Mufasa
Le Roi Lion
Titre original : Mufasa : The Lion King Production : Walt Disney Pictures Date de sortie USA : Le 20 décembre 2024 Genre : Animation Motion Capture IMAX 3-D |
Réalisation : Barry Jenkins Musique : Dave Metzger Lin-Manuel Miranda Lebo M. Durée : 118 minutes |
Le synopsis
Rafiki raconte à la jeune lionne Kiara, la fille de Simba et Nala, la légende de Mufasa, aidé en cela par Timon et Pumbaa. L'histoire de Mufasa est celle d’un lionceau orphelin, seul et désemparé qui, un jour, fait la connaissance du sympathique Taka, héritier d'une lignée royale... |
La critique
L'immense succès du (Le) Roi Lion de 2019 allait fatalement amener une suite. Étrangement cependant, Disney opte plutôt pour une préquelle sur l'enfance du père de Simba en faisant appel à un réalisateur de film indépendant oscarisé. Le résultat est plaisant même s'il y avait moyen d'être peut-être plus palpitant. Certes, Mufasa : Le Roi Lion est clairement plus réussi que l’insipide premier opus qui ne faisait qu'un décalquage honteux du classique de 1994. Pour autant, son récit bancal n'arrive pas à cacher que certains éléments sont repris, de façon plus ou moins évidente, du premier long-métrage. Par certains côtés, le scénario prend des airs de soft reboot, faisant qu'il manque parfois d'originalité, surtout dans le premier acte. Ce constat fait, il faut tout de même avouer que le film se laisse suivre avec plaisir. Sa qualité est en effet rehaussée par des chansons entêtantes de Lin-Manuel Miranda et des visuels de toute beauté qui arrivent enfin à retranscrire un peu d'émotion venue de ces animaux numériques photo-réalistes.
Même s'il est intégralement animé, Mufasa : Le Roi Lion rentre dans la tradition instaurée depuis quelques années par la branche chargée des films à prises de vues réelles des studios de Mickey : ré-imaginer ses anciens classiques de l'animation. Il faut de la sorte remonter à 2010 pour voir Disney relancer le genre en grande pompe avec l'adaptation d'Alice au Pays des Merveilles par Tim Burton. La formule est toute trouvée : une nouvelle adaptation d'un classique de la littérature enfantine, déjà traité par le passé par les studios, avec la vision, si possible, d'un réalisateur de renom. Ainsi, viennent ensuite une préquelle au (Le) Magicien d'Oz avec Le Monde Fantastique d'Oz en 2013 réalisé par Sam Raimi, puis en 2014 La Belle au Bois Dormant avec Maléfique par Robert Stromberg ; en 2015, Cendrillon par Kenneth Branagh ; en 2016, Le Livre de la Jungle par Jon Favreau et Peter et Elliott le Dragon par David Lowery ; en 2017, La Belle et la Bête par Bill Condon ; en 2018, Jean-Christophe & Winnie par Marc Forster ; en 2019 pas moins de deux films avec Dumbo de Tim Burton et Aladdin par Guy Ritchie sans compter le remake CGI du (Le) Roi Lion par Jon Favreau ainsi que La Belle et Clochard proposé directement sur la nouvelle plateforme Disney+ ; en 2020 Mulan de Niki Caro sorti directement sur Disney+ après que la sortie au cinéma a été empêchée suite à la crise sanitaire de la Covid-19 ; en 2021 Cruella de Craig Gillespie centré sur la fameuse méchante des (Les) 101 Dalmatiens ; en 2022 Pinocchio de Robert Zemeckis sorti directement sur Disney+ ; et enfin en 2023 Peter Pan & Wendy de David Lowery également proposé sur Disney+ tandis que La Petite Sirène de Rob Marshall a lui les honneurs du grand écran.
Mufasa : Le Roi Lion présente en plus la particularité d'un genre, au final, assez rare au sein du catalogue des studios : à savoir, la suite de l'une de ses adaptations. La première d'entre elles remonte à l'année 2000 quand est proposé 102 Dalmatiens, suite du film Les 101 Dalmatiens avec Glenn Close. Malheureusement, l'opus est un échec ne rapportant même pas la moitié de la recette du premier. Le destin se répète en 2016 quand Alice de l'Autre Côté du Miroir, suite d'Alice au Pays des Merveilles, devient un flop phénoménal rapportant à peine le tiers du résultat de son aîné. Maléfique : Le Pouvoir du Mal, troisième suite d'un remake Disney, est également une déception rapportant moins des deux tiers du score au box-office du premier opus ; même s'il n'est pas le flop que les deux autres ont été. Mufasa : Le Roi Lion a donc la lourde tâche de briser la malédiction de l'échec même s'il y a peu de chances que cela arrive. Les préquelles basées sur un personnage sont il est vrai un genre cinématographique qui intéresse peu le public, peu importe sa qualité, comme le prouvent les échecs récents de Solo : A Star Wars Story ou de Furiosa : A Mad Max Saga.
Les studios Disney, surtout depuis que Bob Iger a pris les rênes de The Walt Disney Company, ancrent leur label historique dans une identité parfaitement reconnaissable par le public. Dès lors et forcément, nombreux parmi les fans et spectateurs s'accordent à dire que la mode des remakes à foison des classiques d'animation est à la fois inutile et sans imagination, ni prise de risque. Oui, mais voilà, le public en raffole et plébiscite en salles ces histoires classiques où il peut emmener ses enfants découvrir de nouvelles versions, modernes, de films qu'il a aimés dans sa jeunesse. Disney exploite là un juteux filon puisque nombre de ces opus sont d’immenses succès publics comme La Belle et la Bête qui rapporte 1,2 milliard de dollars dans le monde tandis que Le Roi Lion rapporte lui 1,698 milliard de dollars, devenant à l'époque le plus gros succès d'un film du label Disney, dépassé seulement en 2024 par Vice-Versa 2. Ces résultats sont d’ailleurs à comparer avec les tentatives de sortir des sentiers battus que constituent John Carter (2012), À la Poursuite de Demain (2015) ou Un Raccourci dans le Temps (2018) qui ont tous signé des échecs en salles alors qu'ils sont (presque) tous réhabilités depuis. Mais voilà, le public a une idée bien précise de ce qu'il attend d'un film Disney et il est difficile pour le studio de sortir de ce chemin balisé. Néanmoins, à trop vouloir tirer sur la corde, le label Disney « live » risque de lasser son public et il lui faudra alors trouver un moyen de se réinventer. En attendant la fin du cycle, les studios Disney profitent de cette manne, et il n'est donc pas étonnant de les voir continuer la franchise du (Le) Roi Lion suite aux résultats du premier volet.
En septembre 2020, les studios Disney confirment ainsi qu'ils confient la réalisation de la suite du blockbuster de Jon Favreau à Barry Jenkins. Né le 19 novembre 1979 à Miami, ce dernier grandit dans une famille de quatre enfants. Il réalise son tout premier film, Medicine for Melancholy, en 2008. Le long-métrage raconte la romance, en une journée, de deux jeunes Afro-Américains qui viennent de passer la nuit ensemble. Il lui faut attendre près d'une décennie pour proposer un nouveau film qui lui permet de donner un tournant majeur à sa carrière. Moonlight, sorti en 2016, suit dans les ghettos de Miami un jeune homosexuel Afro-Américain lors de trois périodes de sa vie, l'enfance, l'adolescence et la vie adulte après un passage en prison. Le long-métrage remporte alors de nombreux récompenses. Il est nommé notamment pour huit Oscars et en gagne trois : celui du Meilleur film, celui du Meilleur Acteur dans un Second Rôle pour Mahershala Ali et celui du Meilleur Scénario Adapté. Suite à cette réussite, il enchaîne en 2018 avec Si Beale Street Pouvait Parler, un drame qui se déroule à Harlem, dans les années 1970, où une jeune femme se lance dans une course contre la montre pour prouver l'innocence de son futur mari incarcéré et accusé de viol. Mufasa : Le Roi Lion marque pour lui un immense défi en étant son tout premier blockbuster avec, en plus, une utilisation presque exclusive d'effets spéciaux.
Il est ainsi étonnant de voir un réalisateur indépendant comme Barry Jenkins accepter de mettre en scène un film comme Mufasa : Le Roi Lion. Pourtant, malgré la pression d'un tel blockbuster l'empêchant d'avoir une liberté artistique totale à cause de la surveillance du studio et du poids de la franchise, il relève le défi. L'une des raisons de son accord est qu'il a trouvé dans le scénario de nombreuses similitudes avec les thématiques que porte sa filmographie comme la famille que chacun se construit, les choix que tout le monde prend dans sa vie, l'inné et l'acquis qui modèlent le destin d'une personne et enfin l'élément de l'eau qui est très présent dans Mufasa : Le Roi Lion comme il l'était dans Moonlight. Le script, écrit au préalable avant le choix du réalisateur, est en effet de Jeff Nathanson. Ce dernier est connu pour avoir déjà travaillé sur les scénarios d'Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal (2008), de Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar (2017), du (Le) Roi Lion (2019) et du magnifique Face à la Mer : L'Histoire de Trudy Ederle (2024).
Mufasa : Le Roi Lion reprend le même schéma narratif que le classique de 1974 de Francis Ford Coppola, Le Parrain, 2e Partie, en étant à la fois une suite et une préquelle. Il est une suite puisqu'il montre des éléments se déroulant après le premier opus. La fille de Simba et Nala, Kiara, est en effet effrayée par l'orage qui gronde alors que ses parents sont absents. Pour la rassurer, Rafiki, Timon et Pumbaa ont alors pour idée de lui raconter une histoire. Ce découpage est assez étonnant car, il faut l'avouer, il coupe le rythme du film, n'arrêtant pas de passer du présent au passé ; le récit, raconté sous forme de flashback, étant entrecoupé d'interventions à l'humour scatologique plus ou moins douteux du suricate et du phacochère. Le but de ce procédé est double. D'abord, cela permet de faire revenir dans cet opus les personnages préférés des enfants, les deux acolytes de Simba, qui n'auraient jamais eu sinon leur place dans le long-métrage si celui-ci avait été simplement une préquelle. Le souci est qu'ici les deux compères sont particulièrement irritants et qu'ils passent de statut d'acolytes sympathiques à celui de faire-valoir insupportables, un peu à la Martin dans Cars 2. Ensuite, cette fausse suite permet également de faire avancer légèrement l'histoire du premier opus en montrant notamment comment la famille royale de la Terre des Lions s'agrandit.
Ces scènes dans le présent permettent également d'inclure de nombreux clins d'œil à la franchise du Roi Lion. La présence du personnage Kiara, une première au cinéma, rappelle par exemple le long-métrage de 1998 sorti directement en vidéo, Le Roi Lion 2 : L'Honneur de la Tribu. Le fait de voir Timon et Pumbaa casser le quatrième mur et s’incruster dans l'histoire ramène ensuite à l'autre film sorti en vidéo en 2004, Le Roi Lion 3 : Hakuna Matata, mais aussi à la série loufoque de 1995, Timon & Pumbaa - Les Héros du Film Le Roi Lion. Toujours autour des deux compères, à un moment, Timon demande à Pumbaa de se laver les pattes après être allé aux toilettes. Cette remarque « éducative » est liée à la collection de courts-métrages Wild About Safety où les deux personnages apprennent aux enfants les principes de la sécurité en toute circonstance. Ce passage est un « hommage » en particulier à l'épisode de 2011, Timon and Pumbaa, Safety Smart Healthy & Fit !, sur la nutrition et l'hygiène. Timon parle aussi de la pièce où il est joué par une marionnette. C'est ici une allusion évidente au musical Le Roi Lion de 1997 mis en scène par Julie Taymor. Enfin, la fin de Mufasa : Le Roi Lion semble reprendre un gros élément de la série animée La Garde du Roi Lion, dont la diffusion a débuté en 2015 avec son pilote La Garde du Roi Lion : Un Nouveau Cri.
Mufasa : Le Roi Lion raconte ensuite, comme son titre l'indique, le passé de Mufasa, le père de Simba, et par ricochet celui de son frère Scar. Si le premier opus s'inspire grandement de la tragédie de William Shakespeare, Hamlet, le nouveau film choisit lui d'apporter une vision biblique à son récit en s'appuyant beaucoup sur celle de Moïse. Il est ici question d'un jeune lionceau sauvé des eaux puis recueilli par une famille royale. Étant adopté, le jeune lion n'a pas vocation à régner et laisse naturellement sa place à son frère. Mais si l'un est bon et majestueux, l'autre est lâche et jaloux. Et ce n'est pas le plus noble qui est appelé à monter sur le trône. Malheureusement, une meute de lions blancs attaque le clan des deux frères, et seuls les deux jeunes lions parviennent à s'échapper. Ils vont alors parcourir les terres variées de l'Afrique afin d'atteindre la terre promise de Milele - qui signifie éternel ou éternité en swahili. Sur le papier, le principe du récit est intéressant, à défaut d'être fatalement original, et s'insère parfaitement avec la thématique royale de la franchise. Elle permet aussi de parfaitement montrer en quoi les deux frères sont opposés dans leur personnalité. Le souci est ici que le long-métrage a du mal à se départir de l'héritage du premier opus, surtout dans l'acte I. Quelques éléments, qu'ils soient visuels ou scénaristiques, rappellent ainsi trop le film original, que ce soit le jeune Mufasa piégé dans un canyon, les jeux des lionceaux cherchant à éviter leur chaperon, le passage de l'enfance à l'âge adulte ou encore le combat final... Ce n'est pas un copier / coller franc mais plutôt une sorte de soft reboot où l'histoire est certes nouvelle mais possède plein de petits éléments qui rappellent, consciemment ou inconsciemment, le précédent long-métrage. Pour illustrer cette idée, il est en quelque sorte dans le même style qu'un Star Wars : Le Réveil de la Force ou un (Le) Retour de Mary Poppins.
Heureusement, Mufasa : Le Roi Lion offre quelques nouveautés. Son deuxième acte est ainsi particulièrement rafraîchissant car, dans leur fuite vers leur terre promise en essayant d'échapper à leur ennemi, les deux frères vont faire la rencontre d'autres animaux isolés et fuyards qui cherchent également un lieu où vivre en paix. Ils croisent ainsi le chemin de la princesse lionne Sarabi, son majordome calao Zazu et le jeune excentrique mandrill Rafiki. Les cinq compères vont alors vivre des aventures palpitantes dans des décors aussi variés que somptueux passant de la savane à la haute montagne jusqu'à une traversée du désert. Cet exode permet également de construire les relations entre les personnages et de faire évoluer leurs personnalités afin qu'ils soient à la fin du film tel que le public les connaît. Le troisième acte retrouve lui à nouveau le schéma du premier opus sauf que, comme dans le reste du long-métrage, il offre à l'élément de l'eau un rôle central qui était absent du film de 2019. Recoupant à la fois l'influence biblique et les thématiques de la filmographie du réalisateur, le spectateur se rend finalement compte que la destin de Mufasa s'est toujours construit autour de l'eau, et ce, à chaque étape importante de sa jeunesse. Cela permet en tout cas de donner un ton et une ambiance qui démarque Mufasa : Le Roi Lion de son aîné.
Comme Mufasa : Le Roi Lion raconte le passé du père de Simba et de son frère Scar, le long-métrage se permet aussi de revenir sur un évènement important de ce dernier : comment il a gagné sa cicatrice. Ce film marque la troisième explication « officielle » apportée dans une œuvre Disney sur l'origine de la blessure du méchant. La première a lieu en 1994, peu de temps après la sortie du classique, dans le livre Les Frères Ennemis (A Tale of Two Brothers), le premier tome du coffret Le Roi Lion - Six Nouvelles Aventures. Fils du roi Ahadi et de la reine Uru, Scar se prénomme en réalité Taka. Rongé par la jalousie, il décide de tendre un piège à son frère qu’il accompagne pour aller voir un buffle colossal bien décidé à ne pas partager l’eau de la rivière alors même que la sécheresse frappe durement la Terre des Lions. Avec sagesse, Mufasa tente alors de raisonner le bovin mais Taka met rapidement de l’huile sur le feu. La discussion dégénère. Taka est alors sévèrement blessé à l’œil gauche. Obligé d’admettre sa forfaiture à son père, il exige désormais d'être appelé Scar, le Balafré, un surnom inspiré par sa cicatrice… Une deuxième explication a lieu bien des années plus tard, en 2019, dans le téléfilm La Garde du Roi lion : La Grande Bataille. Ce dernier propose un flashback où Scar semble raconter qu'il n'aurait pas été mauvais dès sa naissance mais le serait devenu à cause de sa cicatrice. Il aurait obtenu cette blessure à cause d'un lion maléfique et de son cobra à sa solde. Le reptile, par ordre du lion étranger, aurait empoisonné Scar avec un venin désinhibant ses mauvais côtés. Ici, le nouveau long-métrage picore des idées dans les deux premières explications - dont le nom de Taka et le fait qu'il soit devenu méchant alors qu'il ne l'était pas à l'origine - puis offre sa propre version en changeant de nombreux points notamment sur les origines des deux frères, qui ne sont plus ici du même sang !
Mufasa : Le Roi Lion pèche aussi un peu par ses personnages, qui ont des personnalités moins réussies que dans le classique de 1994. Ceci dit, comme l'animation est en 2024 bien plus expressive qu'en 2019, ils sont tout de même plus attachants que dans le remake.
Dans les scènes du flashback, le véritable intérêt du film est la relation entre les deux frères, Mufasa et Taka. Dans le premier film, Simba a une personnalité avec des aspérités et des culpabilités. Les épreuves qu'il a vécues lui ont permis de grandir, de murir et d'évoluer. Mufasa est, lui, un peu plus lisse, ou plutôt un peu trop parfait. Bon, courageux, humble, loyal, droit et majestueux, la seule chose qu'il semble devoir apprendre est d'accepter qu'il mérite d'être plus que ce qu'il croit être : un simple vagabond. Ainsi, il ne devient pas roi à cause d'une naissance acquise dans une lignée dynastique mais grâce à ses actions héroïques que ses futurs sujets saluent en le choisissant pour régner avec bienveillance sur eux. L'idée est intéressante même si elle amène une petite contradiction. Les films de 1994 comme de 2019 semblaient en effet laisser entendre dire que la royauté de la Terre des Lions durait depuis des générations, ce qui n'est finalement pas le cas ici.
Mufasa gagne dès lors en profondeur en le comparant à Taka, le futur Scar. Ce dernier est sûrement le personnage le plus intéressant du film car il laisse petit à petit ses mauvais côtés, notamment sa lâcheté et sa jalousie, prendre le pas sur ses émotions. Le cheminement du personnage vers la méchanceté est ainsi intriguant à suivre pour le spectateur même si le basculement est peut-être un peu abrupt. Le réalisateur et le scénariste ont néanmoins réussi à faire de nombreux parallèles avec ce que sera et fera le personnage dans le futur, permettant de nuancer ses actes faussement bienveillants ; ou plutôt d'endormir les inquiétudes de Mufasa qui restera aveugle de la future trahison de son frère murissant une vengeance pendant des années. D'ailleurs, les agissements de Taka vont être à l'origine de la seule et unique décision cruelle de Mufasa. En essayant de faire preuve à la fois d'autorité et de clémence, le nouveau roi ne fera qu'humilier encore plus son frère... Ce qui le mènera finalement à sa perte.
Mufasa : Le Roi Lion permet aussi au personnage de Sarabi de gagner un peu en profondeur en dévoilant notamment son passé. Son rôle est, en revanche, similaire à celui de Nala ; sa personnalité également. Seule sa position sociale change. Alors que Nala fait partie de la meute du roi en étant un simple sujet, Sarabi est au contraire la fille d'un roi déchu, faisant de la lionne une princesse ayant certes perdu son titre mais étant vénérée comme telle par le vagabond Musafa.
Kiros est, quant à lui, l'antagoniste du film. Il est le roi cruel d'une meute de lions blancs qui déciment toutes les tribus qui menacent sa suprématie. Fou de colère après que Mufasa a tué son fils en protégeant son clan, le monarque n'aspire qu'à la vengeance quitte à poursuivre son adversaire et ses acolytes au fin fond de l'Afrique. Violent et brutal, ce méchant n'a cependant pas la subtilité et le machiavélisme que pouvait avoir un Scar dans le premier opus.
Parmi le reste des personnages, Rafiki et Zazu sont égaux à eux-même et évoluent peu. En revanche, il sera noté les parents de Scar, Obasi et Eshe. Le père de Scar est ainsi obnubilé par le pouvoir et la façon de le préserver mais n'a pas le courage ni la force de protéger son trône lorsqu'il est contesté. La mère de Scar, particulièrement attachante, est bien plus noble et surtout particulièrement aimante, élevant Mufasa comme son fils.
Les chansons sont parmi les points les plus réussis de Mufasa : Le Roi Lion. Lin-Manuel Miranda, l'un des grands noms de Broadway grâce à son musical Hamilton mais aussi le talentueux compositeur des chansons des films d'animation Vaiana, la Légende du Bout du Monde ou Encanto, la Fantastique Famille Madrigal, a donc la lourde charge de reprendre le flambeau d'Elton John et de Tim Rice en proposant six nouvelles chansons pour la préquelle. Ce qui frappe à la première écoute est que, mis à part la dernière, les nouvelles chansons sont un miroir parfait de celles du classique de 1994 en ayant le même style et la même fonction, impression accentuée d'ailleurs par le visuel et les chorégraphies des personnages sur ces morceaux. Ce bémol admis, les ritournelles sont incroyablement entêtantes et gagnent à être réécoutées en boucle. Milele est ainsi une superbe chanson où les parents de Mufasa lui racontent la légende d'une terre promise verdoyante où l'eau coule à flot. Moi qui Rêvais d'Avoir un Frère est la meilleure chanson du film interprétée par les jeunes Mufasa et Taka et met en avant la forte relation entre les deux frères. Inversement, l'air du méchant, Bye Bye, qu'entonne Kiros est peut-être la moins convaincante même si elle gagne à être réécoutée. Il Faut des Copains est la chanson entraînante qui va souder le petit groupe formé par Mufasa, Taka, Sarabi, Zazu et Rafiki. Il n'y a Qu’un Roi est, quant à elle, la chanson d'amour entre Mufasa et Sarabi où les deux tourtereaux s'avouent leurs sentiments. Enfin, La Trahison est la plus originale du film car elle ne s'inscrit pas dans le schéma des chansons du premier opus. Dans celle-ci, la personnalité de Taka bascule en dévoilant son côté sombre.
Côté musique instrumentale, la partition est composée par Dave Metzger. L'ensemble s'avère efficace et épique mais n'arrive pas à avoir le même impact que la musique d'Hans Zimmer, surtout qu'elle réutilise beaucoup trop les mélodies du premier opus, ne permettant pas au score d'avoir son identité propre. Lebo M revient également pour superviser les chants africains. Il offre la nouvelle sympathique chanson Ngomso tandis que ses précédentes compositions peuvent également être entendues durant tout le long-métrage. Là aussi, elles inscrivent la préquelle dans la continuité de la franchise et l'empêchent également de se démarquer.
Le seul intérêt du (Le) Roi Lion de 2019 était son visuel époustouflant. Optant pour un photoréalisme impressionnant, les décors étaient splendides mais malheureusement l'expression des personnages bien trop figée de par l'impossibilité pour des vrais animaux d'exprimer des sentiments humains, ce qu'arrivaient évidemment à faire des personnages dessinés. Mufasa : Le Roi Lion a lui réussi à gommer ce souci. Certes, les personnages sont moins expressifs que le classique de 1994 mais ils arrivent à porter largement plus l'émotion qu'en 2019. De plus, les décors sont toujours aussi beaux voire encore plus. Les artistes ont ici réussi à allier le réalisme des décors tout en les magnifiant grâce à des couleurs éclatantes et un éclairage flamboyant. Le spectateur est ainsi plongé dans une Afrique idéale où toutes les images resplendissent. Cette affirmation est encore plus vraie si le long-métrage est découvert dans une salle proposant une technologie immersive comme la 3-D, l'IMAX ou le Dolby Cinema.
Mufasa : Le Roi Lion est aussi mal accueilli par la critique que le premier opus. Si elle salue le fait que le récit soit inédit, elle reproche toujours à Disney l'utilisation de la technologie hyper-réaliste qui gâche le conte et empêche l'émotion. Le public le découvrant en salles est lui bien plus conquis. Le souci est que la préquelle est largement moins attendue que le premier opus et son démarrage est logiquement poussif. Lors de son week-end de lancement aux États-Unis, il obtient un résultat décevant avec seulement 35 millions de dollars, se faisant battre de plus 25 millions de dollars par Sonic 3 - Le Film. En France, il réalise un démarrage plus que correct de 1,216 million d'entrées mais largement en dessous de celui de 2019. Heureusement, les vacances de Noël vont permettre au film de se maintenir des deux côtés de l'Atlantique même si, au niveau mondial, il n'arrivera jamais à atteindre les scores du premier opus. Il est déjà chanceux d'obtenir plus du tiers... Ce qui avec un budget de 200 millions de dollars, sans le marketing, le remboursera à peine.
Mufasa : Le Roi Lion est un film plaisant porté par des images magnifiques, de belles chansons et un récit qui tente d'innover. Certes, Barry Jenkins a du mal à s'extraire de l'héritage du classique de 1994 et du cahier des charges de Disney, mais il arrive tout de même à distiller une belle émotion qui, lors de certaines scènes, montre toute sa puissance et subjugue le spectateur, surtout dans une salle où la technologie magnifie le son et l'image.