Titre original :
Elemental
Production :
Pixar Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 16 juin 2023
Genre :
Animation 3D
Réalisation :
Peter Sohn
Musique :
Thomas Newman
Durée :
109 minutes
Disponibilité(s) en France :
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

Dans la ville d’Element City, le feu, l’eau, la terre et l’air vivent dans la plus parfaite harmonie. C’est ici que réside Flam, une jeune flamboyante intrépide et vive d’esprit, au caractère bien trempé et à l'avenir tout tracé. Mais sa rencontre avec Flack, un garçon sentimental et amusant, plutôt suiveur dans l’âme, remet en question les croyances qu'elle porte sur le monde dans lequel elle vit...

La critique

rédigée par
Modifiée le 01 septembre 2023

Élémentaire est une nouvelle pépite de Pixar. Le long-métrage offre en effet une émouvante histoire d'amour impossible développée dans un superbe univers foisonnant et portée par des personnages très attachants, le tout rehaussé d'un joli message sur l'héritage. Même si l'ensemble est emprunt de classicisme à la fois dans le récit qu'il conte comme dans le monde qu'il dépeint, les artistes du studio à la lampe arrivent toujours à faire vibrer la corde sensible des spectateurs, les touchant au cœur avec émotion et poésie. Il est ainsi encore plus triste de voir le public bouder ce beau projet original, véritable réussite artistique, alors qu'il se plaint en parallèle de l'abondance de suites, franchises et autres remakes - chez Disney ou non d'ailleurs - qu'il va pourtant voir en masse...

À l'évidence, Pixar va mal. La pandémie liée à la maladie infectieuse émergente COVID-19, mais aussi le départ de son créateur John Lasseter à la suite de comportements déplacés, ont déstabilisé profondément les studios animés d'Emeryville. Si Pete Docter, le réalisateur de Monstres & Cie, Là-Haut, Vice-Versa et Soul, qui a pris le rôle de chef de création en leur sein, a réussi à installer une ambiance plus bienveillante et inclusive, le succès et la reconnaissance du public ne sont plus au rendez-vous. Il faut dire qu'En Avant, qui est sorti au cinéma juste pendant le premier confinement, s'est vu couper l'herbe sous les pieds d'un point de vue financier. The Walt Disney Company prend alors la décision mortifère de proposer les trois films Pixar suivants, Soul, Luca et Alerte Rouge, directement sur la plateforme Disney+, zappant alors la case cinéma et leur ôtant donc tout ce qui faisait leur prestige et leur côté événementiel en étant vus sur grand écran. Néanmoins, le premier gagne le prestigieux Oscar du Meilleur Film d'Animation en 2021 tandis que les deux autres seront plébiscités par le public en trônant à de très belles places dans les classements des films les plus vus en streaming. Buzz l'Éclair a droit lui à une sortie cinéma mais signe malheureusement un démarrage très mitigé aux États-Unis avant de s’effondrer dans le reste du monde. Il faut dire que le film, très décevant, n'a pas sur trouvé ni son ton, ni son public. Preuve de l'impact de cet échec, The Walt Disney Company, alors en difficulté financière avec une action malmenée en bourse, décide pour la seconde fois de l'histoire du studio à la lampe de licencier des artistes. La première fois avait en effet eu lieu en 2013 lorsque Pixar s'était séparé de 30 artistes à la suite du retard du (Le) Voyage d'Arlo. Cette fois-ci, ce ne sont pas moins de 75 personnes qui sont remerciées dont Angus MacLane et Galyn Susman, le réalisateur et la productrice de Buzz l'Éclair, pourtant des vétérans des studios. Le succès d'Élémentaire, même modeste, est plus que nécessaire car une nouvelle contre-performance pourrait annoncer des heures encore plus sombres pour le studio pionnier de l'animation 3D.

Élémentaire est donc une idée originale de son réalisateur Peter Sohn. Né en 1977, il fait ses études à CalArts avant de commencer à travailler chez Warner sur Le Géant de Fer et Osmosis Jones. Il rentre ensuite chez Pixar pour travailler sur Le Monde de Nemo en tant que scénariste. Sur Les Indestructibles, en plus du scénario, il est également animateur et doubleur ; rôles qu'il reprend sur Ratatouille, assurant précisément la voix d’Émile. Il travaille ensuite sur les scénarios de WALL•E, Là-Haut et Toy Story 3. Il servira même de modèle à Russel dans Là-Haut et prête sa voix à Squishy dans Monstres Academy. Il fait entre-temps ses débuts en tant réalisateur sur l'adorable court-métrage Passages Nuageux. Il reprend ensuite au pied levé la réalisation du film Le Voyage d'Arlo qui devient, malheureusement pour lui, le premier véritable échec des studios Pixar. Suite à cela, il double en anglais le personnage de Sox dans Buzz l'Éclair tout en se lançant dans la conception et la réalisation de son nouveau long-métrage, Élémentaire.

Peter Sohn imagine Élémentaire juste après Le Voyage d'Arlo, faisant de son premier concept à sa sortie en salles un projet ayant nécessité pas moins de sept ans de développement. Son idée lui vient alors qu'il commence à dessiner une flamme interagissant avec l'eau. Il imagine suite à cela deux personnages que tout oppose mais qui vont finir par construire une vraie relation, d'abord d'amitié avant qu'elle ne se transforme en amour. Il se base ainsi sur sa propre histoire où lui, le fils de deux immigrés coréens, a épousé une américaine à moitié italienne. Tout les opposait, surtout que, de façon traditionnelle, sa famille voulait qu'il épouse une Coréenne. Mais finalement, le courant est passé et de leur différence est née leur force. Au fur et à mesure que l'histoire s'étoffe, il intègre d'autres éléments personnels notamment vis-à-vis de ses parents. Ceux-ci sont en effet arrivés en Amérique dans les années 1970 et se sont installés dans le Bronx où ils ont ouvert une épicerie. Ils ont alors travaillé dur pour réussir leur implantation et permettre à leurs enfants d'avoir un bel avenir. En travaillant sur Élémentaire, le réalisateur s'est alors rendu compte du sacrifice de ses parents. Cela l'a tellement touché qu'il s'est inspiré de ses propres émotions afin de les retranscrire dans son film. Chose encore plus poignante, son père et sa mère se sont éteints pendant la production du long-métrage, rendant celui-ci encore plus important pour l'artiste, le transformant en lettre d'amour et d'adieu à ses parents disparus.

L'un des gros atouts d'Élémentaire est clairement l'univers construit pour le film. Elemental City se rapproche beaucoup de New York dans sa conception avec de nombreux quartiers ayant chacun leur propre style. D'une certaine façon, Fire Town peut être vue comme un Bronx ou un Brooklyn. Ce quartier des flamboyants se distingue ainsi par son utilisation de céramiques, de métaux et de briques. Il fallait également que la ville soit un challenge pour les personnages de feu, qu'elle ne soit pas fatalement adaptée à eux, ceci afin que le personnage de Flam aille au-delà de ses préjugés et apprenne à voir la ville autrement. Elemental City a, il est vrai, d'abord été fondée par les éléments aquatiques suivis de très près par les éléments terriens qui ont pu former le delta où se situe la ville. Les éléments aériens sont ensuite venus s'installer pour finir par les éléments flamboyants. La beauté d'Elemental City est tout simplement époustouflante et le spectateur tombe instantanément sous le charme de ce lieu à nul autre pareil. Avec ses immeubles faits de cascades, de murs végétalisés et de designs très épurés, le tout porté par des couleurs pastel apaisantes, la cité donne envie de s'y promener, d'y flâner pour en découvrir chaque recoin. Surtout que les artistes Pixar l'ont peuplée de nombreuses trouvailles visuelles liées aux quatre éléments. Il faudrait presque un arrêt sur image pour profiter de chaque détail. Elle est en quelque sorte une ville moderne idéale, surtout en cette période de dérèglement climatique.

Élémentaire marque une première pour Pixar : il s'agit en effet de leur toute première comédie romantique. Certes, il y a déjà eu des histoires d'amour dans la filmographie du studio comme La Bergère et Woody dans la saga Toy Story, Corail et Marin dans Le Monde de Nemo, M. Indestructible et Elastigirl dans Les Indestructibles, WALL•E et EVE dans WALL•E ou encore Carl et Ellie Fredricksen dans Là-Haut. Sauf qu'elles n'étaient jamais l’élément central du récit ! Le spectateur fait donc ici la connaissance de Flam Lumen, une flamboyante qui seconde son père Brul dans son magasin. Elle cherche à se montrer digne pour qu'elle puisse un jour reprendre la boutique familiale, trésor professionnel de toute une vie. Elle rencontre inopinément l'aquatique Flak Delamare, un agent municipal chargé des canalisations. Tout les oppose : elle est impulsive, il est cool ; elle vient d'un milieu modeste, il vient d'une famille riche ; elle ne pleure jamais, il est un torrent de larmes... Mais surtout, elle est un élément du feu et lui de l'eau : ils sont donc tout deux physiquement incompatibles. Et pourtant le miracle se produit et ils se retrouvent attirés l'un par l'autre. À partir d'une construction assez classique, notamment via la découverte du point de vue de l'opposé et de sa beauté cachée, le charme opère et arrive à distiller une véritable poésie dont le summum se produit lors de la scène où ils finissent par se toucher. Toute histoire d'amour, tout coup de foudre est en réalité une alchimie entre deux êtres et les artistes Pixar ont réussi à l'illustrer de la plus belle des manières. Visuellement, cette scène est à la fois prosaïquement chimique et intensément romantique, apportant une forte émotion. Il est alors difficile pour le public de ne pas verser des larmes de bonheur devant l'amour qui se concrétise devant eux.

Élémentaire a également une forte thématique sur l'immigration et le communautarisme. Brul Lumen et sa femme Sandra quittent en effet Fireland persuadés qu'une vie meilleure les attend loin de leur terre natale, ceci après qu'une tempête a détruit leur contrée. Ils arrivent alors à Elemental City et doivent faire face aux rejets des autres éléments, voire au racisme plus ou moins marqué. Il faut dire que la ville est peu adaptée aux flamboyants. Ces derniers doivent en effet faire attention à ne pas se faire submerger par l'eau qui déborde des métros aquatiques ou alors à ne pas toucher les terriens qui prennent feu au moindre contact. Le couple s'installe donc finalement à Fire Town, un quartier où vivent principalement la communauté des flamboyants installés en ville. Brul trouve ainsi une vieille bâtisse et décide d'y installer sa nouvelle boutique en la retapant intégralement lui-même. Il s'investit pleinement dans son commerce, tout en préservant ses traditions. Il compte en fait déjà voir sa fille reprendre un jour le flambeau. Avec ces personnages, les artistes Pixar arrivent parfaitement à transposer une réalité humaine toute en proposant via cet univers imaginaire une allégorie sur l'immigration. La véritable richesse du film est d'y parvenir sans fatalement se calquer sur une communauté en particulier mais au contraire en piochant différentes caractéristiques venues de plusieurs cultures humaines. Les flamboyants ont ainsi leurs propres traditions, vocabulaires ou musiques les rendant uniques, apportant de la fraîcheur et de la nouveauté, dans un propos plutôt classique mais dépeint de façon sincère.

Élémentaire aborde également l'héritage et en particulier celui de la deuxième génération d'immigrés qui essaye de trouver sa place entre les traditions de la première génération et tout ce que son lieu de naissance à offrir. L'équilibre est délicat et il n'est pas toujours facile pour un enfant d'immigrés de suivre sa propre voie sans renier soit ses origines, soit ses aspirations. Ici, Brul a toujours répété à Flam qu'elle prendrait sa suite quand elle serait prête. Sauf qu'elle n'est pas du tout à l'aise avec les clients et perd souvent son sang-froid, enchainant les bourdes tout comme les accès de colère. Son père repousse donc sans cesse sa retraite alors que la fatigue physique se fait pourtant sentir. Flam ne comprend pas ses propres réactions et au fil du temps culpabilise. Il faudra que Flak lui ouvre les yeux pour qu'elle arrive enfin à comprendre ce qu'elle veut réellement. Mais, c'est une chose de savoir ce qui plait et ce qui ne plait pas. Cela en est une autre d'avoir le courage de suivre ses rêves surtout s'ils sont en opposition avec ce que les parents attendent de leurs enfants. Le long-métrage aborde, à travers ce prisme, l'amour paternel en opposant deux visions. Si dans chacune d'elle les traditions restent au cœur des valeurs éducatives, dans l'une, la rancœur et l'incompréhension face à l'abandon sont plus fortes tandis que dans l'autre, le respect et la fierté pour ses enfants restent primordiaux. Là encore, l'opus propose une fin toute simple mais à la symbolique bouleversante qui fera, une nouvelle fois, couler bien des larmes.

Si Élémentaire aborde mine de rien des sujets complexes, il le fait au sein d'un récit limpide afin d'illustrer son propos simplement. Le film est ainsi bien plus une tranche de vie qu'une histoire aux enjeux démesurés, pleine d'action. Il se penche plutôt sur le parcours intérieur de ses personnages, en particulier Flam, Flak et Brul. Ce parti pris de la sobriété scénaristique fait que sur le papier, le long-métrage peut sembler manquer d'ampleur. Pour autant, il développe un récit tellement personnel qu'il est impossible de ne pas être touché par le parcours de ses personnages, et ce même s'ils ne sauvent pas le monde, la ville ou le quartier (quoique). Nombreux spectateurs arriveront à s'identifier d'une manière ou d'une autre aux personnages tellement leur histoire est universelle. Sur le registre du petit manque d'originalité, il s'agit une nouvelle fois de découvrir deux êtres que tout oppose dans un monde imaginaire adaptant des concepts plus ou moins abstraits. Que cela soit chez les Walt Disney Animation Studios avec Judy Hopps et Nick Wilde dans Zootopie proposant une ville où vivent des animaux anthropomorphes, ou chez Pixar avec Joie et Tristesse dans Vice-Versa adaptant le monde des émotions, ou encore, toujours chez Pixar, Joe Gardner et 22 dans Soul explorant le monde des âmes, le concept d'une ville où les quatre éléments sont personnifiés peut sembler redondant. Néanmoins, et c'est là tout le paradoxe, même si le mécanisme des idées est le même, l'exécution n'en est pas moins inventive. Le film déborde de trouvailles visuelles et humoristiques. Quand, en plus, l'émotion et la poésie subliment l'ensemble, il peut tout à fait lui être pardonné son classicisme apparent ; sa beauté et sa tendresse finissant de ravir le public.

Élémentaire propose des personnages attachants et bien définis, même si un brin caricaturaux.
Flam Lumen est une flamboyante, fille unique de parents immigrés. Volontaire, dynamique, elle peut être aussi bien colérique qu'impatiente. Mais la chose la plus intéressante chez elle est sûrement son parcours intérieur et son introspection personnelle vécus durant tout le film. Flam se découvre une passion artistique tout en s'empêchant elle-même d'embrasser cette voie. Consciente des sacrifices de ses parents, elle ne veut absolument pas les décevoir et pour cela compte bien se montrer digne de leur succéder. Mais en réalité, elle se voile elle-même la face en refusant de s'écouter et de comprendre ses réactions. Elle n'ose pas dire à son père ce qu'elle ressent, estimant qu'elle n'a pas le droit de le décevoir. Cette approche est vraiment à saluer car elle change du père castrateur qui refuse que son enfant fasse un travail jugé « pas sérieux ». Ici, le vrai obstacle de Flam... est en réalité elle-même ! Elle se met des carcans qui ne sont finalement pas si insurmontables, à la condition de s'écouter. La voix de Flam est tenue en anglais merveilleusement par Leah Lewis tandis qu'en français Adèle Exarchopoulos ne s'en sort pas trop mal.
Flack Delamare est le total inverse de Flam, un aquatique très émotif qui prend la vie comme elle vient. Venant d'une famille riche, il n'a jamais cherché à faire carrière mais travaille plutôt au service municipal en tant qu'inspecteur des eaux. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'accomplit pas consciencieusement ses missions même si cela signifie mettre des amendes à des gens de bonne volonté, allant ainsi souvent à l'encontre de son caractère foncièrement gentil. Flack est de la sorte un personnage totalement transparent au sens propre comme figuré, disant toujours ce qu'il pense. En tombant amoureux de Flam, il permet à la flamboyante d'évoluer. Mais l'aquatique n'est pas du tout dans un rôle de guide ou de conseiller, il est, grâce à sa franchise et sa spontanéité, juste un miroir qui permet à son amie de se voir pour la première fois comme elle est réellement. Il est doublé en anglais par un sympathique Mamoudou Athie et en français par un insipide Vincent Lacoste qui n'arrive pas à s'extraire de son ton fade durant tout le film.

Au-delà du couple d'amoureux, l'autre personnage primordial du film est clairement Brul Lumen, le père de Flam. Ayant immigré avec sa femme, il rejoint Elemental City pour se construire une nouvelle vie même si l'arrivée dans cette ville n'est pas du tout ce qu'il espérait. Mais à force d'abnégation et de travail sans relâche, porté par une foi inébranlable en ses traditions et ses croyances, il arrive à construire une boutique et à la faire fonctionner, se faisant une réputation dans le quartier où il a élu domicile. Il veut que sa fille prenne sa suite mais il cherche à ce qu'elle soit la plus parfaite possible. Mais comme elle n'est pas exactement comment il voudrait qu'elle soit, il repousse à chaque fois les responsabilités qu'elle pourrait endosser, attaquant ainsi sans le savoir la confiance en soi de sa progéniture. Il ne se pose pas non plus la question de savoir ce qu'elle désire réellement. Pourtant, cela ne l'empêche pas d'aimer profondément sa fille et d'être fier d'elle.
Les reste des personnages est en revanche bien moins important même si la place de la mère de Flam, Sandra, reste centrale de par ses dons de divination sur les relations de couple. Les autres personnages qu'ils soient aquatiques, aériens ou terriens sont plus anecdotiques. Élémentaire n'explore réellement que la vie des flamboyants et des aquatiques. Pour ces derniers, le repas dans l'appartement de la mère de Flack permet notamment de bien comprendre comment vivent ces êtres formés d'eaux. Les terriens et les aériens sont, au contraire, beaucoup moins développés même si quelques personnages hauts en couleur sont proposés à l'image d'Alizée ou d'Ivan Dubois. Pour en apprendre plus sur la façon de vivre de ces deux éléments secondaires, il convient donc d'observer les arrière-plans et les détails qui fourmillent dans le film à l'image de cet effeuillage amusant d'un couple de terriens.

Élémentaire est encore un festival visuel de Pixar. L'animation et les textures sont tout simplement magnifiques tandis que les décors sont époustouflants. Mais la vraie prouesse est l'apparence des personnages. Si le style des aériens avait déjà été vu dans les précédents films des studios, notamment dans le court-métrage Passages Nuageux, les terriens épousent eux une apparence plus terre à terre. Par contre, les flamboyants comme les aquatiques sont tout simplement splendides avec un design aussi bien abstrait que malléable. Les artistes s'amusent ainsi avec les éléments pour faire passer des émotions comme par exemple le changement de couleur du feu en fonction de sa température ou encore la transparence et l'évaporation de l'eau. Chose encore plus étonnante, les deux personnages principaux sont des effets visuels à eux seuls. Ils ont dû être une véritable gageure à animer pour les artistes comme pour les techniciens. Le résultat est au final merveilleux tant les personnages sont terriblement attachants et que chacun de leur mouvement passe pour une œuvre d'art à part entière.

Le compositeur Thomas Newman travaille pour la quatrième fois avec les studios Pixar après Le Monde de Nemo, WALL•E et Le Monde de Dory. La musique est peut-être l'élément le plus déstabilisant du film. La composition instrumentale est jolie mais aucun thème ne ressort particulièrement, ni ne reste en tête à la sortie de la séance. Afin d'illustrer les différents quartiers de la ville cosmopolite d'Elemental City, l'artiste utilise plusieurs sons de musique du monde avec des instruments et des sons exotiques sans qu'ils soient forcément inspirés d'une culture humaine en particulier. Il peut être cité notamment des morceaux emblématiques, chantés ou non, comme Sháshà r íshà, Stop Wade !Firetown Flood ou Pipe Blows. Parfois, il s'agit juste de quelques notes quand ce ne sont pas des chœurs qui sont utilisés pour accentuer l'émotion. Au final, l'ensemble est parfois un peu cacophonique et surprenant mais globalement plaisant une fois accepté le parti pris. La chanson du générique de fin, Steal the Show, interprétée par Lauv sur une musique d’Ari Leff et Thomas Newman et des paroles d’Ari Leff et Michael Matosic, est, pour sa part, plutôt réussie et agréable à écouter.

Élémentaire a beaucoup à porter sur ses frêles épaules. Il se doit non seulement de raviver la flamme des studios Pixar qui s'est émoussée auprès des spectateurs mais aussi de relancer l'intérêt pour un projet original animé auprès du grand public. Sans compter qu'après de si nombreux échecs, Pixar doit absolument retrouver le chemin du succès financier. Confiants dans leur film malgré un début de campagne marketing qui ne semble pas prendre, Disney comme Pixar décident d'aider à sa reconnaissance en le diffusant lors du Festival de Cannes. Présenté hors compétition, l'opus est plutôt bien accueilli par la presse française tandis que la presse américaine s'avère bien plus tiède. Elle lui reproche de ne pas être au niveau des plus grands chefs-d’œuvre du studio à la lampe. Si cela est vrai, cela n'empêche pas le nouveau long-métrage d'être très bon, à la fois dans son visuel et dans son propos. Malheureusement, vu l’accueil, ce passage sur la Croisette plombe plus qu'autre chose l'aura du film. Le démarrage aux États-Unis s'avère alors catastrophique, rapportant à peine 29,6 millions de dollars sur son premier week-end, signant l'un des plus faibles scores du studio. Cet échec est autant dommage que dommageable tant Élémentaire ne mérite pas ça. Tout comme son réalisateur Peter Sohn qui aurait bien du mal à se relever s'il devait porter la responsabilité de deux des plus grands échecs du studio.

Comment expliquer ce désamour du public pour Pixar lors du démarrage ? Les facteurs sont sûrement multiples. Tout d'abord, les films animés originaux n'ont toujours pas réussi à retrouver le succès en salles depuis la pandémie. Si en 2023, Super Mario Bros - Le Film et Spider-Man : Across the Spider-Verse ont été de grands succès, il ne faut pas oublier que le premier est adapté de la franchise vidéoludique multi-générationnelle la plus populaire du monde tandis que le second est la suite d'un film animé basé sur un personnage de super-héros adoré de tous. Disney est également fautif en ayant par trop habitué les familles à ce que les films Pixar arrivent directement sur Disney+ ou alors très (trop) rapidement sur la plateforme. En ces temps d'inflation et de pouvoir d'achat serré, pourquoi ainsi payer pour une sortie onéreuse en famille au cinéma alors qu'il suffit d'attendre quelques semaines pour voir le film directement chez soi dans son prix d'abonnement. Enfin, l'opus en lui-même n'a pas réussi à convaincre de son originalité et de son côté événementiel en suscitant l'envie de le découvrir au cinéma. La bande-annonce - ratée - donnait une vague impression d'un mixte entre Zootopie avec la ville cosmopolite foisonnante et Vice-Versa et son concept de personnification d'éléments intangibles. Tout ceci fait qu'Élémentaire est passé inaperçu lors de son lancement même si le public l'ayant découvert en salle l'a particulièrement apprécié. Il récolte alors un excellent bouche-à-oreille.

Et là, le miracle se produit ! Petit à petit, semaine après semaine, pays après pays, Élémentaire se maintient au box-office. Disney a aussi la bonne idée de faire confiance au film et lui laisse le temps de s'installer sur la durée. Résultat des courses, il dépasse les 150 millions de dollars aux États-Unis et les 450 dans le monde, multipliant par cinq les résultats de son week-end de lancement, ce qui en fait une performance exceptionnelle. Alors qu'il avait été présenté trop vite par la presse comme un énième échec, le président de Pixar, Jim Morris, annonce qu'il se rentabilisera finalement dès sa carrière cinématographique et que le marchandisage et le streaming en feront une opération rentable pour Disney. Même s'il est loin des plus grands scores du studio à la lampe, il est devenu le plus gros succès pour un film original depuis la pandémie, tous studios confondus. Il a été également redoré le blason de Pixar et donné envie au public de redécouvrir leurs films en salles. De malades, les artistes Pixar sont passés convalescents. De bon augure pour Elio et Vice-Versa 2...

Élémentaire est un nouveau bijou de Pixar. Porté par un visuel resplendissant, des personnages attachants et des thématiques bien plus complexes qu'attendu au premier abord, il amène surtout une émotion, une tendresse et une poésie à même de tirer des larmes de bonheur aux spectateurs.

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