Zootopie+

Zootopie+ est une nouvelle série autour de l'univers du film d'animation Zootopie. Dans le même style et la même technique que le long-métrage, elle propose de mettre en avant certains personnages secondaires dans des aventures se déroulant en parallèle du film.

Lorsqu'il imagine son prochain projet après Raiponce, Byron Howard prend vite conscience qu'il veut rendre un hommage moderne aux films d'animaux parlants anthropomorphes, chers à Walt Disney lui-même, à l’exemple de La Mare aux Grenouilles, extrait du film Le Crapaud et le Maître d'École, ou encore de Robin des Bois. Il commence à structurer son envie pour mieux présenter l'idée à John Lasseter, alors responsable de l'animation Disney et Pixar, qui est immédiatement conquis. Ce dernier fixe toutefois un cap clair au réalisateur : il veut un film d'animaux jamais vu auparavant. Quelque chose de vraiment inédit ! Byron Howard accepte le pari et investigue plus encore sur la conception qu’il veut se faire de la ville de Zootopie. Il décide ainsi de s’éloigner, en postulat de départ, des deux concepts qui prédominent dans tous les films anthropomorphes : la ville ne sera ni la copie d'un environnement humain, ni celle de leur habitat naturel. Il épouse en fait le projet de créer une ville conçue par des animaux, pour des animaux, totalement moderne et dans l'air du temps.

Et l’idée fonctionne à merveille. Le charme et la réussite du film doivent en effet énormément à cette fameuse ville de Zootopie, capitale du royaume des animaux, mégapole où tout est possible pour celui qui a des rêves plein la tête. Comme toute cité, Zootopie est composée de plusieurs quartiers. Elle est ainsi divisée en plusieurs zones selon le climat d'habitation de ses occupants. Il y a, par exemple, Sahara Square pour le désert, Tundra Town pour les régions glacées ou Rainforest District pour les forêts tropicales. Pour un membre de la campagne arrivant par exemple de The Burrows, le quartier des lapins, tout Zootopie lui apparait gigantesque. Chose intéressante, l'échelle a un rôle très important dans l'habitat car il existe de petits animaux comme des gigantesques. Dans les précédents films d'animation anthropomorphes, la plupart des animaux avaient en effet tendance à tous avoir la même taille. Dans Zootopie, ce n'est absolument pas le cas. De nombreuses trouvailles visuelles parviennent, il est vrai, à faire cohabiter des souris et des éléphants dans le même système de transport ou dans les restaurants. Énormément de recherches ont d’ailleurs été menées pour rendre cet environnement crédible avec, par exemple, une séparation des quartiers par des grands murs qui ne sont que des climatiseurs géants renvoyant du chaud d'un côté pour le désert, du froid de l'autre pour la région de la toundra et dont la condensation entre les deux crée l'humidité pour la zone tropicale.

S’il y a un film que les analystes financiers n’attendaient pas, c’est bien Zootopie. Il s’agit, en effet, d’un long-métrage original, non basé sur une franchise, et qui sort, en plus, le 4 mars 2016, une date à l'époque peu propice aux grands succès pour les films d’animation. Les succès précédents des studios depuis Raiponce, en passant par Les Mondes de Ralph, La Reine des Neiges ou Les Nouveaux Héros, ont rendu ses lettres de noblesses au label historique de Disney. Zootopie confirme cette bonne vague, son bilan allant au-delà des espérances. Drôle, techniquement irréprochable avec un scénario béton, des personnages ultra-attachants et un message politico-sociologique sous-jacent, le film est littéralement plébiscité par le public comme par la critique. Le fait de le sortir en Europe avant sa sortie américaine permet, en outre, de lui construire un bouche-à-oreille d’une puissance incroyable. C’est simple, le film a cartonné partout ! Aux États-Unis, il a rapporté 340 millions de dollars, en Chine 235 ; le tout pour un total de plus de 1,016 milliard de dollars. C’est alors la quatrième fois qu’un film d’animation dépasse ce seuil après Toy Story 3 (1 063 M$), La Reine des Neiges (1 276 M$) et Les Minions (1 159 M$). Et c’est, toujours à l'époque, le deuxième long-métrage après Avatar à être une œuvre purement originale dépassant ce palier ; preuve, s'il en était encore besoin, de son incroyable succès !

L'idée originale de la série Zootopie+ vient de Trent Correy. L'artiste commence sa carrière en qualité de storyboarder, soit en freelance, soit chez des petits studios, avant d'intégrer les Walt Disney Animation Studios en 2012 au poste d'animateur. Il travaille alors sur les films La Reine des Neiges, Les Nouveaux Héros, Zootopie, Vaiana, la Légende du Bout du Monde, Ralph 2.0 et Raya et le Dernier Dragon ainsi que sur le court-métrage La Reine des Neiges : Une Fête Givrée. Avec La Reine des Neiges II, il monte en grade et devient superviseur de l'animation. Puis le programme Short Circuit pour Disney+ lui permet d'obtenir le poste de réalisateur sur le court-métrage Goutte de Pluie suivi par la suite par le court-métrage Les Aventures d'Olaf, la mini-série Zootopie+ et le court-métrage Il Était une Fois un Studio.
Il est secondé à la réalisation par Josie Trinidad. Elle rentre au sein des Walt Disney Animation Studios au département histoire dans la seconde moitié des années 2000. Elle travaille sur les courts-métrages Comment Brancher son Home Cinéma et La Ballade de Nessie mais aussi sur les longs-métrages La Princesse et la Grenouille, Raiponce, Les Mondes de Ralph, Zootopie, Ralph 2.0, La Reine des Neiges II et Raya et le Dernier Dragon. Zootopie+ marque sa première incursion au poste de réalisatrice.

Trent Correy présente l'idée de la série en décembre 2020 à Jennifer Lee, la responsable créative des Walt Disney Animation Studios. Parmi les trois projets potentiels à destination de la plateforme Disney+ ébauchés lors de cette présentation, Zootopie+ est celui qui est finalement choisi. L'intérêt du réalisateur vient du fait qu'il adore l'univers et les personnages du film et qu'il souhaite donc les explorer davantage et les approfondir. La série est ainsi écrite selon un postulat simple s'inspirant beaucoup du principe scénaristique du cartoon Les Aventures d'Olaf. Les évènements se passent en parallèle de la trame globale du film, dans l'ordre chronologique, tandis que chaque épisode se concentre sur un ou plusieurs personnages secondaires. De plus, l'ordre des épisodes coïncide avec celui des scènes du long-métrage dont ils découlent. Autre caractéristique, chaque épisode offre un genre cinématographique ou télévisuel différent permettant de les différencier. Ils s'amusent ainsi à parodier certains types de films ou d'émissions populaires.

Le premier épisode, Tout le Monde à Bord, se déroule en parallèle du voyage en train de Judy Hopps qui la voit partir vers une nouvelle vie dans la ville de Zootopie. Dans le long-métrage, la scène était pleine d'espoir et d'émerveillement alors que les spectateurs découvraient les différents quartiers de la métropole animale, le tout rythmé par la chanson entraînante Try Everything interprétée par Shakira. L'épisode prend donc le contre-pied de cette ambiance en proposant une aventure pleine d'actions burlesques façon buddy movie, même si le duo est ici composé d'un couple marié. Bonnie et Stu Hopps, les parents de Judy, essayent en effet de retrouver leur petite fille, Molly, qui a décidé de suivre sa grande sœur. L'entame de la série laisse ainsi une impression étrange. Si l'épisode est plutôt fun et frénétique tout en offrant une relecture amusante d'une scène iconique du film, son visionnage gêne le spectateur car beaucoup de petits détails contredisent le long-métrage à commencer par le trajet en train. Dans le but que la voiture de Bonnie et Stu soit toujours à proximité du transport en commun qu'ils poursuivent, le parcours du train a en effet été simplifié par rapport au film, enlevant ce qui faisait sa singularité et l'émerveillement qu'il procurait. De plus, cette fougueuse poursuite pour sauver leur fille ne colle pas avec la personnalité du couple qui a toujours cherché la sécurité et qui ici prend des risques inconsidérés. Au final, le spectateur passe certes un bon moment devant cette petite aventure mais ne peut s'empêcher de penser que tout ne s'emboîte pas très bien avec le film d'origine malgré les caméos de Gideon Grey, Yax, Finnick et Nick Wilde. Un démarrage décevant donc...

Le deuxième épisode, Les Vrais Rongeurs de Little Rodentia, est bien moins entremêlé avec le film et s'insère donc bien mieux, mise à part une petite incohérence dans la dernière scène. L'épisode est particulièrement amusant car il parodie les émissions de télé-réalité à l'image de celle diffusée sur Hulu, Les Kardashian. Entre fausses interviews et vraies confidences devant la caméra, les codes du genre sont parfaitement respectés. Il est ainsi amusant de voir la cousine de Fru Fru s'imposer en tant que demoiselle d'honneur sans que la future mariée n'arrive à orienter les décisions de son mariage. La cousine est interventionniste à l'excès, énervant particulièrement Fru Fru. Pourtant, au-delà de l'aspect comique, l'épisode arrive à également distiller un peu d'émotion en approfondissant la relation entre les deux musaraignes, notamment en plongeant dans leurs enfances. La scène commune avec le film a lieu lorsque Fru Fru sort de la boutique Mousy's les bras remplis de paquets. Elle est sur le point de se faire écraser par un donut géant avant d'être heureusement sauvée par Judy qui en profite pour la complimenter sur sa coiffure. L'épisode continue ensuite en proposant une bande-annonce du prochain épisode de l'émission de Fru Fru. Ce teaser se déroule durant le repas de noce. C'est à ce moment-là qu'une incohérence a lieu. Le bouquet nuptial que Fru Fru envoie à ses amies est composé de fleurs, connues sous le nom de « hurleurs nocturnes ». Les spectateurs qui ont vu le film savent que ce sont des crocus qui ont la propriété de rendre féroces les prédateurs qui les ingèrent. Ce qui est étrange ici, c'est que parmi les invités qui retournent à l'état bestial se trouvent des souris qui sont des proies plutôt que des prédateurs. Mais en plus de cette étrangeté, une facilité est aussi présente. Dans le film, le phénomène de régression bestiale se produit de façon spectaculaire lorsqu'un individu est touché par une balle remplie de sérum de fleur concentré alors qu'ici une simple inspiration du parfum du bouquet suffit. De plus, si un tel évènement au mariage de sa fille avait eu lieu, il aurait été étonnant de ne pas voir Mr. Big s'impliquer plus pour comprendre l'origine du phénomène, surtout après ce que Nick et Judy lui ont révélé durant la cérémonie.

Le troisième épisode, Duke, la Comédie Musicale, est, comme son titre l'indique, une parodie de comédie musicale. Pour l'occasion, une chanson originale, Big Time (De Grandes Choses en français), est composée par Michael Giacchino, Elysassa Samsel et Kate Anderson. Les spectateurs retrouvent Duke Weaselton, le petit malfrat que Judy a poursuivi dans Little Rodentia puis arrêté, qui vient de sortir du poste de police. Il se rend compte que tout le monde le prend pour un minable ou un raté. En volant le portefeuille d'une vieille dame qui marche avec un déambulateur, il se met alors à rêver, tout en chantant, à ce que pourrait être sa vie. Il est alors bien décidé à changer pour devenir quelqu'un d'important mais toujours en organisant des combines incroyables. L'épisode est plutôt amusant surtout que lui n'a aucune contradiction évidente avec le long-métrage. Ceci dit, la chanson n'a rien de transcendant comme l'histoire racontée qui n'est pas fatalement très drôle ni très amusante. Un bon moment vite oublié, en somme...

L'épisode suivant, Le Parrain de la Mariée, est sans conteste le meilleur de la série. Comme son titre le laisse supposer, il est une double parodie des films Le Parrain et Le Père de la Mariée. Le début se déroule lors du repas de mariage de Fru Fru et son père Mr. Big se met alors à raconter son passé, ceci afin de faire passer un message - en guise d'avertissement - à son gendre. Le récit de l'épisode s'inspire en réalité beaucoup de la suite du classique de Francis Ford Coppola, Le Parrain - 2e Partie, qui racontait via des flashbacks la vie de Vito Corleone. Ici, le parrain de Little Rodentia raconte comment durant le siècle dernier, lui et sa mère Gram-Mama, se sont installés à Zootopie et ont monté leur propre boulangerie. Les temps sont durs pour les nouveaux arrivants et il est difficile de se faire une place, mais avec courage, abnégation tout en sachant s'entourer de fidèles relations, ils arrivent à se faire respecter dans cette grande ville. Au fur et à mesure que sa fortune et son influence grandissent, il construit petit à petit le quartier de Little Rodentia qu'il dirige d'une main de fer. L'épisode est vraiment excellent car il retranscrit parfaitement l'univers du classique des années 1970 en le transposant dans celui de Zootopie. Qui plus est, il arrive à distiller, au-delà de la parodie, un zeste d'émotion rendant le personnage de Mr. Big vraiment attachant, notamment en expliquant comment son amitié avec Koslov est née.

Le cinquième épisode, Vous Croyez que Vous Savez Bouger ?, s'inspire lui des émissions de télé-réalité de concours comme America's Got Talent ou La France a un Incroyable Talent. Le buzzer vu dans l'épisode ressemble d'ailleurs beaucoup à celui du vrai programme américain. Le spectateur retrouve ici Benjamin Clawhauser qui trépigne d'envie de participer à l'émission afin de pouvoir montrer ses talents de danseurs à son idole, la chanteuse Gazelle. Néanmoins, pour participer, il doit trouver un partenaire. Il fait alors croire au Chef Bogo qu'une urgence a lieu sur le plateau de l'émission et compte bien le convaincre de monter sur scène avec lui. D'un point de vue cohérence avec le film, l'épisode s'intègre parfaitement puisque la majorité du récit... est un rêve de Clawhauser alors qu'il dort lors de son service de concierge au poste de police. L'histoire est ici vraiment amusante surtout qu'elle se base sur la scène du film, reprise à la fin de l'épisode, où Clawhauser se rend compte que le Chef Bogo est également fan de Gazelle, ayant la même application téléphonique de danse que lui. Il sera aussi particulièrement apprécié les tenues de spectacle du Chef Bogo.

Le dernier épisode, Service Express, se démarque un peu des autres. C'est en effet le seul à ne pas être directement une parodie d'un genre cinématographique ou télévisuel. Il ne fait que s'amuser de l'extrême lenteur du personnage secondaire Flash Slothmore. Ce dernier a fait rire la terre entière en parodiant les services administratifs qui semblent, partout sur le globe, souffrir d'une réputation d’inefficacité auprès des usagers. Ici, il amène Priscilla Tripletoe au restaurant dans l'intention de lui demander sa main. L'autre différence de l'épisode vient du fait que le personnage principal de l'épisode ne vient pas du film mais a été créé spécialement pour l'occasion. Sam est ainsi une serveuse loutre qui veut partir tôt en son jour d'anniversaire pour arriver à temps au concert de Gazelle qu'elle s'est offert. Tout se déroule pour le mieux jusqu'à ce que le couple de paresseux arrive. Non seulement la ralentissent-elle sur son planning mais en plus, ils l'empêchent de pouvoir s'occuper des autres clients correctement. L'épisode s'avère clairement amusant même si la lenteur de Flash et de Priscilla est moins hilarante que dans le long-métrage. Le récit s'insère par contre parfaitement puisqu'il s'agit d'expliquer pourquoi et comment Flash se retrouve pris en excès de vitesse avec sa voiture par Nick et Judy à la fin du film. Sinon, parmi les clins d'œil de l'épisode, il peut être aussi noté la présence de Bucky et Pronk Oryx-Antlerson, le premier couple marié gay des Walt Disney Animation Studios, qui prennent un repas dans l'établissement de Sam et sont toujours autant en train de se disputer.

À la différence de Baymax !, qui était une vraie série proposant un fil rouge qui se révélait lors des deux derniers épisodes, Zootopie+ est plus proche de la collection de courts-métrages, comme une série d'anthologie ayant pour thématique d'être des aventures parallèles au long-métrage d'origine. Le seul fil rouge est en réalité de se dérouler de façon chronologique par rapport aux évènements du film. Cet état de fait explique que la série est certes agréable à regarder, certains épisodes étant plus réussis que d'autres, mais sans être fatalement transcendante pour autant. La plupart des récits n'arrive en fait pas à transmettre une grande émotion au-delà de la parodie - exception faite du quatrième épisode Le Parrain de la Mariée - pour rester gravé dans les mémoires des spectateurs après leur visionnage. Il faut en revanche saluer l'aspect visuel et technique de Zootopie+ qui est vraiment de la même qualité que le film de 2016, ce qui en fait un régal pour les yeux. Autre souci du détail, pour différencier le songe ou le passé du présent, le format d'image change parfois en cours d'épisode, passant du format 16/9 à 1.85:1 au format scope à 2.39:1.

Zootopie+ est une série sympathique à défaut d'être impactante ou mémorable. Les spectateurs, notamment les fans du film d'origine, sont néanmoins sûrs de passer un bon moment à condition de pardonner une ou deux incohérences qui se glissent de-ci de-là.