Clopin
Date de création :
Le 21 juin 1996
Nom Original :
Clopin
Créateur(s) :
Jean Gillmore (Conception visuelle)
Peter De Sève (Conception visuelle)
Michael Surrey (Superviseur de l’Animation)
Danny Galieote
Apparition :
Cinéma
Télévision
Parcs
Spectacle
Jeux Vidéo
Voix Originale(s) :
Paul Kandel
Voix Française(s) :
Bernard Alane
Interprète(s) :
Jens Janke (Der Glöckner von Notre Dame)
Erik Liberman (The Hunchback of Notre Dame – A New Musical)

Le portrait

rédigé par
Publié le 13 novembre 2022

En 1996, les studios Disney proposent sur les écrans Le Bossu de Notre-Dame, une nouvelle adaptation du chef-d’œuvre de Victor Hugo Notre-Dame de Paris, l’occasion pour le public de découvrir l’histoire tragique de Quasimodo. Afin de plaire au plus grand nombre et de rendre le récit accessible, plusieurs libertés sont alors prises par les scénaristes qui font le choix de modifier certains rôles, notamment celui de Clopin Trouillefou, le maître incontesté de la Cour des Miracles.

Clopin Trouillefou, roi de Thunes et suzerain suprême du royaume de l'argot chez Victor Hugo

Paris, 6 janvier 1482. La capitale célèbre le Jour des Rois et la Fête des Fous. Des centaines de Parisiens sont alors réunis dans la grand’salle du Palais de Justice afin d’élire le pape des fous. Au milieu de la foule, Clopin Trouillefou, déguisé en mendiant déguenillé, profite du tumulte pour détrousser les badauds. Et lorsqu’il ne vole pas, il demande l’aumône en affichant ostensiblement ses prétendues blessures aux bras et aux jambes. Concourant lui-même à l’élection, Clopin assiste bientôt à la victoire de Quasimodo, le carillonneur de Notre-Dame. Vivement salué par la foule, l’affreux bossu est conduit jusqu’à la place de Grève, aux pieds de l’Hôtel de Ville. Clopin disparaît alors de l’intrigue et n’assiste pas à l’humiliation du pauvre infirme finalement ramené dans la cathédrale par son père adoptif, l’archidiacre Dom Claude Frollo.


Victor Hugo

Les poches pleines grâce à ses larcins, Clopin est de retour dans son antre, la Cour des Miracles, la cité des voleurs décrite par Victor Hugo comme une « hideuse verrue à la face de Paris » installée depuis des décennies près de l’ancien mur d’enceinte de la ville à présent en ruines. Qualifiée « d’égout rempli de mendiants », l’endroit est un véritable coupe-gorge où se côtoient les pires voleurs de la région. Chaque soir, faux aveugles, faux boiteux, faux culs-de-jatte et des dizaines d’autres escrocs simulant de fausses blessures se retrouvent dans cette « ruche monstrueuse » avec leur butin. Dans l’une des tours de garde abandonnée, les truands peuvent trouver un peu de plaisir auprès d’insouciantes filles de joie. Dans la cave, un cabaret permet par ailleurs à chacun de boire un verre à la lumière d’un grand feu allumé sous un trépied placé sur une large dalle ronde.


Première page du manuscrit de Notre-Dame de Paris

Assis sur un tonneau installé près de l'âtre, Clopin trône tel un roi dans son château. Affublé d’un fouet à lanières de cuir blanc en guise de sceptre et coiffé d’une simple coiffure cerclée en guise de couronne, le faux mendiant a jadis été sacré roi de Thunes, successeur du grand coësre et suzerain suprême du royaume de l’argot. Réunis autour des tables vermoulues, les bandits partagent depuis lors leur vin et cervoise sous le regard de leur maître qui règne sans partage sur la Cour des Miracles. Lorsque le poète Pierre Gringoire est capturé par les bohémiens, c’est ainsi tout naturellement qu’il est conduit devant Clopin afin d’entendre son jugement. Considérant le jeune homme avec mépris, la sentence est alors immédiate. Le roi ordonne de pendre l’importun, une manière selon lui de se venger de tous ces nantis et de tous ces bourgeois qui, dans le vrai monde, passent leur temps à maltraiter les pauvres bougres comme lui.


Clopin Trouillefou, gravure de Chauchefoin, vers 1844,
Maison de Victor Hugo, Hauteville House, Paris.

Écoutant les suppliques de Pierre Gringoire, Clopin accepte finalement de revenir sur sa décision et de faire un marché avec son prisonnier. S'il souhaite garder la vie sauve, il doit rejoindre la Cour et devenir, lui aussi, un coupe-bourse. Avant cela, Gringoire doit néanmoins passer l’épreuve ultime : monter au sommet d’un escabeau, se tenir sur un pied, et tenter de voler la bourse accrochée à la ceinture d’un mannequin. Bien sûr, le défi est plus difficile qu’il n’y paraît. L’escabeau est branlant. Surtout, le costume du mannequin est bardé de grelots qui ne doivent à aucun prix être touchés. Si une seule clochette se met à sonner, Gringoire perdra en effet le pari et sera pendu sur le champ. Malgré le peu de chance de réussir, le prisonnier accepte malgré tout de relever le défi... Et comme prévu, il échoue. Clopin se charge alors lui-même de lui passer la corde au cou. Comme la tradition l’exige, il demande toutefois à la foule si une femme souhaite épouser le condamné et ainsi lui sauver la vie. In extremis, La Esmeralda, l’une des plus belles femmes de la Cour, se porte volontaire. Gringoire est ainsi épargné et marié à la belle pour une durée de quatre ans...


Les Trois chefs des truands, gravure de Chauchefoin, 1844.

Clopin Trouillefou ne revient dans l’histoire que bien plus tard. Au début du Livre dixième, Frollo informe en effet Pierre Gringoire que La Esmeralda sera pendue dans trois jours, et ce, malgré le fait qu’elle a trouvé refuge au sein de la cathédrale Notre-Dame. Son droit d’asile est donc, d’après l’archidiacre, sur le point d’être bafoué. S’il ne s’agit en réalité que d’un vil mensonge orchestré par Frollo pour s’accaparer la bohémienne et la faire sienne, la nouvelle ne tarde pas à arriver jusqu’à la Cour des Miracles. Clopin organise alors la résistance. Bien décidé à prendre d’assaut la cathédrale afin de sauver la belle, il éventre une futaille pleine d’armes et procède à la distribution. Haches, épées, bassinets, cottes de mailles, fers de lance, sagettes et autres viretons sont donnés aux brigands désormais prêts à forcer les portes de l’église pour piller le trésor, pendre Quasimodo et surtout délivrer leur pauvre camarade.


Les brigands attaquent Notre-Dame, gravure de Louis-Henri Rudder, 1844.

En quelques heures, Clopin parvient à mobiliser six-mille bohémiens qui se rassemblent sur le parvis de la cathédrale. La plupart sont armés jusqu’aux dents. D’autres ne sont équipés que de simples serpes et de fourches. Plus ou moins prêts au combat, tous sont là pour en découdre avec le bossu qu’ils accusent de tous les maux. Du haut de son clocher, Quasimodo observe la scène sans comprendre ce qu’il se passe réellement. Pensant que les assaillants sont venus pour tuer La Esmeralda, il organise la résistance. Sa force colossale lui permet notamment de soulever une énorme poutre jetée sur les bohémiens réunis en contrebas. Douze d’entre eux sont écrasés. Clopin donne l’ordre de tirer sur la tour. Il ordonne surtout de ramasser le madrier et d’enfoncer la porte. Quasimodo, de son côté, continue de faire tomber divers projectiles, poutres, pierres et même du plomb en fusion.


La mort de Clopin Trouillefou, Estampe d'Antoine-Alphée Piaud,
vers 1844, Maison de Victor Hugo, Hauteville House, Paris
.

Les pertes sont énormes. Mais Clopin parvient malgré tout à entrer dans l’église avec une poignée de ses compagnons en passant par la galerie des rois accessible grâce à une simple échelle. Errant dans les coursives de Notre-Dame, tous cherchent le bossu qui mène le combat. Fou de rage, Quasimodo écrase à la force de ses mains le crâne de Jehan, le jeune frère de Frollo. Bientôt, le roi Louis XI ordonne à l’armée d’intervenir. Le capitaine Phoebus est dépêché sur place avec sa garnison. Le combat est engagé avec les brigands. Les morts se comptent par dizaines. Les autres prennent la fuite. Une large faulx à la main, Clopin fauche les jambes des chevaux. Il est finalement tué par un tir d'arquebuse...

Clopin, narrateur de l'histoire et chef de la Cour des Miracles chez Disney

« Paris se réveille quand les cloches sonnent dans les tours de Notre-Dame ! ». Clopin est le premier personnage majeur à apparaître au tout début du (Le) Bossu de Notre-Dame. Debout dans sa roulotte installée aux pieds de la cathédrale, il harangue la foule, en particulier les enfants, à qui il s’apprête à raconter l’histoire du mystérieux sonneur de cloches qui, chaque jour, rythme la journée des Parisiens en faisant retentir le bourdon et les carillons.

Pour narrer cette histoire, Clopin n’est pas seul. Il est accompagné de Petit Démon, une marionnette à son effigie utilisée pour lui donner la réplique. Amusant, le pantin est alors un atout de taille pour amuser les bambins et surtout détendre l’atmosphère alors même que débute une histoire des plus pesantes et sombres, « l’histoire d’un homme... et d’un monstre ! »...

En chanson, Clopin explique ainsi aux enfants, et par là même aux spectateurs, les origines de Quasimodo. Celles-ci remontent à environ vingt ans plus tôt. Au cœur d’une nuit noire, un couple de Bohémiens et l’un de leurs compagnons tentèrent d’entrer dans Paris. Malgré toutes les précautions prises en amont, ces derniers furent malgré tout surpris et arrêtés par les forces de l’ordre placées sous l’autorité de l’intraitable juge Claude Frollo. Si le passeur et les deux Bohémiens furent immédiatement arrêtés, la jeune femme parvint pour sa part à se débattre et à fuir en emportant avec elle son nouveau-né. Cherchant à trouver refuge dans l’enceinte de la cathédrale, elle fut néanmoins bien vite rattrapée par le juge qui, en la frappant violemment du pied, provoqua sa mort.

Meurtrier en puissance, Frollo tenta de se débarrasser de l’enfant mais il fut empêché par l’archidiacre de Notre-Dame qui prit à témoin la cathédrale elle-même pour contraindre le juge à sauver le bébé et à l’élever comme son propre fils. Usant d’autres marionnettes représentant Frollo et le pauvre enfant, Clopin poursuit en expliquant que le juge accepta par dépit de prendre sous son aile le bossu qu’il baptisa Quasimodo, le « difforme ». Ce dernier survécut donc à la tragédie de ses parents et, sous la coupe de son maître, grandit seul dans l’une des tours de la cathédrale, à l’abri des regards. Depuis, Quasimodo se charge de sonner les cloches dans l’indifférence totale des badauds qui, pour la plupart, ignorent tout de ses origines...

Clopin est de retour à la vingtième minute du film. Mais cette fois, le personnage n’est cependant plus le narrateur mais bien un acteur à part entière de l’histoire. C’est le jour de la Fête des fous. Et les Parisiens se sont réunis nombreux pour s’amuser et surtout rompre un quotidien morose en profitant de cette unique journée pour s’extasier et, exceptionnellement, enfreindre les règles et s’autoriser tout ce qui, durant le restant de l’année, est absolument interdit.

En bon maître de cérémonie, Clopin invite dès lors chacun à boire et festoyer. L’occasion est trop bonne de se payer la tête du roi, des nobles, des bourgeois et du clergé. Les bouffons, les voleurs et les fous sont à l’honneur. Chacun est libre de dépasser les bornes. Clopin a lui-même l’outrecuidance de provoquer le juge Frollo qui, de par ses fonctions, est obligé d’apparaître en public malgré sa détestation de ce genre de mascarade grotesque.

Après avoir laissé les Parisiens se rincer l’œil grâce à l’envoûtant numéro de danse d’Esmeralda, Clopin reprend les festivités avec l’élection puis le sacre tant attendu du Roi des fous. Repéré par le bouffon au milieu de la foule, Quasimodo est bientôt poussé sur scène. Toutefois, lorsque chacun découvre que ce dernier ne porte en réalité pas de masque et que sa laideur est absolument véritable, la fête est sur le point d’être gâchée. Bouche bée, tout le monde comprend que le pauvre maraud qui se tient là, devant eux, n’est autre que le sonneur de Notre-Dame. La peur et l’horreur s’emparent du public. L’ambiance, jusqu’ici tonitruante, retombe complètement...

Il faut alors tout le talent de Clopin pour redonner un peu de chaleur à la fête. Pour lui, la présence de Quasimodo n’est pas une tare. Bien au contraire, c’est une sacrée aubaine ! Après tout, ne s’agissait-il pas aujourd’hui de trouver « le plus affreux visage de Paris » ? Clopin pose ainsi la couronne sur la tête de Quasimodo vivement salué par la foule. Éjecté sans ménagement, le roi des fous de l’an dernier doit alors laisser sa place au bossu porté en triomphe par une foule extatique. La fête tourne cependant court... La joie laisse rapidement sa place à la terreur. La célébration est remplacée par l’humiliation. Après avoir été encensé, Quasimodo est conspué par la population. Alors que la fête tourne mal, Clopin disparaît sans crier gare...

Clopin ne revient dans l’intrigue que bien plus tard. L’ambiance festive a totalement disparu. Humilié, Frollo a mis Paris à feu et à sang afin de retrouver Esmeralda. La population est accablée. La colère et l’esprit de revanche du juge humilié sont énormes. La menace est profonde. En refusant d’appliquer des ordres jugés totalement illégaux, Phoebus a perdu son rang. Pire, l’ancien capitaine a été sévèrement blessé lors de sa fuite. Du haut des tours, Quasimodo est désemparé. La terreur est d’autant plus grande que Frollo vient de lui révéler avoir enfin trouver la Cour des Miracles. Les Bohémiens sont donc en grand péril. Esmeralda elle-même est promise au bûcher. Bernés par le juge manipulateur qui, en réalité, ne connaît en aucun cas l’emplacement de la Cour, Quasimodo et Phoebus décident d’intervenir et de prévenir les Bohémiens du danger qui pèse sur eux.

Aidés par le pendentif qu’Esmeralda lui a offert plus tôt, Quasimodo parvient à localiser la Cour des Miracles. Avec Phoebus, il se met alors en route. Le danger est cependant partout. Les garnisons rodent dans les rues de la capitale. Le passage par les catacombes est lui-même périlleux. Éclairés par une simple torche, Quasimodo et Phoebus se retrouvent bientôt plongés dans le noir. Lorsque la lumière revient, tous les deux sont immédiatement assaillis par Clopin et ses hommes de main.

À présent, Clopin a troqué son habit de fête pour de simples guenilles. Dès lors, ce n’est plus au saltimbanque que Quasimodo et Phoebus ont affaire, mais bien au chef des Bohémiens et maître incontesté de la Cour des Miracles dont le jugement est sans appel. Accusés d’être les espions de Frollo, le bossu et le capitaine des gardes sont condamnés sans aucune forme de procès à la potence. Se faisant une joie de les voir se balancer au bout d’une corde, Clopin est cependant stoppé in extremis dans son élan par Esmeralda qui, elle-seule, connaît les intentions louables de Quasimodo et Frollo.

Prévenu que les troupes sont sur le point d’envahir la Cour des Miracles, Clopin perd rapidement son sourire. Comme les autres Gitans, il prépare sa fuite. Mais il est trop tard. Guidés dans l’ombre par Quasimodo et Phoebus, Frollo et ses hommes viennent de faire irruption. Tous les accès de la Cour sont désormais bouclés. Clopin est arrêté et ligoté.

À l’aube, un bûcher est installé sur le parvis de Notre-Dame. Frollo lit la sentence rédigée à l’encontre d’Esmeralda, condamnée à être brûlée vive. Rien ne semble pouvoir la sauver. Quasimodo a été enchaîné à sa tour. Phoebus est dans une cage tout comme Clopin et les Bohémiens qui assistent à la scène.

L’exécution est cependant interrompue lorsque Quasimodo parvient à se défaire de ses chaînes pour sauver Esmeralda. Phoebus réussit lui-même à s’extraire de sa cage et à convaincre les Parisiens de se soulever contre l’autoritarisme de Frollo. Toutes les cages sont ouvertes. Clopin parvient à s’extraire pour participer au combat.

Clopin revient sur le devant de la scène à la toute fin du (Le) Bossu de Notre-Dame. La tension est retombée. Esmeralda, comme l’ensemble des Bohémiens, est sauve. Frollo a péri en chutant du haut de la cathédrale. Jusqu’ici considéré comme un paria, Quasimodo est à présent considéré comme un héros. Prenant une petite fille dans ses bras, Clopin reprend alors sa chanson du début du film au moment où les Parisiens saisissent le bossu pour le porter en triomphe dans les rues de la capitale.

La Conception du personnage

Au moment de concevoir le script du (Le) Bossu de Notre-Dame, les réalisateurs Kirk Wise et Gary Trousdale ainsi que les scénaristes Tab Murphy, Irene Mecchi, Jonathan Roberts, Bob Tzudiker et Noni White font dès le départ le choix de modifier l’histoire originale de Victor Hugo. Parmi les plus beaux en son genre, le roman Notre-Dame de Paris est en effet sombre et complexe. Si le trame de fond est conservée, de nombreux changements sont dès lors opérés. Certains personnages passent ainsi à la trappe comme Pierre Gringoire, Jehan Frollo, Paquette ou Fleur-de-Lys. D’autres, quant à eux, voient leur rôle être totalement réécrit.

Comme Quasimodo, Esmeralda, Frollo ou Phoebus, le Clopin du dessin animé s’éloigne dès lors beaucoup du Clopin évoqué dans le roman. Dans l’œuvre de Victor Hugo, le personnage est en effet présenté comme l’un des plus habiles voleurs de Paris. Usant d’un costume de mendiant et prétextant de fausses blessures pour amadouer la population, il détrousse les bourgeois qu’il déteste au plus haut point. Semblant n’être qu’un pauvre bougre méprisé et persécuté par les autres, Clopin n’est toutefois pas aussi vulnérable et minable qu’il n’y paraît au début du livre. Vil menteur ayant appris à survivre en transgressant la loi, le personnage est en effet le chef suprême de la Cour des Miracles. Portant les titres ronflant de roi de Thunes et de suzerain suprême du royaume de l’argot, il se présente dès lors comme le successeur du grand coësre, c’est-à-dire le maître absolu de tous les mendiants et de tous les gueux de la capitale. À ce titre, il semble avoir le droit de vie et de mort sur tous ses sujets, tous ses prisonniers et sur quiconque pénètre entre les murs de la Cour des Miracles. Le lecteur ignore cependant d’où lui vient ce pouvoir incroyable, Victor Hugo ne s’attardant pas vraiment sur l’histoire du personnage dont le passé demeure flou.

Chez Disney, Clopin est un tout autre protagoniste. Son patronyme, Trouillefou, est tout d'abord effacé. Sa carrière de voleur est elle aussi oubliée ou tout du moins, elle est totalement laissée dans l’ombre. Si le spectateur comprend aisément que Clopin n’est pas l’honnêteté incarnée, aucun acte répréhensible n’est en particulier montré à l’écran. Voleur patenté et criminel en puissance dans l’œuvre de Victor Hugo, il endosse désormais le rôle d’un simple saltimbanque cherchant à gagner sa vie en divertissant les passants grâce à son spectacle de marionnettes. Tels les artistes de la commedia dell’arte et du théâtre de Guignol, il installe ainsi sa roulotte en pleine rue où il improvise des saynètes avec ses poupées. Chanteur remarquable, c’est à lui qu’incombe alors la mission de raconter l’histoire de Quasimodo aux enfants réunis devant lui et, par la même occasion, aux spectateurs assis devant leur écran.

Artiste accompli, le Clopin de Disney n’est pas pour autant devenu un parangon de vertu. Rieur et moqueur, le bouffon se fiche en effet pas mal de l’ordre établi et ne semble avoir de respect pour personne, hormis ses amis et ses voisins de la Cour des Miracles. La hiérarchie, les dignitaires, les personnages officiels et les religieux font ainsi les frais de ses frasques, plus encore durant la Fête des fous où tout semble permis. Les Parisiens eux-mêmes sont parfois ridiculisés. Loufoque et certainement un peu fou, Clopin s’offre également le luxe de se payer la tête de Frollo alors même qu’il semble extrêmement risqué de froisser de la sorte l’impitoyable juge.

Montré comme le maître de cérémonie de la Fête des fous, Clopin perd enfin les titres de noblesse que Victor Hugo lui avait donnés. Épargné dans l’œuvre de Disney, le bouffon n’est plus présenté comme le roi de Thunes, le suzerain suprême du royaume de l’argot ou comme le successeur du grand coësre. Malgré tout, le personnage conserve une place de choix au sein de la Cour des Miracles sans qu’il n’y ait pour autant de preuve évidente qu’il en soit le chef incontesté. C’est ainsi lui qui prononce la sentence contre Quasimodo et Phoebus dans une scène qui, par certains aspects, rappelle la condamnation de Pierre Gringoire dans le roman. Mais il est coupé dans son élan par Esmeralda qui, comme lui, semble disposer d’une certaine autorité auprès des autres Gitans.

Haut en couleur, Clopin reste un personnage à part dans (Le) Bossu de Notre-Dame. En premier lieu, il n’apparaît ni comme un gentil, ni comme un méchant. Si certains de ses actes sont louables, comme ses spectacles de rue, d’autres sont plus douteux, en particulier son sens de l’humour macabre et surtout sa conception de la justice qui consiste à pendre ses prisonniers sans entendre ce qu’ils ont à dire avant. Un tantinet schizophrène lorsqu’il parle à sa marionnette comme s’il s’agissait d’une vraie personne, Clopin est surtout le seul protagoniste du film à avoir un pied dans et en dehors de l’histoire. S’il interagit en effet avec les autres personnages, il regarde et s’adresse également aux spectateurs assis dans la salle lors de la magnifique séquence d’ouverture durant laquelle le quatrième mur, à l’évidence, est brisé.


Dessin d'animation de Michael Surrey, mise au net par Margie Daniels

Victor Hugo s’attarde peu sur l’apparence de Clopin. Alors même que d’autres personnages, tels Quasimodo et La Esmeralda, sont passés au peigne fin, le maître de la Cour des Miracles demeurent assez mystérieux. Son passé est inconnu. Sa description physique est elle aussi succincte avec, pour seuls indices, la mention d’un « menton difforme » et d’une « main calleuse ».


Dessins d'animation par Michael Surrey, mise au net par Margie Daniels

Chez Disney, Clopin apparaît sous les traits d’un homme vigoureux au corps mince et souple. Véritable acrobate, ses lignes sont sinueuses et souples, à l’exact opposé de personnages comme Frollo, Phoebus et les autres gardes dont les silhouettes sont plus verticales et rigides. La peau tannée, Clopin possède une chevelure hirsute mi-longue noire corbeau et un bouc. Un anneau doré suspendu à l’oreille gauche, il porte au cours de ses deux premières scènes un costume bariolé avec une chemise bicolore rose et violette et un pantalon pourpre rehaussé, sur une jambe, de rayures jaunes. Son costume est complété par un masque fuchsia bordé d’un liseré doré, un chapeau à plume, des gants noirs et une collerette et des souliers à grelots.


Feuilles de modèles

Dans la seconde moitié du film, Clopin change de tenue. Alors que la tension monte et que l’histoire se noircit, il revêt un costume plus sombre. Toujours affublé de son chapeau et de ses gants, il est à présent vêtu d’une collerette, d’une chemise et d’un pantalon violets. L’anonyme n’étant plus de mise au sein de la Cour des Miracles, Clopin ne porte plus son masque. Le danger rôdant malgré tout, une dague est accrochée à sa ceinture.

Recherche graphique
par Jean Gillmore
Recherche graphique
par Peter De Sève

L’apparence graphique de Clopin est notamment issue de l’imagination des artistes Jean Gillmore et Peter De Sève.
Après avoir travaillé sur des séries comme Fraggle Rock, Mystérieusement Vôtre : Signé Scooby-Doo ou Les Muppet Babies, Jean Gillmore entre chez Disney à la fin des années 1980 en qualité d'artiste de développement visuel. À ce poste, elle livre des centaines de recherches graphiques pour des films comme Le Prince et le Pauvre, La Belle et la Bête, Aladdin, Le Roi Lion, Pocahontas, une Légende Indienne, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule et Mulan. Reconnue pour son talent incroyable, elle collabore brièvement avec les studios Pixar sur 1001 Pattes (a bug’s life) puis revient chez Disney sur des productions comme Tarzan, Fantasia 2000, Kuzco, l’Empereur Mégalo, Atlantide, l’Empire Perdu et La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers. Après quelques années en free-lance durant lesquelles est planche notamment sur Barbie : Cœur de Princesse et Rio, elle travaille ensuite avec les équipes de Clochette et la Pierre de Lune, Zootopie, La Reine des Neiges et sa suite ou bien encore Raya et le Dernier Dragon.

Jean Gillmore
Peter De Sève

Originaire du Queens où il naît en 1958, Peter De Sève se fait notamment connaître en signant des dizaines de couvertures pour la revue The New Yorker. Trouvant son inspiration dans les comic books qu’il dévorait étant enfant, il se tourne vers la caricature d’humains et d’animaux ce qui attire bientôt l’attention des studios d’animation de la côte Ouest. Engagé par Disney, il contribue ainsi à la production du (Le) Bossu de Notre-Dame, Mulan, Tarzan, Kuzco, l’Empereur Mégalo et La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers. Dans le même temps, il travaille aussi pour Pixar (1001 pattes (a bug’s life), Le Monde de Nemo, Ratatouille), pour Dreamworks, S.K.G. (Le Prince d’Égypte) et pour Blue Sky (L’Âge de Glace, Robots, Epic : La Bataille du Royaume Secret, Ferdinand). Crédité aux génériques de Hop et Le Petit Prince, Peter De Sève est l’auteur d’A Sketchy Past.

L’animation de Clopin est supervisée par Michael Surrey. Né le 17 août 1964 à Toronto, au Canada, l’artiste étudie l’animation au Sheridan College avant de débuter sa carrière à la fin des années 1980. Engagé chez Disney en tant qu’assistant animateur, il travaille alors sur Le Prince et le Pauvre et La Belle et la Bête. Promu animateur à part entière sur le personnage d’Aladdin, il supervise ensuite la création de Timon, de Clopin, de Tok, du Capitaine Rourke, de Buck et de Ray. Après avoir travaillé sur Raiponce et Winnie l’Ourson, Surrey passe chez Dreamworks Animation et collabore à la production des (Les) Croods et Dragons 3 : Le Monde Caché. Son animation de Clopin lui vaut une nomination à l’Annie Award du Meilleur animateur.

Michael Surrey
Danny Galieote

Michael Surrey est épaulé par Danny Galieote. Originaire de Burbank, il suit les cours de l’Art Center College of Design de Pasadena et de l’Institut CalArts avant d’être recruté par les studios Disney. Pendant douze ans, il participe alors à l’animation de personnages comme Simba, Clopin, Tok, Rourke, Jim Hawkins, Maggie et Charlotte. Après sa carrière chez Disney, Danny Galieote entame une carrière d’enseignant. En 2011, l’artiste décide de se consacrer à plein temps à sa passion pour la peinture.

Les Voix de Clopin

En version originale, Clopin est interprété par Paul Kandel. Né le 15 février 1951 dans le Queens, l’artiste alterne entre les écrans et la scène. Au générique de séries comme Amoureusement Vôtre, New York : Police Judiciaire, The Client et Sally Hemings: An American Scandal, Kandel se produit à Broadway dans des comédies musicales de renom, Titanic, The Who’s Tommy, The Visit et Jesus Christ Superstar dans laquelle il joue le rôle du roi Hérode. Nommé aux Tony Awards en 1993, il participe au doublage d’Aladdin et le Roi des Voleurs dans le rôle d’un voleur.

Paul Kandel
Bernard Alane

En France, le rôle de Clopin est tenu par Bernard Alane. Né à Paris le 25 décembre 1948, le comédien débute sa carrière à la fin des années 1960. Interprète de l’Hiberné Paul Fournier dans Hibernatus aux côtés de Louis de Funès, il apparaît notamment dans La Vie Parisienne, L’Été de Nos Quinze ans et Agathe Cléry. Pensionnaire de la Comédie-Française entre 1972 et 1973 à l’affiche de pièces comme Pygmalion, Roméo et Juliette, Le Bourgeois Gentilhomme, Peter Pan, Un Mari Idéal et La Cage aux Folles, Bernard Alane se produisant en parallèle au théâtre tout en jouant à la télévision dans Les Compagnons d’Éleusis, Les Amours sous la Révolution et Le Grand Charles. Voix française de Stanley Tucci, Stephen Tobolowsky et David Thewlis, il interprète par ailleurs des dizaines de personnages animés : Atchoum, Bambi, Maître Hibou, Fil, le Professeur Z, le Duc de Weselton, Averell Dalton, Panoramix... Dans Le Bossu de Notre-Dame, il prête en outre sa voix à La Muraille.

Les Autres Apparitions de Clopin

Clopin fait son retour dans la piètre suite Le Bossu de Notre-Dame 2 : Le Secret de Quasimodo produite pour le marché de la vidéo en 2002. Son rôle est alors considérablement altéré. Le personnage n’est plus le narrateur du film. Il apparaît néanmoins dès le début et participe aux préparatifs du Jour d’amour aux côtés de Quasimodo et des Parisiens. Plus tard, il annonce avec joie l’arrivée en ville du cirque de Sarousch. Au cours des festivités, lui-même divertit la foule avec ses marionnettes. Il présente en outre le numéro de danse d’Esmeralda.


Le Bossu de Notre-Dame 2 : Le Secret de Quasimodo

Après le vol de La Fidèle, l’une des cloches de Notre-Dame subtilisée par Sarousch, Clopin demande à la population de se mobiliser pour la retrouver sous peine de gâcher le Jour d’amour. Le bouffon est enfin de retour à la fin du film. Tout est rentré dans l’ordre et il célèbre comme il se doit l’amour des Parisiens.


Le Printemps Merveilleux de Mickey

En 2022, dans Le Printemps Merveilleux de Mickey, une figurine de Clopin est découverte par Minnie au milieu de tout le bric-à-brac amassé par Mickey dans sa maison au fil des années.

Le Bossu de Notre-Dame - Le Livre Animé Interactif
The Hunchback of Notre Dame: Topsy Turby

Comme tous les personnages du (Le) Bossu de Notre-Dame, Clopin est visible dans le livre animé interactif adapté du film. Il est également présent dans le jeu vidéo The Hunchback of Notre Dame: Topsy Turby.

Der Glöckner von Notre Dame
The Hunchback of Notre Dame - A New Musical

Dans l’adaptation en comédie musicale du (Le) Bossu de Notre-Dame montée à Berlin entre 1999 et 2002, Clopin est interprété par le comédien Jens Janke.
En 2014, dans la nouvelle adaptation scénique produite à La Jolla Playhouse de San Diego du 28 octobre au 7 décembre, le rôle est repris par Erik Liberman.

La Parade du Carnaval des Fous
La Grande Célébration

Clopin fait enfin partie des rares personnages du (Le) Bossu de Notre-Dame présents dans les parcs Disney à l’époque de la sortie du film. Ainsi, les visiteurs de Disneyland, de Walt Disney World, deTokyo Disneyland ou de Disneyland Paris pouvaient-ils le rencontrer de temps à autres. Le bouffon était par ailleurs le leader de La Parade du Carnaval des Fous. Plus récemment, il est apparu lors de La Grande Célébration organisée pour les vingt-cinq ans du Parc parisien.

Protagoniste haut en couleur qui accueille les spectateurs et les plonge dans l’histoire poignante de Quasimodo, Clopin est l’un des personnages les plus réussis du (Le) Bossu de Notre-Dame qui rendent un bel hommage à l’œuvre originale de Victor Hugo.

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