Pinocchio
Titre original : Pinocchio Production : Walt Disney Pictures Date de mise en ligne USA : Le 8 septembre 2022 (Disney+) Genre : Fantastique |
Réalisation : Robert Zemeckis Musique : Alan Silvestri Durée : 105 minutes |
Le synopsis
Geppetto, un vieil artisan, sculpte le bois et fabrique des jouets partageant sa solitude avec son chat Figaro et son poisson rouge Cléo. Il crée d'ailleurs une marionnette à l'image d'un garçonnet, qu'il baptise Pinocchio. À la nuit tombée, l'inventeur ébéniste prie l'Étoile des Souhaits avant de s'endormir. La Fée Bleue exauce le vœu le plus cher de Geppetto... |
La critique
Pinocchio est une nouvelle adaptation en prises de vues réelles d'un classique d'animation de Walt Disney. Loin d'être la plus réussie, elle suit globalement le classique de 1940 sans fatalement retrouver ce qui en faisait le charme. Elle offre tout de même quelques changements qui font qu'elle n'est pas un simple copier / coller, proposant quelques idées intéressantes, notamment dans la caractérisation du personnage principal ainsi que dans son sous-texte.
Pinocchio est à l'origine un conte italien écrit, en 1881, par le florentin Carlo Collodi, de son vrai nom Lorenzini. Né le 24 novembre 1826, fils de domestiques, il s'extrait de sa condition en devenant journaliste et critique en complément de son métier de fonctionnaire affecté à la censure. Il s'essaie ensuite aux romans, aux drames et aux essais avant de passer aux contes. Pinocchio est ainsi une commande de Ferdinando Martini, alors directeur de la revue pour enfants Giornale per i Bambini. L'histoire est construite en 36 chapitres édités par intermittence en quatre vagues, de juillet 1881 à janvier 1883. Les chapitres sont ensuite compilés le mois suivant dans le livre Le Aventure di Pinocchio, Storia di un Burattino. Carlo Collodi vante dans son histoire les vertus morales et laïques comme la famille, l'école, le travail et l'amour du métier bien fait, ceci à travers le prisme de son héros rebelle. Le conte est devenu très rapidement un classique de la littérature italienne et un succès dans le monde entier ; Pinocchio ayant acquis sans mal le statut de personnage universel.
Dans la seconde moitié des années 1930, Walt Disney s'empare des droits sur l'œuvre qu'il considérait idéale pour un deuxième long-métrage alors même que Bambi était déjà dans une phase préparatoire avancée. Ses scénaristes se sont ainsi attelés à faire un tri sur le foisonnement de personnages présents dans le roman et toutes les aventures du héros. Le film est, à ce titre, plus une adaptation qu'une retranscription fidèle du feuilleton littéraire. De nombreux personnages sont en effet supprimés, d'autres sont étoffés comme Jiminy Cricket et Figaro, quand ils ne sont pas purement et simplement créés de toutes pièces, telle Cléo. Cette libre interprétation de Pinocchio ne se fera d'ailleurs pas sans heurt avec la famille de l'auteur qui intentera, en vain, un procès à Walt Disney pour dénaturation de l'œuvre. Il est donc essentiel de bien comprendre que la vision de Pinocchio présentée par Walt Disney est avant tout la sienne et qu'elle ne doit pas être, au-delà de sa grande qualité, considérée comme correspondant à celle de Carlo Collodi, même s'il convient d'admettre que le rouleau compresseur du merchandising de la Compagnie de Mickey a fait de sa propre version la référence de l'œuvre auprès du grand public.
Pinocchio sort dans les salles américaines le 7 février 1940 avec des critiques dithyrambiques. Les spécialistes de l'animation vont d'ailleurs le qualifier au fil des décennies comme LE film d'animation s'étant le plus rapproché de la perfection et dont la qualité n'a jamais été égalée depuis. Le long-métrage Disney se voit récompensé de deux Oscars : celui de la Meilleure Chanson pour Quand On Prie la Bonne Étoile et celui de la Meilleure Musique. Si les critiques sont unanimes, le public est ravi mais se rue moins en masse en comparaison de Blanche Neige et les Sept Nains. Aux États-Unis, il fait deux moins d'entrées que le premier film de Walt Disney pour un budget deux fois plus important. De plus, la Seconde Guerre mondiale stoppe net la carrière internationale de Pinocchio. Si le spectateur américain découvre le film en 1940, le marché européen, pesant prés 40% de recettes du studio à l'époque, lui reste fermé jusqu'à la fin du conflit. Le long-métrage devra, dans ces conditions, attendre les ressorties au cinéma pour finalement se rentabiliser.
Pinocchio n'est ainsi jamais devenu une franchise très lucrative pour Disney. Pourtant, certains personnages ont réussi à développer une vie au-delà du long-métrage. Figaro, par exemple, intègre le cercle de Minnie et de Pluto, devient le chat de la fiancée de Mickey et apparaît dans plusieurs cartoons dont Pluto et Figaro en 1948. Jiminy Cricket est quant à lui le maître de cérémonie du film d'anthologie Coquin de Printemps en 1947. La conscience de Pinocchio devient ensuite l’emblème Disney du savoir, de la sécurité et de la sagesse, étant la vedette de nombreux courts-métrages éducatifs comme I'm No Fool... With a Bicycle en 1956 ou alors en étant présentateur d'épisodes de l'émission d'anthologie comme par exemple dans On Vacation en 1956. Les Personnages du film sont aussi très présents dans les Parcs Disney. L'attraction Pinocchio's Daring Journey ouvre en 1983 à Tokyo Disneyland et à Disneyland en Californie avant d'être reproduite sous le nom des (Les) Voyages de Pinocchio à Disneyland Paris dès son ouverture en 1992. Des restaurants sur le thème du film existent aussi à Walt Disney World Resort en Floride, en Californie ainsi qu'à Paris sous le nom d'Au Chalet de la Marionnette. En revenant du côté de l'audiovisuel, la première adaptation en prises de vues réelles de Disney sur Pinocchio remonte en réalité à l'an 2000 quand l'émission The Wonderful World of Disney propose le téléfilm musical Geppetto avec Drew Carey dans le rôle-titre.
La première annonce d'une nouvelle adaptation de Pinocchio en prises de vues réelles par les studios Disney remonte à 2015. Deux ans plus tard, le script est confié à Peter Hedges avant qu'il ne soit remplacé par Chris Weitz. Sam Mendes (Empire of Light) est pour sa part envisagé à la réalisation mais il préfère décliner la proposition. En 2018, Paul King (Paddington) est à son tour choisi pour le remplacer mais un empêchement familial lui fait stopper le projet. Finalement en 2019, Robert Zemeckis obtient le poste de réalisateur.
Né en 1952 à Chicago, il étudie d'abord à l'Université de l'Illinois puis passe en 1973 une licence de cinéma à l'USC. Signant, en début de carrière, plusieurs longs-métrages dont la qualité et les résultats commerciaux restent somme toute anecdotiques, il doit sa première vraie reconnaissance du public à l'acteur et producteur Michael Douglas qui lui confie la réalisation d'À la Poursuite du Diamant Vert (1984), une comédie d'aventures dont Kathleen Turner et Danny DeVito assurent les deux rôles vedettes. En 1985, il franchit une nouvelle étape avec un blockbuster surprise, Retour Vers le Futur, qui atteint en première exclusivité 350 millions de dollars de recettes. En 1988, il renouvelle l'exploit en signant Qui Veut la Peau de Roger Rabbit, le mélange le plus sophistiqué d'animation et de prises de vues réelles jamais réalisé à cette date. Il enchaîne ensuite avec deux épisodes additionnels, Retour Vers le Futur - 2ème Partie (1989) et Retour Vers le Futur - 3ème Partie (1990), puis réalise la comédie fantastique La Mort Vous Va si Bien (1992) avec Meryl Streep et Goldie Hawn. En 1994, le triomphe critique et populaire de Forrest Gump lui ramène l'Oscar 1995 du Meilleur Réalisateur, le Golden Globe et le Directors Guild Award tandis que son comédien, Tom Hanks, décroche lui l'Oscar du Meilleur Acteur. Il signe ensuite trois autres films live : l'adaptation du best-seller de Carl Sagan Contact (1997), avec Jodie Foster ; le thriller Apparences (2000) interprété par Harrison Ford et Michelle Pfeiffer, et la même année, Seul au Monde avec Tom Hanks.
Entre temps, en 1998, il fonde avec Steve Starkey et Jack Rapke la société de production ImageMovers pour sortir, sous son label, tous ses films. Parmi eux se trouve Le Pôle Express avec Tom Hanks (2004), son tout premier long-métrage à exploiter à fond la technique de la Motion Capture avant La Légende De Beowulf (2007), mettant en scène, entre autres, Anthony Hopkins, John Malkovich et Angelina Jolie. La même année, il monte en collaboration avec Disney le studio dédié à la Motion Capture ImageMovers Digital dont le premier film est Le Drôle de Noël de Scrooge en 2009. Il en est le réalisateur et connaît avec un joli succès. Malheureusement, le second, Milo sur Mars, en 2011, dont il est seulement le producteur, est un flop monumental à tel point que Disney ferme immédiatement le studio.
Suite à cet échec, le réalisateur revient à la prises de vues réelles et réalise Flight (2012) avec Denzel Washington, The Walk - Rêver Plus Haut (2015) avec Joseph Gordon-Levitt, Alliés (2016) avec Brad Pitt et Marion Cotillard, Bienvenue à Marwen (2018) avec Steve Carell et Sacrées Sorcières (2020) avec Anne Hathaway, plus ou moins bien accueillis.
Ce nouveau Pinocchio rentre dans la tradition instaurée depuis quelques années par la branche chargée des films live des studios de Mickey : adapter en prises de vues réelles des classiques de l'animation. Il faut de la sorte remonter à 2010 pour voir Disney relancer le genre en grande pompe avec l'adaptation d'Alice au Pays des Merveilles par Tim Burton. La formule est toute trouvée : une nouvelle adaptation d'un classique de la littérature enfantine, déjà traité par le passé par les studios, avec la vision, si possible, d'un réalisateur de renom. Ainsi, viennent ensuite une préquelle au (Le) Magicien d'Oz avec Le Monde Fantastique d'Oz en 2013 réalisé par Sam Raimi, puis en 2014 La Belle au Bois Dormant avec Maléfique par Robert Stromberg ; en 2015, Cendrillon par Kenneth Branagh ; en 2016, Le Livre de la Jungle par Jon Favreau et Peter et Elliott le Dragon par David Lowery ; en 2017, La Belle et la Bête par Bill Condon ; en 2018, Jean-Christophe & Winnie par Marc Forster ; en 2019 pas moins de deux films avec Dumbo de Tim Burton et Aladdin par Guy Ritchie sans compter le remake CGI du (Le) Roi Lion par Jon Favreau ainsi que La Belle et Clochard proposé directement sur la nouvelle plateforme Disney+ ; en 2020 Mulan de Niki Caro sorti directement sur Disney+ après que la sortie au cinéma a été empêchée suite à la crise sanitaire de la Covid-19 ; et enfin en 2021 Cruella de Craig Gillespie centré sur la fameuse méchante des (Les) 101 Dalmatiens. Il faut également ajouter les suites de ces adaptations comme Alice de l'Autre Côté du Miroir en 2016 et Maléfique : Le Pouvoir du Mal en 2019.
Parmi tous ces remakes, se remarquent toutefois deux catégories. La première est formée de films qui s'éloignent du matériel de référence pour proposer une relecture de l'histoire originale. Ce fut le cas avec Alice au Pays des Merveilles, Maléfique, Peter et Elliott le Dragon ou Dumbo. L'autre propose des films qui suivent au plus près le matériel de base, que cela soit le conte ou le film d'animation. Ainsi Cendrillon, Le Livre de la Jungle, La Belle et la Bête ou Le Roi Lion s'inscrivent dans cette veine. En apparence, Pinocchio est ainsi une version très fidèle au film d'animation de 1940. Les mêmes personnages ainsi que toutes les scènes clés sont en effet présentes. Le spectateur retrouve donc l'introduction où Jiminy Cricket se réfugie dans l'échoppe de Geppetto. Ce dernier est en train de donner la touche finale au pantin puis va prier l’Étoile des Souhaits, faisant apparaître la Fée Bleue qui va donner vie à Pinocchio tout en faisant de l'insecte la conscience de la marionnette. Le film enchaîne ensuite avec la rencontre avec Grand Coquin & Gédéon qui vont vendre Pinocchio à l’infâme marionnettiste Stromboli. Pinocchio s'enfuit mais se retrouve emmené par le Cocher dans l'Île Enchantée où les enfants pas sages se transforment en ânes. Pour finir, le pantin va sauver son père Geppetto, parti à sa recherche, terminant par se retrouver tous deux dans le ventre de Monstro. Mais cette nouvelle version de Pinocchio offre tout de même quelques changement subtils dans son histoire ainsi que de nouveaux personnages, allongeant son récit de trente minutes. Le film se suit donc sans déplaisir mais sans enthousiasme non plus.
La première chose qui étonne dans cette nouvelle version de Pinocchio est le traitement de Geppetto. Il passe ainsi d'un vieil homme solitaire à un veuf qui semble avoir perdu sa femme et son fils. Le traitement du personnage permet donc de lui amener un peu d'aspérité. En plus d'être un homme seul, il est également un père et un mari endeuillé qui n'arrive pas à s'extraire de sa peine. Il garde ses horloges en mémoire de sa tendre épouse décédée tandis qu'en sculptant ce pantin, il retrouve un peu son enfant perdu. Son rêve de vouloir voir Pinocchio prendre vie est ainsi encore plus poignant, surtout que Jiminy Cricket s'étonne lui même de ce souhait étonnant. Il aurait été en effet plus simple qu'il refasse sa vie s'il voulait avoir un vrai petit garçon, ce que le vieil homme n'a vraisemblablement pas choisi de faire. L'acteur Tom Hanks apporte beaucoup de tendresse au personnage de Geppetto, même si, il faut bien l'avouer, il est loin d'assumer son meilleur rôle. C'est pourtant la quatrième fois qu'il tourne sous la caméra de Robert Zemeckis et la deuxième fois qu'il joue dans un film à prises de vues réelles du label Disney après Dans l'Ombre de Mary - La Promesse de Walt Disney en 2013. Il sera juste regretté ici que dans la version française la voix régulière de l'acteur, Jean-Philippe Puymartin, soit remplacée par celle de Tristan Harvey, une de ses voix québécoises ; le doublage servant en effet des deux côtés de l'Atlantique.
Le personnage de Pinocchio, qui donne son titre au film, est en revanche assez proche physiquement du classique de 1940. Le pantin a, il est vrai, le même visage et le même physique que ceux du classique de 1940 ; le mimétisme allant jusqu'à lui donner des gants blancs. Ce qui interroge, par contre, est le fait que la personnalité de la marionnette soit légèrement différente de celle du premier Pinocchio de Walt Disney. Dans le long-métrage de 1940, le personnage avait tendance à être facilement influençable, n'écoutant jamais sa conscience et ne se rendant compte de la gravité de ses actes qu'à la toute fin du film, quand il commence à se transformer en âne. Le nouveau Pinocchio est lui légèrement plus innocent avec une naïveté exacerbée. Alors qu'en 1940, il était pour la plupart du temps fautif de ce qui lui arrivait, il est ici bien plus passif dans ses mésaventures, étant souvent poussé dans les ennuis à cause des autres. Pinocchio rentre par exemple dans un spectacle ambulant car l'instituteur n'a pas voulu de lui à l'école ou encore va sur l'Île Enchantée car d'autres enfants le poussent à les accompagner malgré son insistance à refuser. Ceci fait que le spectateur remarque que la morale change légèrement entre 1940 et 2022. Lors du siècle dernier, l'histoire voulait que les enfants soient braves, toujours francs, loyaux et obéissants. Ici, il y a un peu de ça bien sûr mais le film essaye aussi de montrer qu'il est important de rester soi-même, et que ce n'est pas l'apparence et le physique qui définissent réellement l’identité d'une personne. Le fait d'être un « vrai » petit garçon a donc une autre signification, plus philosophique. Le long-métrage parle en effet plus du rejet de l'autre venu de sa différence et de l'importance de s'accepter soi-même. Le film de 2022 offre ainsi une fin plus ouverte sur le destin de Pinocchio, mais également légèrement plus poignante.
Jiminy Cricket est, par contre, moins réussi. Les artistes ont choisi que son apparence graphique soit ici un mixte entre un vrai criquet et celle plus passe-partout de 1940. Ce faisant, le personnage perd beaucoup de son charme sans fatalement gagner en réalisme. Sa personnalité est également modifiée, pas pour le meilleur malheureusement. Le criquet perd en effet un peu en sagesse et en chaleur de par son côté plus comique et maladroit que dans la version de 1940. Jiminy Cricket y jouait à l'époque parfaitement son rôle de conscience, indiquant à Pinocchio ce qu'était le mal et ce qu'était le bien alors qu'ici, il sert davantage de narrateur que de guide pour le pantin. Pinocchio, de par sa gentillesse plus prononcée, sait déjà plus ou moins ce qui est correct et ce qui ne l'est pas. Jiminy n'est donc jamais très convaincant dans son rôle de mentor ; il est bien plus un acolyte qu'autre chose. L'acteur Joseph Gordon-Levitt (Lincoln, La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers) prête sa voix en anglais au personnage mais n'aide pas vraiment à le rendre attachant ; sa voix étant même ici un peu irritante.
Le nouveau Pinocchio fait aussi revenir certains personnages de l'entourage du pantin du film de 1940, à commencer par Figaro et Cléo. Les deux animaux de compagnie de Geppetto sont en effet présents dans des rôles plus ou moins similaires sauf qu'ils sont cette fois-ci entièrement animés par images de synthèse, ce qui leur enlève pas mal de charme.
La Fée Bleue vient également donner vie au pantin de bois. Étonnamment, son rôle est diminué de deux tiers puisqu'elle n'apparaît plus que dans une seule scène par rapport au film d'animation, celle où elle donne vie au pantin. Elle ne revient pas pour la séquence du nez de Pinocchio qui s’allonge ni à la fin. Cynthia Erivo (Les Veuves) interprète de façon convaincante et magique la créature imaginaire. Malheureusement, l'actrice a reçu un torrent d'insultes abjectes en raison de la couleur de sa peau ; ses détracteurs criant à la dénaturation de l'œuvre d'origine. Sauf qu'une fée étant une créature imaginaire, et non une figure historique, ces critiques ne reposent sur rien si ce n'est sur un racisme crasseux.
Tous les méchants du Pinocchio de 1940 sont présents dans la version de 2022 mais presque tous évoluent.
Les plus réussis sont sûrement Gédéon & Grand-Coquin. Étant ici aussi des animaux anthropomorphes, leur animation est plutôt de qualité et leurs expressions particulièrement convaincantes.
Stromboli est joué lui par l'acteur italien Giuseppe Battiston. Ce qui étonne alors n'est pas tellement la personnalité du marionnettiste qui est globalement la même bien qu'un brin plus loufoque tout en étant tout aussi malfaisante. Non, c'est plutôt son destin qui change. Le spectateur apprend en effet à la fin du long-métrage ce qu'il est devenu là où il disparaissait de l'histoire dans le classique de 1940. Dans la version de 2022, il est annoncé qu'il est arrêté par les autorités et qu'il va payer pour ses crimes. La séquence autour de Stromboli est également rallongée et étoffée grâce à la présence d'un personnage inédit. De même, certaines scènes sont changées par rapport au film d'animation, notamment celle du nez qui s'allonge quand Pinocchio est enfermé dans la cage.
Le Cocher est, pour sa part, plus intéressant en cela qu'il s'éloigne pas mal de la version de 1940. Joué ici par Luke Evans (La Belle et la Bête), il est plus volubile et bavard que le personnage du dessin animé qui était lui plus inquiétant. Néanmoins, les séquences de la charrette et de l'Île Enchantée n'en sont pas moins séduisantes. Les enfants emmenés dans ce lieu de perdition sont bien plus proactifs et conscients de l'endroit où ils vont là où en 1940, seul Crapule montrait vraiment sa détermination à y aller. Les décors de l'île sont eux particulièrement beaux et inventifs, un mélange de Disneyland et de Las Vegas, donnant l'impression de sortir de l'imagination de Tim Burton. Si les destructions sont toujours présentes, l'alcool est remplacé par la root beer tandis que cigares et cigarettes ont eux totalement disparu, respectant là la politique anti-tabac de The Walt Disney Company. Il sera également apprécié l'apparence des acolytes maléfiques du cocher qui ressemblent à des êtres de fumées tout droit sortis de l'imaginaire d'un film du Studio Ghibli.
Enfin, Monstro a également droit à un gros changement. Au-delà du fait que la durée et l'ordonnancement de la séquence sont différents, ce qui questionne surtout est l'apparence de l'animal. Il passe en effet d'une simple baleine à un monstre marin, mélange de l'apparence d'une baleine et d'un kraken affublé de tentacules. Il est un peu difficile de comprendre le pourquoi de cette évolution. Peut-être, et c'est une supposition, pour ne pas faire passer les cétacés pour de méchantes créatures afin que les enfants continuent à avoir envie de défendre ces mammifères marins menacés par la surpêche et le changement climatique ? En attendant, l'apparence du monstre reste assez étonnante...
En plus des personnages repris du long-métrage de 1940, d'autres viennent s'ajouter dans le Pinocchio de 2022.
Le premier d'entre eux est Sofia, la mouette revenant plusieurs fois dans le film. Elle sert de liant dans plusieurs scènes même si elle reste au final plutôt anecdotique par rapport au reste du casting.
Plus important sont sûrement la marionnettiste Fabiana, dont le rôle est tenu par Kyanne Lamaya, et sa marionnette ballerine Sabina. Les deux permettent d’apporter un peu plus de tendresse dans la séquence de Stromboli. Elles reviennent ensuite un peu avant la séquence de Monstro, dans un moment pour le coup très éloigné de la version de 1940. Cette deuxième scène a surtout pour but de doucement amener l'évolution de la personnalité de Pinocchio et d'insister sur les choix qu'il a à faire pour revenir dans le droit chemin.
Globalement, le nouveau Pinocchio n'est pas catastrophique. Mais il n'atteint jamais la perfection du classique de 1940. Le fait qu'il soit fidèle à son film de référence tout en ajoutant sa petite touche le rend intéressant à regarder. Certaines idées sont bienvenues et, il est vrai, plus en adéquation avec la société d'aujourd'hui. Néanmoins, d'autres faux pas sont tout aussi condamnables et donnent parfois des airs de mauvais goût à l'ensemble. Par exemple, dès l'entame, le film brise le quatrième mur lorsque Jiminy Cricket en tant que narrateur parle avec son « moi » plus jeune avant que celui-ci ne rentre dans l'échoppe de Geppetto. Sauf que le dialogue ne fonctionne pas et s'avère même un peu gênant. Une autre scène inutile et sans intérêt est celle, un peu avant que la marionnette ne rencontre Gédéon & Grand Coquin, où le pantin s'extasie devant une crotte de cheval et laisse tomber sa pomme juste à côté avant de la récupérer. Au-delà du mauvais message sur l'hygiène, quelle idée est passée par la tête des scénaristes et du studio pour vouloir offrir un moment si pathétique, même aussi court ?! Enfin, le spectateur s'étonnera aussi de la course-poursuite en mer pour échapper à Monstro. La marionnette pousse le bateau de son père en faisant des mouvements de jambes dignes de Flash dans Les Indestructibles dans une séquence plus embarrassante qu'autre chose alors qu'elle se voulait au contraire impressionnante et haletante.
Visuellement, le Pinocchio de 2022 est relativement convaincant. Globalement, la technique est au rendez-vous même si la qualité de l'animation numérique des personnages varie de l'un à l'autre. Pinocchio est plutôt réussi là où un Figaro est à peine passable. Les décors peuvent être aussi fabuleux comme ceux dans l'Île Enchantée, sympathiques comme ceux dans la boutique de Geppetto avec tous ces clins d'œil Disney vus dans les horloges aux murs ou plus conventionnels notamment dans le village italien et ses alentours. La réalisation de Robert Zemeckis n'a elle rien de vraiment extraordinaire. Il n'arrive jamais à insuffler du charme ou de la vie dans les images qu'il tourne. En fait, le Pinocchio de 2022 a le même souci que tous ses projets en Motion Capture des années 2000. La lumière et la façon dont elle est utilisée manquent de subtilité même si de jolis contre-exemples sont parfois présents à l'image de la belle scène de la Fée Bleue.
Pour la musique, Robert Zemeckis fait ici appel à Alan Sivlestri, son compositeur fétiche avec qui il travaille depuis À la Poursuite du Diamant Vert en 1984. Il offre une partition sympathique même si aucun thème ne reste en tête. De nombreuses chansons de 1940 sont reprises dans le nouveau film : Quand On Prie la Bonne Étoile, La Vie d'Artiste et Il Faut Savoir Briser Ses Liens. D'autres, en revanche, comme Un Pantin de Bois et Sifflez Vite, Vite ! ne sont pas présentes. Par ailleurs, quatre nouvelles chansons ont été composées spécialement pour le nouveau film par Alan Silvestri et Glen Ballard. Deux, When He Was Here with Me et Pinocchio Pinocchio sont chantées par Tom Hanks au début du film. I Will Always Dance est, elle, interprétée lors d'un moment touchant par le personnage de Fabiana au cours de la séquence de Stromboli. Enfin, The Coachman to Pleasure Island est la chanson du Cocher lorsqu'il essaye de convaincre Pinocchio d'aller sur l'Île Enchantée. Globalement, les chansons donnent vraiment l'impression d'être un exercice imposé plutôt que venant d'une envie de proposer une vraie comédie musicale : elles font pour la plupart moins de deux minutes, sans chorégraphies dignes de ce nom tandis que les reprises de 1940 sont raccourcies et donc moins impactantes.
Ce nouveau Pinocchio est sorti en ayant été conspué de toute part. Si le film est loin d'être la catastrophe totale annoncée, il n'en demeure pas moins qu'il est loin d'être parfait. Ayant perdu le charme de son aîné, il vaut surtout pour son sous-texte qui essaye de faire évoluer le message du classique de 1940, parfois maladroitement mais en parvenant tout de même à tirer une petite larme au spectateur.