Éros

En 1997, les studios Disney livrent leur propre vision de la légende d’Hercule. Pour l’occasion, les dieux de la mythologie grecque sont convoqués, à l’image d’Éros, la divinité primordiale de l’amour.

Les origines d’Éros demeurent assez floues dans la mythologie grecque. Dans la Théogonie, le poète Hésiode parle de lui comme étant né du seul Chaos. Comme Tartare (les Abysses), Nyx (la Nuit), Gaïa (la Terre) et Érèbe (les Ténèbres), il fait ainsi partie des divinités primordiales qui étaient là à l’origine des temps. Dans la Théogonie orphique, il est cette fois mentionné qu’il est le fils du Chaos et de l’Éther. Dans Les Oiseaux, Aristophane note pour sa part qu’Éros serait sorti d’un œuf issu de la Nuit aux ailes noires. Doté lui-même d’ailes en or, il aurait ensuite engendré les oiseaux avec le concours du Chaos.

Éros, peinture de Paul Gervais, plafond de la Salle Gervais, Capitole de Toulouse

Beau, ténébreux et immortel, Éros serait impliqué dans la création du monde. C’est lui, en effet, qui permet à Gaïa et Ouranos de s’unir. Dieu de la passion, ses origines sont une nouvelle fois réécrites autour du VIe siècle av. J.-C.. Certains auteurs le présentent alors comme le fils d’Aphrodite, la déesse de la beauté, et d’Arès, le dieu de la guerre. D’autres disent qu’il est la progéniture d’Aphrodite et d’Hermès. Au IVe siècle, le philosophe Platon continue de semer le trouble en faisant d’Éros le fils de Poros (l’Opulence) et de Pénia (la Pauvreté). Au final, la confusion est telle qu’aujourd’hui, nombre de spécialistes suggèrent qu’il existait peut-être deux Éros différents, l’un présent depuis la nuit des temps et à l’origine de toute création, et l’autre, né parmi les dieux et associé au désir sexuel.

Céramique à figures rouges, IVe siècle av. J.-C., Musée des Beaux-Arts de Boston.

Éros était en particulier célébré à Thespies, en Béotie, où tous les quatre ans, étaient organisées les Érotidia. Dans les Métamorphoses, le philosophe Apulée l’associe au personnage de Psyché. Princesse dotée d’une beauté sans pareille, elle attire chaque jour le regard des badauds qui se pressent pour la contempler. Admiratifs devant toute cette splendeur, tous oublient alors de célébrer comme il se doit la déesse Aphrodite qui, jalouse, décide de se venger. Pour ce faire, elle charge son fils, Éros, de la rendre amoureuse du mortel le plus laid et méchant qui soit. Cependant, les choses ne se passent pas comme prévu. Se piquant le doigt avec l’une de ses flèches, Éros tombe à son tour sous le charme de Psyché.

L'Amour et Psyché à demi couchée,
marbre d'Antonio Canova, 1787-1793, Musée du Louvre, Paris.

Quelque temps plus tard, le père de Psyché décide de consulter l’Oracle d’Apollon, à Delphes, au sujet de sa fille, toujours célibataire. Il lui est conseillé d’abandonner cette dernière sur un rocher, au sommet d’une colline, où un monstre viendra la délivrer avant de l’épouser. Avec dépit, le père accepte de sacrifier sa fille, finalement sauvée par Zéphyr, le doux Vent de l’ouest. Amenée dans un somptueux palais, elle est traitée comme une reine par le maître des lieux, Éros, qui lui cache cependant son identité. Poussée par ses deux sœurs, Psyché prend néanmoins sur elle de découvrir le visage de son hôte. Se saisissant d’une lampe à huile, elle se glisse dans la chambre du bel Éros. Réveillé après qu’une goutte d’huile brûlante soit tombée sur son épaule droite, celui-ci prend la fuite.

Psyché et l'Amour endormi, huile sur panneau de bois de Pierre Paul Rubens,
vers 1636, Musée Bonnat-Helleu, Bayonne.

Le temps passe et Psyché désespère. Accablée, elle suit les conseils du dieu Pan et tente de reconquérir le cœur d’Éros, à présent séquestré par sa mère. Pour cela, elle doit se racheter en accomplissant différentes épreuves.Il lui faut en particulier trier une quantité colossale de grains, une tâche qu’elle parvient à remplir avec l’aide de fourmis. Elle doit ensuite rapporter la laine des brebis à toison d’or. Elle reçoit heureusement l’aide d’un roseau qui lui donne la marche à suivre. Elle doit en outre rapporter l’eau du Styx. Zeus lui prête alors main forte. Enfin, elle a pour mission de descendre aux Enfers afin d’y récupérer une parcelle de la beauté de Perséphone. Elle est toutefois victime de sa curiosité. En ouvrant la boîte contenant la beauté de la reine des Enfers, elle tombe dans un profond sommeil semblable à la mort. Elle est heureusement réanimée par Éros qui, parvenu à échapper à la vigilance d’Aphrodite, décide de l’épouser. Devenue immortelle après avoir consommé de l’ambroisie, Psyché se voit dotée d’ailes de papillons. Elle donne bientôt naissance à Hédoné, la déesse du Plaisir.

Éros à l'arc, marbre de Lysippos, v. 338 av. J.-C., Musée du Capitole, Rome.

Très populaire, Éros est souvent représenté sous la forme d’un jeune homme ailé. Androgyne, il est parfois associé au lièvre, animal assimilé à la pédérastie dans l’Antiquité. De temps à autre montré avec un bandeau sur les yeux, symbole de l’amour aveugle, il porte par ailleurs plusieurs attributs, en particulier la lyre, ou bien encore un arc et des flèches grâce auxquels il répand le désir. Son nom donne naissance au mot « érotisme ».

Éros apparaît dès les premières minutes d’Hercule. Comme des dizaines d’autres dieux, il assiste en effet à la présentation par Zeus et Héra de leur fils, Hercule. Au milieu de cette foule divine rassemblée sur l’Olympe, le dieu est alors visible une poignée de secondes. Assis au creux d’un nuage, il s’amuse à titiller sa femme, Psyché, avec l’une de ses flèches.

Chacun peut imaginer qu’Éros est, comme les autres dieux, capturé par Hadès au moment de son coup d’État avorté. Finalement libéré, il est présent pour accueillir Hercule, le fil prodigue enfin de retour sur l’Olympe.

Comme celle des autres personnages d’Hercule, l’apparence graphique d’Éros est notamment issue du travail de recherche réalisé par le dessinateur anglais Gerald Scarfe. Caricaturiste de talent dont certains croquis ont fait la Une du Sunday Times et du New Yorker, il s’est alors beaucoup inspiré de la statuaire grecque. Éros apparaît ainsi sous les traits d’un jeune homme enjoué. La peau couleur mauve, il porte une tunique et une chevelure violettes. Le menton prononcé, il est doté, dans le dos, d’une paire d’ailes d’un blanc éclatant.

Le générique d’Hercule mentionne que l’animation des dieux de l’Olympe est supervisée par Dave Kupczyk, Jean-Luc Ballester et David Alan Zaboski.
Né le 21 mai 1964 à Woodstock, au Canada, Dave Kupczyk suit les cours du Sheridan College de Toronto, d’où il sort diplômé en animation en 1987. Après une participation à la série animée The Care Bears, il travaille entre 1988 et 1992 pour les Don Bluth Animation Studios (Charlie, Mon Héros, Rock-O-Rico, Poucelina) avant de passer chez Turner Pictures (Richard au Pays des Livres Magiques, Danny, le Chat Superstar). En 1993, Dave Kupczyk rejoint les studios Disney et collabore à la production de Pocahontas, une Légende Indienne, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule et Mulan, des films pour lesquels il anime John Smith, Esméralda, les dieux, Chien-Po et Ling. Animateur pour Fantasia 2000 et artiste visuel sur La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers, il quitte Disney en 1998 pour les studios Dreamworks, S.K.G. (Chel dans La Route d’Eldorado, Spirit dans Spirit, l’Étalon des Plaines) puis pour Sony Imageworks (Spider-Man) et Cartoon Networks (Les Supers Nanas). De 2002 à 2006, il participe en Freelance à la création d’Ozzy & Drix, Kangaroo Jack: G’Day U.S.A., Les Bébés Looney Tunes, Batman, Aquaman et Lone Ranger pour Warner Bros. Dave Kupczyk est enfin au générique de Wolverine et les X-Men, The Goode Family, Ultimate Spider-Man et Bug! Une Production Looney Tunes. Enseignant à l’Institut CalArts entre 2001 et 2004, il revient chez Disney Television Animation où il travaille sur la série La Loi de Milo Murphy. Dave Kupczyk est en lice pour l’Annie Award du Meilleur animateur en 2001.

Jean-Luc Ballester fait partie des artistes de Walt Disney Animation France, le studio ouvert par Disney à Montreuil, dans la région parisienne. En tant qu’animateur ou intervalliste, il travaille alors sur Winnie l’Ourson : Noël à l’Unisson, Dingo et Max, Mickey Perd la Tête, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule, Tarzan, Kuzco, l’Empereur Mégalo, Atlantide, l’Empire Perdu, Le Livre de la Jungle 2 et Lorenzo. Jean-Luc Ballester est également crédité au générique du (Le) Chat du Rabbin.
David Alan Zaboski, enfin, entre chez Disney à la fin des années 1980. Il travaille alors comme intervalliste sur La Belle et la Bête puis Aladdin. Promu au poste d’animateur, il se charge parmi d’autres des personnages de John Smith, de Phœbus, des dieux et participe à la production de la séquence de L’Oiseau de Feu dans Fantasia 2000. Après son départ des studios Disney, il collabore à la création d’Osmosis Jones, Stuart Little 2, Les Looney Tunes Passent à l’Action et Unforgotten: The Story of Paul Pender.

Éros est de retour dans la série animée produite entre 1998 et 1999. Interprété en version originale par Tom Arnold et en version française par Alain Flick, son apparence change alors du tout au tout. Le dieu de l’amour n’apparaît en effet plus comme un jeune homme souriant et élancé. Peut-être pour le rendre plus amusant, Éros est désormais représenté sous la forme d’un petit bonhomme grassouillet. Arborant une petite moustache noire et une grande tignasse rose fluo, il ne porte plus comme vêtement qu’une sorte de couche. Ses ailes sont par ailleurs ridiculement petites.

Éros apparaît le 29 septembre 1998 dans l’épisode Hercule et Cupidon. Le dieu de l’amour reçoit la visite d’Icare, le meilleur ami d’Hercule qui se met en tête de fabriquer des flèches de haine pour briser le couple formé par Cassandre et Mélampus. Hadès profite alors de la situation pour détruire toute forme d’amour sur la Terre. Dans Hercule et Bacchus, le monstre Argos demande à Hercule de lui rapporter une flèche d’Éros. Dans l’épisode Hercule et Morphée, les téléspectateurs découvrent qu’Éros avait à l’origine été nommé dieu de la guerre par Zeus. Incapable de soulever son épée, trop lourde, sa fonction est cependant échangée avec celle d’Arès, initialement nommé dieu de l’amour.

Contrairement à celui des autres divinités de l’Olympe d’Hercule, le traitement d’Éros dans la série télévisée est particulièrement déconcertant. Hormis son graphisme, totalement altéré, son nom change au gré des épisodes. Il est ainsi nommé Cupidon dans Hercule et Cupidon, alors même qu’il est bel et bien appelé Éros dans Hercule et Bacchus et Hercule et Morphée. Autre bizarrerie, son apparence originelle est finalement partiellement donnée au personnage de Loki dans l’épisode Hercule et Thor.

Simple figurant, Éros fait partie de la liste pléthorique de personnages d’Hercule qui offre au film une qualité visuelle incomparable.