, Les Country Bears, dérivé de Country Bear Jamboree présent notamment au Magic Kingdom à Walt Disney World Resort. L'année 2003 fait ensuite exploser le genre avec Le Manoir Hanté et les 999 Fantômes inspiré de The Haunted Mansion au Disneyland Park en Californie et au Magic Kingdom mais surtout Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl basé sur l'attraction Pirates of the Caribbean présente dans de nombreux Parcs Disney, du Disneyland Park en Californie au Parc Disneyland à Disneyland Paris. Le film est un tel succès qu'il ouvre la voie à une saga en ayant droit à quatre suites : Pirates des Caraïbes : Le Secret du Coffre Maudit (2006), Pirates des Caraïbes : Jusqu'au Bout du Monde (2007), Pirates des Caraïbes : La Fontaine de Jouvence (2011) et Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar (2017), ainsi qu'un court-métrage, Les Fiancées du Capitaine Jack Sparrow (2011). Enfin, et même s'il ne se base pas sur une attraction en particulier, À la Poursuite de Demain, sorti en 2015, rend particulièrement hommage aux Parcs Disney que ce soit via le Land Tomorrowland ou l'attraction ‘‘it's a small world''. Les studios Disney reviennent ensuite au genre en 2021 avec Jungle Cruise, adapté de l'attraction éponyme présente dès l'ouverture du Parc californien en 1955.

L'attraction Haunted Mansion est l'une des plus populaires du Disneyland Park. L'idée d'une maison hantée remonte en effet aux premiers concept arts de Disneyland, avant même la construction du Parc. En 1952, Walt Disney demande ainsi à l'artiste Harper Goff, responsable entre autres de l'apparence du Nautilus dans le film de 1954 20 000 Lieues Sous les Mers, de lui proposer des croquis pour une attraction d'une maison hantée où les visiteurs se déplaceraient à pied. Prévu à l'origine pour être situé dans le Land Main Street U.S.A., le projet est mis de côté avant qu'il ne soit finalement décidé de l'installer dans le nouveau Land New Orleans Square, inspiré du Quartier français de La Nouvelle-Orléans, qui ouvre en 1966. Les histoires de fantômes étant monnaie courante dans la célèbre ville louisianaise, ce nouvel univers semble en effet tout désigné pour devenir l'écrin de l'aventure horrifique. Mais Walt Disney décide que la ruine de la demeure soit cantonnée aux espaces intérieurs, invisibles des allées dans lesquelles déambulent les foules afin de ne pas en briser la magie. Dès lors, avec la construction du nouveau Land s'érige un magnifique manoir de style néoclassique antebellum, typique des plantations du sud des États-Unis. Les travaux de l'attraction commencent dès 1961 tandis que l'extérieur est terminé en 1963 ; les premiers concepts de l'attraction étant présentés à la télévision en 1965 dans l'épisode Disneyland 10th Anniversary de l'émission d'anthologie Walt Disney's Wonderful World of Color. Mais les projets de la Foire Internationale de New York de 1964 puis la mort de Walt Disney retardent considérablement son développement, laissant ainsi le manoir vide pendant de nombreuses années. Aucun projet concret ne semble se matérialiser et les Imagineers restent seuls à poursuivre ce travail qui, pour peu, aurait très bien pu ne jamais aboutir.

Mais les artistes persévèrent et parviennent à ordonner leurs idées. Les deux principaux concepteurs, Claude Coats et Marc Davis, ont d'ailleurs deux visions opposées du déroulement de l'attraction. Le premier l'envisage comme une suite de scènes inquiétantes au ton très sombre, tandis que le second préfère les voir peuplées de personnages marquants pour possiblement en faire le théâtre de situations burlesques. Un troisième Imagineer, Xavier Atencio, auquel revient entre autres l'écriture des dialogues, parvient à rendre ces deux visions complémentaires tout en y apportant une musicalité unique et identitaire. Le résultat est donc une visite dont les premières minutes dégagent une atmosphère angoissante, allant d'une salle qui s'étire verticalement à une galerie dont les portraits se transforment, jusqu'à l'entrée vers un couloir sans fin ou à une série de portes émettant des cris. Tout au long de ces scènes, une voix appartenant au Ghost Host, un hôte fantôme servant de guide, imaginé par Atencio et joué par Paul Frees, commente avec un humour noir tout ce qui s'offre aux yeux des visiteurs. Ceux-ci découvrent ensuite une séance de spiritisme menée par l'extralucide Madame Leota, dont le visage est celui de l'Imagineer Leota Toombs mais la voix celle de l'actrice Eleanor Audley. Madame Leota invite ainsi les esprits à se matérialiser si bien que la visite prend un ton plus enjoué, avec des fantômes se retrouvant dans des situations plus ou moins comiques dans une salle de bal, un grenier obscur et enfin un immense cimetière dans lequel se joue un grand morceau musical composé par Atencio, appelé Grim Grinning Ghosts, devenu depuis emblématique du lieu. L'attraction nommée The Haunted Mansion ouvre finalement ses portes en 1969 au Disneyland Park.

Le développement de Walt Disney World Resort en Floride est l'occasion d'en créer une deuxième version, conçue quasiment en même temps que la première. Située à Liberty Square, un Land dédié aux temps coloniaux de l'histoire des États-Unis, sa façade emprunte cette fois-ci davantage à l'architecture néogothique typique des rives de l'Hudson. L'attraction reprend en grande partie le déroulement de la première, mais bénéficie de quelques scènes supplémentaires, comme une bibliothèque abritant une collection de bustes aux regards fixés sur ceux qui les observent ou encore un concerto au piano interprété par… une ombre. Cette version du Magic Kingdom se voit ensuite clonée pour l'ouverture de Tokyo Disneyland en 1983, cette fois-ci se situant à Fantasyland. Un choix qui peut paraître curieux au premier abord, mais qui s'explique par le fait que pour le public de l'archipel, les fantômes relèvent du même folklore que les contes européens. Une tendance commence alors à se dessiner : The Haunted Mansion n'est jamais située dans le même Land et son architecture peut radicalement changer si besoin. Ainsi, des versions différentes du manoir hanté Disney vont continuer à s'exporter en gardant le même paradigme de changement de Land : d'abord à Disneyland Paris dans le Parc Disneyland en 1992 au sein du Land Frontierland en prenant le nom de Phantom Manor et en proposant un récit profondément modifié ; puis à Hong Kong Disneyland en 2013 dans le Land Mystic Point sous le nom de Mystic Manor tout en ayant la particularité de ne proposer aucun fantôme en son sein.

Bien avant Le Manoir Hanté, l'attraction The Haunted Mansion a donc été déjà adaptée en long-métrage en prises de vues réelles en 2003 avec Eddie Murphy dans le premier rôle et Rob Minkoff à la réalisation. Sorti la même année qu'une autre adaptation d'une attraction culte, Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl, Le Manoir Hanté et les 999 Fantômes est alors conspué par la critique tandis que son box-office est décevant, rapportant à peine 182 millions de dollars dans le monde pour 90 millions de dollars de budget. Néanmoins, comme Hocus Pocus - Les Trois Sorcières, dix ans plus tôt, ce long-métrage gentiment horrifique va peu à peu gagner un statut culte pour la génération des 8 / 12 ans l'ayant découvert à sa sortie en salle, ou plus tard en vidéo ou lors de sa diffusion à la télévision. Rien d'étonnant ainsi qu'un reboot finisse par être annoncé... Mais entre-temps, un programme spécial de 45 minutes autour des Muppets sort autour de l'attraction phare des Parcs Disney. Disney+ propose en effet en 2021 l'excellent et hilarant Muppets Haunted Mansion, mélangeant parodies, calembours et émotions le tout avec un zeste de folie si caractéristique des Muppets.

En attendant, en juillet 2010, Walt Disney Pictures allèche le public en dévoilant le développement d'une nouvelle production avec Guillermo del Toro en tant que scénariste et producteur. L'artiste, futur réalisateur de La Forme de l'Eau - The Shape of Water, veut que le récit se place dans une réalité augmentée, et non dans le vrai monde, tout en centrant le scénario autour du personnage du Fantôme à la Boîte à Chapeaux, le fameux Hatbox Ghost. Il cherche également que le nouveau film soit autant effrayant que divertissant mais avec l'ambition que les moments terrifiants le soient réellement. En juin 2011, l'Imagineer Jason Surrell rejoint le projet en tant que consultant créatif. Guillermo del Toro propose finalement son script en août 2012 aux studios Disney ; l'histoire telle qu'imaginée alors se veut nécessiter un accord parental pour les enfants de moins de treize ans. En juillet 2013, l'artiste annonce qu'il ne réalisera pas le film même s'il reste impliqué dans sa conception. Pourtant, le projet tombe dans les limbes. Il faut attendre août 2020 pour en réentendre parler. Guillermo del Toro a, depuis, quitté le développement tandis que Katie Dippold, scénariste du controversé S.O.S. Fantômes en 2016, est choisie pour réécrire le script de del Toro jugé par Disney trop effrayant pour un public familial. Dan Lin et Jonathan Eirich prennent, quant à eux, le poste de producteurs et Justin Simien se charge, lui, de la réalisation dans ce qui constitue son troisième film après Dear White People (2014) et Bad Hair (2020).

Pour les passionnés de Disney, il est impossible de ne pas faire la comparaison entre les deux films tournant autour de l'attraction The Haunted Mansion, surtout que tous deux portent le même titre en anglais. Et force est de constater qu'ils sont foncièrement différents. Celui de 2003 était clairement destiné aux enfants, choix discutable, surtout vu la thématique du long-métrage, mais clairement efficace d'un point de vue marketing ; l'opus ayant réussi à être légèrement bénéficiaire malgré les critiques négatives qu'il avait reçues à l'époque. Le film de 2023 est, pour sa part, bien plus ambivalent dans la cible de son public, ce qui constitue sans doute son plus gros problème. Il ne sait, en fait, jamais à qui il s'adresse ! Il peut proposer plusieurs scènes effrayantes où le spectateur sursaute sur son siège. Un enfant de moins de dix ans risque d'ailleurs de faire des cauchemars à la suite de la séance. Mais d'un autre côté, l'adulte, lui, trouvera l'ensemble bien trop gentillet et timoré dans le côté horrifique. Cet état de fait rappelle quelques errances de films Disney remontant au début des années 1980 comme Les Yeux de la Forêt (1981) ou La Foire des Ténèbres (1983). Le Manoir Hanté, version 2023, manque en plus d'accroches et de personnage identifiable pour un enfant ; le jeune Travis étant beaucoup moins attachant que Megan et Michael dans la version de 2003. En revanche, l'humour fonctionne bien mieux que dans la première adaptation même s'il n'est pas extraordinaire. La comédie n'est clairement pas son atout principal : elle repose en effet surtout sur des personnages secondaires joués par des acteurs comiques iconiques, qui ne sont pas fatalement au meilleur de leur forme. Tous campent des personnages caricaturaux et déjà-vus, même s'ils parviennent globalement à se rendre amusants. Finalement, le spectateur sort de la séance en se demandant à qui est réellement destiné ce nouveau long-métrage. La réponse est plutôt aux pré-adolescents de 10 / 14 ans ainsi qu'aux fans de l'attraction Disney.

Le Manoir Hanté possède donc un récit en dent de scie, dont le découpage en trois actes est clairement identifié. L'histoire met ainsi un peu de temps à décoller le temps de présenter les différents protagonistes, notamment Ben, le héros du film et guide paranormal de profession, ainsi que Gabbie et Travis, les nouveaux propriétaires de ce manoir à nul autre pareil. Il viendra se rajouter à ce trio le prêtre Kent, la médium Harriet et l'historien Bruce. Néanmoins, le point de départ de ce rassemblement d'iconoclastes est plutôt bien trouvé comme la raison qui les fait se réunir malgré eux sous le même toit sans possibilité de se soustraire à l'invitation ou d'échapper au danger qui rôde. Le deuxième acte va ensuite tenter de creuser le mystère qui entoure la maison hantée. C'est durant cette partie que les scènes les plus effrayantes sont proposées, tension retombant malheureusement à plat une fois sur deux en raison d'un humour imposé et fort mal géré. Néanmoins, les énigmes et les explications proposées sont plutôt intéressantes et maintiennent durablement l'attention. Surtout que cette enquête est accompagnée d'une visite en bonne et due forme du manoir permettant d'aller de pièces en pièces, explorant les couloirs sans fin, les passages secrets, le grenier inquiétant ou le cimetière surpeuplé. Arrive alors le dernier acte du film, plus traditionnel dans son déroulé mais réellement épique et haletant. Dans son dernier tiers, l'ambiance est vraiment excellente. Le public s'étonne à être complètement pris dans le récit et vibre enfin avec les personnages, chacun étant utilisé à bon escient. Surtout que la menace est particulièrement crédible, efficace et dangereuse. La fin propose en plus une jolie surprise grâce à un petit retournement de situation.

Le Manoir Hanté, version 2023, arrive pourtant à étonner sur un élément où personne ne l'attendait : l'émotion. Le scénario construit, parfois laborieusement dans son premier tiers, un cheminement étrangement poignant qui explose avant la conclusion. Il aborde ainsi le thème du deuil, de la perte, de la culpabilité et de la façon dont les vivants apprennent à survivre une fois l'être aimé parti. Le scénario est plutôt subtil car il distille ces réflexions au travers de plusieurs personnages. Pourtant, c'est réellement lors d'une scène en particulier que l'émotion atteint son paroxysme et explose de façon inattendue. Le spectateur s'étonne à être incroyablement touché par le récit d'un personnage et à comprendre sa peine. Cela change alors totalement l'impression qu'il pouvait avoir de lui tant cela lui apporte une profondeur insoupçonnée. De plus, la séquence lance l'excellent dernier acte et sème les graines d'un joli retournement de situation qui va pimenter encore plus les choses. Plusieurs personnages vont ainsi devoir faire des choix entre vivre dans le regret et le passé ou alors aller de l'avant et choisir d'embrasser un futur incertain mais qui mérite d'être vécu.

Mais la véritable réussite de cette nouvelle adaptation de The Haunted Mansion est clairement sa lettre d'amour à l'attraction. Les clins d'œil sont non seulement légion mais admirablement agencés, le tout de façon bien plus convaincante que dans le film de 2003. Il serait d'ailleurs laborieux de tout lister tant les hommages sont nombreux. Il est certain, en tous les cas, que les attractions de Californie et de Floride sont superbement représentées tandis les fans de la version parisienne ne reconnaîtront que les éléments communs à leurs cousines américaines. Ainsi, l'apparence extérieure de la demeure est celle du Disneyland Park tandis qu'il est possible de retrouver plusieurs pièces iconiques comme celle où les murs s'allongent avec ses portraits macabres qui révèlent la façon dont les modèles des tableaux sont morts. La visite comprend également l'immense salle à manger où les fantômes improvisent un bal dansant, le grenier où une étrange mariée s'avère particulièrement dangereuse et aussi la pièce circulaire où se déroule la séance de spiritisme. Les fans Disney retrouveront également des personnages iconiques comme Madame Leota, la voyante dont le visage est visible dans sa boule de cristal, ou encore les Hitchhiking Ghosts, les trois esprits auto-stoppeurs. Les clins d'œil sont aussi présents via de nombreux objets comme par exemple les peintures décorant les murs du manoir ou l'horloge au cadran avec 13 heures. En fait, le passionné de Parcs aura plaisir à regarder chaque plan afin de trouver toutes les références, réellement très nombreuses. Le film s'est même fait plaisir en proposant un joli caméo musical adressé à une autre attraction phare de Disney, ‘‘it’s a small world’’.

Le casting de cette nouvelle adaptation de The Haunted Mansion est mitigé. Globalement plus intéressant que celui du film de 2003, il ne peut éviter l'écueil de proposer quelques personnages caricaturaux même si certains parviennent à sortir du lot.
LaKeith Stanfield, connu pour les films Selma (2014) ou À Couteaux Tirés (2019) tout comme la série FX Atlanta (2016), interprète le héros de l'histoire, Ben Matthias. Cet ancien scientifique, expert en optique, a vu sa vie tomber en lambeau à la suite d'un évènement tragique. Il est désormais un guide pour touristes faisant découvrir les soi-disant fantômes du Quartier Français de La Nouvelle-Orléans. Difficile pour lui de se montrer convaincant alors qu'il est totalement désabusé, ne croyant pas une seconde aux apparitions paranormales. Mais tout change lorsqu'il est embauché pour une étonnante mission d'exorcisme… Le personnage s'avère ainsi particulièrement bien écrit et étonnamment attachant. Un peu rustre au premier abord, il cache une personnalité profondément brisée et son parcours dans le film est vraiment touchant.
Rosario Dawson, la fameuse Ahsoka dans la série éponyme Star Wars de 2023, est Gabbie, la mère de famille qui vient d'acheter cet étrange manoir, malheureusement hanté. Si son personnage est celui qui va cimenter le groupe d'iconoclastes qu'elle va former, il faut bien avouer qu'elle reste un peu effacée tout au long du film. La mère de famille est ainsi le personnage le plus lisse et le plus terne du casting. Étant intelligente et sensée, toujours la tête sur les épaules, son manque de folie par rapport aux autres membres du casting fait qu'elle passe un peu inaperçue et n'arrive jamais à se rendre attachante.
Il en est de même de son fils, Travis, joué par le jeune Chase W. Dillon. Seul enfant du casting, il est le garçon typique, solitaire et bon élève qui ne sait pas se faire d'amis. Maladroit socialement, il manque aussi de courage dans la vie et n'arrive pas à apprendre comment aller vers les autres et s'en faire aimer. Mais voilà, il n'est malheureusement pas assez drôle, attachant ou intéressant pour que le jeune public s'identifie à lui à la différence des deux jeunes héros du film de 2003 qui dégageaient de vraies personnalités.

Le reste du groupe est formé de personnages hauts en couleur mais clairement caricaturaux.
Owen Wilson est ainsi Kent, un prêtre exorciste qui ne semble pas avoir une foi inébranlable ni dans ce qu'il fait, ni dans sa religion. L'acteur, qui a déjà été vu notamment dans les films Touchstone Armageddon (1998) ou Shanghai Kid (2000), le film Disney Le Tour du Monde en Quatre-vingts Jours (2004), les films 20th Century Studios La Nuit au Musée (2006) ou Marley & Moi (2008) tout comme la série Marvel Studios Loki (2021) mais aussi en prêtant sa voix à Flash McQueen dans la saga des films d'animation Pixar Cars, reprend ici son rôle habituel de comique. C'est certes toujours un plaisir de le revoir dans ce genre de prestation mais il ne réserve plus aucune surprise.
Le constat est le même avec Danny DeVito qui tient le rôle de Bruce, un historien spécialiste des vieilles demeures de La Nouvelle-Orléans et des alentours. Le célèbre acteur, court sur pattes (il en joue) qui est visible dans de nombreux films, notamment le Touchstone Y'a-t-il Quelqu'un Pour Tuer Ma Femme ? (1986) et les Disney Dumbo (2019) et Le Seul et Unique Ivan (2020), s'avère toujours aussi amusant sans forcément pousser très loin son talent.
Tiffany Haddish est, quant à elle, Harriet, une voyante extra-lucide qui communique avec les morts. Excentrique et extravagante, elle est à la fois incroyablement caricaturale sans pour autant en faire des tonnes. Elle arrive au final à être gentiment amusante.

Parmi les spectres et autres créatures paranormales, il sera apprécié la présence de l'actrice Jamie Lee Curtis, déjà vue dans les films Disney Freaky Friday : Dans la Peau de ma Mère (2003) ou Le Chihuahua de Beverly Hills (2008), qui tient ici le rôle de Madame Leota, la voyante enfermée dans sa boule de cristal. Elle semble particulièrement s'amuser à interpréter ce célèbre personnage.
Jared Leto, vu récemment dans l’infâme Morbius (2022), est ici méconnaissable en tant que Fantôme de la Boîte à Chapeaux. Son histoire est incroyablement complexe et parfaitement bien écrite. Le spectateur la découvre avec plaisir au fur et à mesure du film. Il s'agit sans aucun doute du personnage le plus intéressant de la nouvelle adaptation et qui permet de rendre le fameux Hatbox Ghost de l'attraction encore plus iconique.

Visuellement, Le Manoir Hanté de 2023 est une belle réussite. La direction artistique propose ainsi une superbe photographie ainsi que des décors de toute beauté. Le manoir, aussi bien de l'intérieur comme de l'extérieur, est superbe, adaptant à merveille le travail des Imagineers Disney. Il faut également saluer les effets spéciaux, nombreux et impressionnants, menés par DNEG et Industrial Light & Magic. Que cela soit les fantômes, les pièces qui se déforment et les autres éléments surnaturels, le film est un régal pour les yeux. De même, il est un bonheur pour les oreilles. Le compositeur Kris Bowers propose une musique efficace qui sait parfaitement souligner l'action ou l'émotion d'une scène tout en reprenant les musiques emblématiques de l'attraction qui font que le fan Disney (mais aussi le simple visiteur d'un Parc Disney) n'est jamais dépaysé.

Le choix de sortie du film est en revanche assez étonnant. Qu'il soit proposé au cinéma est en soi une excellente nouvelle, car découvrir sur grand écran ce genre de long-métrage est un pur bonheur. Surtout que son budget conséquent de 150 millions de dollars nécessite qu'il puisse se rentabiliser sur le long terme. Néanmoins, ce qui surprend est sa date d'arrivée en salle. Le Manoir Hanté a en effet vraiment tout du film d'Halloween. Tout comme l'était Hocus Pocus - Les Trois Sorcières en 1993... et qui avait été un échec en salles avant de devenir culte grâce à la télévision et la vidéo. Il est donc vraiment étonnant de sortir Le Manoir Hanté en plein été, dans une période où les enfants n'ont pas fatalement envie de se faire peur. À moins que le calcul des studios Disney soit tout autre… Peut-être qu'ils envisagent déjà que le long-métrage passera inaperçu en salles – et force est de constater que Le Manoir Hanté ne semble pas provoquer une attente insoutenable des spectateurs, comme un bon nombre de blockbusters au cours de l'été 2023 d'ailleurs. Aussi, la date de sortie au cinéma va permettre de faire connaître le film et préparer ainsi son arrivée sur Disney+ pour Halloween où il aura plus de chance de trouver son public. Il suffit de voir comment Hocus Pocus 2, proposé sur Disney+ fin septembre 2022, est devenu un des longs-métrages de streaming les plus visionnés de l'année, toutes plateformes confondues. Il est donc possible de voir la sortie cinéma du film Le Manoir Hanté comme une opération marketing en deux coups dont la rentabilité est programmée dans le long terme à travers plusieurs médiums.

Le Manoir Hanté est au final un long-métrage étrange, toujours dans l'entre-deux. Trop effrayant pour les enfants, trop sage pour les adultes, il mélange un humour moyen porté par des personnages secondaires caricaturaux tout en étant aussi capable de délivrer une forte émotion, parfaitement développée sur une subtile thématique du deuil. Son héros et son méchant sont par ailleurs excellents tandis que son dernier acte, palpitant et haletant, rattrape son démarrage un peu mou. Enfin, la grand réussite du film demeure son superbe hommage à l'attraction des Parcs Disney, notamment grâce à des visuels de toute beauté.