Titre original :
Free Guy
Production :
20th Century Studios
Berlanti Productions
21 Laps Entertainment
Maximum Effort
Lit Entertainment Group
TSG Entertainment
Date de sortie USA :
Le 13 août 2021
Genre :
Action
IMAX
3-D
Réalisation :
Shawn Levy
Musique :
Christophe Beck
Durée :
115 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Guy, un employé de banque de Free City, apprend un jour qu’il n’est qu’un PNJ, un Personnage Non-Joueur d’un jeu vidéo. Il décide alors d’évoluer comme il le désire et de ne pas suivre le chemin tracé pour lui. Mais quand son monde est menacé, il est bien résolu à devenir le héros qui sauvera son humanité...

La critique

rédigée par
Publiée le 18 mai 2023

Au début des années 1950, un inventeur germano-américain, Ralph Baerd, a une idée pour perfectionner les téléviseurs vendus par sa firme : il propose ainsi d’y intégrer des jeux. Si l’idée semble farfelue pour certains, elle fait son chemin dans l’esprit d’autres inventeurs. Des jeux sont développés sur les téléviseurs. Mais il faut attendre 1972 et la sortie de Pong pour que le jeu devienne vraiment addictif. Cette année marque le début de ce qui est aujourd’hui considéré comme l’industrie vidéoludique. Avec les nouvelles techniques, les nouvelles plateformes, les jeux se complexifient et prennent exemple sur le cinéma et la littérature pour concevoir des gameplays enrichis de narration. S’inspirant du septième art, ce nouvel univers vidéoludique l’intègre pleinement dès 1997. Cette année-là sort en effet sur la PlayStation le jeu Final Fantasy VII. En plus d’un gameplay et d’une histoire plaisante, le jeu se démarque par ses nombreuses cinématiques qui parsèment l’histoire développée. Si de telles séquences pouvaient être aperçues dans des jeux plus anciens, la qualité (pour l’époque) proposée par Final Fantasy VII semble marquer un pas important dans l’histoire du jeu vidéo : l’entrée remarquée du cinéma dans la conception vidéoludique. Au cours des deux décennies suivantes, les jeux vidéo deviennent plus réalistes dans leur rendu des décors et des personnages, mais aussi avec de nouveaux gameplays permettant aux joueurs d’évoluer dans des mondes immenses où ils doivent interagir avec d’autres personnages, voire d’autres joueurs. Depuis quelques années, une partie de cette industrie propose des jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs.

C’est sur ce concept d’un MMORPG que se base le scénario du film Free Guy. Sorti dans les salles américaines le 13 août 2021, soit deux jours après que les spectateurs français ont pu le découvrir, Free Guy, la nouvelle réalisation de Shawn Levy pour 20th Century Studios, conquiert de nombreux fans en mélangeant action, humour, romance et jeux vidéo. Il permet surtout à chacun, jeunes spectateurs comme plus anciens, d’y trouver un fil rouge qui leur est propre. Ainsi, pour certains, il est un bon divertissement parodiant les films d’action et jouant avec les codes des jeux vidéo. Pour d’autres, il est une critique acerbe du système des grands studios hollywoodiens. Enfin, pour une minorité, il aborde la question philosophique de l’intelligence artificielle. Repoussé à trois reprises à cause de la crise du COVID-19, le film développe l’histoire de Guy, interprété par Ryan “Deadpool” Reynolds, un PNJ, personnage non-joueur dans un jeu vidéo, qui découvre un jour sa vraie nature de PNJ. Dès lors, son attitude et son monde changent alors qu’il décide de « sortir » des marques qui ont été codées pour lui.

Réaliser et produire un film basé sur le monde des jeux vidéo est une entreprise périlleuse, voire franchement suicidaire. Si l’industrie vidéoludique a intégré avec succès les codes et les techniques du cinéma, ce dernier a connu et connaît toujours beaucoup de peine pour représenter cet univers. Depuis 1993, plusieurs studios ont tenté de transposer des personnages stars des jeux vidéo, tels que Mario, Lara Croft ou encore Dastan, dans des films en prise de vues réelles. Et leurs succès populaires et critiques sont plus que mitigés pour être gentil. Le premier film, sorti en 1993, est Super Mario Bros.. Produit par Hollywood Pictures et porté par des acteurs disposant d’une bonne réputation et d’un certain talent comme Bob Hoskins ou Dennis Hopper, ce long-métrage avec le plombier de Nintendo ne plaît pas au public qui trouve l’histoire trop simpliste et le film trop caricatural. En 2002, Angelina Jolie incarne Lara Croft, l’héroïne de la saga vidéoludique Tomb Raider. L'opus, bien que très critiqué, est un succès au box-office, ce qui lui permet d’obtenir une suite. Dans son sillage, d’autres films sont complètement passés sous silence, tandis qu’un petit nombre rencontre le succès. En 2010, Walt Disney Pictures se lance dans l’aventure en adaptant la saga Prince of Persia au cinéma. Jake Gyllenhaal incarne Dastan, le fils adoptif du roi perse Sharaman. Après avoir conquis la cité d’Alamut, Dastan est accusé d’avoir tué le roi et doit fuir en compagnie de la princesse Tamina. Doté d’un poignard lui permettant de relâcher les sables du temps - soit de remonter dans le temps - il doit prouver son innocence et trouver le vrai meurtrier. Le public est au rendez-vous, tandis que les critiques, bien que plutôt mitigées, y voient une évolution substantielle dans l’adaptation d’un jeu vidéo par rapport à ses prédécesseurs. Au cours des années suivantes, plusieurs productions rencontrent un succès modeste. Pour résumer ces difficultés, aucun film adaptant un jeu vidéo n’a obtenu la moyenne que cela soit dans les critiques des spectateurs ou des professionnels du cinéma. Réaliser un long-métrage sur les jeux vidéo peut donc se révéler être une vraie gageure.

Face à ce cuisant constat d’échec, Matt Lieberman décide en 2016 d’aborder l’introduction du monde vidéoludique au cinéma sous un nouvel angle. Ayant débuté dans le Walt Disney Feature Writer’s Programm, il ne possède pas, cette année-là, une grande carrière de scénariste. En effet, un seul de ses scripts a été adapté pour une sortie directe en vidéo, Docteur Dolittle 4. En 2012, il réussit aussi à vendre un script au studio 1492 Pictures, qui sort finalement en 2018 sur Netflix, Les Chroniques de Noël. En 2016, il n’a alors obtenu que deux résultats positifs en tant que scénariste. Et pourtant, cela ne l’empêche pas de plancher sur l’écriture d’une nouvelle histoire mettant en scène le monde des jeux vidéo. Et Lieberman, pour contourner l’écueil auquel ont fait face ses prédécesseurs lors de l’adaptation d’un jeu vidéo au cinéma, a une idée : plutôt que de reprendre une franchise ou un personnage existant, il décide de créer son propre jeu qu’il nomme Free City ou littéralement « ville libre » dans la langue de Molière. Le concept est simple : chaque utilisateur de Free City pourra, s’il le désire, remplir des missions (toujours à consonances illégales comme de cambrioler une banque ou voler et frapper le vendeur d’un petit magasin) ou gagner des points d’expériences en tuant d’autres joueurs. Dans une moindre mesure, le joueur peut aussi simplement se balader et découvrir la ville du jeu vidéo.

Si Lieberman décide d’utiliser un jeu qu’il aurait totalement inventé, tout joueur qui se respecte réalise assez rapidement l’inspiration de la première version de Free City : la saga Grand Theft Auto et plus particulièrement les troisième et quatrième opus, sortis respectivement en 2001 et en 2008. Dans ces jeux, l’intrigue met en avant un criminel arrivant dans la ville de Liberty City, inspirée de New York, et qui tente de monter les échelons des différents gangs s’activant en ville. Le joueur peut dès lors effectuer des missions, toujours criminelles, pour avancer dans l’histoire ou peut décider de se déplacer librement dans la ville à bord de voitures ou à pied. La similitude entre la première esquisse de Free City et Grand Theft Auto est flagrante. Le nom même de la ville est une référence au jeu : Free City s’inspire ainsi totalement de Liberty City, qui signifie en français Ville de la liberté. Il n’est pas surprenant que Grand Theft Auto ait engendré Free City, puisqu’en 2016, et après la sortie du cinquième opus en 2013, la franchise GTA est l’une des séries de jeux les plus rentables.

Mais, une fois que Lieberman possède son jeu « original », il a besoin d’écrire une histoire intéressante intégrant ce monde qu’il vient d’imaginer. Pour ce faire, il se plonge dans une autre source, cette fois littéraire : le roman de science-fiction Simulacron 3 de Danel F. Galouye. Publié en 1964, l’ouvrage présente une histoire se déroulant dans une ville virtuelle, donc générée par ordinateur par un scientifique. L’objectif de ce dernier est de réduire l’importance des sondages d’opinion dans la recherche marketing. Les « habitants » de cette ville virtuelle, des codes informatiques en réalité, possèdent leur propre conscience et croient être des êtres humains. Mais suite à la mort d’un savant dans cette ville, Douglas Hall, le personnage principal, se questionne gentiment sur sa vraie nature et tend à poser l’hypothèse qu'il est, comme tous les habitants et la ville, généré par un ordinateur. Dès sa publication, l’ouvrage rencontre un certain succès public et plusieurs adaptations sont par la suite réalisées que cela soit au cinéma, à la télévision et même au théâtre.

À partir de ces deux matériaux de départ, Lieberman écrit un premier jet de ce qui deviendra Free Guy en seulement trois semaines ! Une fois le script terminé, il fait le tour des studios hollywoodiens pour tenter de vendre son histoire. Plusieurs lisent et apprécient le texte, en faisant l’un des scripts les plus appréciés et attendus de l’année. Finalement, c’est 20th Century Studios qui acquiert les droits d’adaptation du travail de Lieberman. Les producteurs partent donc à la recherche d’un réalisateur et leur attention se porte rapidement sur Shawn Levy, qui vient de réaliser la trilogie La Nuit Au Musée et le film Les Stagiaires pour le studio. Levy lit donc le script et…. décline l’offre. Il travaille déjà, à ce moment-là, sur une autre adaptation d’une franchise vidéoludique, Uncharted. Déçus, les pontes de 20th Century Studios cherchent d’autres candidats potentiels pour le poste, sans trouver la perle rare. De son côté, Levy rencontre Ryan Reynolds, qui vient de connaître un succès critique et commercial avec Deadpool. Les deux sont introduits à l’autre par un ami commun, un certain Hugh Jackman. Entre Levy et Reynolds, le courant passe bien et ils décident, sur un coup de tête, de relire ensemble le script de Free Guy. Et cette fois, le réalisateur adhère à l’histoire et au projet. Il abandonne donc la production de Uncharted et se joint à celle de Free Guy.

Les studios voulant faire de Free Guy un film familial à gros budget, le choix de Levy en tant que réalisateur est excellent, puisqu’il a démontré sa valeur et ses capacités à porter de tels projets. Assumant souvent la double casquette de réalisateur et de producteur, Levy commence sa carrière du côté du petit écran en réalisant des épisodes de séries telles que Les Incroyables Pouvoirs d’Alex en 1994 ou la série de Disney Channel Les Aventures de Jett Jackson. Son passage au grand écran est plutôt timide : en 2002, il est à la tête de Méchant Menteur avec Frankie Muniz et Amanda Bynes, puis il dirige Steve Martin comme chef d’une famille nombreuse dans Treize à la Douzaine. Ce film, sorti en 2003, marque un tournant dans la carrière de Levy puisqu’il est la première collaboration entre le réalisateur et les studios 20th Century Studios. Jusqu’en 2014, il travaille ainsi sur cinq projets pour les studios, tous des comédies familiales. En 2006, il anime les objets d’un musée et filme le cauchemar de leur gardien dans La Nuit au Musée. Suite au succès populaire rencontré, Levy est confirmé aux manettes des deux suites des aventures de Larry Daley. Le second, sobrement nommé La Nuit au Musée 2, sort en 2009, et La Nuit au Musée : Le Secret des Pharaons conclut la trilogie en 2014. Toujours pour 20th Century Studios, Levy côtoie des grands noms de la comédie américaine : il supervise Tina Fey et Steve Carell dans Crazy Night en 2010, puis Owen Wilson et Vince Vaughn dans Les Stagiaires. Non content de s’asseoir dans le siège de réalisateur de Free Guy, Levy endosse aussi la fonction de producteur sur le projet dont il ne voulait pas entendre parler lors de la première lecture du script.

Levy ayant été convaincu par Ryan Reynolds de s’intéresser plus profondément au projet, il n’est dès lors pas surprenant de retrouver l’interprète de Deadpool autour de la table des producteurs de Free Guy. Avant d’intégrer l’univers des X-Men avec son rôle de Wade Wilson, Reynolds se fait connaître par le biais de la télévision dans la série Un Toit pour Trois. Au cours des quatre saisons que compte la série de ABC, il y campe un jeune étudiant, Berg, qui vit en colocation avant d’entrer dans la vie active. C’est à nouveau un rôle d’étudiant refusant d’entrer dans la vie active qui le révèle du côté du cinéma. American Party : Van Wilder Relations Publiques lui offre son premier rôle au cinéma et tend, aussi, à le cataloguer dans un rôle plus précis dont il va user lors des années suivantes, celui d’un homme blasé par la vie dont la morale est un poil douteuse. Ainsi, Reynolds côtoie Amy Smart et Anna Faris dans Just Friends en 2005, et retrouve cette dernière la même année pour Service non Compris, tandis que quatre ans plus tard, il brille dans la simple mais efficace comédie romantique La Proposition. Après un bref passage dans des projets plus personnels et dramatiques, comme Buried en 2010, Reynolds continue sa carrière dans le grand divertissement et, surtout, la comédie parfois un peu potache. Mais c’est son rôle de Wade Wilson / Deadpool dans le film Deadpool en 2016 qui lui permet d’accéder à un succès critique et public. Et pourtant, son entrée dans l’univers Marvel date de 2004, soit douze ans plus tôt, lorsqu’il donne la réplique à Wesley Snipes dans le troisième opus de Blade, Blade : Trinity. Il réalise une seconde incartade dans ce vaste univers en 2009, dans X-Men Origins : Wolverine, aux côtés de Hugh Jackman.

Les arrivées de Levy et de Reynolds autour de la table des producteurs sont accompagnées par celles de leurs studios respectifs : respectivement 21 Laps Entertainment, qui a produit une bonne partie des films de Levy lui-même et qui se spécialise dans la comédie, et Maximum Effort, jeune studio créé par Reynolds en 2018, dont le premier film produit est Deadpool 2. À leurs côtés, prend place le studio de Greg Berlanti, Berlanti Productions, spécialisé dans la production de séries télévisées, comme Dawson ou, plus récemment, Love Simon. Alors que le processus de pré-production prend du temps, un nouveau scénariste est associé au projet, Zak Penn, et a pour mission de reprendre et d’amender le texte de Lieberman. Débutée en 1993 avec le film satirique Last Action Hero avec Arnold Schwarzenegger, la carrière de Penn est très prolifique et couronnée de succès populaires. Il est ainsi à l’écriture de plusieurs films à gros budgets, notamment pour l’écurie Marvel : il écrit ainsi les scénarios de X-Men 2 et X-Men : L’Affrontement final qui rencontrent un succès somme toute relatif. En 2008, L’Incroyable Hulk de Louis Letterier lui doit son histoire, tandis que Whedon travaille sur son script pour le premier film Avengers en 2012. En 2018, c’est Steven Spielberg qui se base sur son travail pour réaliser l’adaptation de Ready Player One, un film possédant étrangement beaucoup de similitudes scénaristiques avec Free Guy.

Le scénario développé conjointement par Lieberman et Penn propose de suivre une histoire intriquant deux mondes disctincts : un monde « réel » et un monde vidéoludique. Dans le monde « réel », le scénario suit la bataille de Millie Rusk, une jeune et talentueuse programmeuse qui tente de récupérer les droits sur un code informatique qu’elle a créé et vendu à Antwan Hovachelik. Ce dernier est le fondateur et président d’un studio de jeux vidéo qui a connu le succès avec le jeu Free City, basé sur le code source de Millie. Dans l’univers de Free City, un jeu massivement multijoueurs, l’histoire suit un Guy, littéralement « Gars » en anglais, un Personnage Non-Joueur (NPJ) qui travaille dans une banque, possède un poisson rouge et a un meilleur ami. Toujours souriant, il passe ses journées à vivre les mêmes événements. Cela change, lorsqu’il rencontre Molotov Girl, le personnage joué par Millie. Dès lors, il sort des rails que son code l’oblige à suivre et acquiert une conscience propre.

Impliqué dans le projet quasiment dès ses débuts, Ryan Reynolds est choisi pour incarner le personnage de Guy. Pour l’accompagner dans son combat, il peut compter sur Jodie Comer, qui prête ses traits à Millie Rusk, alias Molotov Girl. Que cela soit dans la peau d’une échappée de prison dans la série Thirteen ou en tant que reine d’Angleterre, Elizabeth of York, dans la série historique The White Princess, Comer a su, dès ses premiers rôles, convaincre le public et les professionnels du cinéma de ses capacités et de son talent. Son rôle d’agent du MI-5 dans Killing Eve lui permet d’acquérir une renommée mondiale. Les portes du grand écran s’ouvrent doucement pour elle avec un premier film anglais en 2017, England Is Mine, puis une courte apparition dans le neuvième opus de la saga Star Wars, Star Wars : L’Ascension de Skywalker, dans laquelle elle prête ses traits à la mère de Rey. Le côté « bad ass » de ses différents projets télévisuels convainc donc les producteurs de 20th Century Studios de lui donner le rôle de la « bad ass » Molotov girl.

À Free City, Guy peut compter sur la présence de son meilleur ami, Buddy, qui travaille comme agent de sécurité dans une banque. Comme pour d’autres personnages, leur nom signifie bien l’importance et la considération des PNJ par les éditeurs de jeux vidéo et les joueurs eux-mêmes. Guy est un « gars », sans réel développement de personnalité, mis à part qu’il semble toujours heureux, tandis que son ami Buddy est juste considéré comme « Copain ». Peu de développement, au contraire des personnages des joueurs qui peuvent faire ce qu’ils veulent, porter ce qu’ils désirent et surtout modifier à tout moment ce qu’ils souhaitent. Buddy est quant à lui interprété par Lil Rey Howery, qui débute sa carrière sur les planches en faisant du stand-up. S’il rencontre un certain succès scénique, sa présence à la télévision se limite à des émissions où des comédiens réalisent des sketchs. Il est ainsi à l’initiative de la renaissance de In Living Color pour la chaîne Fox, qui consiste en une suite de sketchs de plusieurs comédiens / humoristes. Malheureusement, il ne rencontre pas le succès et In Living Color est annulée après une saison. Cela lui permet, en 2015, d’intégrer le casting de The Carmichael Show, une sitcom suivant la vie imagée du réalisateur Jerrod Carmichael. C’est sa prestation comique dans Get Out, le drame primé aux Oscars, qui lui permet d’accéder au monde du grand écran. Tandis que sa carrière s’axe plutôt vers la comédie avec des films comme Tag ou Nos Pires Amis pour 20th Century Studios, Howery propose un jeu juste dans le drame Home et endosse encore le costume du professeur de Zack dans Clouds.

Si les personnages de Guy et de Buddy sont limités dans un seul univers du film, celui vidéoludique, celui de Molotov Girl possède son alter ego dans le monde réel, en la personne de Millie Rusk. Ce personnage est interprété par… Jodie Comer elle-même. La différence entre la Comer du jeu et la Comer de la réalité… La première possède une coiffure noire renforçant son côté dangereux, alors que la seconde est une brunette tirant sur le blond permettant de la faire passer plus facilement pour la gentille. À ses côtés, dans ce monde réel de Free Guy, Comer reçoit l’appui d’un allié, le co-producteur du code qu’elle tente de récupérer. Walter « Keys » McKey est un informaticien et un codeur très compétent qui, lors de l’achat de son code par la compagnie Soonami Studios, a fait confiance à son président et a intégré « l’ennemi ». Pour l’incarner, les studios se penchent sur plusieurs jeunes acteurs, avant de choisir Joe Keery, dont la carrière se résume principalement à des rôles secondaires au mieux. Il doit toutefois sa présence dans le projet de Levy à son interprétation de Steve Harrington dans l’univers de Stranger Things, une série de Netflix s’inspirant beaucoup de la culture des années 1980.

Le studio Soonami comporte encore deux protagonistes qui peuvent être considérés comme les méchants du film. Le premier est son président, le fantasque et cupide Antwan Hovachelik, dont l’objectif est de rentabiliser le succès de son jeu Free City en développant des suites qui se ressemblent. À travers son phrasé et son côté loufoque, Antwan a trouvé en Taika Waititi l’interprète parfait. Cumulant les casquettes d’acteur et de réalisateur, le Néo-Zélandais a imposé sa patte décalée et éclectique. Après des débuts réussis à la télévision, il réalise plusieurs court-métrages, dont Two Cars, One Night qui lui vaut une nomination aux Oscars dans la catégorie de meilleur court-métrage. Son travail en tant que réalisateur semble tellement prometteur que le journal Variety le classe parmi les dix réalisateurs à suivre. Tournant principalement dans son pays natal, Waititi s’exporte parfois de l’autre côté du Pacifique. En 2011, il participe au projet Green Lantern dans lequel il donne la réplique à un certain Ryan Reynolds, qui porte le costume de héros dans ce qui sera un échec commercial et critique. De retour au pays, Waiti réalise et tient le premier rôle de l’excellente comédie horrifique Vampires en Toute Intimité. Anobli par le public et les critiques, le réalisateur tente une nouvelle incursion dans le monde des super-héros, cette fois chez Marvel. En 2017, il est derrière la caméra pour tourner le troisième opus du demi-dieu Thor, qui démontre son côté comique dans un monde lumineux et très eighties. Tout en restant dans monde décalé, mais sans oublier ses origines cinématographiques, Waititi décide d’adapter l’histoire d’un garçon d’une dizaine d’années vivant dans l’Allemagne nazie et ayant comme ami imaginaire... Adolph Hitler ! Ce script un peu barré devient Jojo Rabbit, produit par Searchlight Pictures, et lui permet d’obtenir l’Oscar du meilleur scénario adapté.
Le second personnage de Soonami Studios est Mouser, un des employés chargé de gérer les bogues apparaissant dans le jeu Free City. Tantôt proche de Hovachelik, tantôt collègue et ami de Keys, Mouser semble surtout suivre la personne qui va remporter le combat. Il devient ainsi, au fil du film, un antagoniste de Millie. Abonné aux seconds rôles, Utkarsh Ambudkar participe à deux projets pour Walt Disney Pictures : en 2020, il devient Grant dans Marraine ou Presque, puis Skath dans le remake live-action Mulan. Plus recherchés que les prénoms des personnages de Free City, ceux des trois programmateurs permettent de créer un Mickey caché : Mi(llie)-Key(s)-Mouse(r).

L’histoire écrite et les acteurs/actrices trouvés, le tournage peut enfin débuter le 14 mai 2019 dans les rues de Boston. Pendant les premiers jours, les équipes de production atterrissent dans le Financial District pour tourner les scènes se déroulant dans les rues de Free City. La production reste dans le même État américain du Massachusetts et se rend dans les villes de Worcester, de Weymouth et de Framingham. Dans cette dernière, les caméras sont posées dans l’ancienne banque Framingham Savings Bank, où les séquences du film montrant Guy sur son lieu de travail sont tournées. Les scènes se déroulant sur la plage sont quant à elles prises sur celle de la ville de Revere. Ce choix est assez symbolique, puisque la ville a été nommée ainsi en hommage à Paul Revere, un révolutionnaire lors de la Guerre d’Indépendance contre l’Angleterre. Tout comme Guy qui porte la révolution contre Antwan et les programmateurs de Free City qui le dirigent. Enfin, quelques scènes sont cinégraphiées dans les studios Paramount Pictures de Los Angeles. Après un peu plus de deux mois et demi de tournage, les dernières séquences sont enregistrées le 31 juillet 2019.

Les acteurs dispersés sur d’autres projets, il est temps que la post-production démarre et travaille les rushs tournés pour assurer une sortie prévue le 3 juillet 2020. Au cours de cette période, les studios font appel à Christophe Beck pour composer la musique du film. La carrière de Beck débute à l’âge de 21 ans, en 1993 : il fait ainsi ses premiers pas principalement dans le domaine télévisuel, en illustrant musicalement plusieurs séries télévisées, dont Buffy Contre les Vampires. L’année 2003 marque l’arrivée de son travail au cinéma, un monde qu’il ne quitte désormais plus. Très, très prolifique, il compose ainsi les mélodies de 7 à 8 films par an en moyenne jusqu’en 2015. Touchant un peu à tous les genres cinématographiques, il travaille beaucoup avec 20th Century Studios. Les spectateurs le découvrent ainsi dans Treize à la douzaine en 2003, avant de le voir évoluer dans un univers mythologique avec Percy Jackson : Le Voleur de Foudre ou percer les secrets de Google dans Les Stagiaires. En 2011, The Walt Disney Company lui donne une chance d’intégrer les studios de Mickey en travaillant sur le film Les Muppets, Le Retour. L’année suivante, il compose pour la première fois pour un court-métrage d’animation, Paperman. Cela lui ouvre les portes des films d’animation Disney. Ainsi, en 2013, il est le compositeur d’un « petit » succès des studios, un certain La Reine des Neiges, qui lui permet d’obtenir un Annie Awards, les Oscars du film d’animation. Après un début de carrière très chargé, Beck ralentit le tempo en ne créant plus que trois ou quatre compositions par année à partir de 2016. Mais, dans ce travail, il intègre le Marvel Cinematic Universe en travaillant sur les films Ant-ManAnt-Man et La Guêpe et Ant-Man et La Guêpe : Quantumania ou encore la série WandaVision. Free Guy marque sa sixième collaboration avec le réalisateur Shawn Levy. La composition de Beck pour Free Guy est parfois légère et charmante, presque envoûtante, et puissante à d’autres moments. Le thème de Guy, que le spectateur découvre dès les premiers instants du personnage à l’écran, permet d’introduire toute sa personnalité en usant d’une mélodie plus bucolique, avec des instruments à cordes et un peu de synthétiseur. Mais le thème marquant et qui reste en tête est le thème musical de l’amour qui apparaît dans trois morceaux : Ice Cream, I Remember Everything et Reunited. Débutant avec du piano et de la musique électronique, le mélange des deux donne naissance à une mélodie chaude, rassurante et émouvante portée par des violons. À l’écoute de cette mélodie, certains spectateurs ont l’impression de l’avoir déjà entendue. Et ils n’ont pas tort, puisque cette composition est une reprise et une réharmonisation de celle créée par Beck pour Paperman en 2012.

Afin d’accompagner le travail de Beck, le film se dote aussi de plusieurs œuvres qui n’ont pas été produites pour le film. Ainsi il est possible d’entendre le classique Cheek To Cheek interprété par le maître Fred Astaire dans le film Le Danseur du Dessus de 1935, ou Make Your Own Kind of Music de Cass Elliot. Mais la chanson importante de l'opus reste Fantasy de Mariah Carey qui non seulement accompagne les images, mais a une influence directe sur le récit. Et pourtant, au départ, Levy désirait le titre Your Love du groupe anglais The Outfield. C’est Ryan Reynolds qui propose Fantasy et qui va prendre contact avec Carey, afin de pouvoir utiliser le titre durant le film.

Si la production du film avance bien et se situe dans les temps prévu par les studios, un événement va venir chambouler non seulement la fin de la post-production, mais aussi la sortie en salle. Suite à la crise du Covid-19, les différentes équipes travaillant sur le projet sont renvoyées à la maison en mars 2020, mettant ainsi en pause l’avancée sur le film et mettant en péril une sortie au 3 juillet comme prévu initialement. La fermeture des cinémas rend cette sortie impossible. L'opus est d’abord repoussé au 11 décembre de la même année, puis à 2021 sans qu’une date ne soit annoncée. En décembre 2020, les studios prévoient et annoncent que Free Guy débarquera sur les écrans le 21 mai 2021. Mais, en mars 2021, le film est encore repoussé, cette fois pour la dernière fois, au 13 août 2021. Afin de combler un peu les attentes des spectateurs, les studios proposent une critique de sa propre bande-annonce sur Youtube. Deadpool and Korg React met en scène ces deux personnages, respectivement interprétés par Ryan Reynolds et Taika Waititi. Dans cette vidéo, le héros de Deadpool et le sidekick de Thor dans Thor : Ragnarok sont assis sur un canapé et analysent la bande-annonce de Free Guy. Remplie de second degré et de quelques piques acerbes, cette vidéo est absolument hilarante. Après une année de reports et la crainte d’être directement distribué sur la plateforme Disney+, comme l’a été Black Widow, le film est projeté en avant-première devant le public suisse, au pays des... banques ! En plein air sur la Piazza Grande de la ville de la Locarno en Suisse, Free Guy est en effet projeté dans le cadre du Festival du Film de Locarno le 10 août 2021. Le lendemain, le film sort sur les écrans français, deux jours avant que le film envahisse les cinémas américains.

Si l’attente pour les studios et les spectateurs a été longue depuis la première bande-annonce sortie en 2019, la réception de Free Guy est bonne, voire très bonne, que cela soit de la part des critiques de cinémas ou des spectateurs. Le film reçoit près de 80% d’avis positifs de la part des critiques ciné sur le site Rotten Tomatoes. Ce taux de satisfaction grimpe même à 94% du côté des spectateurs. Alors que les critiques émettent des doutes quant au récit, l’idée de base de l’histoire, mélangeant divers univers, est applaudie. Plus que cela, les performances de Reynolds et de Comer dans les rôles principaux semblent être l’argument de base pour valider le film. Il est vrai que les deux acteurs semblent prendre du plaisir à interpréter leurs rôles et une belle alchimie se construit entre eux. La performance de Reynolds, bien que maîtrisée, ressemble peu ou prou à ce qu’il a pu faire dans d’autres films. Toutefois, il donne à Guy son côté touchant, naïf et un peu engourdi qui en fait un personnage attachant pour le public, qui oublie rapidement qu’il n’est qu’un code informatique. Le travail de Comer est quant à lui majoritairement porté sur un piédestal par les critiques. Son rôle de Molotov Girl impose une femme forte qui peut se passer d’un homme, sans pour autant tomber dans les travers que la représentation de ce type de personnages peut créer. Dans le même cadre, bien que moins physique, Millie est emblématique d’une femme forte qui sait, au final, se faire respecter. Après une longue attente, les spectateurs découvrent ainsi un film « frais », original et bourré de comédie légère, qui constitue un très bon divertissement.

En plus d’une histoire intéressante, les spectateurs peuvent s’amuser à découvrir les différentes références plus ou moins bien cachées aux mondes vidéoludiques, ainsi qu’au cinéma dans son ensemble. Du côté du cinéma, les références se trouvent être pour le moins visibles. Ainsi, le spectateur sera surpris par l’apparition rapide et complètement impromptue de Chris Evans, Monsieur Captain America. Sa présence dans le long-métrage est d’ailleurs un coup de bol de la production. Ryan Reynolds apprenant qu'Evans est à Boston pour tourner la mini-série Défendre Jacob, il se permet de l’appeler et de lui offrir ce petit caméo dans Free Guy. Evans accepte à une condition, que sa présence sur le plateau ne dépasse pas les dix minutes. Face à cette obligation, Levy prépare bien le plateau avant l’arrivée de l’acteur du Marvel Cinematic Universe, afin que Evans n’ait qu’à dire son unique réplique. Replique elle-même reprise du film Deadpool, puis déclamée par Evans lui-même dans le film À Couteaux Tirés. Le passage sur le plateau de Evans ne dure que sept minutes, respectant la condition imposée. Marvel est également référencée par la présence dans le film du bouclier de Captain America et une main hulkienne. Si le caméo d'Evans est visible aux yeux de tous, celui de l’acteur Dwayne Johnson l’est beaucoup moins. L’interprète du dieu Maui dans Vaiana, la Légende du Bout du Monde apparaît dans une séquence et seuls les spectateurs écoutant le film en version originale pourront reconnaître son ton de voix. Après Marvel, c’est l’univers Star Wars qui est référencé à plusieurs reprises. L’apparition d’un sabre laser et du thème musical de la franchise sont facilement reconnaissables. Repérer la référence liée à Star Wars : Un Nouvel Espoir est plus complexe. En effet, lorsque Guy regarde son compte bancaire, le chiffre indiqué fait référence à un élément du film de 1977. Tandis que le cinéma possède quelques caméos, dont celui de Channing Tatum, le danseur de Sexy Dance, la télévision n’est pas en reste avec la présence d’une séquence du jeu télévisé Jeopardy. Alex Trebek, le célèbre présentateur du jeu, y apparaît pour la dernière fois à l’écran, puisqu’il meurt quelques jours seulement après avoir tourné sa scène.

Si le film propose plusieurs références au 7e art, c’est bien l’univers vidéoludique qui est le plus référencé au sein du récit. Dès la séquence d’introduction, les références pleuvent. Dans cette scène, un avatar est en train de tomber du ciel, s’inspirant ainsi du jeu de tir Fortnite, dont les programmeurs, en guise de clin d'œil à Free Guy, intégreront le personnage de Guy dans l'une des versions de leur jeu. Le logo du jeu Free City est quant à lui une référence explicite à la franchise Far Cry et au jeu Free Fire, dont les logos ont inspiré celui de Free City. Parmi les références moins visibles, généralement placées en arrière-plan, le public peut repérer un symbole « biohazard » sur l’un des cambrioleurs de la banque, renvoyant ainsi à la franchise Resident Evil. Millie, quant à elle, a un autocollant N7 sur son ordinateur faisant un renvoi à Mass Effect. Les spécialistes d’armes à feu et de combats spatiaux repèreront que des tanks Scorpions, tout droit sortis de la franchise Halo, circulent dans la ville de Free City. Enfin, le lien avec les jeux vidéo est renforcé avec la présence de plusieurs influenceurs proposant sur leurs chaînes Twitch et Youtube respectives des directs les montrant en train de jouer à des jeux vidéo. Les connaisseurs reconnaîtront ainsi Tyler Blevins, aka Ninja, Imane Pokimane Any, Lannan Eacott, Sean McLoughlin et Daniel Middleton qui ont, dans Free Guy, le rôle de commenter les actions de Guy, notamment lors du final du film.

Si Free Guy mélange les univers du cinéma et des jeux vidéo, il met également en avant des personnages qui sont des intelligences artificielles. D’abord PNJ, Guy se révèle être une IA capable d’évoluer et de quitter les traces que ses programmeurs ont pu lui imposer. Dans ce film, l’IA est montrée sous un angle attachant. L’objectif de Guy est de sauver son monde, l’humanité de Free City, mais aussi d’aider Millie dans sa quête pour récupérer le code originel de Free City. À aucun moment, Guy ou un autre PNJ ne tentent une quelconque action qui pourrait blesser des êtres humains. Et cette image d’une intelligence artificielle ne cherchant pas à détruire l’humanité est plutôt rare dans le domaine de la science-fiction. Déjà en 1927, dans le film Metropolis de Fritz Lang, l’androïde qui est créé a pour mission de semer la peur et le chaos parmi les humains. Et cette image négative de l’intelligence artificielle perdure de nombreuses décennies. Elle est tantôt perçue comme une menace contre l’humanité, désirant son anéantissement, comme dans les films Terminator, où les machines se rebellent contre les Humains et tentent de prendre le contrôle. Si elle n’a pas volonté de détruire l’humanité, l’intelligence artificielle est perçue comme un élément devenant progressivement malveillant envers les Hommes. Que cela soit Hal du film 2001 : l’Odyssée de l’Espace ou Auto, son pendant pixarien de WALL•E, ces intelligences artificielles sont programmées pour protéger les hommes et, dans leurs tentatives de réussir leur mission, n’hésitent pas à commettre des crimes contre ces mêmes humains. Si l’IA a de bonnes valeurs et est gentille, elle ne peut rester simplement une intelligence artificielle. C’est, du moins, le constat que propose le film de Steven Spielberg A.I. Intelligence Artificielle, dans lequel un jeune robot androïde tente de devenir un vrai garçon. Et si les personnages dotés d’intelligence artificielle ne veulent pas être méchants ou ne veulent pas changer, alors ils sont relégués au second plan du récit, comme C-3PO ou R2-D2 qui sont certes utiles au récit, mais qui n'en sont pas au centre. Avec l’angle pris par Lieberman dans son script, le film Free Guy tente d’imposer une intelligence artificielle bienveillante, allant à l’encontre des préjugés véhiculés par la littérature et le cinéma. Et, surtout, le récit place ce personnage en son centre. Free Guy est ainsi l’un des premiers films mettant en avant, comme personnage principal, une intelligence artificielle qui n’est pas maléfique.

Suite à la sortie du film sur les écrans, les spectateurs perçoivent plusieurs messages implicites que Levy tenterait de transmettre. Le premier de ces messages serait une critique virulente du système hollywoodien qui prône les suites à répétition ou les remakes qui n’amènent rien de réellement nouveau, plutôt que de privilégier des films originaux ou des idées nouvelles. Dans le viseur, les sagas aux nombreux épisodes, comme la franchise Fast and Furious ou la saga Star Wars. Selon cette critique, les studios se réfugient derrière des valeurs sûres, qui ont déjà fait leurs preuves par le passé, usant parfois jusqu’à la moelle la poule aux œufs d’or. Dans ce contexte, l’exemple de Star Wars est particulièrement mis en avant. Depuis le rachat de Lucasfilm Ltd. par The Walt Disney Company, la saga a vu s’ajouter cinq films sortis au cinéma, quatre séries live-action et cinq séries animées. Toutes ces créations sont sorties entre 2015 et 2022, soit en seulement sept ans. Et surtout pour une réception publique plus que modérée, provoquant l’annulation ou le report de certains projets. Pour les critiques, l’objectif n’est plus de présenter un récit avec un message clair, mais bien de rentabiliser par tous les moyens la saga Star Wars. L’argent devient la raison centrale pour réaliser un film ou une série, au détriment de l’art. Dans Free Guy, Antwan représenterait ainsi un producteur dénué de talent personnel et dont le seul objectif est de rentabiliser un succès. Il ne s'intéresse pas aux joueurs de Free City, qui désirent garder leurs avatars lors de la prochaine mise à jour, et impose des choix à ses programmeurs, que ces derniers savent mauvais. Pire, la suite de Free City qu’il s’apprête à sortir semble être une copie conforme du premier jeu, n’apportant pas de réel progrès ou d’originalité. La hantise de Antwan n’est pas que les joueurs n’aiment pas le jeu, mais bien qu’il fasse un échec commercial. Il préfère ainsi s’enfermer dans une réplique sûre de Free City, plutôt que de proposer un opus novateur. En cela, certains spectateurs y voient une critique du système hollywoodien. Et un tweet de Ryan Reynolds semble renforcer ce message. Lors de l’annonce qu’une suite à Free Guy était mise en route, Reynolds a posté un message au contenu très, très ironique. Ironiquement, il se félicite qu’un studio ayant vendu le film comme un film unique pendant près de trois ans offre désormais une suite à ce même projet, car le film rapporte de l’argent. Si ces propos ne confirment pas explicitement le message véhiculé par le film, il laisse tout du moins planer un doute.

Le second message que certains spectateurs perçoivent après la projection de Free Guy est encore une critique du système hollywoodien. Cette fois, c’est surtout l’intrusion de producteurs sans vision artistique ou de personnels des studios, généralement ceux attachés aux finances, lors de la création et le développement d’un projet. Ce message potentiel ne se base pas sur un vide. En effet, ces dernières années, plusieurs échecs commerciaux ont été expliqués par la présence de certains pontes des studios lors de la post-production. Le film Les Fant4stiques de 2015, censé rebooter la franchise, reçoit un accueil catastrophique. Pour se défendre, le réalisateur Josh Trank accuse les studios d’avoir charcuté son projet, retirant des scènes importantes permettant la cohésion du récit. En 2017, l’échec du film Justice League est mis tant par le réalisateur Zack Snyder que par les spectateurs sur le dos des studios Warner qui auraient modifié des scènes, faisant baisser sa qualité intrinsèque. À partir d’une vision d’un réalisateur, d’un artiste, le film aurait été déconstruit par des banquiers du studios qui n’ont que le bénéfice du projet en tête. Dans Free Guy, Milllie et Keys inventent un code source pour un jeu, dans lequel les joueurs pourront découvrir et voir évoluer des mondes. Lorsqu’il rachète le code, Antwan bafoue l’idée originale du jeu pour faire du profit. Il en fait ainsi un opus violent qui ne répond plus à l’objectif de base des deux programmeurs. N’ayant pas de talent en particulier dans le domaine des jeux, ni de vision artistique, Antwan « vole » le travail des autres, des vrais créateurs, des vrais artistes, pour n’en faire qu’un produit bon à être vendu. L’art passe ainsi au second plan.

Le dernier message est moins une critique qu’une préoccupation au sujet de la société : la présence à longueur de journée des nouvelles technologies qui individualisent la société. Que cela soit les réseaux sociaux, les smartphones, les gens sont centrés sur ces outils et ne prennent plus le temps de se parler ou de passer du temps dans la réalité. Le film Free Guy passe son temps à montrer des gens jouant ou étant dans le monde virtuel, en parlant ou en le commentant en direct. La preuve de l’importance des jeux vidéo dans le monde réel de Free Guy : la projection en direct du combat final sur les écrans géants de Times Square, ainsi que sur toutes les télévisions disséminées aux quatre coins du monde. Accaparés par les jeux, les personnages ne mangent plus, ne bougent plus et ne voient pas ce qui est en face d’eux. C’est le personnage de Guy qui met en garde contre cette emprise du jeu sur la vie de certains, en affirmant à Molotov Girl qu’un garçon est amoureux d’elle dans la réalité. Trop impliquée, Millie n’avait pourtant pas vu ce qui sautait aux yeux. Les jeux vidéo, la technologie peuvent être utiles et bénéfiques, mais il ne faudrait pas s’y abandonner. Le message de Guy pourrait ainsi être qu’il faut vivre dans le monde réel aussi et pas seulement à travers un avatar.

Les différents messages qui sont donnés par le public au film et son histoire tendent malheureusement à questionner l’originalité de l’histoire développée dans Free Guy. Certes le film se base sur un ouvrage de 1964, mais son histoire semble avoir été développée au cinéma récemment. Des liens relativement importants peuvent ainsi être tissés entre Free Guy et Ready Player One, un film de Steven Spielberg sorti le 11 mars 2018. Dans ce film, basé sur un ouvrage du même nom écrit par Ernest Cline en 2008, le récit suit le personnage de Wade Watts, un jeune homme vivant dans un futur dystopique où la société passe son temps libre dans l’Oasis, une société virtuelle créée par James Halliday. Chaque joueur doit posséder un casque de réalité virtuelle et des gants pour guider son avatar. Les « joueurs » deviennent addicts à ce jeu et délaissent leur vie réelle. Dans une séquence, une mère de famille laisse le plat qu’elle cuisine prendre feu, car elle est sous l’emprise de l’Oasis. Dans ce récit, une grosse compagnie, IOI, désire acquérir le jeu afin de pouvoir y disséminer de la publicité à profusion et créer des abonnements pour pouvoir accéder à certains lieux ou obtenir certains objets. Nolan Sorrento, le président de IOI, ne possède qu’une vision financière du jeu, au contraire de Wade qui veut préserver sa pureté. Ready Player One raconte alors la bataille qui se déroule entre Wade et Nolan pour obtenir le pouvoir sur l’Oasis. Les récits de Free Guy et de Ready Player One possèdent ainsi plusieurs similitudes étranges. L’histoire est ainsi basiquement la même, puisqu’elle développe un monde réel et un monde virtuel, dont une grande entreprise tente de mettre la main dessus. Les méchants, que cela soit Antwan ou Nolan, sont identiques : ils sont des présidents de grandes compagnies qui ne désirent qu’une chose, l’argent et qui, surtout, ne connaissent pas le produit qu’ils tentent de vendre. Du côté des gentils, un duo se forme dans les deux films : une fille « bad-ass » qui performe et qui a une certaine renommée s’associe avec un débutant/novice, ce dernier se révélant être la pièce maîtresse pour la victoire. Les deux jeux mettent par ailleurs en avant l’univers vidéoludique en incluant énormément de références. Enfin, les trois messages potentiellement portés par Free Guy sont exactement les mêmes que ceux de Ready Player One. Le film de Levy semble ainsi arriver après la bataille et simplement reprendre les éléments qui ont fonctionné dans le film de Steven Spielberg. Sans être une simple copie, puisque le concept d'intelligence artificielle lui est propre, Free Guy perd un peu de son éclat face à un Ready Player One qui utilise de manière plus concrète et utile l’univers des jeux vidéo. Développés en même temps, ces deux films possèdent un point commun : Zak Penn, qui a scénarisé avec Ernest Cline Ready Player One, avant de se pencher sur Free Guy. Son travail sur Ready Player One semble avoir déteint en partie sur Free Guy.

Malgré les difficultés avec lesquelles est produit le projet, Free Guy rencontre un joli succès public et critique. Certains y voient un hommage aux jeux vidéo, dont les sagas Grand Theft Auto et Fortnite principalement. D’autres y piochent des débats philosophiques ou des critiques acerbes du cinéma des grands studios hollywoodiens. Dans tous les cas, le film se révèle être un très bon divertissement, porté par deux acteurs principaux se faisant clairement plaisir et un humour qui, sans être lourd, joue à merveille son rôle. Un très bon moment à partager.

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