Titre original :
The Little Mermaid
Production :
Walt Disney Pictures
Date de sortie USA :
Le 26 mai 2023
Genre :
Comédie musicale
IMAX
3-D
Réalisation :
Rob Marshall
Musique :
Howard Ashman
Alan Menken
Lin-Manuel Miranda
Durée :
135 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Ariel, la benjamine du maître des profondeurs marines, le roi Triton, est une jeune sirène belle et fougueuse dotée d’un tempérament d’aventurière. Curieuse dans l’âme, elle n’a de cesse d’être irrésistiblement attirée par le monde qui existe par-delà les flots. Au détour d'une escapade à la surface, elle va tomber sous le charme du prince Éric. Tandis qu'il est interdit aux sirènes d'interagir avec les humains, Ariel sent pourtant qu’elle doit suivre son cœur. Intervient alors l'intrigante pieuvre sorcière Ursula qui, bien décidée à déstabiliser le roi Triton, s'empare du désarroi de sa fille et la convainc, à certaines conditions, de prendre forme humaine pour rejoindre son bien-aimé. La petite sirène ne doute pas que ce pacte met sa vie - et la couronne de son père - en danger...

La critique

rédigée par
Publiée le 23 mai 2023

Avertissement : une fois n'est pas coutume sur Chronique Disney, cette critique va se permettre de comparer de nombreux éléments, différents ou communs, entre les longs-métrages de 2023 et de 1989. Même si les plus grosses surprises sont tues, il est tout de même conseillé d'avoir vu le film avant de lire cette critique pour tous ceux qui veulent se garder le plaisir d'un visionnage intact...

Une sirène n'a point de larmes, et son cœur en souffre davantage.

Hans Christian Andersen

La branche Live Action des Walt Disney Studios s'est spécialisée depuis une bonne décennie dans les remakes de ses classiques de l'animation. Si les réussites, aussi bien artistiques qu'au box-office, varient d'un projet à l'autre, ceux qui ont comblé le plus le public sont sûrement les adaptations les plus proches des films d'origine. La Petite Sirène est dans cette veine. Il reste fidèle à son aîné de 1989 tout en apportant quelques petites touches de nouveautés. Mais c'est sans aucun doute son casting extraordinaire, en premier lieu Halle Bailey et Jonah Hauer-King, qui font de cette nouvelle version des aventures d'Ariel un pur enchantement, plein de magie et de charme, dans la grande tradition des plus beaux films de princesses Disney.

En adaptant à nouveau La Petite Sirène, les studios Disney reviennent une fois de plus piocher dans l'une des œuvres d'Hans Christian Andersen (1805 - 1875).
Danois, né en 1805 et issu d'un milieu misérable, Hans Christian Andersen perd son père encore enfant. Il quitte alors très vite le giron familial et se met à travailler dès l'âge de 14 ans. Il exerce ainsi plusieurs métiers, notamment dans le domaine artistique. S'il reste désargenté, une rencontre va pourtant changer sa vie. Il fait, en effet, la connaissance du Directeur du Théâtre Royal de Copenhague qui le prend vite sous son aile et finance, plus tard, ses études. Baccalauréat en poche, Hans Christian Andersen se met à publier. Son tout premier livre, Promenade du Canal de Holmen à la Pointe Orientale d'Amagre, ne rencontre d'ailleurs qu'un succès tout relatif. Il visite alors différents pays, notamment la France et l'Italie, dont les paysages lui serviront de décors pour certains de ses textes ultérieurs. De retour au Danemark, il publie Contes pour Enfants. Le succès est cette fois-ci immédiat. Toujours entre deux voyages, il écrit par la suite d'autres volumes de ses récits enfantins, mais aussi des poèmes, pièces de théâtre et romans. Destinés en premier lieu aux enfants, les contes d'Andersen s'adressent en réalité à un plus large public, tant ils bénéficient par leurs poésies, leurs morales et leurs thèmes, de différents niveaux de lecture.

L'auteur n'est, en fait, pas un inconnu aux studios Disney. Ils ont, en effet, déjà revisité l'un de ses écrits, dès 1931, en noir-et-blanc, avec Le Vilain Petit Canard, un cartoon dont ils feront d'ailleurs un remake en couleur en 1939. Ils lui empruntent également le thème de La Petite Sirène en 1989, du (Le) Petit Soldat de Plomb pour une séquence de Fantasia 2000, de La Petite Fille aux Allumettes pour un cartoon sorti en 2006 et bien sûr ceux de La Reine des Neiges et de sa suite La Reine des Neiges II, grands succès des années 2010. De plus, de nombreuses adaptations de ses écrits ont été tentées du vivant de Walt Disney comme après sa mort à l'exemple des (Les) Habits Neufs de l'Empereur ou du (Le) Rossignol et l'Empereur de Chine. Tous ces projets devaient ainsi servir à créer des courts-métrages d'animation destinés à constituer des séquences d'un film plus ambitieux. Après Blanche Neige et les Sept Nains, Walt Disney envisage en effet un long-métrage autour d'Hans Christian Andersen. Il ne savait d'ailleurs pas à l'époque s'il convenait mieux de faire un film autobiographique, une anthologie de cartoons adaptés de ses contes ou un mélange des deux. Walt Disney dépose ainsi le titre The Story of Hans Christian Andersen en 1939. Sauf que le producteur Samuel Goldwyn lui grille la politesse et affiche également la volonté de sortir un film sur la vie de l'auteur sous le titre de The Life of Hans Christian Andersen. Disney retire donc son projet mais propose tout de même un compromis au producteur : une coproduction. Dans son esprit, les studios Disney se chargeraient des séquences d'animation tandis que Samuel Goldwyn, lui, aurait la responsabilité des prises de vues réelles. Mais le deal est stoppé quand la Seconde Guerre mondiale éclate : Walt Disney a peu de temps pour lui, accaparé qu'il est par la réalisation de films de propagande. Finalement, le projet verra le jour mais sans Disney, qui est passé, entre-temps à autre chose : en 1952, Samuel Goldwyn sort, seul, la comédie musicale Hans Christian Andersen et la Danseuse. Chez Disney, l’œuvre qui s'en rapproche le plus est sûrement l'épisode de l'émission d'anthologie D'Ésope à Andersen, diffusé le 2 mars 1955, mais qui ne se focalise pas uniquement sur le conteur danois, explorant la vie d'autres auteurs comme Ésope, Jean de la Fontaine ou les Frères Grimm. Le programme a tout de même l'avantage de proposer une brève biographie animée de l'écrivain.

La Petite Sirène (en danois, Den Lille Havfrue) est un conte publié en 1837 dans le recueil Contes pour Enfants (Eventyr, fortalt for Børn). Il parle d'un amour impossible qui se finit tragiquement par la mort de l'héroïne. Il fait partie des contes d'Hans Christian Andersen que Walt Disney a essayé d'adapter de son vivant. Le projet se retrouve sur la table dès la fin des années 1930. L'illustrateur Kay Nielsen réalise, en effet, à l'époque un certain nombre de recherches graphiques en pastel et peinture à l'eau. Malheureusement, l'idée est vite abandonnée. L'ensemble du travail effectué est toutefois archivé. L'idée germe à nouveau, en 1985, dans la tête du réalisateur Ron Clements. Cherchant un sujet pour son prochain film, l'animateur redécouvre le fameux conte. John Musker, avec lequel il vient tout juste de terminer Basil, Détective Privé, lui prête à nouveau main forte. Ils réécrivent ensemble l'histoire afin de lui donner une tournure plus Disney. La fin est notamment changée en devenant plus joyeuse et romantique. La première grande idée du projet est, sans aucun doute, la volonté des réalisateurs de faire du film une comédie musicale. Dès 1986, ils sollicitent, en effet, Howard Ashman. Parolier reconnu, il est surtout l'auteur, avec le compositeur Alen Menken, de la cultissime comédie musicale La Petite Boutique des Horreurs. Howard Ashman est tellement emballé par le projet Disney qu'il en devient même au final l'un des producteurs. En donnant une touche « Broadway » à la La Petite Sirène, il va d'ailleurs révolutionner non seulement le film lui-même, mais aussi l'ensemble des Grands Classiques d'animation produits ensuite par Disney en les revêtant d'une signature qui restera utilisée pendant toute la décennie 1990.

Les critiques sur La Petite Sirène sont quasi-unanimes et soulignent le retour à l'excellence des films d'animation Disney. La sortie du long-métrage, le 15 novembre 1989, marque d'ailleurs, avec le recul, l'entrée dans ce qui est communément appelé le Troisième Âge d'Or des Walt Disney Animation Studios. Les résultats au box-office suivent l'engouement général et atteignent des scores extraordinaires pour l'époque, rapportant plus de 84 millions de dollars sur le seul sol américain, du jamais vu alors pour un long-métrage animé. La Petite Sirène va devenir une franchise lucrative pour The Walt Disney Company. La première tentative télévisée a lieu en 1990 avec Little Mermaid's Island, une série en marionnette produite par The Jim Henson Company mais qui n'ira pas au-delà de deux épisodes. Suit la série Disney Television Animation La Petite Sirène, avec 31 épisodes se déroulant avant les évènements du film. Le personnage de Sébastien a également droit à une mini-série dérivée de 8 épisodes de 8 minutes, Sebastian The Crab, très peu connue puisqu'elle a uniquement été diffusée en tant que segment de la série d'anthologie Marsupilami. Après cela, le film a droit à une suite, La Petite Sirène 2 : Retour à l'Océan, par Disney Television Animation en 2000 et un préquel, Le Secret de la Petite Sirène, par DisneyToon Studios en 2008, tous deux proposés directement en vidéo. Le classique de 1989 se voit également adapté à Broadway en musical en 2007 tandis qu'une émission spéciale, La Petite Sirène Live !, est proposée elle en 2019 dans l'émission The Wonderful World of Disney pour fêter les trente ans du film d'animation avec les chansons interprétées sur scène par des acteurs. La franchise La Petite Sirène est par ailleurs très présente dans les Parcs à thèmes Disney du monde entier, notamment via le Port Mermaid Lagoon au sein du Parc Tokyo DisneySea de Tokyo Disney Resort au Japon ou via le dark ride The Little Mermaid : Ariel's Undersea Adventure présent dans le Parc Disney California Adventure de Disneyland Resort en Californie et dans le Parc Magic Kingdom de Walt Disney World Resort en Floride.

Pour transposer La Petite Sirène en film à prises de vues réelles, Disney fait à nouveau appel à Rob Marshall.
Licencié de l'Université Carnegie-Mellon, Rob Marshall est très vite attiré par la comédie musicale. En 1992, il signe ainsi sa première chorégraphie à Broadway sur Kiss of the Spider Woman. Après avoir travaillé sur plusieurs spectacles, il fait ses débuts de metteur en scène en 1998 en livrant, aux côtés de Sam Mendes, la triomphale reprise new-yorkaise de Cabaret. Il commence à rentrer dans le monde des caméras en travaillant pour les chorégraphies du téléfilm La Légende de Cendrillon adapté d'une comédie musicale de Rodgers and Hammerstein, en 1997 pour Walt Disney Televison. En 1999, Disney lui offre une promotion en lui proposant sa première réalisation, celle du téléfilm Annie, adapté lui d'un musical de Broadway. En 2002, il passe du petit au grand écran en étant embauché par Miramax, alors filiale de The Walt Disney Company, pour adapter à nouveau un autre musical de Broadway, Chicago. Cette première expérience cinématographique se solde par un énorme succès : l'opus, emmené par Catherine Zeta-Jones, Renée Zellweger et Richard Gere, glane, il est vrai, six Oscars dont celui du Meilleur Film ; Rob Marshall étant lui-même nommé dans la catégorie Meilleur réalisateur. En 2011, il revient chez Disney dans ce qui reste depuis sa seule erreur de parcours : Pirates des Caraïbes : La Fontaine de Jouvence. Même si le film engrange un milliard de dollars de recettes, il se fait étriller par la critique ; les films d'aventures n'étant manifestement pas du tout le style du réalisateur. Avec Into The Woods : Promenons-Nous Dans les Bois, Rob Marshall revient avec bonheur à ses premiers amours : le film musical. Le succès américain de l'opus convainc finalement Disney de lui confier les rênes des nouvelles aventures de la nounou anglaise en 2018, Le Retour de Mary Poppins. Satisfait par le succès d'estime de la suite qui était un vrai défi artistique comme technique, les studios Disney le chargent d'une autre vraie gageure en lui proposant la réalisation du remake en live action des aventures d'Ariel.

La Petite Sirène rentre dans la tradition instaurée depuis quelques années par la branche chargée des films live des studios de Mickey : adapter en prises de vues réelles des classiques de l'animation. Il faut de la sorte remonter à 2010 pour voir Disney relancer le genre en grande pompe avec l'adaptation d'Alice au Pays des Merveilles par Tim Burton. La formule est toute trouvée : une nouvelle adaptation d'un classique de la littérature enfantine, déjà traité par le passé par les studios, avec la vision, si possible, d'un réalisateur de renom. Ainsi, viennent ensuite une préquelle au (Le) Magicien d'Oz avec Le Monde Fantastique d'Oz en 2013 réalisé par Sam Raimi, puis en 2014 La Belle au Bois Dormant avec Maléfique par Robert Stromberg ; en 2015, Cendrillon par Kenneth Branagh ; en 2016, Le Livre de la Jungle par Jon Favreau et Peter et Elliott le Dragon par David Lowery ; en 2017, La Belle et la Bête par Bill Condon ; en 2018, Jean-Christophe & Winnie par Marc Forster ; en 2019 pas moins de deux films avec Dumbo de Tim Burton et Aladdin par Guy Ritchie sans compter le remake CGI du (Le) Roi Lion par Jon Favreau ainsi que La Belle et Clochard proposé directement sur la nouvelle plateforme Disney+ ; en 2020 Mulan de Niki Caro sorti directement sur Disney+ après que la sortie au cinéma a été empêchée suite à la crise sanitaire de la Covid-19 ; en 2021 Cruella de Craig Gillespie centré sur la fameuse méchante des (Les) 101 Dalmatiens ; en 2022 Pinocchio de Robert Zemeckis sorti directement sur Disney+ ; et enfin en 2023 Peter Pan & Wendy de David Lowery également sorti sur Disney+. Il faut également ajouter les suites de ces adaptations comme Alice de l'Autre Côté du Miroir en 2016 et Maléfique : Le Pouvoir du Mal en 2019.

Parmi tous ces remakes, se remarquent toutefois deux catégories. La première est formée de films qui s'éloignent du matériel de référence pour proposer une relecture de l'histoire originale. Ce fut le cas avec Alice au Pays des Merveilles, Maléfique, Peter et Elliott le Dragon ou Dumbo. L'autre propose des films qui suivent au plus près le matériel de base, que cela soit le conte ou le film d'animation. Ainsi Cendrillon, Le Livre de la Jungle, La Belle et la Bête ou Le Roi Lion s'inscrivent dans cette veine. Nombreux fans et spectateurs s'accordent à dire que la mode des remakes à foison des classiques d'animation est à la fois inutile et sans imagination, ni prise de risque. Pourtant, il suffit de regarder le box-office de ces films ainsi que leur retour sur les réseaux sociaux pour remarquer que la réalité de l'avis du public est à l'inverse de ce qui est proclamé un peu partout : les spectateurs préfèrent globalement plus les films qui se rapprochent de l'original que ceux qui s'en éloignent ! Avec La Petite Sirène, le spectateur est en terrain conquis. Il est très proche dans son schéma narratif de La Belle et la Bête avec lequel il a beaucoup de points communs. Il est à la fois une relecture fidèle du film d'animation, à quelques scènes près, tout en creusant légèrement les personnages, notamment en les mettant en phase avec la société contemporaine. Il se permet également de proposer quelques nouveautés faisant que l'histoire demeure fraîche tout en gardant la magie de son aîné.

Le récit de La Petite Sirène reprend donc la même structure que celui du film de 1989. Toutes les scènes emblématiques du long-métrage d'animation sont ainsi présentes. Mais la nouvelle proposition offre des petits changements de-ci de-là plus ou moins importants. Le début néanmoins, jusqu'à ce qu'Ariel devienne humaine, est presque identique à la version animée. Il y a tout de même quelques subtiles différences à commencer par l'entame qui est sans chanson sachant qu'aucune ritournelle n'arrive avant Partir Là-Bas, là où dans le classique, deux chansons sont présentes au tout début du film : Dans les Profondeurs de l'Océan et Filles du Roi Triton. Dans le remake, la première arrive un peu plus loin dans l'histoire tandis que la seconde est supprimée. Il faut dire que le rôle des sœurs d'Ariel est profondément modifié. Elles ne sont plus de jolies filles qui chantent lors d'un beau spectacle pour divertir et rendre fier leur père. Elles sont, au contraire, des monarques impliquées dans la gestion du royaume, gouvernant chacune l'un des sept océans. Le réalisateur Rob Marshall et le scénariste David Magee en profitent alors pour changer leur nom et leur apparence, chacune étant à l'image de l'océan qu'elle dirige. Ainsi Aquata, Andrina, Arista, Attina, Adela et Alana deviennent Perla, Indira, Karina, Caspia, Mala et Tamika. Si l'itération en « A » est conservée, elle se fait désormais seulement à la fin pour les six ainées tandis que la benjamine conserve son « A » en début de prénom, mettant ainsi plus en évidence sa singularité par rapport à ses sœurs. Ariel voit aussi sa personnalité évoluer. La jeune sirène est en effet toujours aussi étourdie et passionnée mais perd son côté adolescente rebelle pour devenir une jeune sirène plutôt curieuse et ouverte à l'inconnu. Si le conflit avec son père est toujours présent, ce n'est pas elle qui le provoque par son effronterie mais plutôt Triton par son manque de compréhension. Plus sage, ce n'est qu'après une dispute avec le roi qu'elle franchit l'interdit pour la première fois et sort la tête hors de l'eau afin d'observer le bateau du prince Éric. Le nouveau long-métrage en profite également pour se montrer plus précis sur la famille royale, donnant des informations sur la mère d'Ariel, mais également sur... sa tante ! En effet, si Ursula était censée être, dans l'un des premiers scénarios du film de 1989, la sœur de Triton, l'idée avait été abandonnée dans la version finale même si elle a été reprise plus tard dans le musical ou dans quelques livres. Toutes ces petites modifications permettent ainsi d'apporter un peu de fraîcheur, de nouveautés, tout en approfondissant légèrement les personnages et en les rendant plus actuelles par rapport aux attentes de la société.

Les changements les plus importants ont lieu néanmoins sur la terre ferme. Déjà, cette partie est la plus étoffée par rapport au dessin animé avec de nombreuses scènes rajoutées. Mais surtout, la localisation du royaume du Prince Éric a été déplacée. Dans le classique de 1989, même s'il s'agit d'un lieu inconnu et non nommé, l'ambiance semble se situer en Europe du Sud, sûrement dans une île imaginaire de la Méditerranée. Dans le remake de 2023, l'action se déroule plutôt dans un royaume insulaire fictif des Caraïbes. Autre gros changement, le Prince Éric n'est plus le seul monarque de son pays puisqu'il est désormais dirigé principalement par la Reine Selina qui cherche à ce que son fils adoptif prenne un jour les rênes du royaume. Le personnage d'Éric est ici particulièrement étoffé là où dans le film d’animation, s'il était certes sympathique et charmant, il était aussi un peu creux. Il gagne clairement en caractère tout en ayant un but au-delà de trouver la femme de ses rêves. Il veut ainsi voir le monde, voyager, ceci afin d'apporter des nouveautés et du progrès à son royaume qui a tendance à s'endormir sur ses acquis, et ce pour le bien de son peuple. De nombreuses petites scènes sont donc rajoutées pour creuser le personnage du prince, faire visiter son château et son royaume. Pour couronner le tout, les décors sont vraiment chaleureux et cette flânerie est absolument dépaysante. Chose intéressante également, la présence de la Reine Selina permet d'apporter un contrepoint à Triton. Cela crée un antagonisme entre les humains et le monde marin où chacun se méfie l'un de l'autre et le prend pour un ennemi. Si dans le dessin animé, cette attitude était évidente pour Triton vis-à-vis des humains sans vraiment savoir pourquoi, l'inverse était moins vrai. Ici, il y a une méfiance mutuelle voire une inimitié. Ce faisant, l'amour entre Ariel et Éric se transforme en relation impossible, un peu à la Roméo et Juliette.

La grande réussite de La Petite Sirène est donc sans doute l'histoire d'amour entre Ariel et Éric. Celle-ci est magnifiée par les deux protagonistes dont l'alchimie est tout simplement parfaite. Déjà, la façon dont Ariel tombe amoureuse du beau jeune homme est subtilement changée. Si dans le film d'animation, elle tombe clairement en premier sous le charme de sa beauté, dans la nouvelle adaptation, elle est plus attirée par sa personnalité et sa grandeur d'âme. Le sauvetage d'Éric est ici aussi une scène très forte mais c'est après, lorsque Ariel rejoint la terre ferme, que le film à prises de vues réelles prend son temps et dévie bien plus de l'original. La deuxième rencontre entre les deux tourtereaux se déroule par exemple différemment, selon un nouveau timing, et via une scène totalement inédite. La séquence est intéressante car elle construit petit à petit, par de brèves touches et la découverte d'une passion commune, leur relation romantique. La deuxième journée terrestre d'Ariel est aussi consacrée à la balade dans le royaume qui s'avère charmante à souhait, peut-être davantage que l'original. Plus longue, elle permet d'étoffer l'attirance mutuelle des deux jeunes gens par des regards, des rapprochements... permettant une découverte de l'autre qui ne se limite pas, pour la jeune fille, au simple fait d'embrasser un prince. D'ailleurs, par un tour de passe-passe scénaristique plutôt bienvenu, ce Graal du baiser salvateur devient moins primordial pour Ariel. Ce n'est donc plus la jeune fille qui prend en main son sauvetage mais d'autres personnages de façon encore plus explicite qu'en 1989. La chanson Embrasse-la, point central de cette deuxième journée sur la terre ferme, s'avère être toujours un sommet de romantisme mais ses paroles sont légèrement, et ingénieusement, modifiées en enlevant quelques mots qui laissaient planer un doute sur le consentement dans le texte original. De même, la recherche du prénom de la jeune fille par Éric est aussi changée et se montre bien plus poétique dans le remake. Dans la suite du film, d'autres petites scènes toutes simples, faites de rires et de moments complices, permettent de construire définitivement leur attirance mutuelle et leur amour en devenir. L'autre point bouleversant du film est sûrement la première larme que lâche Ariel, lors du moment déchirant du récit. L'émotion de cette scène est accentuée grâce au souvenir de la phrase du conte d'Andersen citée de façon très à propos en début du long-métrage. Enfin, le final est aussi modifié, offrant une conclusion plus dans l'air du temps tout en s'adaptant à l'évolution des personnalités des deux amoureux. Le combat marin, notamment, intervertit les rôles. Si Ariel a tendance à être un peu plus passive sur la terre ferme qu'elle ne l'est dans le film d'animation, dans son élément, la mer, c'est elle, par contre, qui mène le jeu et répare ses erreurs.

Le casting de La Petite Sirène est le vrai atout de cette nouvelle adaptation.
Halle Bailey est LA révélation du film. La jeune fille s'est d'abord fait connaître en tant que chanteuse grâce au duo formé avec sa sœur, Chloe x Halle, puis en tant qu'actrice à la télévision grâce à son rôle secondaire dans la série ABC Studios Grown-ish. Le long-métrage de Rob Marshall marque sa première participation dans un premier rôle au cinéma. Et force est de constater qu'elle illumine le film. Elle a une présence incroyable, incarnant parfaitement son personnage d'Ariel, la rendant ultra-attachante, passionnée, ouverte aux autres, sûre de ses convictions mais aussi amoureuse, touchante et émouvante. De plus, sa voix est tout simplement extraordinaire, faisant que les chansons qu'elle interprète sont de grands moments du film, donnant clairement des frissons aux spectateurs.
Au-delà de son talent d'actrice, la jeune fille s'est retrouvée au milieu d'une tempête médiatique et politique qu'elle était sûrement à mille lieues d'imaginer quand elle a accepté le rôle. Il faut ainsi saluer son incroyable résilience ainsi que sa force de caractère pour être parvenue à prendre du recul vis-à-vis du torrent de boue qu'elle a reçu sur les réseaux sociaux. Elle a été la cible d'attaques totalement inadmissibles de nombreux conservateurs, pour certains franchement racistes, et pour d'autres dénonciateurs des prétendues appropriation et négation culturelles dont Disney se serait rendu coupable. Pourtant, les studios ne font ici que proposer une nouvelle adaptation d'un conte qu'ils avaient déjà produit, comme ils ont en fait tant, en changeant quelques éléments et en en gardant d'autres. Et s'il y avait bien une princesse qui pouvait se permettre de changer d'apparence afin d'offrir plus d'inclusion, c'est bien Ariel. En tant que sirène, créature imaginaire et mythologique, le champ du possible artistique est infini sans qu'il y ait légitimement lieu d'y voir le moindre scandale. La jeune actrice a, quant à elle, choisi de ne retenir que les éléments positifs de la situation. Comme Brandy en 1997 interprétant Cendrillon, Halle Bailey est devenue la personnification d'une princesse permettant à de nombreuses petites filles de trouver un modèle dans un paysage cinématographique manquant d'identifications variées. Leurs sourires et leurs bonheurs sont sûrement les plus beaux des cadeaux offerts à l'artiste.
Quoi qu'il en soit, les deux représentations d'Ariel resteront côte à côte ; le film à prises de vues réelles n'ayant à aucun moment l'intention de remplacer le film d'animation. Ils existeront en parallèle. Jodi Benson, l'actrice américaine qui prêta sa voix à la petite sirène en 1989, l'a ainsi parfaitement compris et a été un soutien sans faille d'Halle Bailey dans les moments difficiles ; le nouveau film proposant d'ailleurs un joli caméo de la première interprète d'Ariel dans une courte scène où le spectateur y voit un touchant passage de relais.

L'autre surprise de La Petite Sirène est Jonah Hauer-King qui interprète un charmant prince Éric. L'acteur étonne clairement par l'alchimie qu'il développe avec la jeune Halle. Le courant entre les deux est vraiment palpable et leur scène mutuelle est l'atout romantique du long-métrage. Mais le personnage est également intéressant grâce à son écriture densifiée par rapport au film d'animation. Il arrive à être autre chose qu'un simple « Prince » servant de crédit amoureux et de sauveur d'une demoiselle en détresse. Et surtout, il a sa propre personnalité, ses propres rêves, son propre passé et ses propres aspirations avant de rencontrer celle qui deviendra sa belle aimée. La seule petite déception avec l'acteur est que n'étant pas chanteur de profession, il ne permet malheureusement par à la nouvelle chanson qu'il interprète d'être dotée de la puissance qu'elle aurait pu avoir.
Le personnage d'Ursula était aussi attendu au tournant. Melissa McCarthy a été choisie pour tenir le rôle de la Sorcière des Mers. L'actrice a déjà une belle carrière, ayant déjà été vue notamment dans les films 20th Century Studios Les Flingueuses (2013) et Spy (2015), ou encore dans le film Searchlight Pictures Les Faussaires de Manhattan (2019). Elle donne ici beaucoup de présence à la créature marine. Il sera d'ailleurs noté son nombre de tentacules qui passe de six à huit, ceci afin d'être plus conforme aux vraies pieuvres. Néanmoins, Ursula est étonnamment le personnage qui présente le moins de changements par rapport à son pendant de 1989. Ses scènes sont presque identiques mise à part celle où elle se change en humaine ; ses séquences terrestres évoluant comme le reste du film. Son apparence est en tout cas vraiment convaincante ; l'actrice avouant d'ailleurs être restée fidèle à l'esprit de Divine, la drag queen ayant servi d'inspiration pour la conception du personnage.

Javier Bardem (Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar) interprète, quant à lui, le roi Triton. Le monarque est, à son tour, réussi et ses changements sont vraiment bienvenus. Son armure et son ingénieuse cape le rendent en effet encore plus majestueux. Chose intéressante également, son passé, que ce soit son mariage ou sa famille, est un peu plus exploré, ce qui permet de mieux comprendre sa méfiance vis-à-vis du monde de la surface tout comme de rendre plus intense le sacrifice qu'il fait pour sa fille.
Les spectateurs retrouvent également les trois acolytes que sont Sébastien, Polochon et Eurêka ; tous trois animés en CGI de façon réaliste.
Le crabe est interprété en anglais par Daveed Diggs, artiste venu de Broadway connu notamment pour son rôle du Marquis de Lafayette dans Hamilton. Il apporte beaucoup d'humour et de dynamisme au personnage de Sébastien, ce qui permet de passer outre son aspect très réaliste, notamment au niveau des yeux.
Polochon, dont la voix est tenue par le jeune Jacob Tremblay qui avait déjà fait celle de Luca, est bien plus discret dans la version de 2023 que dans celle de 1989. Il faut dire que comme le nouveau film cherche un peu plus de réalisme, il se concentre dans la partie terrestre sur les acolytes étant d'espèces capables de respirer de l'air. Ce choix met forcément de côté le jeune poisson.
Enfin, Eurêka est le personnage subissant le plus gros changement puisqu'il passe d'un mâle goéland à une femelle oiseau de l'espèce dite Fou de Bassan. Awkwafina - Katy dans Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux ou encore Sisu dans Raya et le Dernier Dragon - se charge de doubler le personnage en anglais. Contre toute attente, l'oiseau s'avère plus drôle dans le nouveau film et son duo avec Sébastien fonctionne à merveille.

La Petite Sirène de 2023 reprend la plupart des chansons emblématiques du classique de 1989, écrites par Howard Ashman et composées par Alan Menken. Ce dernier reprend d'ailleurs son rôle de compositeur pour le nouveau film, aidé pour les paroles des nouvelles chansons ou les adaptations des anciennes par Lin-Manuel Miranda, compositeur des chansons de Vaiana, la Légende du Bout du Monde, Hamilton ou Encanto, la Fantastique Famille Madrigal. Les ritournelles absentes du long-métrage de 2023 sont donc Filles du Roi Triton, Les Poissons qui marque aussi l'absence du personnage du Chef Louis et La Chanson de Vanessa, même si cette scène est proposée sous une autre forme. Les autres chansons sont présentes avec des visuels se rapprochant beaucoup de ceux du dessin animé. Dans les Profondeurs de l'Océan arrive ainsi un peu plus tard dans le récit mais sert le même objectif. Partir Là-Bas et sa reprise sont vraiment impressionnantes surtout que la voix d'Halle Bailey magnifie les deux chansons ; le titre est d'ailleurs repris une troisième fois un peu plus loin dans le récit. Sous l'Océan est, elle, toujours aussi efficace. Le réalisateur avoue que la scène a été compliquée à chorégraphier et que c'est l'une des dernières filmées pour le film. Elle est plutôt réussie malgré les difficultés rencontrées, commençant sobrement dans son visuel avant de finir dans une explosion de couleurs et de rythmes, même si elle n'arrive jamais à égaler la séquence du film d'animation forcément plus propice à offrir un ballet de créatures marines. Pauvres Âmes en Perditions est pour sa part fidèle à son aînée tandis qu'Embrasse-La est tout aussi romantique, si ce n'est plus, que la version de 1989. Il est à noter que ces deux dernières ont vu leurs paroles légèrement modifiés d'une ou deux phrases pour les rendre davantage en phase avec les valeurs actuelles. La nouvelle adaptation de La Petite Sirène propose aussi trois nouvelles chansons. Wild Uncharted Waters est la chanson du type « "I Want" song » d'Éric permettant de développer la personnalité du prince. Si elle est sympathique en étant dans le style des anciennes, elle aurait peut-être mérité plus d'envolées. For the First Time est une chanson en voix off d'Ariel quand elle arrive dans le royaume humain. Sympathique, elle vaut surtout en anglais pour la magnifique voix d'Halle Bailey. La vraie bonne surprise est sûrement The Scuttlebutt. Chantée en rap, dans le pur style tant apprécié par Lin-Manuel Miranda, elle est non seulement rythmée mais aussi très drôle et magnifiquement interprétée en anglais par Awkwafina et Daveed Diggs.

L'aspect visuel de La Petite Sirène est plutôt réussi malgré le fait qu'il a été sûrement une gageur à concevoir vu le thème fantastique du film. Alors, naturellement, il n'a pas la qualité technique d'un Avatar : La Voie de l'Eau. Mais quel long-métrage aquatique utilisant l'imagerie numérique est capable de le surpasser à ce jour ? À sa décharge, le projet de Disney n'a ni le même budget ni les même délais de production. Pour autant, il s'avère tout de même plus convaincant qu'un autre film aquatique récent de Marvel Studios, Black Panther : Wakanda Forever. Après, oui, le réalisateur a pris des décisions esthétiques qui peuvent diviser à commencer par l'apparence des personnages marins secondaires. Les artistes des effets spéciaux ont dû ainsi trouver un curseur satisfaisant entre l'apparence d'origine des personnages animés, la recherche de réalisme et le fait que ce sont tout de même des « animaux qui parlent ». En fonction des attentes, les spectateurs trouveront ça plus ou moins réussi. Mais globalement, la première partie sous-marine et la partie terrestre sont vraiment convaincantes, à la fois belles, colorées et magiques. Les reproches de colorimétrie qui pouvaient être faits lors de la diffusion des bandes-annonces n'ont pas lieu d'être une fois assis dans sa salle de cinéma, lumières éteintes. Il y a tout de même une (importante) exception : la séquence du combat final contre Ursula ! Pour le coup, la scène est bien trop sombre, au point qu'il est quasi impossible de remarquer les traits de la sorcière dès lors qu'elle est transformée en monstre géant. Le film d'animation reste bien plus lisible lors de ce moment clé ; le rendu dans le film à prises de vues réelles passant alors pour très brouillon. Heureusement, le nouveau film se rattrape ensuite lors de la conclusion tout en émotion.

Cette nouvelle adaptation de La Petite Sirène n'est pas fatalement parfaite. Mais les quelques défauts inhérents à ce genre de remakes sont balayés par le tourbillon d'émerveillement que propose le film. Porté par des acteurs éblouissants, en premier lieu la talentueuse Halle Bailey, un récit charmant et romantique, le tout avec un respect du classique d'origine, il offre assez de nouveautés pour paraître frais et dépaysant. Au final, le spectateur en ressort le sourire aux lèvres, le cœur plein de bonheur, prêt à replonger tout de suite sous l'océan pour revivre un moment magique comme seul Disney sait les offrir !

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