Irving Ludwig

Irving Ludwig
Date de naissance :
Le 03 novembre 1910
Lieu de Naissance :
Loutsk, dans l’Empire de Russie (actuelle Ukraine)
Date de Décès :
Le 26 novembre 2005
Lieu de Décès :
Santa Monica, en Californie, aux États-Unis
Nationalité :
Américaine
Profession :
Dirigeant

La biographie

rédigée par Karl Derisson
Publié le 29 février 2024

En 1953, les studios Disney font le choix de l’indépendance en créant Buena Vista Pictures Distribution, Inc. afin de distribuer en interne les productions maison. Pour diriger cette nouvelle filiale, Walt Disney et surtout son frère Roy décident d’accorder toute leur confiance à l’un de leurs employés les plus dévoués, Irving Ludwig.

Irving Ludwig voit le jour le 3 novembre 1910 à Loutsk, à l’extrême ouest de l’Empire de Russie (actuelle Ukraine). Alors que la dictature du prolétariat et son chef, Lénine, s’installent durablement au pouvoir suite aux Révolutions de 1917, sa famille et lui émigrent vers les États-Unis. Ludwig n’a que dix ans. C’est ainsi à Brooklyn qu’il passe son adolescence. Après le lycée, le jeune homme décide de poursuivre ses études à l’université de New York où il suit un cursus en publicité et marketing.


Rivoli Theatre, Broadway (1940)

En 1929, Irving Ludwig entre dans l’industrie du divertissement par la petite porte en obtenant un emploi d’ouvreur à mi-temps au Rivoli Theatre, l'un des cinémas appartenant au réseau des studios United Artists. Inauguré en 1917 à l’angle de Broadway et de la 49e Rue, il s’agit à l’époque de l’une des salles de spectacle les plus renommées de la Grosse Pomme. Chargé de tenir la caisse et de placer les spectateurs, Ludwig parvient bientôt à se faire remarquer par le propriétaire des lieux à qui il suggère d’ajouter soixante-deux sièges supplémentaires en lieu et place de l’orchestre devenu obsolète avec l’avènement du cinéma parlant. Grâce à sa trouvaille, il est rapidement promu gestionnaire et directeur de la salle pour les réseaux appartenant à Paramount-Publix et United Artists. En 1939, Irving Ludwig est débauché par la concurrence qui lui offre la direction d’une autre salle prestigieuse, la 8th Street Playhouse ouverte dix ans plus tôt. En 1940, il change une nouvelle fois d’enseigne et participe à l’inauguration du Greenwich Village Art Theatre, le tout premier cinéma de New York exclusivement consacré à la projection de films étrangers.


8th Street Playhouse (c. 1940)

Au gré de ses expériences professionnelles, Irving Ludwig parvient à faire la connaissance de diverses personnalités notoires dans le domaine du cinéma. Parmi elles, Hal Horne, le chef de la publicité d’United Artists qui en vient un jour à lui parler de Disney. Horne est en effet un très bon ami de Walt et Roy. Les trois hommes se sont rencontrés en 1932, à l’époque où United Artists distribuait en salle les Silly Symphonies et tous les courts-métrages de Mickey Mouse et ses amis. Devenu dès 1935 le directeur de sa propre agence de publicité, Hal Horne, Inc., celui-ci a toujours gardé un contact amical avec les frères Disney qui lui ont confié la même année la publication du Mickey Mouse Magazine. Au cours de ses différentes discussions avec Irving Ludwig, Hal Horne évoque la vie et les projets en cours aux studios. Durant l’été 1940, la grande affaire du moment est notamment la sortie imminente de Fantasia. Particulièrement innovant, aussi bien d’un point vu artistique que technologique, le long-métrage se présente d’ores et déjà sous la forme d’un film d’un nouveau genre qui, au fil des années et au gré des salles, sera amené à évoluer avec l’ajout progressif de séquences inédites destinées à remplacer les segments initiaux, eux-mêmes possiblement projetés dans un ordre aléatoire.


Broadway Theatre, New York (13 novembre 1940)

Afin de mener à bien la diffusion de Fantasia et offrir aux spectateurs une expérience allant au-delà d’une simple projection de film, les studios Disney ont pris la décision de se passer des services de RKO, leur distributeur depuis 1937. Lorsqu’il s’agit d’une production prestigieuse, il n’est en effet pas rare à Hollywood que les producteurs se chargent eux-mêmes de la sortie. Surtout, RKO a très tôt manifesté son manque d’enthousiasme à l’idée de se charger d’une œuvre aussi singulière. Seuls aux commandes, les frères Disney se sont par conséquent lancés à la recherche des meilleurs publicitaires de la profession afin de profiter de leur expertise et offrir à Fantasia la meilleure exposition possible. C’est ainsi que par l’entremise d’Hal Horne, Irving Ludwig est lui-même mis dans la boucle. Sa tâche est alors ardue. Son travail consiste à organiser la sortie de Fantasia dans les plus belles salles du pays qui, pour certaines, nécessitent d’être totalement réaménagées afin d’accueillir le système de son stéréophonique Fantasound.


Geary Theater, San Francisco (1941)

Galvanisé par la mission qui lui est confiée, Irving Ludwig participe en particulier à l’organisation de la grande première du film prévue le 13 novembre 1940 au Broadway Theatre de New York. Pour l’occasion, la salle est spécialement équipée avec quatre-vingt-dix enceintes. Des ouvreurs et des ouvreuses sont par ailleurs engagés pour accueillir les spectateurs et, comme dans une vraie salle de spectacle, les conduire jusqu’à leur siège qu’ils ont dû réserver en amont. Un programme spécial est également imprimé. Dans les semaines suivantes, Fantasia investit le Carthay Circle Theatre de Los Angeles. Le film passe aussi par le Majestic Theatre de Boston, l’Apollo Theatre de Chicago, le Fulton Theatre de Pittsburgh, l’Hanna Theatre de Cleveland… En plus de Philadelphie, Détroit, Buffalo, Minneapolis, Washington et Baltimore, Irving Ludwig réserve également le Geary Theater de San Francisco où il se charge en personne de préparer l’installation des enceintes, mais aussi les lumières et même le rideau qui, comme au théâtre, s’ouvre et se ferme au début et à la fin de chaque séquence. Assistant à la première de San Francisco le 10 mars 1941, Walt Disney est lui-même impressionné par le travail accompli. « Nice Show ! », lance-t-il à Ludwig qui ne boude pas son plaisir.


Walt et Lillian Disney, Ted Malone, Robert Miller et son épouse,
Première de Fantasia au Geary Theater de San Francisco (10 mars 1941)

Si la distribution de Fantasia est un travail d'orfèvre particulièrement galvanisant et palpitant, il n’en demeure pas moins une cruelle désillusion, autant pour Irving Ludwig que pour les frères Disney. L’installation du Fantasound a en effet tôt fait de ruiner toute chance de rentrer dans les frais. Divisant la critique, le long-métrage peine par ailleurs à attirer le public. Déçu, Walt décide de limiter la casse en arrêtant net les projections aussi innovantes que coûteuses. Fantasia est dès lors rétrocédé à RKO qui se charge de poursuivre l’exploitation. Le film est alors bradé comme un vulgaire film de série-B au sein d’un double-programme incluant le western La Vallée du Soleil de George Marshall. Surtout, Fantasia est massacré en se voyant retirer sa bande sonore stéréophonique en plus de l’amputation de dix-huit minutes d’animation et de présentation…

L’expérience disneyenne d’Irving Ludwig a coupé court. Alors que la Seconde Guerre mondiale emporte à leur tour les États-Unis suite à l’attaque de Pearl Harbor, il retrouve sa place de directeur de cinéma au sein de la Skouras Theatre Corporation. Il rejoint ensuite la société Rugoff and Becker en 1942 en tant que superviseur des opérations et responsable des achats. Alors que la guerre s’achève, c’est une nouvelle fois grâce à Fantasia que le lien se retisse avec les studios Disney. En décembre 1945, Ludwig est en effet rappelé par Roy qui souhaite ressortir le concert filmé au cinéma. Ayant été impliqué dans l’organisation de la première diffusion du film, il semble être la personne la plus apte pour se livrer à ce travail. Irving Ludwig est alors chargé d’examiner le marché et de trouver les villes et les salles où le long-métrage a le plus de chance d’attirer un large public.

Satisfait du travail accompli, Roy Disney propose bientôt à Irving Ludwig d’intégrer les studios et de rejoindre le département chargé des ventes. Il est placé sous la direction de William B. (Bill) Levy, le directeur des ventes à l’international, et de Leo F. Samuels, le directeur des ventes pour le marché intérieur. Aux côtés des responsables de la publicité de RKO, tous les trois s’occupent de valider les projections, les bandes annonces, les dossiers de presse et tout le matériel publicitaire. Si travailler pour Disney est exaltant, Ludwig comprend vite que la « marque » a considérablement souffert durant la Seconde Guerre mondiale. Pour l’heure, la distribution se limite aux films d’anthologie dans lesquels sont compilés des courts-métrages souvent déconnectés les uns des autres à l’image de La Boîte à Musique, Coquin de Printemps, Mélodie Cocktail ou Le Crapaud et le Maître d’École. Les longs-métrages d’un seul tenant semblent plus faciles à vendre, à l'image de Cendrillon, Alice au Pays des Merveilles ou Peter Pan. Ce n'est cependant pas toujours une mince affaire. La première de Mélodie du Sud au Fox Theater d'Atlanta, le 12 novembre 1946, est en particulier organisée sur fond de ségrégation raciale, empêchant de fait les acteurs afro-américains d'assister aux festivités. L’adaptation des contes de l’oncle Rémus trouve de plus difficilement preneur à New York. Irwing est alors obligé de se battre pour obtenir le haut de l’affiche au Palace Theater. Le problème se pose aussi quelques années plus tard, en 1950, au moment de sortir L’Île au Trésor dans les états du Vieux Sud qui jugent le film « trop anglais » et les dialogues « parfaitement incompréhensibles » !


Fox Theater, Atlanta (12 novembre 1946)

Basé à New York avec sa femme Helen et ses deux filles, Arlene et Jackie, Irving Ludwig apprend sur le tas à quel point diffuser une production cinématographique aux États-Unis est une chose compliquée. Le public est en effet loin d’être uniforme. Si les films Disney sont populaires dans le Midwest et sur la côte Ouest, ils sont plus délicats à afficher dans le Sud. Quant à New York, l’élite a parfois trop tendance à rejeter ce qu’elle considère comme du cinéma de seconde zone uniquement fait, selon elle, pour les enfants. Vendre les courts et les longs-métrages de Disney s’avère dès lors parfois être une véritable gageure, plus encore lorsque RKO, le distributeur, se charge lui-même de mettre des bâtons dans les roues…


Préparation de la campagne publicitaire pour la sortie d'Alice au Pays des Merveilles,
Kathryn Beaumont, Irving Ludwig, Bill Levy, Leo Samuels, Roy O. Disney et C. Levy

Associé aux studios Disney depuis 1937, RKO est en plein marasme à la fin des années 1940. En vente, l’entreprise est rachetée en 1948 par Howard Hughes. Désireux de devenir le « plus grand producteur et réalisateur de films au monde », le magnat est alors incapable de contenir le déclin de sa société qui, un temps, passe entre les mains de Ralph E. Stolkin, un sulfureux investisseur originaire de Chicago dont les liens avec la mafia semblent ténus. Alors que RKO n’est plus que l’ombre d’elle-même, les premières tensions émergent bientôt avec Roy Disney. Ce dernier ne supporte en effet pas la manière dont Hughes dirige son studio. La vie dissolue du milliardaire ne cesse de faire la une de la presse. Son habitude de convoquer ou d’appeler ses partenaires à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit l’incommode. Très tôt, Roy Disney partage ses inquiétudes à Irving Ludwig, Leo Samuels et Ned Clarke, le responsable de la distribution à l’étranger.

La tension avec RKO se cristallise finalement avec la sortie des documentaires de la collection des True-Life Adventures. En découvrant le montage final de L’Île aux Phoques, le distributeur annonce tout net qu’il refuse de sortir un moyen-métrage de trente minutes. RKO demande donc des coupes sévères afin que le film soit réduit à une seule et unique bobine. Walt et Roy refusent. Ce dernier demande à Ludwig de trouver à New York un cinéma qui acceptera de projeter le film en l’état. Le Loew's State Theatre accepte de jouer le jeu. Couplé avec Entrons dans la danse, la comédie musicale de Charles Walters avec Fred Astaire et Ginger Rogers, L’Île aux Phoques remporte un beau succès critique et public. La profession lui décerne même l'Oscar du Meilleur Court-Métrage sur deux bobines. Montrant aux dirigeants de RKO à quel point ils ont eu tort de mépriser le documentaire et son format singulier, Roy songe déjà à s’émanciper. La rupture est finalement consommée en 1953. Une nouvelle fois, RKO refuse de sortir Le Désert Vivant, le premier long-métrage de la collection des True-Life Adventures. Lassé, Roy Disney convoque ses équipes afin de leur annoncer que les studios se chargeront désormais seuls de distribuer leurs œuvres. RKO est mis sur la touche, continuant de fait sa descente aux Enfers. Avec Irving Ludwig et Leo Samuels, Roy met sur pied une toute nouvelle filiale baptisée Buena Vista Pictures Distribution, Inc., un nom emprunté à Buena Vista Street, l’une des artères de Burbank le long de laquelle les studios Disney sont installés. Irving Ludwig est nommé vice-président en charge du marché intérieur. Remplacé par Ned Clarke à la gestion des ventes à l’international, Leo Samuels est quant à lui promu président après le départ de Bill Levy, licencié par Roy qui ne supporte plus son comportement autoritaire vis-à-vis de ses équipes.

À la tête de Buena Vista que Walt surnomme avec tendresse « My big brother Roy’s project » - « Le projet de mon grand-frère Roy » - Irving Ludwig s’occupe de distribuer Le Désert Vivant. Présenté le 9 novembre 1953 au Sutton Theater de New York en compagnie des courts-métrages Les Instruments de Musique et Franklin et Moi, le film remporte un immense succès. Présenté ensuite dans d’autres grandes métropoles telles que San Francisco, Los Angeles et Minneapolis, Le Désert Vivant s’offre même le luxe de remporter quelques semaines plus tard l’Oscar du Meilleur Documentaire ! La collection des True-Life Adventures est immédiatement complétée avec d’autres opus qui, à leur tour, transforment l’essai à l’instar de La Grande Prairie, Lions d’Afrique, Les Secrets de la Vie, Le Grand Désert Blanc

Avec l’équipe dirigeante de Buena Vista, Irving Ludwig quitte bientôt les locaux de RKO pour s’installer dans les nouveaux bureaux ouverts par Disney au 447 Madison Avenue. Recevant les visites régulières de Roy et Edna, il s’occupe notamment d’organiser les conventions nationales durant lesquelles les exploitants de salles sont invités à découvrir les futures productions maisons. Il continue en outre de chapeauter la sortie des différentes productions maison. Si certaines sont faciles à vendre, comme 20 000 Lieues Sous les Mers ou La Belle et le Clochard, d’autres en revanche lui donnent du fil à retordre. La Belle au Bois Dormant est, entre autres, une sortie particulièrement complexe à organiser tant les enjeux sont grands au vu de l’investissement colossal mis sur la table durant sa réalisation. Dès 1956, Irving Ludwig prend par ailleurs en charge la distribution aux États-Unis de productions étrangères telles que L’Impératrice Yang-Kwei-Fei, Si Tous les Gars du Monde, The Missouri Traveler, Les Jeunes Années d’une Reine, Les Feux du Théâtre, Le Fier Rebelle et Simon le Pêcheur. Si Walt n’aime pas du tout cette idée consistant à vendre les films de la concurrence, cette activité a au moins le mérite de faire rentrer de l’argent facilement dans les caisses. Même si le succès est rarement au rendez-vous, elle permet au passage d’assoir un peu plus la notoriété de la filiale Buena Vista que les professionnels avaient au départ du mal à prendre au sérieux.

En 1959, Irving Ludwig succède à Leo Samuels à la tête de Buena Vista Pictures Distribution, Inc.. Sous sa direction, vingt bureaux régionaux sont ouverts dans les plus grandes métropoles du pays, Los Angeles, New York, Chicago… En 1961, la société change de nom pour devenir Buena Vista Distribution, Co.. La même année, Buena Vista International est à son tour mise sur pied. Présidée par Ned Clarke, son rôle est d'organiser en interne de la sortie des films Disney à l’étranger. Pour occuper les devantures de cinémas et avoir toujours une production Disney en haut de l’affiche, Ludwig élabore un plan consistant à alterner entre les nouveautés et la ressortie d’anciens classiques. Pinocchio et La Belle et le Clochard reviennent ainsi notamment en salle en 1962, suivis par Cendrillon (1965), Bambi (1966), Peter Pan (1969), Les 101 Dalmatiens (1969), La Belle au Bois Dormant (1970)… En 1963 puis 1969, c’est au tour de Fantasia d’être reproposé. Avec surprise, Ludwig constate à quel point le film performe au box-office quand les sorties précédentes avaient à leur époque été décevantes. Poussant les portes du Carnegie Theater sur la 57e Rue afin de voir comme le public réagit au film, il est rapidement surpris par une terrible odeur de marijuana. Il découvert alors stupéfait que la jeune génération, imprégnée par les idées du mouvement hippie, s’est totalement accaparé le long-métrage ! Au moment de sa ressortie en 1974, Alice au Pays des Merveilles connaîtra le même destin insolite.

Au début des années 1960, la marque Disney est devenue aussi reconnue que lucrative. Lors de leur projection initiale, en 1959 et 1961, Quelle Vie de Chien !, La Fiancée de Papa, Monte là-d'ssus et Les 101 Dalmatiens deviennent en particulier de véritables triomphes. D’autres films connaissent toutefois des sorties plus compliquées. Irving Ludwig a ainsi le plus grand mal à vendre Pollyanna aux exploitants de salle qui le considèrent comme une mauvaise comédie beaucoup trop larmoyante. Pour finir de les convaincre du potentiel de ce film brillamment porté par Hayley Mills, il doit déployer des trésors d'ingéniosité et organise lui-même des projections tests auxquelles sont invités des écoliers, des paroissiens, des chauffeurs de taxi et des centaines d’autres spectateurs qui seront ensuite en mesure d’en parler autour d’eux. L’expérience est marquée par un certain succès, même si Pollyanna ne parvient néanmoins pas à atteindre les objectifs escomptés avec des recettes estimées autour de 3,75 millions de dollars pour un budget d’environ 2,5 millions de dollars. Déployant à chaque fois des efforts immenses pour mettre chaque production en valeur, Irving Ludwig n’est pas sans connaître quelques cruelles déconvenues. Le Grand Retour avec Robert Taylor est notamment un cuisant échec critique et public.


Irving Ludwig (4e à partir de la gauche), Roy Disney et les équipes de Buena Vista

L’un des sommets de la carrière d’Irving Ludwig reste sans conteste la sortie de Mary Poppins. Celui-ci fait alors le pari osé de sortir le film à la fin du mois d’août 1964. Tout le monde s’accorde pourtant pour dire que distribuer un long-métrage de cette envergure à la fin des congés d’été est la pire des idées. Walt Disney est lui-même dubitatif. Ludwig s’obstine malgré tout. Une grande première est organisée au Grauman’s Chinese Theatre d’Hollywood le 27 août 1964 en présence de Walt, accompagné pour le soutenir par son épouse Lillian. Le Tout-Hollywood est également là, tout comme une partie du casting, en particulier Julie Andrews, Dick Van Dyke et Ed Wynn. Bien qu’oubliée – volontairement ou non – au moment de l’envoi des invitations, Pamela Travers, l’auteure du roman original, a elle-même fait le déplacement depuis Londres. C’est la première fois que les studios Disney organisent une telle soirée depuis la sortie de Blanche Neige et les Sept Nains vingt-sept ans plus tôt. Et c’est un véritable triomphe. Proposé deux jours plus tard dans un nombre limité de salles, Mary Poppins remporte l’adhésion des critiques et du public. Le bouche à oreille aidant, le long-métrage reste à l’affiche pendant des semaines et rapporte plus de 45 millions de dollars dans le monde entier. La profession n’est elle-même pas en reste au moment de décerner au film ses cinq Oscars dont celui de la Meilleure Actrice pour Julie Andrews et de la Meilleure Musique pour les frères Sherman.


Dick Van Dyke, Walt Disney et Julie Andrews
Première de Mary Poppins au Gauman's Chinese Theatre
(27 août 1964)

Irving Ludwig connaît d’autres sorties heureuses dans les années suivantes, notamment celle de L’Espion aux Pattes de Velour de Robert Stevenson avec Hayley Mills et Dean Jones. Pour assurer la promotion du film, Walt Disney affrète tout spécialement l’avion privé des studios pour accompagner Ludwig, Jones et Card Walker dans une grande tournée à travers les États-Unis. Ces belles années sont toutefois brutalement stoppées par la mort de Walt survenue le 15 décembre 1966. Roy prend alors la relève afin de maintenir le navire à flot jusqu’à son propre décès en 1971.

Après la disparition des deux fondateurs des studios, Irving Ludwig et ses équipes font le choix de quitter New York et de rapatrier leurs bureaux sur la côte Ouest. Les locaux de Burbank étant trop étroits, tous sont installés à cinq minutes de là, à Glendale, dans un ancien hangar pour avions réaménagé. C’est là que Ludwig poursuit sa carrière en prenant sous son aile une nouvelle génération de cadres parmi lesquels sa fille Arlene, publicitaire chez Buena Vista, ou bien Dick Cook, le responsable des sorties cinématographiques hors cinéma engagé en 1977. Amené à devenir le président des Walt Disney Studios, ce dernier remplace Ludwig à son poste de président de Buena Vista au moment de son départ à la retraite en octobre 1980.

Marqué par le décès de son épouse Helen en 1993, Irving Ludwig continue de conseiller dans l’ombre la nouvelle direction des studios qui, le 20 octobre de la même année, lui décerne un Disney Legends Award pour sa contribution exceptionnelle au succès de l’entreprise. Il décède douze ans plus tard, le samedi 26 novembre 2005. Il avait quatre-vingt-quinze ans.

« D’aussi loin que je me souvienne, Irving incarne une part importante au sein de la famille des studios Disney », déclare Roy E. Disney au moment de l’annonce du décès, « Il fut la clé du succès de nombreux films Disney. Son travail sur des films tels que Fantasia et Mary Poppins mérite aujourd’hui encore d’être étudié et appris. C’était un homme attentionné et dynamique, passionnément dévoué aux studios et au divertissement familial de qualité. Son travail ici, à Disney, est légendaire et il continue de nous inspirer aujourd’hui.

« Irving était un géant de notre industrie et une source d’inspiration pour tous ceux qui ont eu l’honneur de travailler à ses côtés », ajoute Dick Cook, « Il faisait preuve d’une grande intégrité, d’une passion et d’un engagement formidables envers les films qu’il distribuait, et il encourageait toujours ses équipes à être créatives et innovante à chaque instant. Irving Ludwig était un homme d’affaires passionné, un grand showman et une force majeure dans l’évolution de notre industrie. Il était également un grand ami et un mentor qui a aidé à former de nombreux cadres actuels. Je lui suis profondément redevable. Sa sagesse et ses conseils me manqueront beaucoup ».

Irving Ludwig est enterré au Mount Sinai Hollywood Hills Memorial Park de Los Angeles.

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