Ce Monde Qui Est le Mien

Titre original :
Go the Distance
Éditeur :
Hachette Heroes
Date de publication France :
Le 16 juin 2021
Genre :
Twisted Tales
Auteur(s) :
Jen Calonita
Autre(s) Date(s) de Publication :
Disney•Hyperion (US): Le 6 avril 2021
Nombre de pages :
336

Le synopsis

Hercule a enfin gagné sa place à l'Olympe : il est devenu un dieu ! Mais voilà, il est prêt à abandonner son nouveau statut pour rester avec Meg, ce que Zeus refuse catégoriquement. Héra propose alors de donner la chance à Meg de devenir une déesse, si tout comme Hercule, elle réussit ses épreuves...

La critique

rédigée par
Publiée le 04 novembre 2022

Ce Monde Qui Est le Mien est le onzième livre de la collection des Twisted Tales et le troisième écrit par l'auteure Jen Calonita. Malgré quelques erreurs, il se positionne comme l'un des meilleurs de la série tant il vient enrichir l'histoire originale, délivre un message féministe fort et explore plus en détail le panthéon du monde grec.

Fan revendiquée de l'univers Disney, Jen Calonita se présente sur son site officiel en trois points : elle aimerait emménager dans le Cinderella Castle dans le Parc Magic Kingdom à Walt Disney World Resort, ses chiens s'appellent Jack Sparrow et Ben Kenobi, et enfant, elle détestait lire et écrire. Pourtant, elle s'est bel et bien lancée dans une carrière dédiée à l'écriture, en commençant par devenir journaliste de divertissement, ce qui lui permet de s’entretenir avec des célébrités ayant participé à des productions Disney, telles que Zac Efron et Dwayne 'The Rock' Johnson. Elle sort sa première série de livres Secrets of my Hollywood Life aux États-Unis en 2008 chez Poppy, suivie d'autres livres pour enfants et jeunes adultes, tels que la série Fairy Tale Reform School dont le premier tome paraît en Amérique du nord en 2015 chez Sourcebooks Young Readers. Elle signe ensuite deux livres de la collection des Twisted Tales, pour son plus grand plaisir et celui de son lectorat : Un Jour Ma Princesse Viendra (Disney•Hyperion (US), 2019 ; Hachette Heroes (France), 2020), reprenant l'histoire de Blanche Neige et les Sept Nains, ainsi que Renouveau (Disney•Hyperion (US), 2019 ; Hachette Heroes (France), 2020), revisitant celle de La Reine des Neiges (2013).

L'une des thématiques principales de Ce Monde Qui Est le Mien est le féminisme, ce qui n'est pas une grande surprise puisque Mégara en est le personnage principal, sans compter que la jeune femme est sans doute la plus cynique des héroïnes Disney. Suite à une mésaventure amoureuse, elle ne croyait en effet plus possible de faire confiance aux hommes - jusqu'à ce qu'elle rencontre Hercule. Sachant cela, la quatrième de couverture sait exceptionnellement bien appâter le lecteur, car il y est écrit qu'elle devra aller chercher la femme de son ancien petit ami aux Enfers, ce qui laisse entrevoir d'éventuelles réponses aux questions soulevées dans Hercule (1997) concernant le passé de Meg, mais aussi un réel exemple de solidarité féminine. L'histoire tourne, il est vrai, autour de ce triste épisode de la vie de Meg, mais également de son enfance, ce qui permet de comprendre le lourd passif de la jeune femme avec la gent masculine.
Le récit débute donc dans sa maison d'enfance en compagnie de sa mère. Là, le lectorat découvre le père de Meg sous les traits d'un joueur invétéré qui leur cause beaucoup de soucis. Aussi, ses parents s'écharpent assez violemment, chose qui ne se voit jamais dans les œuvres jeunesse Disney, et il finit par les abandonner. Le fait d'avoir raconté le passé de Meg, hanté par un petit ami ingrat et égoïste et un père irresponsable et agressif, permet à Disney d'aborder sans tomber dans le simple archétype les difficultés rencontrées par ces femmes qui dépendent des hommes pour survivre, quitte à devoir supporter les pires individus imaginables. Parmi les plus célèbres cas de la mythologie et de la littérature figurent Jason qui abandonne Médée et ses enfants au profit de la gloire et les voue ainsi à une mort certaine, l'ingénue Stella et le macho Stanley dans la pièce de théâtre Un Tramway Nommé Désir (1947) de Tennessee Williams, qui sont l'icône de la relation basée sur l'agressivité et le désir. Et bien sûr, il faut citer Lovelace dans Clarisse Harlowe (1748) de Samuel Richardson ainsi que Valmont dans Les Liaisons Dangereuses (1782) de Pierre Choderlos de Laclos qui se jouent de leurs naïves conquêtes en leur faisant croire qu'ils les aiment et les abandonnent. C'est donc un sujet éprouvé par la littérature qui se retrouve depuis la nuit des temps, né d'un rapport de domination d'un parti sur l'autre et d'un manque de bienveillance certain, et qui a sa place dans la thématique féministe tant abordée par Disney dans sa collection des Twisted Tales.

Face à cela, le fait que Meg doive aller sauver la nouvelle femme de son ancien petit ami prend une autre dimension. Car qui a réussi à ne pas considérer comme coupable la maîtresse de son conjoint, même si de manière rationnelle cela n'a que peu de sens ? Trop souvent, les femmes oublient de blâmer les hommes dans le cas d'infidélités et en l'état, il n'y a pas de plus grande preuve de solidarité féminine que de tendre un rameau d'olivier à la nouvelle compagne. Si du point de vue du féminisme, les derniers livres des Twisted Tales étaient un peu trop répétitifs, Ce Monde Qui Est le Mien vaut donc son pesant d'or de par l'angle emprunté. Il n'en reste pas moins qu'il serait agréable de voir davantage de diversité dans les sujets abordés par les auteures de la collection. Pour finir sur ce sujet, le présupposé de base est pour le moins original et se marie parfaitement avec ce parti pris, car il est rare qu'Héra soit perçue comme une divinité bienveillante dans la mythologie du fait de ses agissements néfastes envers les conquêtes de son frère et époux, Zeus. Mais comme Disney avait déjà brisé ce stéréotype dans le film d'animation, cela ne surprend pas outre mesure et perpétue cette atmosphère de solidarité féminine et d'altruisme.

Meg est un personnage qui déjà à l'époque avait pu étonner et même gêner les fans Disney, du fait d'incarner une histoire d'amour chaotique, contrairement aux héroïnes Disney dont le prince tombe amoureux d'elles instantanément avant l'adage « et ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants ». Elle montre un visage plus sombre de l'amour qui aurait tout à fait pu trouver sa place dans Aladdin via le sujet du mariage forcé, même si le film n'a fait qu'effleurer le thème. Elle est l'héroïne qui ne finit pas avec son premier amour et que le spectateur d'une certaine façon rencontre dans la seconde partie de sa vie. Tout ceci donne beaucoup de matière pour un roman de la série Twisted Tales et contrairement à Ce Rêve Bleu de Liz Braswell (Disney•Hyperion (US), 2015 ; Hachette Heroes (France), 2019) ou Histoire Éternelle de la même auteure (Disney•Hyperion (US), 2016 ; Hachette Heroes (France), 2019) qui étaient très sombres, l'auteure a choisi de se focaliser sur l'aspect léger de l'histoire et de renverser la situation concernant le sort de Meg. L'auteure donne donc un destin absolument fabuleux à une personne lambda qui n'a ni la parenté pour, ni les faits d'armes, mis à part de petits actes de bravoure. Et la quête de Meg prend une autre dimension, car plus que de devenir une divinité, il s'agit de recoller les morceaux de sa vie, d'apprendre à avoir confiance en elle et de laisser de côté ses vieux démons. D'un personnage dominé par son passé, ses déboires et ses erreurs, Meg devient quelqu'un de tridimensionnel dans lequel beaucoup de personnes sans doute se reconnaîtront.

Après qu'Hercule a déclaré qu'il voulait rester pour Meg, il est évident que leur relation est bel et bien devenue officielle et il est agréable d'assister à cet après. Comme dans tous les Twisted Tales et grâce au médium de la littérature, le lecteur a en plus accès aux pensées du personnage principal et découvre par le menu ce que Meg pense d'Hercule, son amour pour lui et tous ses doutes vis-à-vis d'elle-même. Hercule quant à lui continue de lui démontrer son adoration dans toutes ses réactions et petit à petit, elle se laisse séduire et surtout elle se permet d'y croire. Le soutien d'Héra aura certainement aussi un impact considérable.
Le lectorat partage également avec le nouveau dieu les premiers instants de sa vie. Zeus est ravi de retrouver son fils et rattrape le temps perdu, tandis qu'Hermès le pourchasse pour qu'il respecte ses nouvelles obligations et ne s'immisce pas trop dans la quête de Meg. De la même façon, le roman permet de découvrir davantage l'Olympe qui n'est qu'entraperçue dans le film, ainsi que ses occupants. Les fans de la franchise ont le plaisir de redécouvrir chacun des dieux aux couleurs vibrantes que les animateurs de l'époque avaient si ingénieusement interprétés. L'une des déesses qui aura sans doute le plus marqué les esprits en dehors du couple royal et d'Hadès est Aphrodite, qui a un rôle un peu plus important dans cette aventure. Bien sûr, Perséphone est sans doute la divinité de plus grande importance dans le récit, et le fait de l'avoir jamais véritablement rencontrée dans le film d'animation la rend d'autant plus mystérieuse. L'image la plus connue de la déesse est sans doute celle peinte par Dante Gabriel Rossetti sous son nom romain Proserpine (1874), lorsqu'elle mange le fameux grain de grenade et dans la culture populaire, celle de Rosario Dawson dans Percy Jackson et le Voleur de Foudre (2010) - deux interprétations très différentes.

Le livre a quelques petites incohérences cependant, comme le fait que Meg ne reconnaisse pas Déméter sur l'Olympe. Il aurait été bien impossible qu'une Grecque ne reconnaisse pas la déesse de l'agriculture et des moissons, qui fait partie des divinités les plus importantes du Panthéon. Ce détail permet un petit retournement de situation, mais il est malheureusement trop improbable. Une autre incohérence est celle qui entoure la célèbre divinité de la végétation du printemps Perséphone. Dans le livre, Perséphone ne vit ainsi pas encore entre deux mondes, tel qu'il est écrit dans la religion grecque, ce qui même si cela se prête au récit est difficile à avaler. Les origines du monde grec se divisent en effet en plusieurs âges : l'âge d'or, l'âge d'argent, l'âge de bronze, l'âge des héros et l'âge de fer, et ces âges concernent principalement les humains. Dans l'âge d'or par exemple, il n'y avait ni mort ni maladie. Hercule fait partie de l'âge des héros, comme il est facile de le deviner, et les péripéties divines ont donc lieu en amont de tout cela, ou s'étendent au grand maximum durant l'âge d'or. Ainsi, Perséphone est déjà bien connue de tous. Au-delà de cet état de fait, il faut reconnaître que Jen Calonita a modifié l'histoire d'une manière intéressante et surtout qui sert le développement voulu des personnages. Car si cette partie de l'histoire de Perséphone dans la mythologie est tragique, dans le roman Disney, il en est tout autrement : c'est elle qui a choisi de se mettre dans de beaux draps avec un certain dieu des Enfers...
La dernière incohérence qu'il faut remarquer en la matière est que le nom de la divinité à cette étape-ci de l'histoire n'est pas Perséphone, mais Coré. Dépendant d'où elle se trouve, et donc des saisons, Coré devient Perséphone. Walt Disney a d'ailleurs consacré une Silly Symphony à cette histoire, dans le somptueux court-métrage La Déesse du Printemps (1934). Si le livre est donc de très bonne qualité, il est assez décevant que l'auteure n'ait pas poussé ses recherches concernant l'aspect mythologique qui est pourtant la base de cette histoire.

Même si le personnage Meg est idéal pour soulever ces questionnements et en faire un exemple, il faut aussi noter que la position de la femme en Grèce Antique était particulièrement ardue et a déjà fait couler beaucoup d'encre. Comme dans Oser ses Rêves d'Elizabeth Lim (Disney•Hyperion (US) et Hachette Heroes (France), 2020), où il est abordé en détail ce qu'il adviendrait de Cendrillon à son époque si elle s'enfuyait de chez elle, à travers les flash-back, l'auteure expose la dure enfance de Meg, seule avec sa mère à essayer de joindre les deux bouts, puis son parcours solitaire.
La situation de la femme dans la Grèce Antique était sujette à débat à l'époque, comme il est possible de le constater dans la tragédie d'Euridipe Médée (431 av. J.-C.). Médée est une puissante magicienne qui a renoncé à tout pour Jason, venu dans sa patrie pour prendre la toison d'or. Elle l'aide à la dérober et, s'enfuyant avec lui pour retarder le navire de son père, elle tue et découpe le corps de son frère, dont elle disperse les morceaux dans la mer. Quelques années plus tard, Jason lui annonce qu'il la quitte pour épouser une riche princesse. En tant que femme et non-Athénienne, ni Médée, ni leurs enfants communs ne pourront survivre sans Jason. Alors pour se venger, Médée empoisonne la princesse et le père de cette dernière, tue ses propres enfants pour leur éviter une fin atroce et jette un sort à Jason qui mourra enseveli sous la toison d'or. Grâce à un deus ex machina, le grand-père de Médée, le dieu du soleil Hélios, envoie son char à sa petite-fille pour qu'elle s'échappe. C'est ainsi que Médée rentre chez elle, que son père lui pardonne et qu'elle se remarie. Elle est le seul antagoniste qui ressorte vainqueur dans les tragédies grecques. Le meurtre des enfants, qui ne se déroule jamais devant le public, sert à montrer le désespoir absolu des femmes bafouées et répudiées durant la Grèce Antique. Elle est un personnage phare qui a su inspirer toute la littérature, et qui est le témoin de la condition des femmes à cette époque. Ainsi, Ce Monde Qui Est le Mien est le reflet des importants problèmes d'égalité entre hommes et femmes dans le monde grec, même si à mesure que la civilisation a progressé, le sort des femmes s'est lui aussi amélioré.

Mais la tonalité du roman est loin d'être grave, car Meg est une battante et le lecteur est ravi de retrouver l'humour si particulier du film, que ce soit dans les dialogues mettant en scène Hadès ou les échanges entre Hercule et Meg. Jen Calonita a fait un remarquable travail pour recréer à merveille la personnalité des personnages. L'histoire est très cohérente et s'inscrit à la perfection dans la continuité du film d'animation, à tel point que comme dans Tout Droit Jusqu'au Matin de Liz Braswell (Disney•Hyperion (US) et Hachette Heroes (France), 2020) ou Un Joyeux Non-Anniversaire de la même auteure (Disney•Hyperion (US), 2020 ; Hachette Heroes (France), 2021), les lecteurs auront sans doute envie d'intégrer dans leur imaginaire cette version pour enrichir leur appréciation du film. Aussi, les multiples références à la culture grecque faites par l'auteure permettent au lectorat de vraiment se plonger dans le récit.
Si le présupposé de base, que Meg puisse devenir une déesse, paraît étrange après tout ce qu'Hercule a dû subir en tant que demi-dieu pour devenir un dieu, l'auteure parvient à bien l'expliquer via des exemples précédents comme Arianne, Thyoné et Psyché. Il faut en effet que l'humain choisi ait quelque chose de bien particulier à offrir, car tout comme n'importe quel dieu, il aura certains attributs et responsabilités.

Pour finir, il faut noter que le titre du roman français Ce Monde Qui Est le Mien ne correspond pas à celui de la version originale Go the Distance. Les titres originaux, comme ceux traduits dans la langue de Molière, reprennent une réplique iconique ou des paroles célèbres de chansons Disney, et comme chacun sait, traduire, c'est déjà trahir. Dans le même ordre d'idées, le roman suivant, What Once was Mine sorti en 2021 dans l'univers de Raiponce, est traduit en français sous le titre Où Est la Vraie Vie ? qui, s'il est attrayant, ne correspond pas non plus tellement à l'esprit du roman.

Ce Monde Qui Est le Mien est l'un des meilleurs romans de la collection Twisted Tales et un must pour tout fan d'Hercule. Très créatif, il emprunte sa richesse à la mythologie grecque foisonnante et offre une belle leçon de solidarité féminine pour imaginer un monde meilleur.

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