Cochon Cocher

Le Prince et le Pauvre

En 1990, les artistes de Disney offrent aux anciennes gloires des studios un formidable retour sur les écrans avec Le Prince et le Pauvre. Inspiré de l’œuvre de Mark Twain, le court-métrage est ainsi l’occasion pour Mickey de briller en endossant les rôles du Prince et du Pauvre. Également de la partie, Donald, Dingo, Pluto et Pat Hibulaire complètent le casting aux côtés de personnages inédits créés pour l’occasion à l’image du détestable Cocher.

Le Cocher entre à la douzième minute de l’histoire. Alors que le Prince constate à quel point son peuple vit dans la misère et meurt de faim, un violent claquement résonne dans la rue. « Dégagez le terrain, bande de larves ! », hurle le cochon, « Faites place au garde-manger royal ! Allez ! Dégagez ! Plus vite que ça ! Dégagez ! Est-ce que vous êtes sourds ! ».

Tiré par un cheval blanc, le chariot fend la foule avec, à son bord, tout un tas de victuailles. Comprenant que toute cette nourriture a en réalité été volée au bon peuple, le Prince décide de prendre ses responsabilités et de s’interposer. « Halte ! Je suis le Prince et le vous ordonne de rendre tout ce que vous avez volé ! », s’exclame-t-il. Mais le jeune souverain est revêtu de son simple habit de mendiant. Dès lors, il ne parvient pas à convaincre le Cocher qui ironise sur son identité. « Et moi j’suis la Reine-Mère ! », hurle-t-il en faisant claquer son fouet.

Les sarcasmes du Cocher sont toutefois de courte durée. En voyant la bague royale que lui brandit le Prince, il comprend sans tarder que ce petit bonhomme qui se dresse là, devant lui, est peut-être plus qu’un simple manant. Abandonnant son chargement, le Cocher s’en va immédiatement prévenir la garde. « C’est ce gamin qui m’a montré la bague, monsieur », explique-t-il aux soldats qui donnent l’assaut. Alors qu’un combat de rue débute entre les gardes et la foule, le Cocher disparaît de l’intrigue.

Au milieu des années 1980, les artistes de Disney profitent du succès récent du (Le) Noël de Mickey afin de se lancer dans une nouvelle production d’envergure visant à réunir une nouvelle fois à l’écran les grandes vedettes des studios. Cherchant l’inspiration dans les classiques de la littérature, leur choix se porte bientôt sur Le Prince et le Pauvre, le roman de Mark Twain paru en 1883. S’opère alors la répartition des rôles. Mickey, Donald, Dingo, Pluto, Pat, Clarabelle, Horace ou bien encore les Fouines de La Mare aux Grenouilles reprennent ainsi du service. Pour certains personnages secondaires, en particulier les habitants de Londres, les membres de la cour et certains sbires du Capitaine Pat, les artistes s’amusent à créer de toutes pièces de nouveaux protagonistes.

Le Cocher apparaît sous les traits d’un cochon gras et gros à la mine particulièrement mauvaise. Vêtu d’une tenue médiévale faite d’une chemine grise au col ondulé, complétée par une paire de manches à rayures rouges et bordeaux, l’animal porte des gants blancs ainsi qu’un béret surmonté d’une plume verte typique de l’époque. Son fouet à la main, son rôle est de ramener au palais le fruit des larcins commis par les gardes du Capitaine Pat. Le choix du cochon pour incarner la vilénie renvoie peut-être au symbolisme même de cet animal qui, dès l’Antiquité, avait mauvaise réputation. Au IVe siècle av. J.C., Platon parle dans La République d’une « cité de pourceaux » pour qualifier une cité dans laquelle l’Homme ne vit que pour assouvir ses besoins sans jamais prendre le temps d'assouvir ses propres désirs. Chez Homère, les compagnons d’Ulysse prisonniers de la sorcière Circé sont eux-mêmes changés en pourceaux. Au Moyen Âge, le cochon représente le vice, autrefois incarné par les chiens. Les porcs sont également souvent associés à la goinfrerie car ils peuvent passer leur journée à manger. Durant la Révolution française, Louis XVI et la cour sont souvent conspués par la population affamée qui les représente sous la forme de cochons.

La représentation du Cocher sous la forme d’un cochon répond également aux codes mêmes du dessin animé. Rond et souvent amusant, l’animal a en effet très tôt été caricaturé au point de devenir un personnage de cartoon récurrent. L’écurie Disney compte ainsi des dizaines de représentants de l’espèce, les plus célèbres étant sans doute Les Trois Petits Cochons et Porcinet. Dans Une Petite Poule Avisée, son premier film, Donald lui-même traînait avec un camarade cochon, Peter Pig. Chez la distinguée concurrence, Porky Pig a également laissé son nom dans l'Histoire. Il est toutefois intéressant de noter que le Cocher est l’un des rares cochons méchants de la filmographie des studios Disney.

Comme l’ensemble des personnages du film, le Cocher est notamment conçu par les développeurs visuels Daan Jippes, Alvaro Arce et Jean Gillmore.
Né à Amsterdam le 14 octobre 1945, Daniel Jan (Daan) Jippes se passionne dès l’enfance pour l’œuvre de Carl Barks et de Floyd Gottfredson. Grand amateur de bande dessinée belge, en particulier des albums de Morris ou Franquin avec qui il se lie d’amitié, il débute dès les années 1960 en tant qu’artiste de layout pour l’éditeur Oberon Publishing. Auteur et dessinateur de plusieurs planches publiées dans la revue Pep, il rencontre son public grâce à l’album Bernard Voorzichtig : Twee Voor Thee créé en association avec le scénariste Martin Lodjewik. En 1972, il est bientôt recruté par la filiale Produits dérivés de Disney qui lui confie la réalisation d’illustrations publiées en Une des différents magazines maison. Il rejoint ensuite les États-Unis et les studios d’animation de Mickey pour qui il travaille sur des films comme Bernard et Bianca au Pays des Kangourous, Le Prince et le Pauvre, La Belle et la Bête et Aladdin. Auteur de nombreux comics, dont l’adaptation de Qui Veut la Peau de Roger Rabbit, Daan Jippes rejoint Amblimation et participe à la production de Balto. De retour aux Pays-Bas, il collabore avec le Studio Jan Kruis tout en restant lié avec Disney qui lui demande de redessiner plusieurs aventures des Castors Juniors initialement créées par Carl Barks. Crédité aux génériques d’Excalibur, l’Épée Magique, Mulan ou bien encore Le Roi Lion 2 : L’Honneur de la Tribu, il storyboarde également le long-métrage Mickey, Donald, Dingo - Les Trois Mousquetaires.

Alvaro Arce débute lui sa carrière dans l’animation en 1961. Employé par les studios de Bob Clampett, il travaille aussi pour les Larry Harmon Productions, Warner Bros., UPA et Format Productions avant de rejoindre Hanna-Barbera pour qui il œuvre comme story-boarder sur The Abbot and Costello Show, Les Pierrafeu, Les Jetson, Yogi l’Ours, Les Schtroumpfs, Les Snorky ou Scooby-Doo... Bientôt propriétaire de son propre studio avec lequel il réalise des courts-métrages éducatifs notamment diffusés dans l’émission Sesame Street, il travaille pour Disney sur des séries comme Les Gummi, La Bande à Picsou et Super Baloo, ainsi que sur Bernard et Bianca au Pays des Kangourous, La Belle et la Bête et Le Roi Lion. En 1990, il s’envole pour l’Espagne à l’invitation de Lapiz Azul qui le charge de former un groupe d’artistes européens. De retour au Chili, Alvara Arce reprend la tête de son propre studio.

Extrait du storyboard de la Séquence 8

Après avoir travaillé sur des séries comme Fraggle Rock, Mystérieusement Vôtre : Signé Scooby-Doo ou Les Muppets Babies, Jean Gillmore entre chez Disney à la fin des années 1980 comme artiste de développement visuel. À ce poste, elle livre des centaines de recherches graphiques pour des films comme Le Prince et le Pauvre, La Belle et la Bête, Aladdin, Le Roi Lion, Pocahontas, une Légende Indienne, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule et Mulan. Reconnue pour son talent incroyable, elle collabore brièvement avec les studios Pixar sur 1001 Pattes (a bug’s life) puis revient chez Disney sur des productions comme Tarzan, Fantasia 2000, Kuzco, l’Empereur Mégalo, Atlantide, l’Empire Perdu et La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers. Après quelques années en free-lance durant lesquelles elle planche notamment sur Barbie : Cœur de Princesse et Rio, elle travaille avec les équipes de Clochette et la Pierre de Lune, Zootopie, La Reine des Neiges et sa suite ou bien encore Raya et le Dernier Dragon.

Le générique du film n’indique pas précisément qui a animé le Cocher.

En version originale, le Cocher est interprété par Charlie Adler. Né le 2 octobre 1956 à Paterson, dans le New Jersey, l’artiste se découvre une passion pour la télévision dès le plus jeune âge. Grand fan des Three Stooges et de la série animée Rocky et Bullwinkle, il se destine alors à une carrière d’acteur. Enchaînant les petits boulots, il débute modestement en 1971 dans une publicité. Au générique des pièces de la Torch Song Trilogy écrite par Harvey Fierstein en 1984 et 1985, il est nommé pour le Helen Hayes Award du Meilleur acteur pour son rôle d’Arnold Beckoff. En 1986, il quitte New York pour la Californie et se tourne vers le monde du doublage. Il prête ainsi sa voix à des séries comme Transformers, Les Schtroumpfs, G.I. Joe, Mon Petit Poney, Scooby-Doo, les Tiny Toons, The Mask... Pour Disney, il collabore à plusieurs productions dont La Petite Sirène, La Bande à Picsou - Le Film : Le Trésor de la Lampe Perdue, Le Prince et le Pauvre, Bonkers, Le Marsupilami et campe des personnages comme L'Hippocampe dans la série animée La Petite Sirène, Gazeem dans Aladdin, Mechaniklès dans Aladdin, la série animée et Ned dans Le Livre de la Jungle - Souvenirs d’Enfance.

En France, le rôle est offert à Alain Flick. Originaire de Paris où il voit le jour le 26 janvier 1949, le comédien débute au théâtre dès la fin des années 1960. À l’affiche, entre autres, de Roméo et Juliette, L’Opéra de Quat-sous, Amadeus et Dédé, il apparaît au cinéma dans des films comme Le Mouton Noir et Bernadette ainsi qu’à la télévision dans Les Nouvelles Brigades du Tigre ou bien encore la mini-série Napoléon. Flick est par ailleurs très actif dans le monde du doublage. Parmi les voix françaises de Danny DeVito et John Candy, il incarne Marcel dans Les Entrechats, Fozzie dans Les Muppets Babies, Michelangelo dans Tortues Ninja, Cupidon dans Hercule et plus récemment Lord Varys dans Game of Thrones – Le Trône de Fer.

Visible seulement une poignée de secondes, le Cocher est un méchant de second plan qui participe à sa mesure à la qualité visuelle du (Le) Prince et le Pauvre.