Speed
Production : 20th Century Fox Mark Gordon Productions Date de sortie USA : Le 10 juin 1994 Genre : Action |
Réalisation : Jan de Bont Musique : Mark Mancina Durée : 116 minutes |
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
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La critique
Popularisé grâce à des productions telles que Rambo (1982), L’Arme Fatale (1987) et Piège de Cristal (1988), le genre du film d’action connaît un véritable âge d’or à partir des années 1980. À l’époque, les gros bras prennent en effet possession des écrans avec, en figures de proues, les maîtres en la matière, Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger, Chuck Norris, Bruce Willis, Jean-Claude Van Damme ou bien encore Steven Seagal. Reconnaissable à son usage immodéré des explosions et un nombre incalculable de victimes plus ou moins innocentes, le genre parvient sans encombre à traverser la décennie 1990 grâce à d’autres classiques tels que Piège en Haute Mer (1992), Last Action Hero (1993), True Lies (1994), Bad Boys (1995), Rock (1996), Les Ailes de l’Enfer (1997) ou bien encore Speed de Jan de Bont (1994).
Le concept de Speed germe dans l’esprit du scénariste canadien Graham Yost (Broken Arrow, Le Dernier Château, Band of Brothers). L’idée lui est maladroitement soufflée par son père, Elwy Yost, l’un des animateurs vedettes de la chaîne CBC qui lui parle un jour du long-métrage Runaway Train (1985). Réalisé par Andreï Kontchalovski, d’après un scénario original d'Akira Kurosawa datant des années 1960, le film met en scène les personnages de Manny (Jon Voight) et Buck (Eric Roberts), deux prisonniers parvenant à s’évader à bord d’un train. Lancé à pleine vitesse, l’engin devient rapidement incontrôlable. Elwy Yost se méprend alors totalement sur l’origine du problème et pense qu’une bombe empêche la locomotive de ralentir. Ce n’est pas le cas. Mais Graham Yost trouve l’idée intéressante. Il se lance donc dans l’écriture d’un scénario dans lequel un bus – et non un train – serait ainsi piégé par une bombe.
Titré Minimum Speed avant d’être simplement renommé Speed, le script est présenté aux dirigeants de Paramount Pictures qui manifestent immédiatement leur intérêt. Le genre du film d’action a le vent en poupe. L’histoire imaginée par Yost laisse entrevoir des séquences fortes, notamment une fin sensationnelle durant laquelle le bus termine sa course en détruisant le célèbre panneau Hollywood. Sans attendre, la réalisation est proposée à John McTiernan, le metteur en scène de Predator (1987). Celui-ci vient de remporter un immense succès grâce à Piège de Cristal. Spécialiste des films à grand spectacle, il semble être l’homme de la situation. McTiernan refuse cependant, estimant que l’histoire est justement trop proche de celle de Piège de Cristal. Le nom de Quentin Tarantino est évoqué, mais il décline lui aussi afin de se concentrer sur le tournage de Reservoir Dogs (1992). Fort du succès de 58 Minutes Pour Vivre - Die Hard 2 (1990), Renny Harlin renonce également au profit de Cliffhanger : Traque au Sommet (1993). Bien qu’il n’ait pour l’heure réalisé que des publicités et des clips musicaux, Michael Bay manifeste son intérêt. John McTiernan souffle finalement le nom de Jan de Bont qui officia à ses côtés comme directeur de la photographie de Piège de Cristal et À la Poursuite d’Octobre Rouge (1990).
Né à Eindhoven, aux Pays-Bas, le 22 octobre 1943, Jan de Bont étudie à l’Académie du film d’Amsterdam d’où il sort diplômé au milieu des années 1960. Après avoir tourné quelques courts-métrages et documentaires, il se spécialise dans la photographie. Il parvient alors à se faire un nom grâce à ses collaborations avec son compatriote Paul Verhoeven qui l’engage sur Le Lutteur (1970), Business is Business (1971), Turkish Délices (1973), Katie Tippel (1975), Le Quatrième Homme (1983), La Chair et le Sang (1985) et Basic Instinct (1992). Hollywood fait bientôt appel à lui. Jan de Bont travaille ainsi sur plusieurs superproductions telles que Roar (1981), un film de Noel Marshall durant lequel il est sévèrement blessé par un lion, puis Cujo d’après l’œuvre de Stephen King (1983), Le Diamant du Nil (1985), Piège de Cristal, Black Rain (1989), L’Expérience Interdite (1990) et L’Arme Fatale 3 (1992). Prenant pour la première fois un poste de réalisateur avec Speed, il dirige par la suite Twister (1996), Hantise (1999) et Lara Croft : Tomb Raider, le Berceau de l’Humanité (2003). Se détournant des plateaux à la suite de ses derniers tournages particulièrement chaotiques, Jan de Bont s’adonne à sa passion pour la photographie tout en officiant au sein d’un musée.
Jan de Bont aux manettes, le casting débute. Apparu dans Terreur à Alcatraz (1987) et L’Arme Parfaite (1991), Jeff Speakman est engagé pour le rôle principal. Les dirigeants de Paramount se montrent toutefois de plus en plus hésitants. L’idée de placer toute l’intrigue dans un bus risque de déplaire au public. Dans le doute, le studio décide de jeter l’éponge. Graham Yost et Jan de Bont proposent donc le projet à la concurrence. Ils obtiennent finalement le feu-vert de 20th Century Fox et du producteur Mark Gordon (Il Faut Sauver le Soldat Ryan, 2012, Le Crime de L’Orient-Express, Casse-Noisette et les Quatre Royaumes). Ces derniers imposent néanmoins que d’autres scènes soient tournées en dehors du fameux bus. Accédant à cette requête, de Bont imagine un prélude avec des victimes piégées dans un ascenseur, une idée provenant de sa propre expérience lorsqu’il fut coincé dans un élévateur lors du tournage de Piège de Cristal. La séquence dans le métro de Los Angeles est également ajoutée afin de pimenter la fin du film.
Désormais chapeauté par 20th Century Fox, Speed voit sa tête d’affiche être changée. Trop peu connu auprès du grand public, Jeff Speakman est écarté. Pour le remplacer, le scénariste Graham Yorst suggère Jeff Bridges à qui il pensait au moment d’écrire le rôle de Jack Traven. 20th Century Fox approche de son côté Stephen Baldwin. Le comédien balaye l’offre d’un revers de main, estimant que le personnage n’est qu’une pâle copie de John McClane, le héros de Piège de Cristal. Au générique des feuilletons 21, Jump Street (1988-1989) et Booker (1989-1990), Richard Grieco refuse lui aussi. Les noms de Tom Cruise, Johnny Depp, Tom Hanks, Wesley Snipes et Woody Harrelson circulent un temps. Jan de Bont engage finalement Keanu Reeves dont il a apprécié la performance dans Point Break (1991).
Au moment de signer, Keanu Reeves n’est encore qu’un jeune premier à Hollywood. Né le 2 septembre 1964 à Beyrouth, au Liban, le comédien grandit en Australie, aux États-Unis puis au Canada. Se destinant à une carrière d’hockeyeur professionnel, une blessure l’oblige à renoncer. Peu enclin aux études, Reeves débute la comédie dès l’enfance avec, sur scène, le rôle de Mercutio dans Roméo et Juliette, et, sur le petit écran, celui d’un adolescent dans le sitcom Hangin’in. Obtenant une présence plus notable dans Youngblood (1986), il part pour Los Angeles où il parvient à obtenir des rôles de premier plan dans L’Excellente Aventure de Bill et Ted (1989). Point Break, Dracula (1992) et Speed lui permettent de décoller. Suivent Johnny Mnemonic (1995), L’Associé du Diable (1997), Matrix (1999), Constantine (2005), Le Jour Où la Terre s’Arrêta (2008), John Wick (2014) ou bien encore Toy Story 4 (2019) dans lequel il prête sa voix à Duke Caboom. Avec Speed, Keanu Reeves marque un véritable tournant dans sa carrière, lui qui vient d'incarner Siddhartha dans Little Buddha de Bernardo Bertolucci (1993).
Le personnage d’Annie Porter est initialement pensé sous les traits d’une ambulancière afro-américaine. Le rôle est alors offert à Halle Berry (X-Men, Meurs un Autre Jour, À l’Ombre de la Haine). Peu connue à l’époque, la comédienne ne donne pas suite. Kim Basinger, Anne Heche et Meryl Streep sont plus ou moins envisagées. Au fur et à mesure des révisions du scénario, Annie devient une acolyte plus amusante. Les directeurs de casting recherchent donc une actrice spécialisée dans la comédie. Ellen DeGeneres est un temps choisie. L’introduction d’une romance entre Jack et Annie aboutit finalement au recrutement de Sandra Bullock qui vient de donner la réplique à Sylvester Stallone dans Demolition Man (1993).
Née le 26 juillet 1964 à Arlington, en Virginie, l’actrice débute au théâtre lors de ses études au lycée puis à l’Université de Greenville, en Caroline du Nord, d’où elle sort avec un diplôme en art dramatique. Après avoir enchaîné les petits rôles, elle voit sa carrière décoller grâce à Demolition Man et Speed. Sa filmographie alterne ensuite entre films d’action et comédies romantiques avec des titres comme L’Amour à Tout Prix (1995), Traque sur Internet (1995), Le Droit de Tuer ? (1996), Le Temps d’Aimer (1996) et Les Ensorceleuses (1998). Après un léger passage à vide, sa carrière redécolle grâce à Miss Détective (2000) qui lui vaut une nomination aux Golden Globes. Retrouvant Keanu Reeves dans Entre Deux Rives (2006), elle tourne dans Collision (2005), La Proposition (2007), All About Steve (2009), Gravity (2013), Ocean’s 8 (2018), Bullet Train (2022) et The Blind Side (2009) pour lequel elle remporte le Golden Globe puis l’Oscar de la Meilleur Actrice.
Au début des années 1990, le chanteur et musicien Phil Collins – qui cherche à percer dans le cinéma – auditionne pour le rôle du terroriste Howard Payne. Celui-ci est cependant offert au vétéran Dennis Hopper. Né le 17 mai 1936 à Dodge City, l’acteur débute aux côtés de James Dean dans La Fureur de Vivre (1955) et Géant (1956). Une vive altercation avec le réalisateur Henry Hathaway lors du tournage de La Fureur des Hommes (1958) lui ferme un temps les portes de la majorité des studios hollywoodiens. Hopper part alors à New York où il suit les cours de la Lee Strasberg Acting School. Crédité dans de nombreuses séries télévisées, il parvient à se refaire un nom à Hollywood grâce à Easy Rider qu’il réalise et qui lui vaut le remporter le Prix de la Meilleure Première Œuvre à Cannes, en plus d’une nomination à l’Oscar du Meilleur Scénario. Dennis Hopper enchaîne avec, entre autres, Les Quatre Fils de Katie Elder d’Henry Hathaway avec qui il s’est réconcilié, puis Apocalypse Now (1979), Rusty James (1983), Blue Velvet (1986), The Indian Runner (1991), Super Mario Bros. (1993), True Romance (1993), Waterworld (1995)… Réalisateur de The Last Movie (1971), Garçonne (1980), Colors (1988), Hot Spot (1990) et L’Escorte Infernale (1994), l’acteur s’éteint le 29 mai 2010 à l’âge de soixante-quatorze ans.
Jeff Daniels décroche le rôle d’Harry Temple, le collègue de Jack Traven. Originaire d’Athens, en Georgie, où il voit le jour le 19 février 1955, le comédien se destine à une carrière d’enseignant avant d’être repéré par le directeur du Cicle Repertory Theater de New York. Intégrant la troupe en 1976, Daniels fonde dès 1991 sa propre structure, la Purple Rose Theatre Company. Dans le même temps, il perce au cinéma avec des apparitions dans Ragtime (1981), Tendres Passions (1983) et La Rose Pourpre du Caire (1985) qui lui vaut une nomination aux Golden Globes. Jeff Daniels complète sa filmographie avec Arachnophobie (1990), Gettysburg (1993), Dumb and Dumber (1994), Les 101 Dalmatiens (1996), Mon Martien Bien-Aimé (1999), Créance de Sang (2002), The Hours (2002), Looper (2012), et les séries The Newsroom (2012-2014) et Godless (2017) pour lesquelles il gagne un Emmy Award.
Joe Morton incarne le capitaine Herb McMahon, commandant du SWAT (Terminator 2 : Le Jugement Dernier, Apparences, Justice League). Le chauffeur du bus est campé par Hawthorne James (La Couleur Pourpre, Les Doors, Seven). Les passagers sont quant à eux interprétés par Alan Ruck, Carlos Carrasco, Beth Grant, David Kriegel, Daniel Villareal, Natsuko Ohama, Jim Mapp ou bien encore Milton Quon, un ancien animateur des studios Disney ayant travaillé en son temps sur Fantasia (1940), Dumbo (1941), Mélodie du Sud (1946) et La Boîte à Musique (1946).
Son casting réuni, Jan de Bont prépare son tournage. Une semaine seulement avant le début des prises de vues, les responsables de 20th Century Fox estiment malgré tout que le scénario est un peu faible. Joss Whedon est appelé à la rescousse en tant que script doctor. Le futur créateur de Buffy Contre les Vampires (1997-2003) et réalisateur de Marvel's Avengers (2012) réécrit alors la quasi-totalité des dialogues. Le personnage de Jack Traven, initialement pensé comme une forte tête ayant la gâchette facile, est au passage revu pour devenir un policier plus calme et plus réfléchi. Le rôle de son collègue, Harry Temple, est également totalement changé. Graham Yost avait en effet pensé faire de lui l’un des complices du terroriste Howard Payne. Le charisme de Dennis Hopper se suffisant à lui-même, Whedon décide de son côté de renoncer à cette idée, Temple devenant de fait un flic intègre.
Le tournage de Speed débute le 7 septembre 1993 dans les rues de Los Angeles. Achevé le 23 décembre 1993, l’organisation est cependant chamboulée après que Keanu Reeves a appris la disparition brutale du comédien River Phoenix, mort d’un arrêt cardiaque le 31 octobre 1993. De Bont accepte alors de modifier le planning initial afin de limiter les sollicitations à l’encontre de l’acteur. Affecté par le décès de son ami, Reeves commence à se poser des questions sur le rôle de Jack Traven. Il n’a jamais endossé le costume d’un tel héro. Il n’a d’ailleurs jamais réellement apprécié les films d’action. Il ne sait pas comment le jouer. De Bont décide d’insuffler cette fragilité au personnage. Contre l’avis des producteurs, Keanu Reeves prend finalement à cœur son rôle en réalisant personnellement la plupart de ses cascades.
Pour les prises de vues à l’intérieur du bus, la production réquisitionne trois Grumman 870, un modèle de transport urbain fabriqué par la firme Grumman entre 1978 et 1983. Elle utilise aussi onze GM New Look, un autre type de car créé par General Motors et mis en service entre 1959 et 1986. Deux véhicules sont pulvérisés lors de scènes d’explosion. Un autre est modifié et équipé d’une rampe afin de pouvoir s’envoler dans les airs dans cette scène où le bus doit enjamber un morceau d’autoroute encore incomplet. Quelques images de synthèses sont ajoutées par les équipes de Sony Pictures Imageworks pour rendre la séquence – totalement impossible dans la réalité – encore plus spectaculaire. Les autres engins sont pour leur part aménagés pour répondre aux contraintes du tournage.
La majorité des scènes de course-poursuite sont filmées sur les Interstates 105 et 110, en particulier au niveau de l’échangeur Judge Harry Pregerson, alors en cours de construction entre Athens et Watts. L’aéroport de Mojave sert de doublure à l’aéroport de Los Angeles. La scène d’introduction, avec l’ascenseur, et la partie finale, dans le métro, sont enfin réalisées à grand renfort de décors créés en studio et de maquettes.
Pour accompagner les scènes d’action, la bande originale est un temps proposée à Michael Kamen qui a signé les partitions de L’Arme Fatale, Piège de Cristal et 58 Minutes Pour Vivre - Die Hard 2. Jan de Bont lui préfère Mark Mancina, l’un des partenaires d’Hans Zimmer ayant travaillé à ses côtés sur des films comme Jours de Tonnerre (1990), La Mort en Dédicace (1991), Tireur d’Élite (1993), True Romance et Le Roi Lion (1994). Après Speed, Mancina profite de la mode des films d’action en travaillant sur les musiques de Bad Boys, Assassins (1995), Money Train (1995), Twister et Les Ailes de l’Enfer. Il collabore également avec Phil Collins sur les bandes originales de Tarzan (1999) et Frère des Ours (2003). Sa filmographie comporte aussi des titres comme Le Maître des Lieux (1995), Training Day (2001), Le Manoir Hanté et les 999 Fantômes (2003), Planes (2013), Vaiana, la Légende du Bout du Monde (2016) et Cry Macho (2021). Mark Macina enregistre enfin la musique qui accompagne le logo Walt Disney Pictures à partir de 2006.
Le thème principal écrit par Mark Mancina offre une mélodie anxiogène permettant d’accentuer davantage encore la tension. La bande originale – au demeurant réussie – est alors l’un des nombreux poncifs du genre repris tout au long du film. Jan de Bont, Graham Yost et, dans un second temps, Joss Whedon, cochent en effet toutes les cases propres au film d’action. Les spectateurs sont ainsi plongés au cœur d’une situation improbable, avec des personnages ordinaires capables d’accomplir des exploits improbables, pour finir sur une fin elle-même des plus improbables !
Autre cliché du genre, les scènes de pure action sont filmées sous tous les angles et évidemment montrées au ralenti. S’ajoutent quelques passages bavards, sonnant souvent creux, mais très utiles pour faire une petite pause entre deux explosions. Ces derniers offrent évidemment leur lot de répliques légères – idiotes diront certains – à l’image de ce moment où le personnage d’Annie, assise au volant du bus miné, demande à l’un des passagers de garder ses distances en ne franchissant pas la ligne jaune tracée au sol ! Chaque sauvetage et chaque passage d’embuche est en outre accompagné d’effusions de joie particulièrement surjouées par des personnages qui, riant à gorge déployée, semblent avoir totalement oublié que leur vie ne tient pourtant qu’à un fil !
Ces séquences posées-là entre deux détonations peuvent paraître totalement absurdes. Mais elles sont typiques du genre. Le spectateur qui entre dans une salle de cinéma pour voir un film d’action sait en effet à quoi s’attendre. L’intrigue va très vite démarrer sur les chapeaux de roues. Les personnages seront à peine introduits que déjà, les explosions se succèderont à un rythme infernal. Les haut-parleurs de la salle deviendront forcément bruyants. Les flammes et la fumée envahiront l’écran. Accroché à son siège, le spectateur en aura à l’évidence pour son argent. Dans tout ce chaos, les moments de pause seront dès lors salvateurs pour souffler un peu et bien rire avant de repartir de plus belle dans des séquences pyrotechniques hallucinantes.
L’un des points forts de Speed reste indéniablement sa capacité à passer du calme à la tempête en proposant des moments purement comiques au milieu de scènes d’action incroyables. Jan de Bont réussit la prouesse de captiver son public pendant plus d’une heure, alors même que la majorité de l’histoire tourne autour d’un bus roulant, encore et encore, sur une branche d’autoroute. Les scènes mémorables se succèdent à un rythme spectaculaire grâce au travail du directeur de la photographie Andrzej Bartkowiak (L’Honneur des Prizzi, Chute Libre, Le Pic de Dante, L’Arme Fatale 4) et au montage serré de Jon Wright (À la Poursuite d’Octobre Rouge, Une Journée en Enfer - Die Hard 3, Le 13ème Guerrier, Apocalypto).
Speed sort au cinéma le 10 juin 1994. Proposé sur 2 138 écrans à travers les États-Unis et le Canada, le long-métrage surperforme lors de son premier week-end en récoltant 14,5 millions de dollars de recettes. En quelques jours, il se place au premier rang du box-office, détrônant La Famille Pierrafeu (1994), sorti deux semaines plus tôt, et L’Or de Curly (1994) diffusé à partir du même jour. Parvenant à remplir les salles, le film est porté par une critique globalement élogieuse. « Si l’été est traditionnellement une période durant laquelle réfléchir n’est plus indispensable, note Janet Martin dans les colonnes du New York Times, il peut toutefois s’avérer aussi intelligent que Speed, un film de course-poursuite débordant d’action, un genre pas si facile qu’il n’y paraît. Les dialogues ne relèvent évidemment pas de la grande littérature, mais le récit est suffisamment malin et haletant pour compenser. Davantage connu pour sa nonchalance comique que pour son machisme de tueur, le tout en muscles monsieur Reeves réalise une prestation formidable. Il est devenu un acteur charismatique. Réalisé sans fioriture par Jan de Bont, Speed incarne parfaitement son titre. Son seul objectif est d’avancer à toute vitesse, suffisamment vite pour que le spectateur n’aie pas à se poser de questions. L’action est juste omniprésente ».
« Rien de ce qui est montré à l’écran n’est véritablement inédit, explique pour sa part Kenneth Turan du Los Angeles Times, mais le réalisateur Jan de Bont parvient malgré tout à rendre l’ensemble aussi novateur qu’excitant. Créer un film d’action, c’est un peu comme jouer à quitte ou double. Un enfant de dix ans est capable de dire si c’est réussi ou si c'est raté. À l’évidence, avec Speed, Jan de Bont a réussi son coup. Certains dialogues semblent peu inspirés, mais tout va tellement si vite que cela n’a pas d’importance. De Bont et son équipe sont parvenus à montrer un chaos très sophistiqué tout en rendant l’impossible plausible. Keanu Reeves ne fait pas seulement que livrer une merveilleuse performance, il donne également tout son dynamisme au film. Le suspense est la marque de fabrique de Speed et aucune production, cet été, ne l’incarne aussi bien ».
Roger Ebert du Chicago Sun-Times donne quatre étoiles à Speed. « Speed est un thriller intelligent et inventif, écrit-il, avec un bon mélange d’action, de cascades, d’effets spéciaux et de suspense. Tout ceci a déjà été vu auparavant, mais rarement aussi bien, avec une énergie aussi soutenue. Bien sûr, l’ensemble peut paraître idiot avec des situations comme tout droit sorties des films Indiana Jones et Piège de Cristal. Et quand bien même ? Si cela marche ! Keanu Reeves n’est jamais apparu dans un pareil rôle et c’est incroyable de le voir si bon et si convaincant dans son costume de héros plein de ressources, comme ont pu l’être Clint Eastwood et Harrison Ford dans pareille situation. Bullock et lui offrent une belle alchimie. Speed appartient au genre que je surnomme les films ‘d’avant-bras meurtris’, car vous avez sans arrêt envie de vous cramponner au bras de la personne assise près de vous. Mal faits, ils ressemblent à des rediffusions de vieilles courses-poursuites défraîchies. Bien faits, ils sont divertissants. Aussi bien réalisés que Speed, il génèrent une véritable excitation ».
« Speed fonctionne parfaitement, surenchérit Peter Travers de Rolling Stone, C’est le summum des films d’action, un mélange pétaradant de suspense et de plaisir qui vous donne l’impression d’être dans des montagnes russes lancées à pleine vitesse ». Owen Gleiberman d’Entertainment Weekly salue lui aussi l’effort de Jan de Bont. « Le résultat est propre, délirant et, oui, rapide. C’est le meilleur film à bord d’un véhicule en péril depuis Le Salaire de la Peur de Clouzot », pense Anthony Lane dans les pages du New Yorker. « Le film possède deux vertus essentielles, estime Richard Shickel dans le Time, il nous rappelle certaines de nos angoisses cachées, et ce tout en étant exécuté avec panache et conviction ». Todd McCarthy enfonce le clou dans sa rubrique de Variety. « Pour son premier passage derrière la caméra, Jan de Bont, l’excellent directeur de la photographie de la plupart des films de Paul Verhoeven et de Piège de Cristal, gère l’action avec beaucoup d’agilité et de dextérité. Difficile de critiquer un tel film avec une démonstration d’action très complexe ».
Acclamé par la critique et le public, Speed reste au sommet du box-office durant sa première semaine d’exploitation, avant d’être détrôné par Wolf de Mike Nichols avec Jack Nicholson et Michelle Pfeiffer (1994). 12,9 millions de dollars s’ajoutent à son palmarès durant son second week-end de diffusion. En troisième semaine, il se maintient encore à la deuxième place malgré la sortie en fanfare du (Le) Roi Lion dès le 15 juin 1994. Le succès s’exporte à l’étranger. En fin de carrière, Speed parvient à récolter 121,3 millions de dollars de recettes en Amérique du Nord et 229,2 millions de dollars dans le reste du monde, pour un total de 350,5 millions de dollars, dix fois plus que son budget.
Cinquième plus gros succès de l’année 1994, Speed est encensé par la profession qui, en plus d’une nomination dans la catégorie Meilleur Montage, lui remet les trophées du Meilleur Son et du Meilleur Montage Sonore lors de la 67e cérémonie des Oscars, coiffant au poteau Danger Immédiat, Forrest Gump, Légendes d’Automne et Les Évadés. Le long-métrage décroche également les BAFTA du Meilleur Son et du Meilleur Montage. Keanu Reeves, Sandra Bullock et Dennis Hopper sont distingués lors des MTV Movie Awards. Speed est nommé dans la catégorie Meilleur Film Étranger au Japon. Quelque temps après la sortie du film, Richard Grieco et Halle Berry expliqueront leurs regrets d’avoir refusé les rôles de Jack Traven et Annie Porter. Quentin Tarantino, qui a décliné le poste de réalisateur, le classe pour sa part dans son Top 20 des meilleurs longs-métrages sortis entre 1992 et 2009. Pour le magazine Empire, Speed est le 451e meilleur film de tous les temps dans un classement établi en 2008. L’American Film Institute le place à la 99e place des cents films à sensations fortes.
Fort de ce succès, 20th Century Fox n’attend pas longtemps avant d'essayer de transformer l’essai. Alors même que Speed est encore dans les salles, une suite est d'ores et déjà envisagée. Réalisé par Jan de Bont d’après un scénario de Randall McCormick et Jeff Nathanson, Speed 2 : Cap sur le Danger sort en salle le 13 juin 1997. Porté par Sandra Bullock et Jason Patric, choisi pour incarner le policier Alex Shaw en remplacement de Keanu Reeves qui a refusé de reprendre son rôle, le film utilise les mêmes ingrédients, cette fois à bord d’un paquebot. Ni le public, ni les critiques n’adhèrent cependant à ce qui s’apparente à du réchauffé. Speed 2 : Cap sur le Danger devient l’un des plus grands échecs de l’année 1997.
Souvent copié, mais rarement égalé, Speed est au final l’archétype-même du film d’action. Noyant une situation totalement improbable et des dialogues parfois insipides au cœur de scènes absolument grandioses, il demeure un classique du genre et un excellent divertissement à couper le souffle.