Les Séquences Cultes des Classiques Disney
Blanche Neige - Pinocchio - Fantasia
Titre original : The Best of Disney's Animated Features : Volume One Éditeur : L'Harmattan Date de publication France : Le 25 mars 2022 Genre : Essai |
Auteur(s) : Christian Renaut Autre(s) Date(s) de Publication : Theme Park Press (US) : Le 1er décembre 2020 Nombre de pages : 230 |
Le synopsis
La critique
Le cinéma regorge de séquences cultes. Rien que sous l'ombrelle de la très large The Walt Disney Company, les films qui comportent au moins une scène du genre sont nombreux. Parmi ceux-là, le spectateur pense immédiatement à Sixième Sens (Hollywood Pictures), Pulp Fiction et Kill Bill : Volume 1 (Miramax), Qui Veut la Peau de Roger Rabbit ou Pretty Woman (Touchstone Pictures), Avengers : Endgame (Marvel Studios), sans même parler de la saga Star Wars (Lucasfilm Ltd.), et il ne s'agit ici que de quelques exemples d'une liste bien plus vaste. Chez 20th Century Studios, les séquences mythiques se comptent même par centaines, dans des titres aussi variés que le Cléopâtre avec Elizabeth Taylor, les univers science-fictionnesques de La Planète des Singes et Alien, le Huitième Passager, Piège de Cristal, le majestueux Titanic ou encore le techniquement révolutionnaire Avatar. Mais bien avant que The Walt Disney Company ne connaisse son tentaculaire essor, le studio fondé par Walt Disney et son frère Roy est déjà passé maître dans l'art de créer ces moments iconiques dans ses cartoons et, surtout, ses films d'animation. Retour dans l'histoire mouvementée du studio à la fin des années 30 où se mêlent les exploits techniques, les frustrations et les moments d'émotion ; à travers l'analyse de dix séquences cultes, l'auteur Christian Renaut offre à son lectorat un nouvel aperçu de la création des premiers chefs-d'œuvre Disney.
Né à Rennes, Christian Renaut n'a que six ans quand il se découvre une passion pour Disney qui ne le quittera jamais plus. De cet amour pour l'animation américaine en découle d'autres, comme le dessin, la musique, le théâtre, la zoologie, le maquettisme, les voyages et l'anglais qu'il enseigne par ailleurs. Sa rencontre avec Philippe Videcoq-Gagé en 1978 est déterminante. Par l'intermédiaire de ce passionné, Christian Renaut aura l'occasion de rencontrer Frank Thomas et Ollie Johnston, rapidement suivis d'innombrables artistes qui ont marqué de leur empreinte les plus grands films de Disney. À la fin des années 80, Christian Renaut effectue un voyage aux États-Unis, où il a la chance de visiter une première fois les Walt Disney Archives. Accumulant les connaissances et les rencontres enrichissantes au fil des années, l'auteur signe chez Dreamland deux livres très prisés des fans : De Blanche Neige à Hercule, 28 Longs Métrages d’Animation des Studios Disney (1997) et Les Héroïnes Disney Dans les Longs Métrages d’Animation (2000). En 2020, le spécialiste revient avec une nouvelle série d'essais. Le premier volume, titré en France Les Séquences Cultes des Classiques Disney : Blanche Neige - Pinocchio - Fantasia, est paru chez L'Harmattan en 2022, dans la collection Cinémas d'animations.
Après la parution de ses deux premiers ouvrages, Christian Renaut continue de réfléchir à ses prochains projets malgré la fermeture de l'éditeur Dreamland. Il faut dire que l'auteur a encore bien des histoires à raconter et de nombreux témoignages d'artistes à transmettre. Dans le même temps, il est convié, aux côtés d'autres spécialistes Disney à travers le monde, à participer à la collection Walt's People - Talking Disney With The Artists Who Knew Him éditée par Didier Ghez ; des discussions de Christian Renaut avec Frank Thomas, Richard Rich, Burny Mattinson, Andreas Deja, Phil Nibbelink, Dale Oliver ou encore Joe Hale sont rassemblées dans les volumes 2 à 7.
En 2009, il lance avec le concours de Didier Ghez une petite enquête dans plusieurs pays auprès des spécialistes, des fans et des artistes ou de leurs proches. Son but est simple : établir une liste des séquences les plus emblématiques pour chaque film d'animation Disney. Au départ, seule l'analyse de quelques séquences tirées des films réalisés du vivant de Walt Disney était prévue dans le premier volume, provisoirement titré 20 Grands Moments de l’Animation Disney en Long-Métrage. Le projet s'affinant avec les années, l'ambition de Christian Renaut est allée grandissante, jusqu'à imager toute une collection d'ouvrages débutée par Les Séquences Cultes des Classiques Disney : Blanche Neige - Pinocchio - Fantasia. Il est à noter que les membres de Disney Central Plaza, le Forum de Chronique Disney ont été invités, dès 2009, à participer à l'enquête ! La discussion entre les membres ainsi que le message original que l'auteur a envoyé sont consultables ici.
Vladimir Tytla à l'œuvre sur Chernabog
C'est donc à l'analyse de quelques séquences tirées de trois des plus grands films d'animation que se consacre Christian Renaut dans son premier volume. À travers les 230 pages de son essai, l'auteur a sélectionné – avec l'aide de la communauté – dix séquences emblématiques qu'il se propose de disséquer en abordant pour cela tous les aspects de la création. L'auteur accorde évidemment une large partie de ses écrits à l'animation, mais la musique, les effets spéciaux, les avancées techniques, le scénario, le travail d'adaptation ou encore les tournages « live » et les performances vocales des acteurs sont autant de sujets que Christian Renaut aborde avec moult détails, le tout appuyé par des dizaines et des dizaines de citations tirées de ses entrevues avec les artistes.
Les lecteurs sont invités à découvrir les rouages de la fabrication de ces films dans un récit vivant et nuancé, en grande partie narré par les véritables acteurs de l'histoire. Les plus grandes stars du studio sont évidemment mises en valeur, mais l'auteur ne se prive jamais de célébrer la contribution d'artistes plus confidentiels, les mains minutieuses derrière les effets spéciaux et les spécialistes du département Encre et Peinture ; l'essayiste cite invariablement leurs noms et, pour certains, leur adjoint même une petite biographie. Les rivalités entre dessinateurs comme les prouesses artistiques sont évoquées sans fard, et c'est un vrai plaisir que de se promener entre les pages pour découvrir les coups d'éclat comme les coups de crayon qui ont façonné l'histoire de la Société aux Grandes Oreilles.
Dessin de Gustaf Tenggren
Contrairement aux livres adoubés par Disney, Christian Renaut présente une réalité éloignée de la traditionnelle image fantasmée par le grand public, une histoire que la société elle-même a plus ou moins cherché à cultiver avec les années. À l'inverse, l'auteur ne verse jamais dans la diatribe gratuite - il s'agit après tout de l'œuvre d'un passionné ! - ; Walt Disney lui-même est présenté comme un homme Républicain parfois dur, avec son sens inné du récit bien entendu, mais aussi avec ses failles. Ayant fait le choix de raconter une histoire nuancée dans un long essai analytique, l'auteur a bien entendu été forcé de renoncer au soutien de la compagnie. De fait, le livre n'est pas illustré, Disney n'accordant aujourd'hui l'accès à ses archives qu'à une poignée d'élus tout en exerçant un contrôle strict sur les écrits accompagnés d'images, ces dernières coûtant en plus de cela très cher. L'idéal pour le lecteur reste donc de visionner les séquences abordées par Christian Renaut au fil de la lecture, d'autant que l'auteur ne se prive jamais d'attirer l'attention sur un trait d'animation, un élément du décor ou encore une petite prouesse technique qui passe parfois inaperçu.
Blanche Neige et les Sept Nains est abordé à travers deux séquences, à commencer par la « confrontation » entre Blanche Neige et le Chasseur, immédiatement suivie de la fuite de la princesse dans la forêt. L'auteur en profite pour revenir sur les difficultés qu'ont eues les artistes à travailler sur un tel personnage, surtout après la décevante animation de Perséphone dans La Déesse du Printemps, et il glisse également quelques mots sur le travail effectué par Marge Champion et Adriana Caselotti, respectivement le principal modèle et la voix de la princesse. La relation conflictuelle des dessinateurs face à la technique de la rotoscopie, les premières ébauches du scénario, les effets spéciaux sur l'eau ou encore les influences européennes sont autant de réflexions qui viennent nourrir l'exposé de Christian Renaut au cours de ce chapitre.
La partie suivante est évidemment consacrée à la transformation de la Reine en sorcière. De nouveau, l'auteur traite abondamment des effets associés au Miroir Magique, ainsi que du travail acharné des artistes pour donner vie à l'une des scènes les plus effrayantes du répertoire de Disney. Mais après tout, comme le dit Walt Disney lui-même en 1955 :
Je n'ai jamais cru qu'il était bon d'épargner les enfants. Je ne traite pas mes enfants comme des petites fleurs fragiles, et je pense que tout parent devrait agir ainsi. Les enfants sont des personnes et ils doivent se "confronter aux réalités" pour apprendre, de même que les parents doivent se "confronter aux réalités" pour s'aguerrir mentalement. (p. 47)
Dessin de Ferdinand Horvath
Vient ensuite Pinocchio qui est analysé à travers quatre séquences, en débutant par la scène durant laquelle La Fée Bleue donne vie au pantin de bois. Là encore, Christian Renaut parle de façon détaillée de la création des personnages et de la délicate animation de la fée, mais il livre aussi quelques précisions géographiques et architecturales qui seront explorées plus en détail dans l'analyse suivante. Le prochain chapitre, qui couvre la scène où Pinocchio s'en va à l'école puis sa rencontre avec Gédéon et Grand-Coquin, est l'un des plus passionnants du livre. Très porté sur l'aspect technique, avec une étude de l'ouverture en plongée sur le village de Pinocchio, le début du chapitre rend justice à une prouesse artistique trop souvent ignorée par les spectateurs ; une merveille qui se révélera d'ailleurs douloureusement coûteuse. Saluant les travaux de Gustaf Tenggren, ceux des artistes du layout et la dextérité des spécialistes en charge de manier la colossale caméra multiplane, ce chapitre se termine par l'analyse détaillée d'une séquence humoristique aux délicieux accents vaudevillesques.
Les deux chapitres suivants replongent néanmoins très vite dans la noirceur, en abordant la transformation de Crapule et de Pinocchio en ânes avant d'enchaîner sur la poursuite des héros par la baleine Monstro. La première partie permet à l'auteur de saluer le travail de Fred Moore. L'animateur, spécialiste des dessins de jolies jeunes filles, se retrouve cette fois-ci en charge de la métamorphose de Crapule dans une effusion de Squash and Stretch, l'un des principes de l'animation présentés dans le livre The Illusion of Life : Disney Animation de Frank Thomas et Ollie Johnston. C'est ensuite l'un des Neuf Vieux Messieurs que Christian Renaut met à l'honneur dans la séquence suivante : Wolfgang Reitherman, pour son animation de Monstro. Bien entendu, les artistes affectés aux effets inégalés de l'eau comme Josh Meador, John McManus, Sandy Strother ou Art Palmer, ne sont pas oubliés.
Dessin de Gustaf Tenggren
Le livre se conclut sur Fantasia qui a lui aussi droit à quatre séquences analysées. La première, La Danse Chinoise issue du segment Le Ballet de Casse-Noisette, explore tout le caractère humoristique de la saynète tout en pointant un changement notable : l'absence de décors et le fond monochrome, une pratique qui se démocratisera dans certains films de l'après-guerre et que Christian Renaut traite plus largement dans son second volume. Le deuxième segment porte quant à lui sur l'emblématique L'Apprenti Sorcier. La musique est largement discutée par l'auteur ici, mais Christian Renaut évoque également les diverses influences qui ont nourri les artistes, le changement opéré sur Mickey à cette époque et, à nouveau, la pléthore d'effets qui viennent sublimer l'image, en particulier le travail d'Ugo D'Orsi.
L'avant-dernier chapitre revient sur ce petit trésor de drôlerie qu'est La Danse des Heures et ses mémorables personnages dont la très gracieuse Hyacinth Hippo, avant que le livre ne s'achève sur l'une des séquences les plus puissantes signées Disney : Une Nuit sur le Mont Chauve. Véritable célébration de l'animation de Vladimir Tytla sur Chernabog, cette ultime partie est aussi l'occasion pour l'auteur d'insister sur des éléments rarement revus depuis dans un film Disney, comme la (brève) nudité féminine et l'iconographie religieuse.
Dessin de James Bodrero
Passionnant à plus d'un titre, Les Séquences Cultes des Classiques Disney : Blanche Neige - Pinocchio - Fantasia propose une virée hors du commun à la découverte des coulisses de la création de trois chefs-d'œuvre. Truffé d'anecdotes et mettant en lumière le travail de bien des artistes méconnus, il est aussi et surtout un ouvrage qui témoigne de la passion de son auteur, lequel la partage avec une grande générosité à ses lecteurs page après page.